18/01/2023
ARRÊT N°42/2023
N° RG 22/00623 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OTPX
AM/MB
Décision déférée du 14 Décembre 2021 - Juge des contentieux de la protection de MURET ( 12 21-0001)
Elsa LAFITE
[I] [U]
[H] [Y] [B]
C/
[C] [P]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [I] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Florence MEZZARI, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [H] [Y] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Florence MEZZARI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Madame [C] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Julie RACOUPEAU, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2022.003582 du 14/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A.MAFFRE, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte notarié du 28 mars 2011, Mme [C] [P] a recueilli les droits indivis de son père, décédé le 24 juillet 2008, sur la moitié en pleine propriété de l'immeuble situé [Adresse 1]) acquis par ses parents en 1947.
Suivant acte sous seing privé du 17 janvier 2018, Mme [P] a donné ce logement à bail à M. [I] [U], moyennant un loyer mensuel de 890 euros hors charges.
M. [H]-[Y] [B] est devenu lui aussi locataire des lieux suivant avenant du 30 avril 2020, et le loyer a été porté à 910 euros.
Les loyers n'ont pas été scrupuleusement réglés et un commandement de payer la somme de 7576 euros au principal a été délivré le 2 juin 2021, en vain.
Par acte du 2 septembre 2021, dénoncé le lendemain au préfet, Mme [P] a fait assigner M. [I] [U] et M. [H] [Y] [B] devant le juge des référés du tribunal de proximité de Muret aux fins de constat de la résiliation du bail, d'expulsion et de paiement solidaire de sommes à titre provisionnel.
Par ordonnance contradictoire du 14 décembre 2021, le juge a principalement :
- constaté la résiliation du bail liant Mme [C] [P] à MM. [I] [U] et [H] [Y] [B] par le jeu de la clause résolutoire, à la date du 3 août 2021, concemant le logement situé [Adresse 1], pour défaut de paiement des loyers,
- constaté que MM. [I] [U] et [H] [Y] [B] n'ont pas quitté les lieux dans le délais de deux mois à compter de la signification d'un commandement de quitter les lieux,
- dit que Mme [C] [P] pourra faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique conformément aux dispositions des articles L. 411-1 et L. 412-1 ainsi que des articles R. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- condamné solidairement MM. [I] [U] et [H]-[Y] [B] à payer mensuellement à Mme [C] [P], à titre de provision, au titre de l'indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail, soit le 3 août 2021 et jusqu'à libération complète des lieux, une somme égale au montant du loyer indexé et des charges qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié,
- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnation au paiement de l'arriéré locatif et de délais de paiement et l'a renvoyée à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond compétente,
- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de réfaction des loyers et indemnitaires formées par M. [I] [U] et les ont renvoyés à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond compétente,
- condamné MM. [I] [U] et [H] [Y] [B] aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,
- condamné MM. [I] [U] et [H] [Y] [B] à payer à Mme [C] [P] la somme de 300 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant jugement contradictoire du 21 janvier 2022, le juge chargé des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Muret statuant au fond a notamment :
- débouté MM. [U] et [B] de leurs demandes d'annulation de l'avenant au contrat de bail et de condamnation de Mme [P] à payer à M. [U] la somme de 10907 euros au titre de la réfaction du loyer et aux deux locataires celle de 2000 euros en réparation de leur préjudice,
- condamné M. [U] seul à payer à Mme [P] la somme de 922 euros au titre de l'arriéré locatif au mois d'avril 2020 inclus et les deux locataires solidairement à lui verser la somme de 9896,80 euros au titre de l'arriéré locatif dû au mois de novembre 2021 inclus.
Par déclaration en date du 9 février 2022, M. [I] [U] et M. [H] [B] ont interjeté appel de l'ordonnance de référé du 14 décembre 2021, critiquée en ce qu'elle a déclaré l'action de Mme [C] [P] recevable et en toutes ses dispositions à l'exception du rejet des demandes de condamnation au paiement de l'arriéré locatif et de délais de paiement, rejetant ainsi leurs demandes visant à voir :
. Déclarer non acquise la clause résolutoire en raison de l'indécence du logement qui légitime une suspension du paiement des loyers et une réfaction de ceux-ci,
. Condamner Mme [C] [P] à verser à M. [U] à titre de provision les condamnations sollicitées devant le Juge du fond à savoir :
' 10 907 € au titre de la réfaction des loyers,
' 2000 € en réparation du préjudice subi par la violation récurrente de domicile,
' 2 000 € en réparation du préjudice subi par tous les tracas entraînés par le fait d'avoir vicié le consentement,
. Condamner Mme [C] [P] à faire réaliser, sous astreinte de 150€ par jour, les travaux destinés à rendre l'immeuble loué conforme au code de la santé.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [I] [U] et M. [H] [B], dans leurs dernières écritures en date du16 novembre 2022, demandent à la cour, vu les articles 815-2 et 805-3 du code civil et 1721 du même code et l'ordonnance d'irrecevabilité des conclusions d'intimée en date du 22 juillet 2022, de':
- déclarer recevable l'appel de M. [U] et de M. [B] à l'encontre de l'ordonnance du 14 décembre 2021,
- réformer ladite ordonnance en ce qu'elle a déclaré recevable l'action en référé de Mme [C] [P] et fait droit à la demande de résiliation du bail, d'expulsion et d'indemnité d'occupation et de condamnations aux dépens et de paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
- déclarer irrecevable l'action de Mme [C] [P] en résiliation d'un contrat de bail et en expulsion avec toutes ses conséquences après avoir considéré qu'elle n'avait pas le droit d'agir seule en sa qualité d'indivisaire avec des droits à concurrence de la moitié en vertu de l'article 122 du code de procédure civile et des articles 815-2 et 815-3 du code civil,
À titre subsidiaire, sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, considérant les contestations sérieuses portant sur le contrat de location souscrit par un seul indivisaire avec des droits à concurrence de la moitié, sur la procédure en référé en résiliation de bail engagée par un seul indivisaire, sur l'insalubrité du logement constatée par le diagnostic technique infractions au RSD dressé le 13 octobre 2021, sur l'usage des lieux par la bailleresse, sur le montant réclamé au titre des loyers et sur la réfaction réclamée à ce titre,
- déclarer incompétent le Juge des référé,
- déclarer irrecevable l'action en référé de Mme [C] [P],
- dire n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble de ses demandes,
À titre subsidiaire,
- écarter l'acquisition de la clause résolutoire en raison de l'indécence du logement qui légitime une suspension du paiement des loyers et une réfaction de ceux-ci en vertu de la loi du 06 juillet 1989 et de l'article 6 de cette même loi,
En conséquence,
- débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes au titre de la résiliation du bail, de l'expulsion, de la condamnation au titre de l'arriéré locatif et de l'indemnité d'occupation,
En conséquence,
- condamner Mme [P] à payer à M. [U] les sommes exécutées sur le fondement de l'ordonnance attaquée soit la somme totale de 19 981,84 €,
- condamner Mme [P] à payer à M. [U] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [P] aux entiers dépens de première instance y compris les dépens d'exécution et d'appel.
M. [I] [U] et M. [H] [B] mettent en avant que M. [U] est entré dans les lieux sans état des lieux contradictoire : s'il a fait divers travaux à ses frais, Mme [P] n'a pas terminé ceux auxquels elle s'était engagée, même après le rapport du 12 octobre 2021 qui a relevé des manquements au regard de la décence et l'insalubrité du logement ; de plus, elle utilise le bien loué à des fins personnelles et y entre sans prévenir.
À partir de février 2020, il a cessé de régler le loyer, pour ces raisons et aussi du fait de problèmes de santé l'empêchant de travailler. Et, remarquant la présence ponctuelle de M. [B], Mme [P] lui a fait signer le 30 avril 2020 un avenant au bail comme 'cotitulaire solidaire à compter du 1er février 2020".
Mme [P] a adressé une seule mise en demeure de payer le 4 janvier 2021, et M. [U] lui a signifié en retour qu'il n'était pas d'accord sur le montant réclamé qui ne tenait pas compte des espèces versées. De son côté, il a fait le maximum avec son RSA.
Les appelants soutiennent pour l'essentiel que les demandes de Mme [P] sont irrecevables en référé du fait de contestations sérieuses portant sur :
- le défaut de pouvoir d'agir seule de Mme [P] en sa qualité d'indivisaire à concurrence de 50 % du bien loué, tant pour signer le bail que pour agir en résiliation en vertu des articles 815 à 815-18 du code civil, faute d'être titulaire d'au moins deux tiers des droits indivis, s'agissant d'actes d'administration,
- la remise à la location d'un logement indécent selon les conclusions de l'enquête sanitaire du 12 octobre 2021,
- la non acquisition de la clause résolutoire en raison de l'indécence du logement qui légitime le défaut de paiement des loyers : leur obligation de payer les loyers se heurte ainsi à une contestation sérieuse du fait du manquement du bailleur à son obligation d'entretien, et Mme [P] à laquelle il s'était plaint de l'insalubrité des lieux n'a pas délivré le commandement de payer de bonne foi, ne justifiant de la remise aux normes du tableau électrique que par une facture postérieure au 12 octobre 2021 ; l'utilisation des lieux par la bailleresse et la révision du loyer malgré l'absence de mention de l'indexation de référence constituent d'autres contestations sérieuses en plus de justifier la réfaction du loyer par le juge du fond depuis l'origine,
- l'ensemble des demandes formalisées par la bailleresse au titre des montants réclamés et de son usage des lieux, faute de décompte précis des encaissements provenant de la CAF et des versements effectués sur son compte ou celui d'un tiers à sa demande.
Les appelants réclament en conséquence le remboursement des sommes mises à la charge de M. [U] par les différentes décisions de justice, réglées.
Suivant dernières conclusions du 1er décembre 2022, Mme [C] [P] prie la cour, vu notamment les articles 815-3 et 1998 du Code civil et les articles 834 et suivants du Code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance du 14 décembre 2021 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- débouter MM. [U] et [B] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner solidairement MM. [U] et [B] au paiement de la somme de 1500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Mme [C] [P] expose que par décision au fond du 21 janvier 2022, le juge chargé des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Muret a rejeté les demandes de M. [U] et [B] de voir M. [B] mis hors de cause et de la condamner à payer des sommes au titre de la réfaction du loyer, de la violation du domicile et des tracas.
Elle précise qu'ils ne vivent plus dans les lieux depuis avril 2022.
Sur la recevabilité de son action, elle soutient pour l'essentiel que :
. sa mère, co-indivisaire, l'a autorisée à conclure les baux afférents aux biens communs, et la gestion faite par le gérant peut toujours recevoir une ratification postérieure,
. elle a fait réaliser de nombreux travaux lors de l'entrée de M. [U] dans les lieux et tout au long du bail, et le locataire a refusé que l'assurance intervienne et que la toiture soit réparée après la tempête de juin 2019, ne se plaignant d'une insalubrité qu'après la mise en demeure et pour justifier le défaut de paiement des loyers depuis plusieurs mois,
. M. [U] accueillait de nombreux travailleurs étrangers, 'sales et peu soigneux' selon lui, et n'entretenait pas les lieux, mettant en scène l'insalubrité du logement en arrachant des prises lors du passage de l'huissier,
. l'ARS a conclu à l'absence d'insalubrité ou d'urgence sanitaire ponctuelle et les anomalies constatées sont exclusivement du fait des appelants, le logement ayant été remis en bon état et les locataires ne l'ayant jamais saisie de difficultés,
. et la rétention du loyer ne pouvait être décidée unilatéralement, sans suspension judiciaire,
. elle nie avoir utilisé les lieux loués : ils s'étaient mis d'accord pour que ses deux poules restent sur le terrain avec celles de M. [U] et elle ne se présentait qu'après avoir convenu d'un rendez-vous,
. l'indexation de référence est clairement indiquée dans le contrat de bail et l'obligation principale des locataires, le paiement du loyer, n'est pas sérieusement contestable.
L'intimée met en avant que faute de pouvoir obtenir une quittance à compter de février 2020, les locataires ne pouvaient plus bénéficier des allocations logement et elle précise qu'elle avait consenti les délais de paiement sollicités par M. [U] en raison de son état de santé : elle déplore un arrérage des loyers sur deux années, aucune proposition d'échéancier n'étant intervenue.
Enfin, elle fait valoir que l'indemnité d'occupation doit réparer intégralement le préjudice du bailleur et ainsi correspondre à la valeur du loyer indexé et des charges.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action de Mme [P]
Les appelants contestent le droit de Mme [P] à agir seule en sa qualité de propriétaire indivise de la moitié du bien loué.
L'article 815-3 du code civil dispose en son dernier alinea que, si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.
Il en découle qu'en dehors des actes de disposition et de la conclusion ou du renouvellement des baux, un indivisaire qui prend en main la gestion des biens indivis au vu et sans opposition des autres, est considéré comme ayant reçu un mandat tacite.
Or, la résiliation d'un bail constitue un acte d'administration, couvert comme tel par le mandat tacite sus-cité, puisque non expressément exclu à la différence de la conclusion d'un bail.
Au surplus, Mme [R] [P], mère de l'intimée et propriétaire de la moitié indivise de l'immeuble donné en location atteste d'une part qu'elle a donné à sa fille à compter de juin 2017 l'autorisation de conclure et renouveler les baux afférents à leurs biens communs et d'autre part, qu'elle était parfaitement au courant des impayés du contentieux locatif dès 2020 et active dans les relations chaleureuses, puis conflictuelles avec M. [U].
Dès lors, Mme [C] [P], propriétaire indivise titulaire d'un mandant tacite, est recevable à agir en constat de la résiliation du bail liant les parties.
Sur le constat de la résiliation
L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Selon l'article 7 a) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus, le paiement mensuel est de droit lorsque le locataire en fait la demande. Le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l'article L.843-1 du code de la construction et de l'habitation ne peut être considéré comme un défaut de paiement du locataire.
Le contrat de bail signé par les parties contient une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit pour défaut de paiement des loyers, des charges ou du dépôt de garantie et de défaut de justification d'une assurance locative.
L'article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que "toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux" .
Mme [P] a fait délivrer le 2 juin 2021 un commandement de payer la somme de 7576 euros au principal au titre des loyers échus impayés, visant la clause résolutoire prévue au contrat.
Et il n'est pas discuté que les locataires n'ont pas apuré les causes du commandement dans les deux mois qui ont suivi sa délivrance.
Pour s'opposer néanmoins au constat de la résiliation, les appelants soutiennent qu'ils ont alerté le Pôle départemental de Lutte contre l'habitat indigne le 23 août 2021 et que les services municipaux ont relevé des manquements aux règles en matière de décence et qualifié les lieux loués d'insalubres à l'issue de leur visite du 12 octobre 2021, ce qui a donné lieu à une mise en demeure du bailleur par l'ARS le 9 mai 2022 : ils en font découler d'une part que l'indécence du logement légitimait la suspension et la réfaction du loyer et que le commandement n'a pas été délivré de bonne foi eu égard au manquement du bailleur à son obligation de délivrance.
Pour autant, ainsi que relevé à bon escient par le premier juge, à défaut d'état des lieux d'entrée comme en l'espèce, le logement est présumé avoir été remis en bon état de réparations locatives en vertu de l'article 1731 du code civil. Et, selon les pièces datées figurant au dossier, les appelants n'ont exprimé des doléances en la matière que postérieurement aux impayés et à la mise en demeure de les régler adressée le 4 janvier 2021 par l'intimée, et ils ne justifient de l'existence de désordres qu'à compter d'octobre 2021, soit postérieurement à la délivrance du commandement de payer.
De ce fait, avant cette date et pour la période de février 2020 à juin 2021 concernée par le commandement de payer, ils n'étayent pas leur revendication d'une suspension ou d'une réfaction de loyer, cette demande ayant par ailleurs été écartée le 21 janvier 2022 par le juge du fond, y compris pour la période postérieure.
Partant, la contestation soulevée sur la cause du commandement ne s'avère pas suffisamment sérieuse pour faire échec au constat du jeu de la clause résolutoire par le juge des référés, juge de l'évidence.
Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge l'a dite acquise au bailleur à compter du 3 août 2021 et a fait droit aux demandes d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation égale au loyer indexé et aux charges qui auraient été dus conformément aux dispositions contractuelles des 17 janvier 2018 et 30 avril 2020 si le bail n'avait pas été résilié. La décision déférée sera en conséquence confirmée de ces chefs.
Sur les sommes dues
Dans la présente instance, Mme [P] qui conclut à la confirmation de la décision, ne sollicite pas la condamnation des appelants à lui verser une provision à valoir sur les arriérés locatifs, étant observé qu'elle a bénéficié d'une décision au fond les condamnant solidairement le 21 janvier 2022 à lui verser la somme de 9896,80 euros à ce titre, M. [U] devant en outre lui verser celle de 922 euros pour l'arriéré locatif dû au mois d'avril 2020 inclus.
M. [U] et M. [B] réclament quant à eux le paiement de la somme de 19981,84 euros qu'ils justifient avoir réglée à l'huissier de justice mandaté par Mme [P] pour l'exécution principalement du jugement du 21 janvier 2022, outre 4 mensualités d'indemnités d'occupation et divers frais de procédure.
L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire, manifestement illicite.
En l'espèce, l'éventuel remboursement des sommes acquittées en vertu d'un jugement exécutoire rendu sur le fond dans le cadre d'une autre instance ou de frais de procédure ne saurait relever que du juge d'appel de cette décision ou du juge de l'exécution et ne relève pas de la compétence du juge des référés.
Et s'agissant des indemnités d'occupation fixées par l'ordonnance déférée et confirmée plus haut de ce chef, la demande de remboursement se heurte à une contestation sérieuse et ne peut donc prospérer.
En conséquence, M. [U] et M. [B] seront déboutés de leur demande de condamnation de Mme [P] au paiement de la somme de 19981,84 euros.
Sur les frais et dépens
M. [U] et M. [B] qui succombent seront condamnés aux dépens et ne peuvent prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande au contraire d'allouer à Mme [P] la somme de 1000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Déboute M. [I][U] et M.[H] [Y] [B] de leur demande de condamnation de Mme [P] au paiement de la somme de 19981,84 euros,
Condamne M. MustafaTeker et M.[H] [Y] [B] à verser à Mme [C] [P] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. MustafaTeker et M.[H] [Y] [B] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER