18/01/2023
ARRÊT N°38/2023
N° RG 22/00682 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OTXL
CBB/CD
Décision déférée du 04 Février 2022 - Président du TJ de TOULOUSE ( 22/00004)
Mme [S]
[A] [V]
[Z] [V]
C/
[R] [B]
[M] [B]
INFIRMATION ET EXPERTISE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTS
Madame [A] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Valérie PONS-TOMASELLO de la SELARL MESSAUD & PONS-TOMASELLO, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [Z] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Valérie PONS-TOMASELLO de la SELARL MESSAUD & PONS-TOMASELLO, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉS
Monsieur [R] [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Nicolas RAMONDENC de la SELEURL NICOLAS RAMONDENC, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [M] [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Nicolas RAMONDENC de la SELEURL NICOLAS RAMONDENC, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
M. et Mme [V] sont propriétaires, depuis le 15 octobre 1991, d'une maison constituant leur domicile située lieudit [Adresse 1].
Leurs voisins immédiats, M. et Mme [B], ont fait installer deux pompes à chaleur à proximité de la limite des deux propriétés.
M. et Mme [V] se plaignent des nuisances sonores émanant de ces équipements qui fonctionnent toute l'année.
Une conciliation a échoué et ils ont mis en demeure en vain leurs voisins par LRAR du 8 mars 2021 de déplacer les PAC.
PROCEDURE
Par acte en date du 28 décembre 2021, M. et Mme [V] ont fait assigner M. et Mme [B] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, une expertise judiciaire.
Par ordonnance contradictoire en date du 4 février 2022, le juge a':
- dit n'y avoir lieu à référé-expertise.
- débouté les parties de toutes demandes sur l'article 700 du code de procédure civile.
- condamné les parties requérantes, M. [V] [Z] et Mme [V] [A] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration en date du 14 février 2022, M. et Mme [V] ont interjeté appel de la décision. L'ensemble des chefs du dispositif de la décision sont critiqués.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. et Mme [V], dans leurs dernières écritures en date du 7 avril 2022, demandent à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de':
- réformer l'ordonnance de référé du 4 février 2022 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé-expertise, et condamné les parties requérantes aux dépens
- confirmer l'ordonnance de référé du 4 février 2022 en ce qu'elle a débouté les parties de toutes demandes sur l'article le 700 du code de procédure civile.
statuant à nouveau :
- débouter les époux [B] de leurs prétentions et de leurs demandes, en particulier fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- ordonner une expertise judiciaire et désigner tel expert qu'il plaira pour y procéder avec la mission qu'il plaira à la Cour de définir et notamment celle de :
* visiter les lieux, décrire les ouvrages ou installations litigieux ;
* faire toute mesure utile pour apprécier le niveau des nuisances sonores alléguées et en indiquer la ou les origines ;
* indiquer si les ouvrages ou installations litigieux créent une nuisance sonore ;
* préconiser les remèdes et les travaux nécessaires pour supprimer les nuisances ;
* déterminer les solutions techniques propres à y mettre un terme et les chiffrant,
* évaluer les préjudices de toute nature résultant des nuisances constatées, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux visant à les supprimer ;
* évaluer les préjudices de toute nature, et en particulier les moins-values résultant des nuisances ne pouvant être supprimées ;
* donner tous éléments techniques et de fait propres à déterminer les responsabilités encourues et à permettre d'évaluer les éventuels préjudices subis par Mr et Mme [V]
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Ils exposent que':
- le motif légitime ne se confond pas avec la preuve des faits que la mesure sollicitée est susceptible de rapporter,
- mais ils justifient suffisamment de nuisances sonores tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de leur domicile par un constat d'huissier du 12 février 2022'et par attestations de témoins'; les intimés eux-mêmes ont reconnu devant le conciliateur que les PAC étaient sonores,
- mais ils ont besoin d'une expertise judiciaire pour vérifier le dépassement des normes réglementaires que ne peut pas faire un huissier.
M. et Mme [B], dans leurs dernières écritures en date du 30 mars 2022, demandent à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de':
- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse le 4 février 2022 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu a référé-expertise, et condamné les consorts [V] aux dépens ;
- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse le 4 février 2022 en ce qu'elle a débouté les consorts [B] de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner par conséquent les requis au versement de la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Ils soutiennent que':
- le constat d'huissier ne révèle aucune anomalie faute d'avoir effectué des relevés de mesures acoustiques de même que l'installateur qui n'a relevé aucune anomalie,
- les attestations de témoins sont faillibles et imprécises.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2022.
MOTIVATION
L'article 145 du Code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.
Si la mise en oeuvre de ce texte ne se conçoit qu'en prévision d'un possible litige, elle n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.
Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir ou conserver une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur. Ce motif existe dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l'adversaire.
Il est dès lors indispensable que le demandeur établisse l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement soient cernés, approximativement au moins, et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner.
En l'espèce, il ressort des photographies aériennes des lieux que la maison de M. et Mme [B] est édifiée sur un grand et large terrain, que toutefois les deux pompes à chaleur ont été installées sur une partie de la maison située au plus près et dans la direction du fonds voisin sans qu'il soit expliqué pourquoi cet emplacement a été priviliégié et, que les deux fonds apparaissent situés dans un environnement spacieux et calme.
