18/01/2023
ARRÊT N°32/2023
N° RG 22/00536 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OTDU
CBB/CD
Décision déférée du 14 Janvier 2022 - Président du TJ de TOULOUSE ( 21/01943)
M. LOUIS
S.C.I. [H]
C/
S.A.S.U. SURELEVER & RENOVER
Compagnie d'assurance AVIVA ASSURANCES
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.C.I. [H]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 5]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Michèle MONTARRY de la SELARL MONTARRY-MAUREL-FIORENTINI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉES
S.A.S.U. SURELEVER & RENOVER
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Régis DUPEY, avocat au barreau de TOULOUSE
Compagnie d'assurance AVIVA ASSURANCES
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège : ordonnance de caducité partielle à l'égard de AVIVA ASSURANCES n° 52/2022 du 14/04/2022
[Adresse 1]
[Localité 6]
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
Suivant marché en date du 24 juillet 2019, Mme [E] gérante de la SCI [H] a confié à la SASU Surélever & Rénover la réalisation de travaux de rénovation et extension d'une maison située à [Adresse 8] destinée à la location.
La réception est intervenue le 11 août 2021 sans réserve.
Or, 7 chambres sont d'une superficie inférieure à 9 m² ce qui interdit la location en application du décret n° 2002-120 de janvier 2002 et du règlement sanitaire départemental de la Haute-Garonne
PROCÉDURE
Par actes en date des 10 et 22 novembre 2021, la SCI [H] a fait assigner la SASU Surélever & Rénover et la SA Aviva Assurances son assureur devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir une expertise, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile,.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 14 janvier 2022, le juge a':
- dit n'y avoir lieu à référé expertise,
- condamné la SCI [H] à verser une somme de 1500€ à la SASU Surélever & Rénover,
- condamné la SCI [H] aux dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 2 février 2022, la SCI [H] a interjeté appel de la décision. L'ensemble des chefs du dispositif de l'ordonnance sont critiqués.
Par ordonnance en date du 14 avril 2022, le Président de la chambre saisie a prononcé la caducité de la déclaration d'appel en date du 2 février 2022 à l'égard de la SA Aviva et a laissé les dépens d'appel à la charge de l'appelant.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SCI [H], dans ses dernières écritures en date du 28 avril 2022, demande à la cour au visa des articles 1792 du code civil et 145 du code de procédure civile, de':
- réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- dire et juger que la demande d'expertise sollicitée par la SCI [H] est recevable et bien fondée, puisqu'il est démontré un intérêt à agir,
- rejeter la demande d'irrecevabilité,
Tout droit et moyen des parties réservés,
- ordonner une expertise avec mission donnée à l'expert :
* de vérifier les superficies construites et aménagées par la SASU Surélever & Rénover,
* dire si celles-ci sont conformes aux réglementations applicables,
* dire si leurs superficies permettent l'habitabilité des chambres,
* proposer tout moyen pour procéder à une remise en état d'habitabilité,
* chiffrer le coût des travaux utiles à permettre l'habitabilité des chambres,
* donner tout élément utile pour déterminer les préjudices économiques et financiers subis par la SCI [H], et notamment en recherchant la valeur locative de la maison dans la mesure où les travaux auraient été conformes aux réglementations applicables
- condamner la SASU Surélever & Rénover au paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient que':
- la SCI [H] a été créée lors de l'achat de l'immeuble le 17 juillet 2019'; tous les documents ont été établis au nom de la SCI représentée par sa gérante Madame [E]':
*la déclaration préalable de chantier du 10 juillet 2020 déposée par la SASU Surélever & Rénover,
*les factures de la SASU Surélever & Rénover
- elle justifie donc de sa qualité pour agir,
- la destination locative en colocation était connue de l'entrepreneur,
- le défaut de superficie de 7 chambres ne permettant plus de les proposer à la colocation est de nature à engager la responsabilité de l'entrepreneur sur le fondement de l'article 1792'; elle justifie donc d'un intérêt à agir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile,
- la signature du PV de réception sans réserve n'est pas incompatible avec la recherche de responsabilité puisque l'impossibilité de proposer les lieux à la location ne lui a été notifiée qu'à la suite des diagnostics de l'entreprise [J] [C] du 2 mars 2021.
La SASU Surélever & Rénover, dans ses dernières écritures en date du 1er avril 2022, demande à la cour de':
- juger irrecevable la demande de la SCI [H] ;
subsidiairement :
- confirmer l'ordonnance dont appel
- débouter la SCI [H] de toutes ses demandes
y ajoutant :
- la condamner à payer à la SASU Surélever & Rénover la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la cause d'appel
- la condamner aux entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du même code au profit de Me Régis Dupey sur son affirmation de droit.
Elle soutient que':
- à la suite d'un devis du 22 mai 2019, le marché de travaux a été signé le 24 juillet 2019 incluant les plans de la déclaration préalable de travaux portant sur une surélévation de 39,91 m2, sans création de logement'; Mme [E] s'est réservée la maîtrise d''uvre';
- la SCI ne justifie pas de sa qualité pour agir dès lors qu'elle n'a contracté qu'avec Madame [E] ainsi que le démontre le devis et, le marché,
- le PV de réception sans réserve a été signé le 11 août 2021 et Mme [E] a exécuté les finitions intérieures ce qui vaut acceptation des surfaces,
- elle n'a jamais été avisée de la destination locative de l'immeuble,
- la SCI doit être considérée comme un professionnel de l'immobilier au vu de son objet social, parfaitement informée du règlement sanitaire départemental,
- elle ne justifie donc pas d'un intérêt à solliciter une expertise pour voir contrôler les superficies que par ailleurs, elle ne conteste pas.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2022.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'action
La SASU Surélever & Rénover soulève le défaut de la qualité à agir de la SCI [H] en ce que seule Mme [E] est la signataire du marché du 27 juillet 2019.
Or Mme [E] est la gérante de la SCI [H] et c'est à ce titre qu'elle a déposé la déclaration de travaux en Mairie le 2 juillet 2019.
Par ailleurs, la SASU Surélever & Rénover a libellé ses 6 factures du 2 avril 2020 au nom de la SCI [H] (voire Mme [H]) de même que le procès verbal de réception du 11 août 2021 signé des deux parties mentionne la SCI [H] en qualité de maître de l'ouvrage ce qui démontre que la SASU Surélever & Rénover était parfaitement informée que la maîtrise d'ouvrage était exercée par la SCI [H] représentée par Mme [E], ce qui est conforté par le dossier technique du 2 mars 2021 qui est également établi à ce nom.
Dans ces conditions la fin de non-recevoir soulevée en cause d'appel, tirée du défaut de qualité de l'appelante doit être rejetée.
Sur le motif légitime
L'article 145 du Code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.
Ce motif existe dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l'adversaire.
L' exigence de motivation fait obstacle à ce qu'il soit recouru à la procédure de l'article 145 de manière abusive : elle ne doit pas permettre de pallier les erreurs ou négligences d'un plaideur, pour qui il serait aisé de réunir les preuves demandées sans recourir au juge.
Par ailleurs, en application de l'article 238 du code de procédure civile l'expert n'est pas habilité à donner une appréciation d'ordre juridique, son intervention devant demeurer exclusivement dans le domaine technique.
En l'espèce, la SCI [H] sollicite la désignation d'un expert aux fins de vérifier les superficies, dire si elles sont conformes aux règlementations applicables, si elles permettent l'habitabilité des chambres, proposer tout moyen pour procéder à une remise en état d'habitabilité et chiffrer le coût des travaux utiles à permettre l'habitabilité des chambres.
Or, la SASU Surélever & Rénover ne conteste pas que la superficie des chambres est inférieure à 9 m² de sorte qu'une expertise apparaît inutile sur ce point'; en outre en demandant que l'expert vérifie la conformité des superficies à la réglementation et l'habitabilité des chambres, elle sollicite de l'expert qu'il dise le droit ce que l'article 238 ne lui prmet pas.
Demeure donc seulement ses demandes concernant les mesures de remise en état d'habitabilité et leur chiffrage qui sont des questions techniques qui relèvent bien de la mission d'un expert.
Mais, à ce titre, elle doit donc justifier d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement soient cernés, approximativement au moins, et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner.
La SCI [H] soutient à cet égard que la responsabilité de la SASU Surélever & Rénover peut-être engagée sur le fondement d'un manquement à son obligation de conseil sur l'impossibilité de louer des chambres d'une superficie inférieure à 9m², destination des lieux que l'entreprise connaissait dès l'origine. Elle en veut pour preuve l'échange de mails concernant l'installation de 7 compteurs électriques correspondant aux 7 chambres ainsi que la mention figurant au devis initial de mai 2019.
Or, d'une part, au paragraphe «'Chambre 7 unités'» en page 5 de ce devis, il n'est mentionné qu'un seul compteur TXB 302 et, il ne peut être déduit de l'intitulé «'Chambre 7 unités'» l'existence de 7 compteurs mais plutôt la présence de 7 chambres.
D'autre part, l'échange de courriels dont fait état la SCI [H] en ses pièces 10 et 10 bis date de décembre 2020 soit postérieurement au marché qui a fixé la nature et l'étendue des travaux confiés à l'entreprise. Il n'est pas visé d'avenant au marché concernant des travaux supplémentaires et le contrat du 24 juillet 2019 ne vise pas la destination finale de la construction envisagée. Par ailleurs, un seul de ces courriels est destiné à M. [B] de la SASU Surélever & Rénover. Or, il lui est seulement demandé de faire parvenir le tracé de dérivation 'DU' compteur': il n'est donc visé qu'un seul compteur. L'objet de ce courriel est intitulé (en majuscules) «'Demande de 7 compteurs électricité Projet 6 rue Comenge Toulouse SCI [H] n°20 85 CSE 761152'». Mais il ne peut être déduit de ce seul intitulé, l'existence d'un litige plausible quant à la responsabilité éventuelle de la SASU Surélever & Rénover pour manquement à une obligation de conseil sur la superficie minimale des chambres en cas de location.
Ainsi à défaut de rapporter la preuve suffisante d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, la demande d'expertise présentée par la SCI [H] doit être rejetée. La décision sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour
- Déclare recevable l'action de la SCI [H].
- Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions.
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI [H] à verser à la SASU Surélever & Rénover la somme de 1500€.
- Condamne la SCI [H] aux dépens.
- Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER