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15/02/2023 | FRANCE | N°23/00161

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Etrangers, 15 février 2023, 23/00161


COUR D'APPEL DE TOULOUSE









Minute 2023/163

N° RG 23/00161 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PIBW



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 15 fevrier à 08h50



Nous A. MAFFRE, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 12 Février 2023 à 18H26 par le jug

e des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :



[M] [R]

né le 20 Novem...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/163

N° RG 23/00161 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PIBW

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 15 fevrier à 08h50

Nous A. MAFFRE, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 12 Février 2023 à 18H26 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[M] [R]

né le 20 Novembre 1981 à [Localité 2] (ALBANIE)

de nationalité Albanaise

Vu l'appel formé le 13/02/2023 à 15 h 55 par courriel, par Me Pauline LABRO, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l'audience publique du 14/02/2023 à 15h00, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu :

[M] [R]

assisté de Me Charlotte CAMBON substituant Me Pauline LABRO, avocats au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [Z] [K], interprète,

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M.[W] représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

M. [M] [R], âgé de 41 ans et de nationalité albanaise, a été interpellé le 7 février 2023 à 20h30 à [Localité 4] [Adresse 1] et a été placé en garde à vue à 21 heures suite à une plainte de sa compagne.

M. [R] avait fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 2 ans pris par le préfet du Doubs le 23 décembre 2022 et notifié le 28 décembre 2022.

Le 10 février 2023, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre une décision de placement en rétention administrative, notifiée le même jour à 15h00 à l'issue de la garde à vue. M. [R] a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 3] (31) en exécution de cette décision.

1) M. [M] [R] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse par requête parvenue au greffe le 11 février 2023 à 9h21 pour contester la régularité de la procédure et de l'arrêté en placement en rétention.

2) Indiquant n'avoir pu l'éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, le préfet de la Haute-Garonne a pour sa part sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. [M] [R] en rétention pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 11 février 2023 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 9h39.

Ce magistrat a ordonné la jonction des requêtes, déclaré la procédure régulière, rejeté la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 12 février 2023 à 18h26.

M. [M] [R] a interjeté appel de cette décision, par courriel de son conseil adressé au greffe de la cour le 13 février 2023 à 15h55.

A l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance entreprise et de mise en liberté, le conseil de M. [R] a principalement soutenu que :

- sur les nullités de procédure,

. la garde à vue a été artificiellement prolongée de 14h10 à 15h00 pour attendre l'envoi de la décision de placement en rétention et non dès la consigne donnée par le parquet,

. la notification du placement en rétention administrative ne mentionne pas le nom et la langue de l'interprète, et les voies de recours ne semblent pas avoir été notifiées,

. la notification de la fin de la garde à vue et de l'arrêté de placement en rétention administrative semble avoir été concomitante, ce qui laisse à penser qu'il n'a pas été en mesure de comprendre la décision,

- sur l'insuffisance de l'arrêté de placement en rétention administrative, la motivation est entachée d'erreur manifeste d'appréciation révélant insuffisance de motivation et défaut d'examen : le préfet se contente de dire qu'il n'apporte pas de preuve de la vulnérabilité alléguée, il mentionne qu'il n'a jamais demandé de titre de séjour alors qu'il a demandé l'asile, et qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement alors qu'il n'a pas reçu la notification du 28 décembre 2022.

À l'audience, Maître Cambon substituant Me Labro a repris oralement les termes du recours, insistant notamment sur l'obligation de la préfecture de vérifier la compatibilité de la vulnérabilité alléguée avec la rétention.

M. [R] qui a demandé à comparaître, a exposé ses difficultés de santé et son attente d'une réponse de la CNDA et sollicité un placement sous contrôle pour suivre ses soins et ses démarches.

Le préfet de la Haute-Garonne, régulièrement représenté à l'audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en s'en remettant à la motivation de celle-ci.

Le ministère public, avisé de la date d'audience, est absent et n'a pas formulé d'observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure

la garde à vue

L'article 62-2 du code de procédure pénale dispose que 'la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.

Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants :

1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;

3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ;

6° Garantir la mise en 'uvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.'

Il est ici soutenu que la levée de la garde à vue a été retardée jusqu'à 15h00 en dépit des instructions en vue de sa levée données par le parquet à 14h10 dans un objectif non prévu par l'article susvisé.

Il importe toutefois de préciser que les instructions du parquet données à 14h10 ont été suivies d'un avis de classement sans suite donné à la victime à 14h45 et que le procès-verbal de fin de garde à vue a été ouvert à 14h50 : chacun de ces actes ont nécessité un temps de formalisation et n'ont pas prolongé la garde à vue dans des proportions critiquables.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté ce moyen de nullité.

la notification de l'arrêté de placement en rétention administrative

L'article L141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe les règles suivantes en matière d'assistance par un interprète :

'Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.

En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.'

Il résulte de ce texte que l'indication à l'intéressé du nom et de la langue de l'interprète n'est exigible qu'en cas d'interprétariat par téléphone. Par ailleurs les pièces de la procédure pénale permettent de vérifier que la traduction de l'arrêté de placement en rétention administrative a été signée par la même personne et dans la même minute que celle du procès-verbal de fin de garde à vue, lequel donne toutes les indications souhaitées concernant l'interprète intervenue pour les deux actes.

Par ailleurs, si la signature de M. [R], de l'OPJ et de l'interprète ne figure qu'en page 4 du document de 5 pages que constitue l'arrêté de placement en rétention administrative et les voies de recours afférentes, force est de relever que c'est là le seul emplacement prévu à cette fin, qu'elle atteste à cet endroit de la 'notification de la décision de placement avec annexes aide au retour, voies et délais de retour' et de la emise d'un exemplaire 'du document', et qu'elle suit la reconnaissance par M. [R] qu'il a pris connaissance 'de l'arrêté prononcé à son encontre et des droits qu'il peut exercer' : rien ne peut donc faire douter de la notification effective des 5 pages du documents en ce compris les voies de recours, d'autant qu'il les a exercées.

Enfin, la simultanéité de l'heure de signature du procès-verbal de fin de garde à vue et de la notification de l'arrêté de placement en rétention administrative ne signe rien d'autre que la clôture de ces opérations, et ne permet d'autant moins d'imaginer qu'elles ont eu lieu toutes les deux en même temps et en une minute que le procès-verbal de fin de garde à vue s'étend expressément sur une plage de 10minutes.

Il ne résulte en conséquence aucune nullité des points relevés.

Sur l'arrêté de placement en rétention administrative

Il résulte de l'article L741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision de placement en rétention administrative doit être écrite et motivée. Pour satisfaire à l'exigence de motivation, la décision doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

En l'espèce, l'arrêté critiqué met en avant notamment le non-respect de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, l'absence de ressources, de document d'identité valide et de demande de titre de séjour, l'absence de vulnérabilité faisant obstacle à une la mesure de rétention administrative.

Or, s'il est expliqué par l'absence de réception de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français par suite d'un changement d'adresse non communiqué, le non-respect de la décision d'éloignement souligné n'est pas discuté.

Il n'est pas davantage allégué de demande de titre de séjour en cours après le rejet de la demande d'asile par l'OFPRA suivi d'un recours irrecevable car hors délais devant la CNDA.

Pareillement, le préfet prend soin de dire que, même non établie, l'existence de calculs rénaux n'est pas incompatible avec la rétention dont les conditions seront adaptées, et force est de constater que M. [R] ne subit pas de crise actuellement et n'a pas jugé utile d'être examiné par un médecin en garde à vue, ne serait-ce que pour l'administration d'un traitement, ce dont il est permis de déduire que son problème de santé ne l'astreint pas à des soins continus incompatibles avec la rétention.

Dès lors, étant rappelé que l'obligation de motivation n'est pas celle de l'exhaustivité, il apparaît que la situation alléguée par M. [R] a fait l'objet d'un examen effectif, et si l'appréciation qui en est faite diffère de celle de l'appelant, elle est exempte d'erreur manifeste, de sorte que l'arrêté de placement en rétention administrative est régulier.

Sur la prolongation de la rétention

Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative en application de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'article L743-13 du même code permet au juge des libertés et de la détention d'ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Au cas d'espèce, la prolongation de la rétention s'avère le seul moyen de prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et de garantir efficacement l'exécution effective de cette décision en l'absence de toute autre mesure moins coercitive possible au regard du défaut de garanties de représentation compte tenu de la procédure pénale initiée par la compagne de l'appelant, comme de document d'identité en cours de validité : il y a donc lieu de faire droit à la demande préfectorale.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Confirmons l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 12 février 2023,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de la Haute-Garonne, service des étrangers, à M. [M] [R], ainsi qu'à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI A. MAFFRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 23/00161
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;23.00161 ?
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