11/01/2023
ARRÊT N°19
N° RG 21/01477 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OCJX
PB AC
Décision déférée du 10 Février 2021 - Juge des contentieux de la protection de CASTELSARRASIN ( 1119000078)
GUILLARD Ingrid
S.A. FINANCO
C/
[N] [T] épouse [C]
[V] [L]
confirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A. FINANCO Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Société anonyme à directoire et conseil de surveillance
Immatriculée au RCS de BREST sous le numéro 338 138 795
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Xavier HELAIN de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau d'ESSONNE
Représentée par Me Emmanuelle ASTIE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Madame [N] [T] épouse [C]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandrine ROCA, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
Maître [V] [L],
Prise en la personne de Me [V] [L] agissant ès qualité de Mandataire liquidateur de la société GOURINY & CO (792 046 468 RCS AGEN) en vertu d'un jugement rendu le 08.11.2017, représentée par ses mandataires statutaires ou légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 2]
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Août 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. BALISTA, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre
EXPOSE DU LITIGE
Suivant différents bons de commande datant des 19 octobre et 4 novembre 2015, Madame [N] [C] née [T] a commandé à la Sas Gouriny&Co plusieurs pompes à chaleur, des travaux d'isolation des combles et un kit photovoltaïque.
Par courrier recommandé du 9 novembre 2015, reçu le lendemain, Madame [N] [C] née [T] s'est rétractée de sa commande de pompes à chaleur.
Par courrier du 14 novembre 2015, elle a sollicité l'annulation de la commande du kit photovoltaïque.
Suivant bon de commande du 21 novembre 2015, Madame [N] [C] née [T] a commandé à la Sas Gouriny&Co un nouveau kit photovoltaïque, le bon de commande ayant été signé lors d'un salon de l'habitat.
Suivant bon de commande du 19 janvier 2016, Madame [N] [C] née [T] a, de nouveau, commandé des travaux d'isolation des combles à la Sas Gouriny&Co.
Différents prêts ont été souscrits pour financer ces prestations de service auprès des sociétés Cetelem, Financo, Sofemo et Franfinance.
Par acte en date du 01 mars 2019, la société Franfinance a fait assigner devant le tribunal d'instance de Castelsarrasin Madame [N] [C] née [T] en paiement de la somme de 14646,31 € au titre du crédit souscrit le 10 novembre 2015 outre la somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par actes en date des 5, 20, 26 mars et 4 avril 2019, Madame [N] [C] née [T] a fait assigner M. [L], en qualité de liquidateur de la Sas Gouriny&Co, les sociétés Franfinance, Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de Cetelem, Cofidis et Financo pour voir ordonner la suspension des crédits affectés souscrits, la nullité des bons de commande et des crédits affectés, subsidiairement, la déchéance du droit aux intérêts, outre paiement d'une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Jonction des procédures a été ordonnée, l'instance se poursuivant devant le juge des contentieux de la protection, suite à la disparition du tribunal d'instance.
Par acte du 9 juin 2020, la société Financo a fait assigner devant le juge des contentieux de la protection Mme [C] en paiement du solde dû sur le contrat de crédit affecté souscrit, outre application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Jonction a été ordonnée avec les affaires précédentes.
Par jugement du 10 février 2021, le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de Castelsarrasin a :
-prononcé la nullité des bons de commande n° 150129, 150130 et 160161, du bon de commande sans numéro pour un montant TTC de 26700 € en date du 4 novembre 2015 et du bon de commande du 21 novembre 2015 n° AG 2015 valant contrats souscrits par Madame [N] [C] auprès de la société Gouriny&Co exerçant sous l'enseigne Start Énergie,
-prononcé en conséquence la nullité des contrats de crédit affectés souscrits,
-ordonné à maître [V] [L], en qualité de mandataire liquidateur de la Sas Gouriny&Co, exerçant sous l'enseigne Start Énergie, après avoir convenu d'un rendez-vous avec madame [N] [C], de venir, aux frais de la liquidation, effectuer le démontage et l'enlèvement de l'ensemble des composants, des équipements et des éléments installés au domicile de madame [C],
-débouté les sociétés Franfinance, Bnp Paribas Personal Finance, Cofidis et Financo de leur demande en restitution de fonds en conséquence de l'annulation des contrats de prêts, au vu des fautes commises,
-débouté la société Franfinance de sa demande tendant à garantie par la société Gouriny&Co et à fixer au passif de la liquidation judiciaire une créance à son profit de 18500 €,
-condamné in solidum les sociétés Franfinance, Financo, Cofidis et Bnp Paribas Personal Finance à verser à Madame [N] [C] la somme de 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire du jugement,
-condamné in solidum les sociétés Franfinance, Financo, Cofidis et Bnp Paribas Personal Finance aux dépens,
-dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article R 631-4 du Code de commerce au profit de la société Franfinance qui succombe en ses demandes.
Par déclaration en date du 30 mars 2021, la Sa Financo a relevé appel du jugement.
La clôture est intervenue le 7 juin 2022.
Vu les conclusions déposées le 01 juin 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé de l'argumentation, de la société Financo, signifiées le 02 juin 2022 à M. [L], ès qualités, demandant à la cour de :
-infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
-statuant à nouveau,
-dire et juger Madame [N] [C] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,
-juger la Sa Financo recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
-condamner Madame [N] [C] à payer à la Sa Financo la somme de 13773,07 € au taux contractuel de 6,72% l'an à compter du 22 mars 2019,
-à titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité des conventions,
-condamner Madame [N] [C] à rembourser à la Sa Financo le capital emprunté d'un montant de 13000 € au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
-en tout état de cause,
-condamner Madame [N] [C] à payer à la Sa Financo la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-la condamner aux entiers dépens.
Vu les conclusions déposées le 02 août 2021, signifiées le 05 août 2021 à M. [L], ès qualités, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé de l'argumentation, de Madame [N] [C] née [T] demandant à la cour de :
-débouter la Sa Financo de toutes ses demandes,
-confirmer le jugement rendu le 10 février 2021 par le juge du contentieux de la protection de Castelsarrasin ,
-dire et juger que le bon de commande conclu le 4 novembre est nul,
-dire et juger que le crédit y affecté est nul de plein droit,
-dire que la société Financo a commis une faute en libérant les fonds entre les mains du vendeur qui engage sa responsabilité,
-dire que la Sa Financo a en conséquence perdu le droit à obtenir le remboursement des sommes prêtées,
-condamner la Sa Financo à payer à Madame [B] [C] née [T] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Le débat est circonscrit en appel au seul bon de commande n°150129 du 4 novembre 2015 portant commande auprès de la Sas Gouriny&Co, aujourd'hui en liquidation judiciaire, de deux pompes à chaleur de marque Daikin et de travaux d'isolation des combles sur 100 m2 pour un montant de 13000,01 € pour lequel la société Financo invoque la souscription d'un contrat de crédit affecté signé le 5 novembre 2015 par Mme [C], le lendemain du jour porté au bon de commande.
Le document intitulé «bon de commande» qui fonde la demande de la société Financo comporte une signature apocryphe, sans mention manuscrite ou dactylographiée sur l'identité de son auteur, étant ajouté qu'il ne comporte aucune cadre réservé à la signature du client et ne porte aucune mention relative à la souscription d'un crédit.
Le premier juge a relevé, et ce point n'est pas contesté, que ce bon de commande avait donné lieu à la souscription de deux contrats de crédit affecté, l'un auprès de la société Financo, d'un montant de 13000 €, remboursable en 180 mensualités au taux nominal de 6,72 % l'an, l'autre, d'un montant identique, auprès de la société Sofemo, devenue Cofidis.
Deux organismes de crédit ont donc été sollicités et ont accordé un crédit pour le financement des mêmes travaux, la cour observant qu'une instruction est en cours sur des faits susceptibles de qualification pénale puisque l'intimée a été destinataire sur commission rogatoire d'un juge d'instruction d'Agen d'une questionnaire visant à déterminer les conditions d'intervention de la société Gouriny&Co (pièce n°16 de l'intimée).
Aux termes de l'article L 111-1 du Code de la consommation, dans sa version applicable à la date du bon de commande, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes (') le prix du bien ou du service, en application des articles L 113-3 et L 113-3-1 ; en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles.
Aux termes de l'article R 111-1 du Code de la consommation, pris pour l'application de cet article L 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes (') les modalités de paiement, de livraison et d'exécution du contrat ainsi que les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations (') s'il y a lieu, l'existence et les modalités d'exercice de la garantie légale de conformité mentionnée aux articles L 211-4 à L 211-13 du présent code et de celle des défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du code civil ainsi que, le cas échéant, de la garantie commerciale et du service après-vente au sens respectivement des articles L 211-15 et L 211-19 du présent code.
En l'espèce, le bon de commande produit ne comporte aucun délai de réalisation des travaux ni aucun engagement de la société Gouriny&Co d'effectuer les travaux avant une date déterminée.
Il ne comporte aucune information sur les garanties légales ou contractuelles qui peuvent bénéficier au client.
Il ne comporte pas les conditions générales de vente ni les modalités de paiement alors qu'il a fait l'objet d'un paiement à crédit.
Il n'est donc pas établi que l'entrepreneur, aujourd'hui en liquidation judiciaire, a rempli ses obligations d'informations pré-contractuelles.
Par ailleurs, comme l'a relevé à bon droit le premier juge, le «bon de commande» n'a pas valeur contractuelle en ce qu'il ne comporte qu'une seule signature non identifiée alors qu'à peine de nullité, au visa de l'article 1108 du Code civil, dans sa version applicable à la date du bon de commande, la validité d'une convention est subordonnée au consentement de la partie qui s'oblige et à l'existence d'un objet certain.
La société appelante fait valoir que le bon de commande et le contrat de crédit se complètent l'un l'autre de sorte que l'intimée ne pouvait ignorer les caractéristiques de la commande.
Cet argument est inopérant dans la mesure où l'offre préalable de crédit porte la mention suivante: «bien ou service financé: pompe à chaleur» au singulier (p.1 du contrat) alors que le document intitulé «bon de commande» porte mention de la commande de deux pompes à chaleur et de travaux d'isolation des combles pour 100 m2.
Il existe donc une discordance quant à l'objet même de la convention alors que le prix mentionné, soit 13000 €, est le même dans le document établi par l'entrepreneur et le contrat de crédit.
De même, comme relevé par le premier juge, rien n'établit que le document intitulé «bon de commande» était annexé au contrat de crédit qui porte une date différente de sorte qu'ils n'ont pu se compléter l'un l'autre.
La société appelante fait encore valoir que l'intimée a donné son consentement ou l'a réitéré en signant le contrat de crédit affecté, une attestation de fin de travaux ainsi que les premières mensualités du crédit de sorte qu'elle a ratifié la convention.
Aux termes de l'article 1138 du Code civil, dans sa version applicable à la date de souscription du crédit et de l'édition du bon de commande, un acte nul ne peut être ratifié ou confirmé que s'il est établi l'intention de la personne de réparer le vice l'affectant et ce en connaissance de la cause de nullité.
Or, l'attestation de fin de travaux ne porte mention que d'un achèvement des travaux au titre du marché «relatif à pompe à chaleur» sans faire aucune référence aux autres prestations prévus dans le document intitulé «bon de commande», notamment les travaux d'isolation des combles.
Il n'établit donc pas que l'intimée avait connaissance du vice affectant l'acte quant à l'objet de la convention ni même que l'entrepreneur a exécuté les travaux qui faisaient l'objet de son engagement.
De même, le paiement des premières mensualités du crédit n'établit pas que l'emprunteuse avait connaissance, au moment de ces paiements, des vices affectant le contrat principal, touchant à la fois au consentement et à l'objet de cette convention, et avait la volonté de les réparer.
C'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité du bon de commande n°150129, considérant par ailleurs l'existence de nombreux bons de commande émis par la même société à des dates rapprochées auprès de la même cliente, soit quatre bons de commande en l'espace de quatre mois, pour des travaux identiques ou similaires, dont certains ont fait l'objet d'une rétractation.
Aux termes de l'article L 311-32 du Code de la consommation, dans sa version applicable à la date de souscription du crédit, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il s'en déduit que le contrat de crédit est annulé en raison de l'annulation du contrat principal.
Cette annulation entraîne en principe la restitution des fonds empruntés sauf faute de la société de crédit.
Cette faute est constituée lorsque la société de crédit remet les fonds à l'entrepreneur sans s'assurer de la régularité du contrat principal et de l'exécution complète des prestations.
En l'espèce, l'intimée fait valoir que l'installation ne fonctionne pas (p.9 des conclusions).
Les fonds ont été remis à la société Gouriny&Co sur la foi d'un document intitulé «bon de commande» dont l'irrégularité était manifeste, même pour un profane.
De même, la société appelante n'établit pas, à faute, que l'intégralité des travaux ont été exécutés, notamment les travaux d'isolation, puisque l'attestation de fin de travaux, seul document qu'elle verse aux débats sur ce point, n'est relative qu'à une pompe à chaleur sans autre précision.
En conséquence, c'est à bon droit que le jugement a retenu une faute imputable à la société de crédit et l'a débouté de sa demande en restitution des fonds.
Le jugement sera en conséquence confirmé dans les limites de la saisine de la cour.
L'équité commande d'allouer à l'intimée une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement du 10 février 2021 du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Castelsarrasin.
Y ajoutant,
Condamne la Sa Financo à payer à Mme [N] [C] née [T] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
Condamne la Sa Financo aux dépens de l'instance.
Le greffier, La présidente,
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