09/03/2023
ARRÊT N° 165/2023
N° RG 21/01419 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OCCP
OS/MB
Décision déférée du 10 Février 2021 - Tribunal de Grande Instance de FOIX - 18/00515
M. [X]
S.A. MMA IARD
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
Association LA CROIX ROUGE FRANCAISE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTES
S.A. MMA IARD Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
S.A. AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Nicolas JONQUET de la SCP SVA, avocat plaidant au barreau de NIMES
Association LA CROIX ROUGE FRANCAISE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Nicolas JONQUET de la SCP SVA, avocat plaidant au barreau de NIMES
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
FAITS
L'O.P.H. de l'Ariège a donné à bail à l'association La Croix Rouge Française une maison relais située [Adresse 2] à [Localité 8] (09) suivant convention de location du 23 novembre 2011. L'O.P.H a fait construire ce bâtiment dont les travaux ont été réceptionnés en 2013.
L'O.P.H. de l'Ariège a souscrit un contrat d'assurance Multirisques dommages aux biens en qualité de propriétaire non occupant auprès de la SA MMA Iard et de la société MMA assurance Mutuelles, à effet du 1er février 2014.
L'association La Croix Rouge Française a souscrit, en sa qualité de locataire, un contrat d'assurance auprès d'AXA France Iard.
Dans la nuit du 4 septembre 2014, un incendie criminel a été déclenché au niveau d'un véhicule appartenant à l'association, stationné au sein de l'immeuble, puis s'est propagé à un autre véhicule et au bâtiment objet du bail dans lequel trois personnes sont décédées.
Des procès-verbaux contradictoires de constatations relatives aux circonstances et dommages du sinistre ont été réalisés par les parties.
La SA MMA Iard et la société MMA assurances Mutuelles ont accepté de prendre en charge le préjudice de l'O.P.H. de l'Ariège,déduction faite de la franchise de 300 € :
- à hauteur de la somme de 665 658 €
- à hauteur de 135 088 €, sur présentation des factures.
La SA AXA France Iard, pour s'opposer aux recours des sociétés MMA, a invoqué la force majeure.
PROCEDURE
Par actes en date des 2 et 3 mai 2018, la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles ont fait assigner la SA AXA France Iard et l'association La Croix Rouge Française devant le Tribunal de grande Instance de Foix, pour obtenir, essentiellement, sur le fondement de l'article 1733 du code civil et de l'article 121-12 du code des assurances, leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 665 658€ avec intérêts à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2016 et capitalisation.
Par jugement en date du 10 février 2021, le tribunal judiciaire de Foix a :
- débouté les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande principale en paiement,
-débouté l'association La Croix Rouge Française et la SA AXA France Iard de leur demande reconventionnelle en paiement au profit de l'association La Croix Rouge Française,
- débouté l'association la Croix Rouge Française et la SA Axa France Iard de leur demande reconventionnelle en paiement au profit de la SA Axa France Iard,
- condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à verser à l'association la Croix Rouge Française et à la SA Axa France Iard la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les sociétés MMA Iard et MMA Lard Assurances Mutuelles à supporter la charge des entiers dépens de l'instance.
Le tribunal a retenu pour l'essentiel que l'incendie criminel revêtait le caractère de force majeure pour le preneur et a débouté les MMA subrogées dans les droits de son assuré de leur recours. Il a également débouté la SA Axa et l'association La Croix Rouge Française de leur demande d'indemnisation sur le fondement des articles 1721 et 1719 du code civil.
*
Par déclaration en date du 26 mars 2021, la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- débouté les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande principale en paiement,
- condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à verser à l'association La Croix Rouge Française et à la SA Axa France Iard la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les sociétés MMA Iard et MMA Lard Assurances Mutuelles à supporter la charge des entiers dépens de l'instance.
*
Par conclusions du 6 janvier 2022 la SA Axa France Iard et l'association La Croix Rouge Française sollicitaient le sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une autre instance qu'elles ont diligentée par acte du 13 juilllet 2020 envers leur bailleur pour voir engager sa responsabilité en raison de l'existence d'un vice de construction ou d'un défaut de délivrance ou d'entretien à l'origine de l'étendue du sinistre.
Par ordonnance en date du 16 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état a :
- déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer présentée par la SA AXA France lard et l'association La Croix Rouge Française,
- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de la cour statuant en formation collégiale à l'audience du 28 septembre 2022 à 14h00 avec clôture des débats au 12 septembre 2022.
- réservé les dépens et demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, avec l'instance au fond.
*
Par jugement du 30 mars 2022, le tribunal judiciaire de Foix a débouté la SA Axa France Iard et l'association La Croix Rouge Française de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de l'O.P.H. de l'Ariège au visa des dispositions de l'article 1721 du code civil et subsidiairement de l'article 1719 du même code.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles,(les MMA) dans leurs dernières écritures en date du 26 août 2022, demandent à la cour au visa des articles 1733 du code civil et 121-12 du code des assurances, de':
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard de leurs demandes de condamnation, in solidum, de la société Axa France Iard et la Croix Rouge Française,
statuant à nouveau :
- condamner, la SA Axa France Iard, in solidum avec son assurée l'association la Croix Rouge Française, à payer aux sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard la somme en principal de 800 746 €, avec intérêts à compter des mises en demeure du 07 novembre 2016 sur la somme de 665 658 € et à compter de mars 2019 sur la somme de 135 088€, avec capitalisation par application des dispositions de l'article 1154 du code civil devenu 1243-2,
- condamner la SA Axa France Iard et son assurée l'association La Croix Rouge Française, in solidum, à payer aux sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard une somme de 6000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Raffin & Associés, Avocats sur une affirmation de droit,
en toutes hypothèses :
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la SA Axa France Iard et son assurée l'association La Croix Rouge Française de leurs demandes reconventionnelles, article 700 et dépens.
Elles font valoir essentiellement que :
-le caractère criminel est insuffisant pour retenir la force majeure et il appartient au locataire de rapporter la preuve de cette dernière,
-il n'y a pas d'imprévisibilité dans la mesure où un précédent incendie criminel était survenu le 14 janvier 2014 ayant donné lieu à une plainte de la directrice de la Maison de Famille de [Localité 8],
-deux feux de poubelles se sont également déclarés dans la résidence sans qu'il y ait eu de réaction,
-l'auteur a pu pénétrer dans les lieux sans effraction, par manque de sécurisation des locaux,
-il y a absence d'irrésistibilité dans la mesure où le véhicule incendié était stationné sous l'auvent situé lui-même sous l'immeuble alors qu'il ne s'agit pas d'un emplacement de parking ; le fait de l'avoir utilisé à cet usage constitue une faute qui a créé un risque complémentaire,
-les MMA ont actuellement payé la somme de 800 746 € ( franchise de 300€ déduite ) et sont en droit d'exercer leur recours en vertu de l'article L 121-12 du code des assurances,
- s'agissant des demandes reconventionnelles, s'il devait y avoir vice de construction, il n'est pas à l'origine de cet incendie,
- en tout état de cause, il n'y a pas de vice de construction comme l'a conclu l'expert [V] établi dans le cadre de la procédure criminelle,
-les rapports des experts produits par l'assureur AXA sont contradictoires ; celui produit par le cabinet IXI diligenté par les MMA a conclu à la conformité des dispositions constructives relatives à la sécurité incendie,
- le faux plafond de l'auvent n'avait pas à être un coupe feu, l'auvent étant ouvert et sans construction au dessous,
- aucune pièce n'est produite ni moyens évoqués permettant de fonder les demandes sur le fondement de l'article 1719 du code civil.
La SA AXA France Iard et l'association La Croix Rouge Française, dans leurs dernières écritures en date du 9 août 2022 portant appel incident, demandent à la cour, au visa des articles 1315 (ancien), 1346 et suivants, 1733, 1721 et 1719 du code civil, de':
- confirmer le jugement rendu le 10 février par le Tribunal judiciaire de Foix en ce qu'il a :
* débouté les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande principale de paiement ;
* condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à verser à l'association la Croix Rouge Française et à la société AXA FRANCE IARD la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
* débouté les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande formulée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
* condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à supporter la charge des entiers dépens,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* débouté l'association La Croix Rouge Française et la SA Axa France Iard de leur demande reconventionnelle en paiement au profit de l'association La Croix Rouge Française ;
* débouté l'association La Croix Rouge Française et la SA Axa France Iard de leur demande reconventionnelle en paiement au profit de la SA Axa France Iard,
et statuant à nouveau :
- débouter les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, en leur qualité d'assureur multirisque de l'O.P.H. de l'Ariège, à payer à l'association La Croix Rouge Française la somme de 32.357,83 € au titre de son préjudice financier,
- condamner les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, en leur qualité d'assureur multirisque de l'O.P.H. de l'Ariège, à payer à la SA Axa France Iard la somme de 34.900 € au titre de la subrogation dans les droits de l'association la Croix Rouge Française,
- condamner les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à verser aux concluants la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'instance.
Elles font valoir essentiellement que :
-l'incendie revêt bien les caractérisques de la force majeure: l'origine criminelle est avérée,un individu ayant incendié, par jalousie,un véhicule appartenant à l'association, soupçonnant sa compagne d'avoir des relations avec un résident ; le caractère extérieur de l'incendie est établi ; il en est de même de son caractère imprévisible,
-s'agissant de l'incendie du 14 janvier 2014, aucun élément ne permet de connaître ses causes et circonstances, ni de déterminer son caractère criminel ; il concernerait une des poubelles de la résidence, aucune suite n'a été donnée par les services de police et ce fait remonte à près de neuf mois
-quant aux deux feux de poubelles survenus le jour de l'incendie criminel, ils ne sont corroborés par aucun rapport de police ou de pompier ; en toute hypothèse, il n'est pas établi que l'association ait été informée de ces incendies,
-l'ensemble de la parcelle est clôturé d'un mur d'une hauteur d'environ 2 mètres, des murs d'une friche industrielle mitoyenne ou d'un grillage galvanisé d'environ 2 mètres également ; les accès à la résidence étaient verrouillés (portail coulissant cadenassé et portillons fermés avec accès sécurisés par digicode),
-l'absence d'effraction n'est corroborée par aucune pièce ; aucune défaillance du système de sécurité n'a été relevée de sorte qu'aucune faute d'imprudence ou négligence ne saurait être reprochée au preneur,
-le véhicule était stationné tout à fait normalement au sein de la résidence, sur les places réservées à cet effet et non sous un auvent,
-l'incendie n'a pu être matrîsé et s'est finalement propagé à l'immeuble à ossature bois ; le caractère irrésistible de l'incendie est établi,
- s'agissant de leurs demandes reconventionnelles, le rapport de l'expert [V] indique que l'immeuble a pris feu 8 à 9 minutes après l'incendie du véhicule,
-la construction de l'immeuble laisse apparaître l'absence de dispositif permettant la limitation et le ralentissement du feu à l'origine de la propagation rapide de l'incendie comme cela ressort du rapport d'expertise établi par CEA Investigations et du rapport Elex, et plus particulièrement de l'article 82 de l'arrêté du 31 janvier 1986 en l'absence de coupe de feu de 'degré une heure' ; la propagation de l'incendie a été aggravée par le système constructif de la résidence dont l'O.P.H. de l'Ariège est le maître de l'ouvrage et le propriétaire,
-l'incendie a détruit 14 studios meublés par La Croix Rouge et elle a dû reloger dans l'urgence 16 résidents,
- La Croix Rouge et Axa France Iard sont fondés à solliciter sur le fondement de l'article 1721 du code civil la condamnation des MMA en leur qualité d'assureur multirisques de l'O.P.H. de l'Ariège à leur payer :
* pour La Croix Rouge, la somme de 32 357,83 € (8 971€ au titre de la franchise + 58 286,83 - 34 900)'
* pour Axa France Iard : la somme de 34 900 €.
*
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 septembre 2022.
Sur l'audience, la cour a autorisé la production en cours de délibéré du certificat de non appel du jugement du 30 mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Foix dans l'instance opposant la SA Axa France Iard et l'association La Croix Rouge Française à l'O.P.H. de l'Ariège.
Par courrier du 23 novembre 2022 transmis par RPVA, le conseil des MMA a produit un certificat de non appel de la dite décision en date du 21 octobre 2022.
MOTIFS
Sur le recours des MMA à l'encontre de la SA AXA et de l'association La Croix Rouge Française
En vertu des dispositions de l'article 1733 du code civil, le preneur répond de l'incendie à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.
Le cas fortuit ou force majeure ne dégage la responsabilité du locataire que s'il n'a été précédé d'aucune faute ou imprudence imputable à lui-même ou aux personnes vivant avec lui.
En l'absence d'une telle faute, l'incendie volontaire représente pour le locataire un fait imprévisible, irrésistible et extérieur constitutif d'une force majeure.
Il appartient à l'association La Croix Rouge et son assureur qui invoquent la force majeure de rapporter la preuve de cette cause exonératoire de responsabilité.
L'incendie volontaire causé par un tiers représente pour le locataire un fait imprévisible, irrésistible et extérieur constitutif d'une force majeure à moins que le locataire n'ait commis une faute ou une imprudence lui étant imputable.
En l'espèce, toutes les parties reconnaissent que l'incendie est d'origine criminelle. Les éléments du dossier établissent qu'un individu a mis volontairement le feu à l'aide d'un accélérant, type essence térébenthine, à un véhicule Kangoo appartenant à l'Association, stationné dans l'enceinte de l'immeuble.
Le feu s'est ensuite propagé à un autre véhicule, puis à la construction.
Une personne a été interpellée et mise en examen. L'issue de la procédure pénale n'est pas connue de la cour, les parties invoquant cependant l'existence d'une condamnation pénale. Elles font état d'un individu qui aurait agi par jalousie, suite à une rupture avec une personne elle-même étrangère à l'immeuble mais qui aurait eu une relation avec un résident.
En tout état de cause, l'Association ne répondait pas de cette personne.
L'incendie criminel revêt donc pour le locataire un caractère d'extériorité.
La résidence est fermée par des grillages, des clôtures et des murs.
L'accès à l'immeuble est sécurisé par un portillon avec digicode côté entrée principale au rez-de-chaussée et un portail coulissant à ouverture automatique avec digicode.
Aucune défaillance du système de sécurité n'a été relevée. Aucune infraction n'a été également mentionnée.Si l'un des rapports versés au débat indique que l'accès au parking est 'relativement' aisé pour un individu pouvant escalader 'assez' facilement le portail, cette observation ne peut établir pour autant l'existence d'une faute d'imprudence ou de négligence imputable au preneur eu égard aux mesures de sécurité sus visées. L'absence d'infraction ne peut en soi dans ces circonstances démontrer un manquement aux obligations du locataire.
Les MAA reprochent à l'association d'avoir laissé stationner son véhicule sous un auvent situé sous l'immeuble alors qu'il ne s'agit pas d'un emplacement de parking, contrairement aux dires de cette dernière.
Tous les rapports versés au débat, y compris celui émis par l'expert des MMA et celui réalisé par l'expert judiciaire M. [V],mentionnent que le véhicule Kangoo ayant été incendié était stationné sur la zone de parking ouvert sous le bâtiment situé en rez-de-chaussée. Il en était de même pour l'autre véhicule Chrysler voisin auquel le feu s'est propagé.
Les plans ou shéma des locaux versés au débat révèlent incontestablement cet état de fait. Des flèches rouges visualisent l'entrée et la sortie des véhicules ; ces flèches sont également mentionnées sur le plan (pièces n°33 et 7 des MMA) face à l'emplacement des dits véhicules, où figure par ailleurs le symbole d'une flamme indiquant le lieu du sinistre.
Dès lors, aucun manquement ne peut être invoqué à l'encontre de l'association quant au stationnement des véhicules en cause.
Le caractère irrésistible de l'événement est établi.
Les MMA invoquent l'existence de précédents incendies criminels.
Il est seulement produit un récépissé d'un dépôt de plainte émanant de la Directrice de l'établissement pour une dégradation ou détérioration du bien d'autrui par un moyen dangereux commis le 15 janvier 2014.Cette seule pièce ne permet aucunement de démontrer les circonstances et l'importance de l'infraction laquelle n'a donné lieu à aucune suite judiciaire.
L'association indique que cet incident concernerait un feu de poubelle dont les circonstances sont inconnues ; aucun élément ne permet d'établir le moindre lien avec le sinistre objet du présent litige distant de plusieurs mois.
Enfin, il est fait état par les MMA de la survenance de deux feux de poubelles le jour même du sinistre. M. [S], missionné par l'assureur AXA lors de son enquête de voisinage, a recueilli le témoignage d'un habitant d'une résidence voisine ayant déclaré avoir constaté deux feux de poubelle, le premier à l'extérieur devant l'escalier métallique, le second à l'intérieur de la résidence. Deux photos ont été prises par l'enquêteur. Outre le fait que les autres rapports n'évoquent pas ces deux feux, aucun élément ne permet d'établir que l'Association a eu connaissance de ces faits et aurait eu la possibilité de prendre des mesures afin d'empêcher le drame survenu quelques heures après.
L'imprévisibilité de l'incendie criminel du 4 septembre 2014 est démontrée.
En conséquence, il convient de retenir que l'incendie criminel revêt bien pour l'association La Croix Rouge Française le caractère de la force majeure.
Dès lors, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté les MMA de leurs demandes en paiement à son encontre et l'assureur AXA France Iard.
Sur les demandes reconventionnelles d'AXA France Iard et de la Croix Rouge Française
AXA France Iard et la Croix Rouge Française sollicitent envers les MMA, en leur qualité d'assureur multirisque de l'O.P.H. de l'Ariège, sur le fondement de l'article 1721 du code de civil, des demandes reconventionnelles en paiement pour leurs préjudices financiers (perte de mobilier et relogement des résidents).
En vertu des dispositions de l'article 1721 du code civil, il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.
Il est rappelé que la cause de l'incendie résulte d'un acte criminel.
Il ressort essentiellement des conclusions du 14 décembre 2015 de l'expert judiciaire M. [V], non contestées par les parties que :
*le point de départ du feu se situe sur un siège en mousse souple d'un canapé,qui avait été positionné intentionnellement sous le véhicule Kangoo, possédant un moteur diesel,
*ce siège de canapé a été imprégné d'essence térébenthine ; l'association de ce liquide combustible et de la mousse de polyruéthane a généré un feu agressif, se propageant rapidement au véhicule ; ce procédé ne pouvait qu'aboutir à l'inflammation rapide de ce dernier, entraînant une généralisation du feu à l'ensemble du parking par le biais du faux plafond en bois et l'écoulement sur le sol du volume de gas-oil (du véhicule), de l'ordre de 25 litres,
*en moins de dix minutes, les parois de l'immeuble à hauteur du premier étage étaient atteintes, permettant au feu (la chaleur et les fumées) de pénétrer dans les appartements.
Il ressort des éléments du dossier que le parking en cause est en rez-de- chaussée,ouvert sur trois côtés et se trouve sous des appartements R+1 et R+2.
Le rapport de constatation technique diligenté le 11 septembre 2014 par [S] Expertises à la demande de l'assureur AXA, après avoir précisé que le sol du parking était constitué d'une dalle béton et qu'une structure en bois habille le plafond haut en béton (avec une isolation par laine de verre) ne mentionne aucune non conformité ou non respect de règles de sécurité incendie. La mission de l'expert était celle de rechercher les causes et circonstances du sinistre et de donner tous éléments techniques et règlementaires permettant d'examiner les responsabilités.
AXA a fait ensuite réaliser un rapport d'enquête confié à un enquêteur privé (CEA Investigations), déposé le 29 mars 2016. Cet enquêteur mentionne qu'un architecte et un bureau de contrôle étaient intervenus lors de la construction du bâtiment, que le système constructif retenu avait dû faire l'objet d'une validation par le bureau de contrôle et les différentes normes respectées ; il s'interroge cependant sur les critères de prévention à la propagation incendie par les façades invoquant une étude du Centre National pour le Développement Bois, dont seul un extrait est reproduit et dont la cour ignore si elle s'applique à la construction en cause. Il déclare que le système constructif aurait dû être aménagé de manière à limiter la propagation de l'incendie par la façade tout en ne faisant pas état du non respect d'une norme de sécurité.
Axa verse ensuite au débat un rapport d'un cabinet d'expert Elex du 6 mars 2017 missionné par son assuré La Croix Rouge Française, qui relève que la propagation rapide du feu dans les étages a été permise par le système constructif de la résidence et le manque d'étanchéité au feu du parc de stationnement situé sous les locaux d'habitation. Cette conclusion se fonde sur l'absence de coupe feu de degré 2 heures visé par l'arrêté du 31 janvier 1986, plus particulièrement en son article 82, pour des bâtiments d'habitation de troisième famille.
Le rapport d'expertise définitif du 3 novembre 2016 diligenté à la demande des MMA par l'expert D'IXI, décrit les caractéristiques règlementaires des structures et enveloppes des bâtiments d'habitation de la catégorie de deuxième famille ; Il conclut, après analyse des lieux, à la conformité du bâtiment quant aux dispositions constructives afférentes à la sécurité incendie.
Comme le premier juge l'a relevé, le bâtiment objet de la convention appartient à la catégorie des bâtiments de deuxième famille, soit un bâtiment de deux étages sur rez-de-chaussée,ce qui est reconnu par les parties.
Or, les conclusions du rapport du cabinet ELEX sont émises en prenant en considération un bâtiment de troisième famille et ne peuvent donc être retenues.
L'article 82 de l'arrêté du 31 janvier 1986 dans sa version applicable au litige, dispose que : lorsque le parc (de stationnement) est contigu à un immeuble d'habitation tel que défini à l'article R 111-1 du code de la construction et de l'habitation, les murs, les planchers séparatifs, sauf le plancher bas, ainsi que les éléments qui le constituent doivent être coupe-feu de degré une heure si l'immeuble est classé en deuxième famille.
Le dit parking est un parking ouvert sur trois côtés ne comportant qu'un mur.
Aucune remarque n'est faite quant au mur du parking lui-même.
Le rapport d'expertise du cabinet IXI missionné par les MMA, qui a analysé les lieux en se référant à un immeuble de deuxième famille, a décrit un parc de stationnement avec une structure en béton stable au feu 1H, précisant l'existence d'une mise en place d'un écran protecteur sous la dalle du RDC.
Aucune pièce utile ne vient contredire ce constat.
Les autres descriptions de la construction effectuées par cet expert conduisent ce dernier à conclure à la conformité aux dispositions constructives relatives à la sécurité incendie du bâtiment.
L'expert [V] a relevé et analysé les clauses techniques particulières de la construction de l'immeuble. Il précise que les parties intactes ou partiellement détruites ayant pu être examinées sont conformes au cahier des charges de la construction.
Il n'est mentionné aucun défaut ou non respect d'une norme constructive.
Si l'expert a conclu que l'incendie criminel a trouvé un terrain favorable eu égard à la construction de l'immeuble majoritaire en bois amplifiant le phénomène de combustion, il souligne l'agressivité du feu due au procédé même de sa mise à feu ne pouvant qu'aboutir à l'inflammation rapide du véhicule et engager une généralisation de l'incendie.
Les éléments du dossier ne permettent pas d'établir le non respect éventuel d'une norme, notamment affectant le plancher haut du parking en béton recouvert de bois ; les photos prises par l'expert [V] montrent que le plafond béton situé au dessus du véhicule incendié est toujours en place et il n'est pas démontré qu'il n'ait pas fait office de coupe feu.Si le parement bois a pu participer à la propagation de l'incendie, aucune pièce utile ne permet d'établir que ce dernier ou les autres éléments bois des façades de l'immeuble seraient à l'origine des préjudices subis par l'association.
En conséquence,les demandes reconventionnelles formées par la SA Axa France Iard et son assuré sur le fondement de l'article 1721 du code civil doivent être en conséquence rejetées.
Si la SA AXA France Iard et l'association La Croix Rouge Française visent également dans le dispositif de leurs conclusions l'article 1719 du code civil, elles ne développent dans leurs motifs aucun moyen au soutien de leurs prétentions comme le relève justement le premier juge.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles des intimés.
Sur les demandes accessoires
Les dépens de première instance comme d'appel seront laissés à la charge des MMA, celles-ci succombant en leur recours.
L'équité commande d'allouer une somme supplémentaire totale de 3 000 € à la SA AXA France Iard et l'association La Croix Rouge Française au titre des frais irrépétibles en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Y ajoutant,
Condamne la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à verser à la SA AXA France Iard et l'association La Croix Rouge Française la somme totale de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER