25/01/2023
ARRÊT N°68/2023
N° RG : N° RG 22/00941 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OU7F
OS/IA
Décision déférée du 18 Février 2022 - Tribunal paritaire des baux ruraux de MONTAUBAN (21/00926)
V.LAGARRIGUE
E.A.R.L. ECURIES DES SOPRANOS
[L] [J]
C/
[V] [P] [N] [E]
S.E.L.A.R.L. BENOIT & ASSOCIES
CONFIRMATION PARTIELLE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTES
E.A.R.L. ECURIES DES SOPRANOS exploitation agricole à responsabilité limitée, inscrite au RCS de MONTAUBAN sous le n°819 338 476, ayant siège social [Adresse 2], représentée par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège social : Madame [L] [J],
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES substituée par Me Julien ROMANO, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Madame [L] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES substituée par Me Julien ROMANO, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMÉ
Monsieur [V] [E]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Thierry SUCAU de la SELARL SPBS AVOCATS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTERVENANTE FORCÉE
S.E.L.A.R.L. BENOIT & ASSOCIES, agissat pas Me [I] [S]
Prise en la personne de son représentant légal, en qualité de mandataire judiciaire, qualité de mandataire judiciaire, qualité conféréé par Jugement de Tribunal Judicaire de Montauban du 17 Mai 2022, ayant prononcé le Redressemennt judiciaire de l'EARL ECURIES DES SOPRANOS
Assignée le 27/06/2022 à Personne Morale
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES substituée par Me Julien ROMANO, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, devant Mme O. STIENNE, chargé d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre.
Exposé du litige
Mme [L] [J] et M. [V] [E] se sont pacsés le 29 décembre 2014 en adoptant le régime de la séparation de biens.
Au terme d'un acte notarié du 10 mars 2016, Mme [L] [J] et M. [V] [E] sont propriétaires indivis, par parts inégales (62 % pour M. [E] et 38% pour Mme [J]) d'un corps de ferme à usage d'habitation, situé [Adresse 2] avec terrain autour, d'une superficie totale de 11ha 11a 27 ca.
Mme [J] a constitué une EARL Ecuries des Sopranos dont elle est la seule associée ayant pour activité principale la prise en pension et la valorisation d'équidés.
Le 10 mars 2016 également, M. [V] [E] et Mme [L] [J] ont conclu avec l'EARL un contrat de prêt à usage gratuit ou commodat portant sur le bien sus visé à [Localité 4], et ce pour une durée de cinq ans à compter du 10 mars 2016.
Au terme d'un acte de cession du 15 février 2017, M. [E] a acquis une part sociale de l'EARL Ecuries des Sopranos d'une valeur nominale de 100€.
Le couple s'est séparé en septembre 2019.
Par lettre recommandée du 20 mai 2020 avec accusé reception M. [E] informait l'EARL Ecuries des Sopranos et Mme [J] de ce qu'il ne reconduirait pas son accord pour une éventuelle poursuite du contrat après l'arrivée du terme du contrat et que la société devait quitter les lieux le 10 mars 2021.Il précisait que l'occupation personnelle et privée de la maison à titre gratuit par Mme [J] prendrait fin au 10 mars 2021.
Le 24 décembre 2020, Mme [J] a signifié à M. [E] un acte de rupture unilatérale du pacte civil de solidarité.
Par acte du 10 juin 2021, M. [E], agissant en qualité de co-indivisaire, a fait assigner l'EARL Ecuries des Sopranos et Mme [J] devant le tribunal judiciaire de Montauban aux fins d'expulsion et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à l'indivision.
Par ordonnance du juge de la mise en état du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Montauban s'est déclaré incompétent au profit du tribunal paritaire des baux ruraux de Montauban pour connaître de la qualification de bail rural du contrat liant les parties, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700,1° du code de procédure civile et ordonné qu'il soit sursis à statuer jusqu'à la décision du tribunal paritaire des baux ruraux.
Par jugement du 18 février 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Montauban a :
- rappelé que la présente décision est opposable à Mme [J] en qualité de co-indivisaire
-débouté l'EARL Ecuries des Sopranos et Mme [J] de leur demande de qualification en bail rural de la convention du 10 mars 2016
-condamné l'EARL Ecuries des Sopranos à payer à M. [E] la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamné l'EARL Ecuries des Sopranos et Mme [J] aux dépens
-rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
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Par lettre recommandée reçue le 25 février 2022, L'EARL Ecuries des Sopranos et Mme [J] ont formé appel du jugement du 18 février 2022 en chacune de ses dispositions.
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Suite au jugement du 18 février 2022, l'affaire est revenue devant le tribunal judiciaire de Montauban.
Par ordonnance du 26 avril 2022, le juge de la mise en état a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel et a condamné l'EARL Ecuries des Sopranos à payer à M. [E] une somme provisionnelle de 12 000 € au titre de l'indemnité d'occupation des lieux de mars 2021 à mars 2022 et une indemnité d'occupation mensuelle de 1 000 € à compter d'avril 2022 jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond par le tribunal judiciaire.
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Par jugement du 17 mai 2022, le tribunal judiciaire de Montauban a ouvert une procédure de redressement judiciaire de L'EARL Ecuries des Sopranos, a désigné la SELARL Benoît et associés, en la personne de Maître [I] [S] en sa qualité de mandataire judiciaire pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers.
Par acte du 27 juin 2022, M. [E] a fait intervenir en la cause la SELARL Benoît et associés, en la personne de Maître [I] [S] en sa qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 19 juillet 2022, la période d'observation du redressement judiciaire de l'EARL Ecuries des Sopranos a été prolongée jusqu'au 17 novembre 2022.
Lors de l'audience devant la cour d'appel :
L'EARL Ecuries des Sopranos, la SELARL Benoît agissant par Maître [S] en sa qualité de mandataire judiciaire de l' EARL et Mme [J] ont poursuivi oralement par l'intermédiaire de leur conseil leurs demandes contenues dans leurs dernières conclusions en date du'23 Août 2022, au terme desquelles elles demandent à la cour, au visa de l'article L 411-4 du code rural de :
-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau :
- voir requalifier en bail rural la convention conclue entre l'EARL Ecuries des Sopranos et l'indivision [J]/[E] le 10 mars 2016 tenant la contrepartie onéreuse à la mise en disposition de l'ensemble foncier
-voir débouter M. [E] de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la concluante au paiment d'un loyer mensuel
-voir condamner M. [E] à payer à l'EARL Ecuries des Sopranos et à Mme [J] une somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
-le condamner aux entiers dépens.
Il est soutenu essentiellement que :
-le juge est tenu d'appliquer le régime d'ordre public du statut du bail rural, -l'EARL a réalisé d'importants travaux de réparations ou d'amélioration ou d'entretien effectuées par le preneur sur la propriété du bailleur (création d'abris, clôture, d'un club house, sur les réseaux d'eau et EDF...) ; l'indivision propriétaire a financé l'aménagement de l'ensemble foncier aux frais de l'exploitant,
-les dépenses engagées excèdent la simple obligation d'entretien du preneur ; dans l'hypothèse d'une vente du foncier, l'indivision pourrait proposer un centre équestre entièrement équipé et non de simples parcelles en friche,
- de l'aveu même de M. [E] les travaux s'élèveraient à la somme de 157 000 € comprenant notamment une salle de bain ; ces travaux ont été réalisés avec l'accord des indivisaires,
-la mise à disposition du bien n'est pas gratuite lorsque celui qui en bénéficie est tenu au paiement de toutes les charges afférentes à l'exploitation,
-dans le cadre d'une instance parallèle, M. [E] sollicite le remboursement de la somme de 157 000 € au titre d'un compte d'associé pour avoir permis la réalisation de travaux par la concluante sur le fonds de l'indivision,
-le statut des baux ruraux doit être reconnu au vu des travaux réalisés constituant une contrepartie financière et disqualifiant le caractère gratuit du prêt à usage.
-s'agissant de la demande de M. [E] en fixation du fermage dans l'hypothèse d'une reconnaissance du bail rural, il est relevé qu'à ce jour ni l'indivision ni M. [E] ne justifie avoir formalisé une déclaration de créance,
-le bien objet du contrat a une surface de 11ha ; il n'y a pas lieu de distinguer le logement de fonction de l'exploitant du reste de l'ensemble foncier lui-même,
-la contrepartie financière (ou fermage) peut être faîte en nature ; or, de l'aveu même de M. [E], l'EARL a déjà financé l'aménagement de l'ensemble foncier pour un montant de 157 000 € ; s'agissant de l'occupation personnelle de la maison d'habitation par Mme [J], la question de l'indemnité doit faire l'objet d'une instance distincte sur le fondement de l'article 815-9 du code civil.
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M. [V] [E] a poursuivi oralement par l'intermédiaire de son conseil ses demandes contenues dans ses dernières conclusions en date du 24 Août 2022, au terme desquelles il demande à la cour, au visa des articles 1875 et suivants du code civil, de l'article L 411-2 du code rural, de :
Au principal :
-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'EARL Ecuries des Sopranos et Mme [J] de leur demande de qualification en bail rural de la convention du 10 mars 2016
-condamné l'EARL Ecuries des Sopranos à payer à M. [E] la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-rendre commun et opposable l'arrêt à intervenir à la SELARL Benoît et associés agissant par Maitre [I] [S] en qualité de mandataire judiciaire de l'EARL Ecuries des Sopranos
A titre subsidiaire, si la cour venait infirmer le jugement et à faire droit à la demande de requalification du contrat de commodat en bail rural :
-juger que le montant du loyer mensuel devant être mis à la charge de l'EARL doit être fixé à la somme minimale de 2000 €, hors bâtiment d'habitation
-rendre commun et opposable l'arrêt à intervenir à la SELARL Benoît et associés agissant par Maitre [I] [S] en qualité de mandataire judiciaire de l'EARL Ecuries des Sopranos
- fixer la créance de de l'indivision [E]/[J] à l'encontre de l'EARL dans le cadre d'une requalification en bail rural, correspondant au du montant mensuel du loyer tel qu'il sera fixé par la cour et ce à compter du 10 mars 2016, soit une somme de 156 000 € à devoir à l'indivision [E]/[J] de mars 2016 à Août 2022
-débouter l'EARL Ecuries des Sopranos et Mme [J] de l'ensemble de leurs demandes
En tout état de cause
-Rendre opposable l'arrêt à intervenir à Mme [J] en sa qualité de co indivisaire
-condamner Mme [J] à verser à M. [E] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il fait valoir essentiellement que :
-l'EARL Ecuries des Sopranos s'est maintenue dans les lieux au delà du 10 mars 2021
- suite au prononcé du redressement judiciaire de l'EARL, il a procédé à une déclaration de créance tant en son nom personnel et au nom et pour le compte de l'indivision [E] /[J],
-les termes de la convention souscrite prévoient expressément le prêt à usage gratuit, le propriétaire s'obligeant à laisser l'exploitant jouir gratuitement du bien et l'emprunteur n'ayant aucune redevance,ni aucune indemnité ou autre contrepartie à verser au propriétaire,
- il ne peut être sérieusement soutenu que la mise à disposition du bien aurait été consentie en contrepartie de l'exécution de travaux par le preneur sur l'ensemble du foncier,
-l'indivision [J]/[E], propriétaire du bien mis à disposition, n'a jamais entendu imposer à l'emprunteur de contrepartie à sa jouissance dans les lieux,
-la gratuité du prêt à usage ne couvre pas les dépenses nécessaires pour l'utilisation de la chose comme en l'espèce la réalisation de manège ou encore de ronds de longe ou de boxes à chevaux ; il en est de même de la construction d'un club house ou de l'alimentation en eau et en électricité des prairies ; seule l'Earl Ecuries des Sopranos est susceptible d'en retirer une réelle utilité ; sans ces dépenses, elle n'aurait jamais été en mesure d'exploiter son activité et la développer ; ces dépenses ont été comptabilisées au rang des immobilisations et amortissements de l'EARL
-les dépenses ne relèvent pas des dispositions de l'article 1890 du code civil ; elles ne présentent pas le caractère de dépenses extraordinaires, nécessaires et urgentes ;
au demeurant ces dépenses ont été financées par les avances de trésorerie consenties par l'un des membres de l'indivision, circonstance excluant le caractère extraordinaire de ces dépenses au sens de cet article,
-la comptabilisation de ces avances et la demande de remboursement s'y attachant démontrent que ces travaux (boxes, sellerie, abris à chevaux, zone douche chevaux, maréchalerie, club house avec sanitaires et cuisine pour les propriétaires, ronds de longe,carrières, réfection du parking visiteurs,diverses dépenses de matériel, achat de chevaux ou divers frais en lien avec les compétitions) ont été réalisés pour les seuls besoins de l'EARL et non au profit de l'indivision propriétaire des lieux auquel cas cette comptabilisation n'aurait pas été opérée par la gérante de la société, Mme [J].
-la cour ne pourra que confirmer la décision entreprise d'autant plus en l'espèce que la requalification du bail est exclue du seul fait des dispositions de l'article L 411-2 du code rural ; le statut du fermage ne peut exister dès lors que la mise à disposition est réalisée au profit d'une société agricole par une personne qui participe effectivement à son exploitation, ce qui est le cas en l'espèce de Mme [J], à la fois propriétaire indivise du bien et exploitante de ce bien au sein de l'EARL.
- Mme [J] a un pouvoire discrétionnaire dans le cadre de l'indivision, régie par la règle de l'unanimité
- à titre subsidiaire, il est relevé le caractère totalement erroné de la valorisation invoquée ; l'EARL exploite son activité depuis 6 ans et 5 mois soit une somme de 156 000 € à devoir à l'indivision de mars 2016 à Août 2022 soit un loyer de 2000 €, hors bâtiment d'habitation.
Sur l'audience, les parties sont d'accord pour reconnaitre qu'une déclaration de créance à titre provisionnel est intervenue et que dans l'hypothèse d'une requalification de la convention en bail rural la demande ne peut viser une condamnation mais seulement à fixation de la créance au passif de l'Earl.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de requalification de la convention souscrite en bail rural
Le 10 mars 2016, M. [V] [E] et Mme [L] [J] ont conclu avec l'EARL Ecuries des Sopranos représentée par sa gérante Mme [J] une convention dénommée Contrat de prêt à usage gratuit ou commodat portant sur le corps de ferme acquis le même jour en indivision par eux (par parts inégales) situé à [Localité 4], et ce pour une durée de cinq ans à compter du 10 mars 2016.
Cette convention dispose que le prêteur prête à titre d'usage gratuit conformément aux articles 1875 et suivants du code civil les biens agricoles d'une contenance totale de 11Ha 11 ares 27 ca.
Les références cadastrales sont celles de l'ensemble du bien acquis par M. [E] et Mme [J] le même jour.
L'emprunteur s'engageait à quitter les lieux pour le terme de la convention soit le 10 mars 2021, sauf accord des parties sur la poursuite par tacite reconduction du prêt d'année en année.
L'emprunteur devait prendre possession des biens le 10 mars 2016 pour en commencer l'exploitation. L'article 4 spécifiait le caractère gratuit de la mise à disposition du bien, le propriétaire s'obligeant à laisser à l'exploitant la jouissance gratuite du bien ; l'emprunteur ne devait aucune redevance, aucune indemnité d'occupation ou autre contrepartie à verser au propriétaire.
L'emprunteur au terme de l'article 5 devait prendre les biens prêtés dans leur état au jour de l'entrée en jouissance sans recours contre le prêteur, exploiter les biens en agriculteur soigneux et les entretenir en bon état.
En vertu des dispositions de l'article L 411-1 du code rural, est soumise au statut, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L 311-1.
La contrepartie de la mise à disposition n'est pas nécessairement financière mais elle doit avoir été acceptée par le propriétaire, être un avantage direct et pas simplement indirect.
Cependant, en vertu de l'article L 411-2 du même code, les dispositions de l'article L 411-1 ne sont pas applicables :
-aux conventions conclues en application de dispositions législatives particulières,
-aux concessions et aux conventions portant sur l'utilisation des forêts ou des biens relevant du régime forestier, y compris sur le plan agricole ou pastoral,
-aux conventions conclues en vue d'assurer l'entretien des terrains situés à proximité d'un immeuble à usage d'habitation et en constituant la dépendance,
- aux conventions d'occupation précaire.
- lorsque la mise à disposition est réalisée au profit d'une société agricole par une personne qui participe effectivement à son exploitation.
Il appartient à l'EARL Ecuries des Sopranos et Mme [J] qui demandent la requalification de la convention qualifiée de prêt à usage gratuit de prouver que les conditions du statut du bail rural sont remplies.
La requalification en bail rural de l'acte de prêt à titre gratuit comme le prévoit expressément la convention suppose que soit démontrée une contrepartie onéreuse imposée par le propriétaire en contrepartie de la jouissance gratuite du bien prêté.
En l'espèce, cette preuve n'est pas rapportée étant relevé que Mme [J] est la gérante exploitante de l'EARL Ecuries des Sopranos, associée unique jusqu'au 15 février 2017, date à laquelle M. [E] a acquis une seule part dans la société.
Gérante et associée majoritaire de l'EARL Ecuries des Sopranos, elle a inscrit au vu du dernier bilan comptable produit (31 mars 2019) une somme totale de 153 712 € sur le compte courant de M. [E] au titre d'avances consenties à la dite société.
Il est précisé, qu'au vu des pièces produites essentiellement par M. [E], de très nombreuses factures sont afférentes à l'aménagement d'une partie du bien mis à disposition de la société pour son activité de pension d'équidés.
Aucun élément ne démontre que ces travaux aient pu être imposés par le prêteur à l'EARL Ecuries des Sopranos en contrepartie de la jouissance des biens.
Par ailleurs, il convient de souligner que Mme [J] est elle-même prêteur en sa qualité de propriétaire en indivision avec M. [E] des biens mis à disposition de l'EARL Ecuries des Sopranos.
Or, en vertu des dispositions de l'article L 411-2 du code rural, le statut du bail rural ne peut être appliqué lorsque le bien mis à disposition d'une société appartient à une personne qui participe à titre personnel à l'exploitation de celle-ci, comme c'est le cas en l'espèce.
Dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de qualification en bail rural de la convention du 10 mars 2016.
La demande formée devant la cour tendant à voir déclarer opposable l'arrêt à intervenir à la Selarl Benoît et associés agissant par Maître [I] [S] en qualité de mandataire judiciaire de l'Earl Ecuries Soprano est sans objet, eu égard aux conclusions déposées en son nom.
Sur les demandes annexes
Les entiers dépens doivent être laissés à la charge de Mme [J] seule comme sollicité par M. [E].
L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes formées par M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance que devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement du 18 février 2022 en ce qu'il a :
-débouté l'EARL Ecuries des Sopranos et Mme [L] [J] de leur demande de qualification en bail rural de la convention du 10 mars 2016 et rappelé que cette décision était opposable à Mme [J] en qualité de co-indivisaire
Infirme le jugement pour le surplus.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare sans objet la demande de M. [E] tendant à voir déclarer opposable la décision à la Selarl Benoît agissant par Maître [I] [S] en sa qualité de mandataire judiciaire de l'EARL Ecuries des Sopranos.
Déboute M. [V] [E] de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [L] [J] seule aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER