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20/01/2023 | FRANCE | N°18/03891

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 20 janvier 2023, 18/03891


20/01/2023





ARRÊT N°38



N° RG 18/03891 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MQD7

PB AC CD



Décision déférée du 05 Avril 2018 - Cour de Cassation de PARIS - F17-15.345



















SAS GEM DISTRIBUTION





C/



[P] [W]

SA MANITOU BF



















































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Confirmation







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***



DEMANDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION



SAS GEM DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette q...

20/01/2023

ARRÊT N°38

N° RG 18/03891 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MQD7

PB AC CD

Décision déférée du 05 Avril 2018 - Cour de Cassation de PARIS - F17-15.345

SAS GEM DISTRIBUTION

C/

[P] [W]

SA MANITOU BF

Confirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

DEMANDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION

SAS GEM DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège de la société

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée par Me Hélène JANOUEIX de la SELARL MAGRET LECOQ JANOUEIX, avocat au barreau de LIBOURNE

DEFENDEURS SUR RENVOI APRES CASSATION

Monsieur [P] [W]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assisté par Me François DELMOULY de la SELARL AD-LEX, avocat au barreau d'AGEN

SA MANITOU BF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège de la société

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée par Me Marc PILPOUL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller chargé du rapport et V. SALMERON, Présidente. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

P. BALISTA, conseiller

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, président, et par C. OULIE, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [P] [W] a fait l'acquisition suivant contrat du 21 avril 2008, auprès de la Sas Gem Distribution d'un chariot élévateur de marque Manitou (modèle MT18-40) moyennant le prix de 81238 € TTC.

La livraison a été effectuée le 7 mai 2008.

Dès le mois de mai 2008, des pannes successives sont apparues. Malgré les interventions de la Sas Gem Distribution de nouveaux dysfonctionnements ont surgi à l'issue de la période de garantie.

Par acte d'huissier du 16 février 2011, Monsieur [P] [W] a saisi le juge des référés pour voir ordonner une mesure d'expertise, l'assignation ayant été déclarée commune, à la demande de la Sas Gem Distribution, au fabricant, la Sa Manitou Bf.

Par ordonnance du 16 février 2011, une expertise a été ordonnée qui a été confiée à Monsieur [Z] [T].

Le rapport d'expertise a été déposé le 16 mai 2012.

Par acte d'huissier du 8 novembre 2012,Monsieur [P] [W] a assigné la Sas Gem Distribution et la Sa Manitou Bf devant le Tribunal de Commerce d'Agen pour obtenir la résolution de la vente et l'allocation de diverses sommes en réparation du préjudice subi.

Par jugement du 8 octobre 2014, le tribunal de commerce d'Agen a:

-rejeté la demande de prescription de l'action soulevée par la Sas Gem Distribution,

-débouté la Sas Gem Distribution de toutes ses autres demandes,

-prononcé la résolution de la vente de l'engin de marque Manitou intervenue entre Monsieur [W] et la Sas Gem Distribution,

-condamné la Sas Gem Distribution à payer à Monsieur [W] la somme de 68000€ en remboursement de l'engin défectueux,

-condamné la Sas Gem Distribution à payer à Monsieur [W] la somme de 12382,27€ en remboursement des préjudices financiers,

-débouté Monsieur [W] de ses autres demandes,

-ordonné l'exécution provisoire de ce jugement à charge pour Monsieur [W] de fournir une caution bancaire couvrant, en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel, toutes les sommes versées en exécution du présent jugement outre les intérêts pouvant avoir couru sur ces sommes,

-condamné la Sas Gem Distribution à payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamné la Sas Gem Distribution aux entiers dépens,

-rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,

-liquidé les dépens à la somme de 104,52€.

Suite à l'appel interjeté par la société Gem Distribution, la cour d'appel d'Agen a, par arrêt du 16 janvier 2017 :

-infirmé le jugement du Tribunal de Commerce d'Agen du 8 octobre 2014,

-déclaré prescrite l'action de [P] [W] sur le fondement des vices cachés,

-rejeté les autres demandes de [P] [W],

-l'a condamné à verser à la Sas Gem et à la Sa Manitou une somme de 1500€ chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile

-l'a condamné aux dépens.

Suite au pourvoi formé par Monsieur [P] [W], la première chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt du 5 avril 2018, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 16 janvier 2017 entre les parties par la cour d'appel d'Agen et remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse.

La Sas Gem Distribution a saisi la cour de renvoi d'une première déclaration de saisine en date du 21 juillet 2018 (enregistrée sous le numéro 18/03393), puis d'une deuxième déclaration de saisine en date du 6 septembre 2018 (numéro 18/03891), l'affaire étant attribuée à la deuxième chambre commerciale de la cour d'appel de Toulouse.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 29 novembre 2018.

Par ordonnance du 9 juillet 2020, le conseiller de la mise en état:

-a prononcé la caducité de la déclaration de saisine effectuée par la Sas Gem Distribution le 21 juillet 2018 en application de l'article 1037-1 alinéa 2 du code de procédure civile,

-s'est déclaré incompétent pour statuer sur la recevabilité de la seconde déclaration de saisine du 6 septembre 2018, enregistrée sous le numéro 18/03891,

-a ordonné la disjonction des deux instances,

-a invité les parties à conclure devant la cour sur la question de la recevabilité de la seconde déclaration de saisine,

-a condamné la société Gem Distribution aux dépens et rejeté sa demande fondée sur l'article 700 code de procédure civile.

La société Gem Distribution a notifié des conclusions le 11 janvier 2021. Elle a demandé à la cour de déclarer recevable la seconde déclaration de saisine du 6 septembre 2018 notifiée aux parties le 21 novembre 2018.

Dans des conclusions notifiées par Rpva le 9 septembre 2020, Monsieur [P] [W] a demandé à la cour, au visa de l'article 546 du code de procédure civile, de déclarer irrecevable, faute d'intérêt, la déclaration de saisine objet de la présente instance.

Dans des conclusions notifiées le 9 février 2021, la Sa Manitou Bf a demandé à la cour de déclarer irrecevable la déclaration de saisine en date du 6 septembre 2018 faute d'intérêt à agir.

Par arrêt avant dire droit du 22 avril 2021, la cour a:

-invité la société Gem Distribution à produire dans un délai de 15 jours l'acte de notification de l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 5 avril 2018,

-autorisé les parties à fournir une note en délibéré dans un délai de 15 jours en suivant,

-dit que l'arrêt relatif à la deuxième déclaration de saisine serait rendu le 26 mai 2021.

La Sas Gem Distribution a communiqué le 30 avril 2021 une copie de la signification de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2018 qui est intervenue le 24 mai 2018.

Par arrêt du 26 mai 2021, la cour a:

-déclare la société Gem Distribution recevable en sa déclaration de saisine notifiée le 6 septembre 2018,

-renvoyé la procédure à l'audience de mise en état du 14 octobre 2021 pour clôture et fixation,

-réservé les dépens et les autres demandes en fin d'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 08 août 2022.

Vu les conclusions notifiées par Rpva le 11 octobre 2021 par la société Gem, auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire, demandant à la cour, au visa des articles 1110 et suivants et 1641 et suivants du Code civil, de :

-réformer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce d'Agen du 08/10/2014,

-à titre principal,

-ordonner une mesure de contre-expertise confiée à un expert spécialisé dans les engins de levage qu'il plaira à la cour de désigner,

-à titre subsidiaire,

-déclarer prescrite l'action fondée sur la garantie des vices cachés de M. [W],

-le débouter de l'ensemble de ses demandes,

-le condamner à verser à la Sas Gem la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

-le condamner en tous les dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise,

-à titre infiniment subsidiaire,

-constater le parfait fonctionnement actuel du chariot élévateur vendu à M. [W],

-constater en conséquence que l'action en garantie des vices cachés ne lui est plus ouverte,

-le débouter de l'ensemble de ses demandes,

-le condamner à verser à la Sas Gem la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

-le condamner en tous les dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise,

-à titre très infiniment subsidiaire,

-constater que M. [W] ne fournit aucun élément sur la gravité du vice affectant son chariot,

-le débouter de sa demande fondée sur la résolution de la vente,

-constater le défaut d'entretien de la machine par M. [W],

-dire en conséquence qu'il ne saurait lui être restitué le prix de la machine neuve,

-limiter le montant de la restitution du prix à 50%,

-limiter sa demande de dommages et intérêts,

-condamner la Sa Manitou à relever la Sas Gem de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

-condamner la Sa Manitou à verser à la Sas Gem la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner la Sa Manitou en tous les dépens de l'instance en ceux compris les frais d'expertise.

Vu les conclusions notifiées par Rpva le 28 septembre 2021 de la Sa Manitou Bf, auxquelles il est fait référence pour un exposé complet de l'argumentaire, demandant à la cour:

-dire l'appeI irrecevable, subsidiairement mal fondé,

-à titre principal, infirmer le jugement rendu le 8 octobre 2014 par le tribunal de commerce d'Agen en toutes ses dispositions,

-constater que l'expert judiciaire n'a pas fait le constat, au contradictoire des parties, d'un quelconque dysfonctionnement du chariot élévateur litigieux, qui aurait pu s'apparenter à un vice caché,

-constater que selon le rapport d'expertise judiciaire, le chariot élévateur litigieux a connu de graves problèmes d'entretien depuis sa livraison à [P] [W],

-statuant à nouveau, rejeter l'action en garantie des vices cachées intentée par [P] [W], le débouter de toutes ses demandes,

-condamner [P] [W] à payer à la Sa Manitou Bf la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux-ci incluant les frais d'expertise,

-à titre subsidiaire, constater que l'expert judiciaire n'a pas fait le constat, au contradictoire des parties, d'un quelconque dysfonctionnement du chariot élévateur litigieux, qui aurait pu s'apparenter à un vice caché,

-à titre subsidiaire, constater que, selon le rapport d'expertise judiciaire, le chariot élévateur litigieux a connu de graves problèmes d'entretien depuis sa livraison à [P] [W], ordonner en conséquence et avant dire-droit, une mesure de contre-expertise judiciaire sur le fondement des articles 263 et suivants du Code de procédure civile, désigner un expert judiciaire spécialisé dans les engins de levage, lui confier la même mission que celle confiée à l'expert judiciaire désigné par le tribunal de commerce d'Agen, la préciser, en incluant dans cette mission l'analyse des conséquences d'un défaut d'entretien courant et régulier sur le chariot élévateur litigieux avec la mission de dire si les désordres éventuels qui subsistent sur la machine ont un lien de causalité avec ce défaut d'entretien,

-réserver les dépens,

-à titre plus subsidiaire, constater que le rapport d'expertise déposé ne caractérise ni le vice caché avec la précision nécessaire, ni sa gravité,

-dire et juger que seule l'action estimatoire est éventuellement possible, et qu'il appartient à [P] [W] de chiffrer le montant du préjudice qu'il estime avoir subi

-condamner [P] [W] à payer à la Sa Manitou Bf la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux-ci incluant les frais d'expertise, et dire que les dépens pourront être recouvrés directement par Me Emmanuelle Dessart, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

-plus subsidiairement encore, constater que selon le rapport d'expertise judiciaire, le chariot élévateur litigieux a connu de graves problèmes d'entretien depuis sa livraison à [P] [W],

-dire et juger qu'en conséquence, il n'a pu que se déprécier anormalement depuis sa livraison en 2008,

-appliquer à l'éventuelle restitution du prix un coefficient modérateur qui ne saurait être inférieur à 50% de son prix d'achat neuf,

-condamner [P] [W] à payer à la Sa Manitou Bf la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux-ci incluant les frais d'expertise et dire que les dépens pourront être recouvrés directement par Me Emmanuelle Dessart, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

-à titre infiniment subsidiaire, rejeter l'action en garantie intentée par la Sas Gem Distribution à I'encontre de la Sa Manitou Bf, ce quel qu'en soit le fondement,

-condamner solidairement [P] [W] et la Sas Gem Distribution à payer à la Sa Manitou Bf la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux-ci incluant les frais d'expertise.

Vu les conclusions notifiées le 17 mars 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de M. [P] [W] demandant de :

-confirmer le jugement dont appel,

-y ajoutant, dire que la condamnation prononcée au titre du remboursement du prix sera assortie d'intérêts moratoires au taux légal à compter du 21 avril 2008,

-porter la condamnation relative à la réparation des préjudices financiers à la somme de 12382,27 + 2217 + 15000 + 4868,97 = 34468,24 €,

-allouer au concluant une nouvelle indemnité, d'un montant de 2500 €, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner l'intimée aux dépens, dont distraction pour Me Sorel dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Il sera observé que si la société Manitou conclut à l'irrecevabilité de l'appel dans ses dernières conclusions, les motifs des conclusions ne comportent aucun argumentaire sur ce point, la présente cour de renvoi ayant déjà déclaré la société Gem Distribution recevable en sa déclaration de saisine.

Sur l'organisation d'une nouvelle expertise

La société Gem Distribution sollicite, avant dire droit, l'organisation d'une nouvelle expertise exposant que les conclusions du premier expert commis sont inexploitables en ce qu'elles ne caractérisent pas suffisamment l'existence d'un vice caché et les désordres constatés sur la machine.

La société Manitou BF conclut dans le même sens en indiquant que l'expert n'a pas fait le constat d'un dysfonctionnement du chariot élévateur litigieux ce qui impose l'organisation d'une nouvelle expertise.

Cette demande de nouvelle expertise ne se fonde pas sur des faits nouveaux mais sur des lacunes reprochées à l'expertise judiciaire dans la caractérisation des désordres et leur origine.

Le seul fait que l'expert mentionne notamment un désordre du chariot élévateur signalé par M. [W] postérieurement à la dernière réunion d'expertise ne suffit pas à caractériser la nécessité d'une nouvelle expertise, la cour étant libre d'apprécier l'existence et la portée de ce désordre, parmi d'autres également invoqués, au vu des pièces qui lui sont fournies, dès lors que celles-ci ont été soumises à la libre discussion des parties.

De même, le fait que l'expert, qui a invoqué des problèmes hydrauliques, n'ait pu déterminer leur origine exacte n'impose pas non plus la nécessité d'une nouvelle expertise, dès lors que, d'une part, rien n'établit qu'une nouvelle expertise, plus de quatorze ans après l'achat du chariot élévateur, permettrait de déterminer une origine plus précise et que, d'autre part, la cour apprécie le rapport d'expertise au vu des constats et des conclusions tirés par l'expert, sans être tenue par ses conclusions.

La demande de nouvelle expertise sera en conséquence écartée.

Sur la recevabilité de l'action en garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1648 du Code civil, dans sa version applicable au cas d'espèce, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

La société Gem conclut à l'irrecevabilité de l'action motif pris que l'acheteur a indiqué avoir connu des problèmes de freinage dès le 24 avril 2008 alors qu'il n'a sollicité une expertise in futurum que par acte du 16 février 2011, près de trois ans après le vente.

M. [W] soutient que les premiers désordres signalés au vendeur pouvaient s'apparenter à de simples réglages à effectuer de sorte que les vices ne s'étaient manifestés dans toute leur ampleur qu'à la date de dépôt du rapport d'expertise.

Il expose par ailleurs que les multiples interventions du vendeur, soit 14 au total, ont nécessairement retardé le délai d'action.

L'expert judiciaire a conclu, en se fondant sur le récapitulatif des interventions de la société Gem, qu'après livraison du chariot, le 7 mai 2008, date avant laquelle l'acheteur ne pouvait agir, une première intervention avait été effectuée le 21 mai 2008 pour un problème de freinage, la fiche d'intervention mentionnant : 'remplacement du maitre-cylindre de freins, purge à trois reprises, toujours pas de freins, anomalie dans le pont'.

Des travaux de remise en état ont été effectués du 22 au 27 mai 2008 pour une vidange sur les ponts avant et arrière et un remplacement des joints de pistons et trompettes et niveau d'huile.

Par la suite, une intervention a été réalisée le 27 janvier 2009 suite à un ordre de réparation du 4 janvier 2009, la fiche de réparation mentionnant : 'fuite d'huile sur pont arrière, voir problème de freinage insuffisant (urgent)'.

Une autre intervention a été effectuée les 11 et 12 février 2010 pour absence de mouvements hydrauliques avec une remise en état de la valve de sécurité et réglage de la sécurité anti-basculement, étant mentionné 'pédale de frein un peu molle'.

Des contrôles périodiques ont été effectuées par le bureau Véritas les 30 octobre 2008, 28 avril 2009, 24 septembre 2010, 11 mars et 4 octobre 2011.

Les deux premiers n'ont révélé, suite à des essais en charge, aucune défectuosité ou anomalie.

Les trois suivants, réalisés à compter de septembre 2010, ont révélé les anomalies suivantes : réglage à effectuer, freinage sur butée mécanique de la pédale de frein.

Par ailleurs, l'expertise a établi que des interventions sur le circuit de freinage antérieures à la vente avaient été effectuées par le vendeur, en avril 2018.

Ces interventions n'ont été connues par l'acquéreur que postérieurement à la vente, aucune pièce n'établissant qu'elles aient été connues de l'acquéreur avant l'expertise.

Il en ressort que la chariot élévateur litigieux a subi des avaries à compter de mai 2008 et jusqu'en octobre 2011 qui sont apparues de manière discontinue mais récurrente et ont donné lieu à des réparations qui ont permis pour un temps une utilisation normale de l'engin, le vendeur n'ayant pas signalé des désordres préexistants à la vente, de sorte que l'ampleur des désordres n'a été révélée qu'à compter du dépôt du rapport d'expertise.

L'action en garantie des vices cachés est donc recevable.

Sur la garantie des vices cachés

Au visa de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

La société Gem et la société Manitou Bf font valoir, sur le fond, que l'expert n'a pas constaté de désordres de nature à rendre impropre le bien à son usage, étant exposé par ailleurs un défaut d'entretien de la machine par M. [W].

L'expert a conclu que 'la cause des pannes survenues sur l'engin sont d'origine hydraulique, perturbant le système de freinage pendant 23 mois après l'achat'

Il a indiqué 'l'origine des celles-ci [les pannes] sont difficiles à préciser mais il est certain que cet engin présentait et présente encore des défauts d'origine à le rendre impropre à l'usage auquel il est destiné'.

Il a souligné que 'toutes ces pannes de freinage auraient pu provoquer un accident'.

Il a également relevé que des désordres préexistaient à la vente puisque des travaux avaient été effectués, avant livraison, entre le 24 et le 29 avril 2008, nonobstant le fait que l'engin soit vendu neuf, pour 'une recherche problème sur circuit de freinage', ayant déjà été effectuée à cette date, une vidange des deux ponts, une vérification de l'étanchéité et un remplacement des joints de pistons et trompettes.

Ces travaux étaient déjà relatifs à des problèmes d'hydraulique et de freinage, comme les interventions ultérieures, l'expert notant, s'agissant des désordres avant livraison, 'de très importants travaux ont été effectués cette semaine [du 24 au 29 avril 2008] concernant déjà des problèmes sur les circuits de freinage' (p. 1 du rapport).

Le défaut d'entretien imputé à M. [W], à qui les autres parties reprochent un défaut de graissage, ne peut être en conséquence à l'origine des désordres, ce que n'a pas retenu l'expert et ce qui ne peut expliquer des désordres préalables.

De même, il ressort de l'expertise (p.11 du rapport) que l'acquéreur, qui n'a pas été informé avant la vente des problèmes de freinage préexistants, n'aurait pas acquis l'engin sans la certitude que les désordres seraient réparés.

La société Gem et la société Manitou Bf font valoir l'absence de désordres constatés le jour de l'expertise lors des essais de freinage et d'hydraulique pour conclure au mal fondé de l'action.

Ce seul élément ne démontre pas que les désordres ont été définitivement réparés, l'expert n'ayant pas conclu en ce sens et ayant d'ailleurs relevé, entre les deux réunions d'expertise, un nouveau désordre, qui a fait l'objet d'une intervention par la société Gem, suivant facture du 31 octobre 2011, pour un problème de 'coupure de mouvement' et 'fuite hydraulique' (annexe 17 du rapport d'expertise).

La détermination exacte de l'origine des désordres n'est par ailleurs pas une condition nécessaire au succés d'un action en garantie des vices cachés dès lors qu'elle est préalable à la vente.

Dès lors, c'est à bon droit que le jugement, en présence de désordres rendant l'engin impropre à son usage ou diminuant tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus, a prononcé la résolution de la vente.

Sur le montant des restitutions

La société Gem et la société Manitou Bf concluent à l'application d'un abattement de 50 % sur la restitution du prix de vente motif pris d'un défaut d'entretien de l'utilisateur.

La résolution de la vente a pour conséquence de replacer les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette résolution.

Il en résulte que la société Gem doit restitution du prix à M. [W], sans qu'il y ait lieu d'appliquer une moins value tirée de la vétusté de l'engin ou de son état actuel.

Sur les préjudices matériels et financiers

L'expert a chiffré le préjudice lié aux frais de réparations et aux immobilisations successives du chariot élévateur à la somme de 12382,27€ se fondant, notamment, sur une attestation de l'expert comptable de la société pour le préjudice de jouissance.

M. [W] y ajoute une somme de 4868,97 € Ht pour une intervention effectuée en mai 2015 par la société Aes Actiman Es pour une 'fuite hydraulique dans le télescope et désynchronisation des télescopes' ainsi que les sommes de 2217 € pour un préjudice d'immobilisation de 4 jours et de 15000 € pour l'impossibilité d'utiliser de manière permanente le véhicule.

Aucun élément produit par les parties ne permet de remettre en cause la durée d'immobilisation retenue par l'expert, soit 11 jours auquel ont été ajoutées 144 heures d'immobilisation, l'expert n'ayant pas noté d'anormalité dans le relevé d'heures qu'il a effectué sur l'engin (annexe 22-6 du rapport).

L'expert n'a pas retenu la somme de 2217 € pour une immobilisation supplémentaire de 4 jours. Aucune des pièces produites, y compris dans le cadre de l'expertise, ne fait référence à cette immobilisation de 4 jours. L'attestation comptable produite ne précise d'ailleurs pas la période d'immobilisation dont il est question.

C'est donc à bon droit que le jugement n'a pas condamné de ce chef la société Gem.

De même, la cour écartera les demandes complémentaires formées par M. [W] au titre de l'intervention de mai 2015, qui n'a pas été soumise à l'appréciation de l'expert et pour laquelle il ne peut être établi un lien de causalité avec les désordres initiaux, plus de trois ans après le dépôt du rapport d'expertise.

La cour écartera également la demande forfaitaire de 15000 € pour impossibilité d'utiliser de manière permanente le véhicule alors que cette demande n'est appuyée par aucun élément probant et que M. [W] est déjà indemnisé pour le préjudice de jouissance lié à l'immobilisation du véhicule.

Sur le recours en garantie formé contre Manitou Bf par Gem

Le tribunal a omis de statuer sur la demande en garantie formée par la société Gem contre le constructeur.

La société Manitou Bf a contesté, lors des opérations d'expertise, avoir été informée des problèmes rencontrés avant la vente du véhicule.

La société Gem fait valoir que Manitou Bf a validé les travaux effectués avant vente.

Il ressort de la pièce n°3 de la société Gem que Manitou a consenti gracieusement une extension de garantie sur la machine litigieuse sans précision sur l'étendue de l'extension.

La pièce n°2 de la société Manitou Bf établit que la société Gem a demandé la prise en charge par Manitou, le constructeur, des frais de réparation liés à des travaux effectués le 18 mars 2008, avant livraison. La fiche de prise en charge porte mention des travaux suivants : 'Huile de frein passe dans le pont - dépose du pont et remplacement de tous les joints et bagues anti-extension - remontage de l'ensemble - essais ok'.

La société Manitou n'établit pas, comme elle le soutient, qu'un passage d'huile de frein dans le pont ne constitue pas un désordre important.

Dès lors, considérant que l'expert a évoqué un raté de fabrication, ce qui suppose des désordres imputables au constructeur indifférents à l'entretien après vente de la machine, et que la société Manitou était informée dès avant la vente des problèmes rencontrés, la demande en garantie formée par la société Gem sera accueillie.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

L'équité commande d'allouer à M. [W] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'équité ne commande pas application de cet article au bénéfice des autres parties.

Partie perdante, la société Gem supportera, sauf son recours en garantie contre Manitou, les dépens d'appel, les dépens de première instance devant inclure les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Agen du 8 octobre 2014.

Y ajoutant,

Dit que les dépens de première instance, mis à charge de la Sas Gem, inclut les frais d'expertise.

Condamne la Sa Manitou Bf à garantir la Sas Gem des condamnations prononcées contre elle par le tribunal et la cour, en ce compris les frais et les dépens irrépetibles.

Condamne la Sas Gem à payer M. [P] [W] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Déboute la Sas Gem et la Sa Manitou de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Condamne la Sas Gem aux dépens d'appel.

Le greffier La Présidente

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/03891
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;18.03891 ?
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