M. et Mme [V] produisent au débat devant la cour un constat d'huissier établi le 12 février 2022 qui mentionne que les deux propriétés sont séparées par une haie végétale et un grillage, que depuis la terrasse le bruit important d'une machine en fonctionnement type moteur est très perceptible, de même que dans tout le jardin, que ce bruit provient du fonctionnement de deux moteurs de pompes à chaleur situées sur la propriété voisine. L'huissier précise que ce même bruit est perceptible à l'intérieur de l'habitation au niveau de la chambre à coucher, fenêtres fermées.
Dans ces conditions, dès lors que la mise en oeuvre de l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées, il apparaît suffisamment établi l'existence d'un litige plausible quant à l'existence de troubles anormaux de voisinage.
Il en résulte donc que M. et Mme [V] justifient d'un motif légitime d'établir la preuve des faits dont peut dépendre la solution d'un litige.
L'établissement de cette preuve ne peut être réalisé que par un technicien ; une consultation ou constatation serait insuffisante ; il convient dans ces conditions d'ordonner une expertise.
PAR CES MOTIFS
La cour
- Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 4 février 2022.
- Ordonne une expertise et commet pour y procéder :
* Mme [U] [Y]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
et à défaut :
*M. [T] [O]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Avec pour mission de :
1°/ visiter en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées, leurs conseils avisés, l'immeuble appartenant à M. et Mme [V] et celui appartenant à M. et Mme [B] situés lieudit [Adresse 2] le décrire, entendre tous sachants, prendre connaissance des documents de la cause,
2°/ décrire les Pmpes à chaleur posées au domicile de M. et Mme [B] et dire si elles sont conformes aux normes applicables en la matière, plus particulièrement en ce qui concerne le bruit et les vibrations,
3°/ se rendre dans la maison de M. et Mme [V] et procéder à toutes les mesures acoustiques nécessaires pour permettre de dire si les troubles sonores invoqués sont réels,
4°/ dire si l'émission sonore provenant des pomprs à chaleur de M. et Mme [B] est conforme ou non à la réglementation en vigueur,
5°/ procéder aux mesures diurnes et nocturnes en utilisant tous les modes de fonctionnement des pompes à chaleur (mode chauffage, mode climatisation, tous régimes de soufflerie),
6°/ si l'émission n'est pas conforme, déterminer les moyens techniques permettant d'y mettre fin, le coût et la durée de réalisation de ceux-ci,
7°/ dire si, après l'exécution des travaux de remise en état, l'immeuble de M. Et Mme [V] restera affecté d'une moins value et donner en ce cas son avis sur son importance
8°/donner tous éléments pour proposer l'évaluation du préjudice subi par M. et Mme [V] du fait des troubles éventuellement constatés et de l'exécution des réparations visant à les supprimer (préjudice de jouissance notamment) ;
9°/ répondre, conformément aux dispositions de l'article 276 du Nouveau Code de procédure civile, à tous dires ou observations des parties auxquelles seront communiquées, avant d'émettre l'avis sur l'évaluation définitive des travaux de réparation, soit une note de synthèse, soit un pré-rapport comportant toutes les informations sur l'état de ses investigations et tous les documents relatifs notamment aux devis et propositions chiffrés concernant les diverses évaluations; rapporter au tribunal l'accord éventuel qui pourrait intervenir entre les parties,
10°/ plus généralement donner toutes les informations utiles de nature à apporter un éclaircissement sur les différents aspects du litige,
Dit que les parties devront transmettre leur dossier complet directement à l'expert, et ce, au plus tard le jour de la première réunion d'expertise,
Dit que l'expert pourra en cas de besoin avoir recours à un technicien autrement qualifié, à charge pour lui de joindre son avis au rapport d'expertise,
Rappelle à l'expert qu'il doit, dès sa saisine, adresser au greffe de la juridiction l'acceptation de sa mission et que tout refus ou tout motif d'empêchement devra faire l'objet d'un courrier circonstancié, adréssé dans les 8 jours de sa saisine ; étant précisé que si le magistrat chargé des expertises accepte sa position, l'expert sera remplacé par simple ordonnance et que dans tout les cas, la demande de décharge est communiquée au magistrat du parquet chargé du suivi de la liste des experts ;
Dit que M. et Mme [V] verseront par chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances de la cour d'appel de Toulouse une consignation de deux mille Euros (2.000 €.) à valoir sur la rémunération de l'expert et dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt ; que ce chèque sera adressé, avec les références du dossier (n° R.G.) au greffe de la cour d'appel de Toulouse, service des expertises.
Rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque selon les modalités fixées par l'article 271 du Nouveau Code de procédure civile,
Dit que l'expert devra déposer auprès du greffe de la cour d'appel de Toulouse, service des rexpertises, un rapport détaillé de ses opérations dans les quatre mois à compter de l'avis de versement de la consignation qui lui sera donné par le greffe et qu'il adressera copie complète de ce rapport, y compris la demande de fixation de rémunération à chacune des parties, conformément aux dispositions de l'article 173 du Nouveau Code de procédure civile,
Précise que l'expert adressera une photocopie du rapport à l'avocat de chaque partie.
Précise que l'expert doit mentionner dans son rapport l'ensemble des destinataires à qui il l'aura adressé.
Désigne Madame le Président de la 3°chambre ou à défaut le conseiller rapporteur pour surveiller les opérations d'expertise.
Laisse les dépens à la charge de M. et Mme [V].
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER