18/01/2023
ARRÊT N°34/2023
N° RG 22/00609 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OTM5
CBB/MB
Décision déférée du 14 Janvier 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE (21/01675)
Carole LOUIS
S.C.I. PIERRE OSCAR
C/
S.A.R.L. ARGI
Syndicat DE COPROPRIETAIRES DE LA COPROPRIETE HOTEL DE CATE L
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
S.C.I. PIERRE OSCAR
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP PERES-RENIER-ALRAN, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
S.A.R.L. ARGI Société à responsabilité limitée au capital de 350.000,00 € immatriculée au RCS de Toulouse sous le numéro 389 339 946
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Vincent PARERA de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE
Syndicat DE COPROPRIETAIRES DE LA COPROPRIETE HOTEL DE CATE L pris en la personne de son syndic de copropriété la SARL ARGI dont le siège social est [Adresse 2]
[Adresse 6]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Sylvie GENDRE de la SELAS D'AVOCATS ATCM, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
La SCI Pierre Oscar est propriétaire d'un appartement situé au sein de l'[Adresse 5], sis [Adresse 4] à [Localité 3] soumis au statut de la copropriété. La Sarl ARGI exerce les fonctions de syndic de copropriété.
La SCI Pierre Oscar lui reproche son inertie dans la réalisation de travaux urgents mettant en péril la conservation de l'immeuble et la sécurité des habitants et des tiers au niveau de l'installation électrique des parties communes, de l'évacuation des eaux, des rebords de fenêtres qui s'effritent, le remplacement de vitres des parties communes, le plafond du porche.
PROCEDURE
Par acte en date du 13 septembre 2021, la SCI Pierre Oscar a fait assigner la SARL Agence Régionale de Gestion Immobilière (ARGI) et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 5] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, la désignation d'un expert.
Par ordonnance contradictoire en date du 14 janvier 2022, le juge a':
- dit n'y avoir lieu à référé-expertise,
- condamné la SCI Pierre Oscar à verser une somme de 1000 euros à la SARL Agence Régionale de Gestion Immobilière (ARGI),
- condamné la SCI Pierre Oscar à verser une somme de 1000 euros au Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 5],
- condamné la SCI Pierre Oscar au paiement des entiers dépens.
Par déclaration en date du 8 février 2022, la SCI Pierre Oscar a interjeté appel de la décision. L'ensemble des chefs du dispositif de l'ordonnance sont critiqués.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SCI Pierre Oscar, dans ses dernières écritures en date du 15 septembre 2022, demande à la cour au visa des articles 145 du code de procédure civile et 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, de':
- réformer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse le 14 janvier 2022 dans toutes ses dispositions et,
statuant à nouveau :
- désigner tel expert qu'il plaira au Tribunal avec pour mission de :
* se rendre sur les lieux, après y avoir convoqué toutes les parties ;
* examiner les désordres suivants allégués dans l'assignation, constater s'ils existent et dans ce cas en énoncer la cause :
1. mise aux normes de l'installation électrique des parties communes du Bat A,
2. rénovation et consolidation des rebords de fenêtres du Bat A,
3. mise aux normes des raccordements des eaux du Bat A,
4. rénovation du plafond du porche de l'entrée de la copropriété [Adresse 5],
* qualifier et déterminer l'urgence de ces travaux au sens de l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965,
* localiser, en relation avec l'état descriptif de division, avec précision ces travaux, les désordres qu'ils comportent, leurs origines et leurs conséquences ; préciser s'ils portent atteinte à la solidité de la structure et si leur réparation est nécessaire et urgente à la sauvegarde du bâtiment A de la copropriété [Adresse 5] particulièrement négligée depuis de très nombreuses années et à la sécurité des occupants ;
* après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d'un maître d'oeuvre, le coût de ces travaux;
* fournir tous éléments techniques nécessaires à l'élaboration des devis par les parties et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis ;
* fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections ainsi que sur les préjudices accessoires qu'ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance ;
* évaluer les différents troubles de jouissance subis allégués par les parties,
- produire un rapport d'expertise complet à toutes les parties concernées.
- donner acte à la requérante de ce qu'elle accepte de faire l'avance des frais d'expertise.
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle soutient que':
- par 8 lettres dont 4 de la part de son assureur, elle a avisé le syndic de la nécessité de procéder à des travaux urgents concernant l'électricité des parties communes, les rebords de fenêtres qui s'effritent, les vitres de la tour capitulaire qui tombent, le tout étant de nature à nuire à la sécurité des habitants et des tiers (lettre du 20 août 2019, 26 mars 2020 où elle demande l'inscription de la question à l'ordre du jour de l'assemblée générale, lettre de la SCI Cap de Boureix autres copropriétaires du 28 janvier 2021, lettre du 2 mars 2021, lettres d'avocat des 9 et 29 avril 2021, constat d'huissier du 14 février 2022 ),
- elle abandonne sa demande sur le remplacement des vitres au vu des réfections réalisées,
- il est également nécessaire de procéder à la rénovation du plafond du porche de l'entrée de la copropriété [Adresse 5]': le rapport du cabinet Rigual du 5 février 2022 mentionne des risques pour la sécurité compte tenu des risques de chute de pierres'; il a été posé un filet de sécurité.
'
Le Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 5], dans ses dernières écritures en date du 9 novembre 2022, demande à la cour au visa des articles 145 du code de procédure civile et l'article 18.I de la loi de 1965, de':
- débouter la SCI Pierre Oscar de sa demande d'expertise judiciaire en l'absence de tout motif légitime rapporté,
- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 14 janvier 2022 en toutes ses dispositions
et y ajoutant,
- condamner la SCI Pierre Oscar à régler la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient que':
- à la suite de la lettre de la SCI du 26 mars 2020, il a pris des mesures provisoires de sécurité et un devis de réfection a été établi concernant l'installation électrique, le raccordement des eaux, le rebord des fenêtres'; il a mandaté un architecte qui a déposé son rapport de visite le 5 février 2021'; des travaux provisoires de mise en sécurité ont été réalisés selon facture du 20 février 2021, les entreprises ne signalant aucune urgence,
- les copropriétaires ont refusé la réalisation de travaux relatifs au porche aux termes de l'assemblée générale du 9 mars 2021'; le procès-verbal n'a pas été contesté'; et le syndic n'a pas été saisi d'autres questions sur lesquelles l'assemblée générale pouvait se prononcer, la SCI ne faisant état que de simples interrogations et doléances, il lui appartenait de rédiger clairement un projet de résolution,
- il n'est pas rapporté un commencement de preuve de désordres justifiant le recours à l'article 145;
La SARL Agence Régionale de Gestion Immobilière (ARGI), dans ses dernières écritures en date du 25 avril 2022, demande à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de':
- confirmer l'ordonnance rendue le 14 janvier 2022 en toutes ses dispositions.
y ajoutant,
- condamner la SCI Oscar Pierre à verser à la SARL ARGI la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux dépens.
Elle soutient que':
- il n'est pas justifié de la condition cumulative d'urgence et de sauvegarde de l'immeuble au sens de l'article 18 de la loi de 1965,
- la SCI n'est pas à jour du paiement des charges de copropriété,
- il lui appartient de saisir l'assemblée générale des copropriétaires sur les travaux qu'elle souhaite voir réaliser sur les parties communes plutôt que d'imposer ses vues au moyen d'une assignation en référé,
- dans sa délibération du 5 avril 2022, l'assemblée générale a voté la délibération numéro 9 : «travaux de restauration du plafond du porche»': donne mandat au syndic pour désigner un maître d''uvre afin de déterminer la notion d'urgence des travaux à envisager après diagnostic de la structure bois et le CCTP des travaux à réaliser de sorte que l'expertise demandée est prématurée et dépourvue de motifs légitimes.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2022.
MOTIVATION
La SCI Pierre Oscar sollicite une expertise sur des parties communes de la copropriété dont elle soutient que les dégradations sont de nature à nuire à la conservation de l'immeuble et à la sécurité des personnes et ce en raison de la carence du syndicat et du syndic.
En vertu de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 un copropriétaire peut agir seul pour des désordres affectant ses parties privatives et les parties communes, sachant qu'il est titulaire d'une quote-part de parties communes, sans besoin de justifier d'un préjudice personnel éprouvé dans la jouissance de son lot. Il ne s'agit pas d'une action subsidiaire par rapport à l'action du syndicat. Par conséquent, le copropriétaire qui agit individuellement n'a pas à saisir préalablement l'assemblée pour provoquer une décision de sa part.
Dès lors, le copropriétaire qui agit en référé expertise doit rapporter la preuve de l'intérêt légitime visé à l'article 145 du code de procédure civile
L'article 145 du Code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.
Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir ou conserver une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur. En revanche, elle ne doit pas permettre de pallier les erreurs ou négligences d'un plaideur, pour qui, il serait aisé de réunir les preuves demandées sans recourir au juge
Il est dès lors indispensable que le demandeur établisse l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement soient cernés, approximativement au moins, et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner. Mais l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.
La SCI Pierre Oscar fonde son action sur l'article 18 de la loi de 1965 relatif à la responsabilité du syndic et vise sa carence dans la réalisation de travaux urgents portant atteinte à la sécurité des personnes et à la conservation de l'immeuble, son mutisme face à ses réclamations et l'absence d'inscription à l'ordre du jour de l' assemblée générale du 5 avril 2022 de la demande des travaux visés au constat d'huissier du 14 février 2021.
Ainsi, elle ne vise aucun grief à l'encontre du syndicat des copropriétaires. Dans ces conditions elle ne justifie pas d'un litige plausible à son encontre de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande dirigée contre lui et la décision sera confirmée de ce chef.
Concernant les griefs reprochés au syndic, il convient de préciser en premier lieu qu'une expertise technique est sans rapport avec le grief tiré de l'absence d'inscription à l'ordre du jour de l' assemblée générale du 5 avril 2022 de la demande des travaux visés au constat d'huissier du 14 février 2021.
Concernant les autres griefs, le syndic oppose avec le syndicat, sur le fondement des dispositions combinées des articles 18 de la loi de 1965 et 37 du décret du 17 mars 1967, l'absence d'urgence et l'inutilité d'une expertise en raison des mesures conservatoires adoptées, de l'avis de l'architecte de la copropriété, de l'imprécision d'un désordre et le rejet de la demande relative au porche par l' assemblée générale des copropriétaires.
Sur ce dernier point, il convient de constater en effet, d'une part que l' assemblée générale des copropriétaires dans sa séance du 5 avril 2022 a rejeté la demande de travaux de restauration du plafond du porche dans sa délibération n°10 et d'autre part, que ni la SCI Pierre Oscar ni tout autre copropriétaire n'ont contesté cette décision dans le délai légal. Toutefois, l' assemblée générale a donné mandat au syndic de désigner un maître d''uvre afin de déterminer la notion d'urgence des travaux à envisager après diagnostic de la structure bois et le CCTP des travaux à réaliser. Il est vrai que le syndic confirme ne pas avoir réalisé cette injonction. Si c'est à tort qu'il invoque le risque que l'issue de la présente procédure fasse double emploi avec l'exigence de l' assemblée générale puisqu'il ne lui appartient pas d'apprécier l'opportunité d'exécuter ses décisions mais de les exécuter, il demeure que la demande d'expertise est sans effet sur la solution d'une éventuelle action en responsabilité du syndic pour faute consistant dans le refus d'exécuter une décision collective et ce alors que le syndic justifie par la production d'une facture du 20 février 2021 avoir fait prendre des mesures conservatoires pour la sécurité des personnes par la mise en place d'un filet de protection.
Concernant les autres désordres dénoncés par la SCI Pierre Oscar':
- suivant courriel du 26 février 2021, M. [P] de la Sarl Celect, habituel électricien de la copropriété, a dressé un état de l'installation et fourni un devis d'un montant de 284,01€ en précisant l'absence de dangerosité,
- suivant rapport du 1er mars 2021 l'architecte de la copropriété confirme la présence d'humidité dans les murs de l'immeuble et de la tour en raison de remontées capillaires dont il préconise les solutions réparatoires (purge des enduits, pose d'un assécheur de mur et création d'une ventilation)'; il ne signale aucun désordre affectant la solidité de l'immeuble justifiant des travaux urgents'; de même il ne signale aucun problème affectant les «'tuyaux apparents qui courent le long de la façade du premier étage'» comme souligé par la SCI Pierre Oscar.
Il n'est donc justifié de ces chefs, d'aucun litige plausible dont la solution dépendrait de l'expertise sollicitée.
Par ailleurs, dans son constat du 11 février 2022 l'huissier signale':
- l'absence de prise de terre, ce que le syndic ne conteste pas'; toutefois, dès lors qu'il n'est pas justifié d'une urgence pour la protection de la sécurité des personnes, ce type de travaux de rénovation ne relève pas des pouvoirs du syndic agissant sans autorisation mais doit faire l'objet d'un vote par l' assemblée générale qui éventuellement pourra être contesté par le copropriétaire insatisfait. D'autant que la SCI Pierre Oscar dispose déjà des devis de 174,33€ et 1176,10€'; dès lors il n'est pas justifié d'un litige plausible contre le syndic de ce chef ni de l'utilité d'une expertise,
- des fissurations et des pertes de ciment importantes sur le rebord de deux fenêtres du lot de la SCI Pierre Oscar ; considérant le risque pour la sécurité des personnes, des travaux urgents doivent être réalisés'; toutefois, ce seul constat suffit à rapporter cette preuve, une expertise sur ce point n'apparaît pas nécessaire et en tout cas constituerait une mesure disproportionnée à l'objectif poursuivi.
La SCI Pierre Oscar soutient également la suspicion d'une fuite d'eau en regard de l'inflation du montant des factures visées aux charges de copropriété et de la présence d'un tuyau d'alimentation en eau en façade du batiment A. Toutefois, ces seuls éléments ne démontrent pas l'urgence de travaux réparatoires ni donc la preuve d'un litige plausible contre le syndic.
Dans ces conditions, la SCI Pierre Oscar ne justifie pas d'un motif légitime à solliciter une expertise dans le but de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige conformément à l'article 145 du code de procédure civile.
La décision sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour
- Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 14 janvier 2022 en toutes ses dispositions.
- Vu l'article 700 du code de procédure civile condamne la SCI Pierre Oscar à verser au Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 5] et à la Sarl ARGI ensemble la somme de 2500€.
- Condamne la SCI Pierre Oscar aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER