11/01/2023
ARRÊT N°21
N° RG 20/03208 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N2IR
PB/CO
Décision déférée du 22 Octobre 2020 - Tribunal de Commerce de toulouse - 2019J00062
M.LOZE
S.A.S. ARTAL TECHNOLOGIES
S.A.S. FINANCES GESTION & DEVELOPPEMENT
S.A.S. MAGELLIUM
C/
[P] [S]
S.A.S. INCREMENTAL
EXTINCTION DE L'INSTANCE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTES
S.A.S. ARTAL TECHNOLOGIES
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nicolas MORVILLIERS de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S. FINANCES GESTION & DEVELOPPEMENT
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nicolas MORVILLIERS de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S. MAGELLIUM
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nicolas MORVILLIERS de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [P] [S]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Armelle AMICHAUD-DABIN de la SELARL AAD AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S. INCREMENTAL
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Armelle AMICHAUD-DABIN de la SELARL AAD AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V.SALMERON Présidente, P. BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, président
P. BALISTA, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
La Sas Magellium, créée en 2003 par [P] [S], exerce une activité dans le domaine de la géo-information à destination de l'industrie spatiale.
Par jugement du 2 avril 2014, le tribunal de commerce de Toulouse a désigné un mandataire ad hoc à la société.
Par jugement du 3 mars 2015, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert la sauvegarde de la Sas Magellium.
Par protocole d'investissement du 28 avril 2016, la société Artal Technologies et la société Finances Gestion & Développement sont devenues associées majoritaires de la Sas Magellium.
Un pacte d'actionnaire conclu le 26 août 2016 a prévu que [P] [S] perdait sa qualité de président et devenait salarié de la société, stipulé une obligation de non concurrence et une clause portant sur le rachat des titres des actionnaires fondateurs de l'entreprise.
Le 25 février 2017, [K] [S], épouse de [P] [S], qui était salariée de la société Magellium, a été licenciée.
[P] [S] a été licencié le 13 juin 2017.
Le 15 septembre 2017, [K] [S] a constitué la Sas Instrumental.
Par assignations des 15 et 28 septembre 2017, les époux [S] ont contesté devant le tribunal de commerce de Toulouse la clause de rachat forcé des titres et l'obligation de non-concurrence.
Le 29 janvier 2018, dans le cadre d'une médiation, un protocole d'accord a été conclu sur le prix de cession des actions et de la durée de la clause de non-concurrence.
Par jugement de désistement du 15 mai 2018, le tribunal de commerce de Toulouse a constaté l'extinction de l'instance.
Par actes d'huissier du 23 janvier 2019, les sociétés Artal, Magellium et Financement Gestion & Développement ont assigné [P] [S] et la Sas Incremental devant le tribunal de commerce de Toulouse aux fins qu'il constate la violation de la clause de non-concurrence, condamne solidairement [P] [S] et la Sas Incremental au paiement de la somme provisionnelle de 50000 € à titre de dommages et intérêts, et ordonne avant-dire droit une expertise judiciaire pour analyser les comptes de la Sas Incremental et déterminer le montant total des opérations réalisées en violation de la clause de non-concurrence.
[P] [S] et la Sas Incremental ont reconventionnellement demandé au tribunal de condamner in solidum les sociétés Artal, Magellium et Financement Gestion et Développement au paiement des sommes de 60000 € en réparation du préjudice subi par [P] [S] et de 25000 € en réparation du préjudice subi par la Sas Incremental.
Par jugement du 22 octobre 2020, le tribunal de commerce de Toulouse a :
-débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes ;
-condamné la société Artal Technologies, la Sas Magellium et la Sas Financement Gestion et Développement à payer, in solidum, à [P] [S] et à la Sas Incremental la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à répartir par somme égale entre eux ;
-condamné in solidum la société Artal Technologies, la Sas Magellium et la Sas Financement Gestion et Développement aux dépens.
Par déclaration en date du 20 novembre 2020, les sociétés Artal, Finances Gestion & Développement et Magellium ont relevé appel du jugement.
La clôture est intervenue le 20 juin 2022.
Vu les conclusions notifiées le 17 juin 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Artal Technologies, de la société Finances Gestion & Développement et de la société Magellium demandant, au visa de l'article 1103 du code civil et des articles 384 et 385 du code de procédure civile, de :
-au principal,
-débouter les sociétés intimées de leur demande aux fins de voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel principal des sociétés appelantes, en la déclarant irrecevable et en toutes hypothèses non fondée, et statuer sur les demandes des sociétés Sas Artal Technologies, Sas Finances Gestion & Developpement, Sas Magellium devant la cour,
-ce faisant, infirmer partiellement le jugement du tribunal de commerce en date du 22 octobre 2020, en ce qu'il a débouté les sociétés Sas Artal Technologies, Sas Finances Gestion & Developpement, Sas Magellium, de leurs demandes,
-statuant à nouveau, constatant la violation de la clause de non concurrence, condamner conjointement et solidairement [P] [S] et la société Incremental, au paiement de la somme provisionnelle de 50000 € à titre de dommages et intérêts,
-ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux revues professionnelles au choix des sociétés requérantes dans les limites de 2.000 € par insertion,
-avant dire droit, sur la fixation définitive du préjudice, ordonner une expertise judiciaire pour analyse les comptes de la société Incremental avec pour mission donnée à l'expert d'établir le montant total des opérations réalisées en violation de la clause de non concurrence pour la période allant de la constitution de la société au 31 décembre 2020,
-condamner solidairement et conjointement la société Incremental et [P] [S] au paiement de la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,
-débouter les intimés de leur appel incident, et confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de [P] [S] et de la société Incremental,
-en toutes hypothèses, rejeter l'intégralité des prétentions de [P] [S] et de la société Incremental devant la cour,
-à titre infiniment subsidiaire et si par impossible, la cour devait prononcer la caducité de la déclaration d'appel principal,
-juger que l'instance d'appel se trouve éteinte et que par voie de conséquence, la cour ne peut être saisie d'aucun appel incident des sociétés intimées,
-constater dans cette hypothèse, le dessaisissement de la cour,
-juger n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-statuer ce que de droit sur les dépens de l'instance.
Vu les conclusions notifiées le 15 juin 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de [P] [S] et de la Sas Incremental demandant, au visa des articles 1134 et 1240 du code civil et 542 et 954 du code de procédure civile, de :
-prononcer la caducité de l'appel interjeté le 20 novembre 2020,
-faire droit à l'appel incident formé par voie de conclusions notifiées par les époux [S] le 1er avril 2020,
-au principal, juger que les sociétés Artal Technologies, Finances Gestion & Développement, Magellium ne rapportent pas le moindre commencement de preuve de la violation de l'obligation de non-concurrence contenue dans le protocole d'accord du 26 janvier 2018,
-juger en tout état de cause que la mission confiée par le Cnes à [P] [S] n'est pas constitutive d'une violation de la clause de non-concurrence contenue dans le protocole d'accord du 26 janvier 2018,
-par conséquent, confirmer le jugement rendu le 20 octobre 2020 en ce qu'il a jugé que la mission confiée par le Cnes à [P] [S] n'était pas constitutive d'une violation de l'obligation de non-concurrence souscrite par la signature du protocole d'accord le 26 janvier 2018,
-le réformer en ce qu'il a débouté [P] [S] et la société Incremental de leurs demandes de dommages et intérêts,
-par conséquent, condamner in solidum la Sas Artal Technologies, la Sas Finances Gestion & Développement et la Sas Magellium au paiement de les sommes de 60000 €, en réparation du préjudice subi par [P] [S], et 25000 € en réparation du préjudice subi par la société Incremental, ajoutées des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
-ordonner la capitalisation des intérêts,
-à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour estimait que la mission confiée par la Cnes est constitutive d'une violation de la clause de non-concurrence contenue dans le protocole d'accord du 26 janvier 2018,
-juger que le jugement rendu le 15 mai 2018 n'a pas autorité de la chose jugée sur la demande en nullité de la c[l]ause de non-concurrence contenue dans le protocole et d'accord signé le 26 janvier 2018,
-par conséquent, réformer encore la décision rendue par le tribunal de commerce de Toulouse le 22 octobre 2020,
-juger la clause de non-concurrence contenue dans le protocole d'accord du 26 janvier 2018 nulle et non avenue,
-par conséquent, condamner in solidum la Sas Artal Technologies, la Sas Finances Gestion & Développement et la Sas Magellium au paiement des sommes de 60000 €, en réparation du préjudice subi par [P] [S], et 25000 € en réparation du préjudice subi par la société Incremental, ajoutées des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
-ordonner la capitalisation des intérêts,
-condamner in solidum la Sas Artal Technologies, la Sas Finances Gestion & Développement et la Sas Magellium, au paiement de la somme de 30000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens du procès, dont les dépens du tribunal de commerce et ceux d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la caducité de l'appel principal
Aux termes de l'article 914 du Code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour déclarer l'appel irrecevable ou prononcer la caducité de l'appel ; les parties ne sont plus recevables à invoquer l'irrecevabilité de l'appel ou sa caducité après son dessaisissement à moins que la cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.
Cette restriction ne fait pas obstacle à ce que la cour d'appel relève d'office la caducité de l'appel.
Le conseiller de la mise en état n'est, par ailleurs, saisi des demandes relevant de sa compétence que par les conclusions qui lui sont spécialement adressées.
En l'espèce, aucune des parties n'a saisi par des conclusions adressées spécialement le conseiller de la mise en état d'une demande de caducité de l'appel.
Il s'en déduit que les intimés sont irrecevables à soulever la caducité de l'appel principal devant la cour dès lors que la cause de la caducité est intervenue antérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état.
La cour peut cependant soulever d'office la caducité de la déclaration d'appel.
Les parties ont déjà conclu sur un éventuel relevé d'office de cette caducité et sur ses conséquences quant à l'appel incident de sorte qu'il n'y a pas lieu à réouverture des débats.
L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954.
Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.
A défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.
Les premières conclusions déposées devant la cour par les sociétés Artal Technologies, Finances Gestion & Developpement et Magellium ont été notifiées par voie électronique le 6 janvier 2021, dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel intervenue le 20 novembre 2020.
Ces conclusions, ce qui n'est pas contesté, ne comportent dans leur dispositif aucune demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, la mention selon laquelle il est demandé de déclarer «recevable et bien fondé l'appel interjeté le 20 novembre 2020» ne pouvant y suppléer.
M. [P] [S] et la Sas Incremental ont notifié des conclusions d'appel incident le 01 avril 2021.
Les sociétés Artal Technologies, Finances Gestion & Developpement et Magellium ont notifié par voie électronique des conclusions responsives le 29 juin 2021 qui comportent, pour la première fois, une mention selon laquelle il est demandé «d'infirmer partiellement le jugement du Tribunal de commerce en date du 22 octobre 2020».
Elles en déduisent qu'en tout état de cause, ces conclusions régularisent les précédentes en ce qu'elles ont été notifiées dans le délai de trois mois de l'appel incident des intimés.
Néanmoins, dès lors que les seules conclusions déposées dans le délai de trois mois prévu par l'article 908 du Code de procédure civile ne comportent pas une demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, les conclusions déposées hors de ce délai par les sociétés Artal Technologies, Finances Gestion & Developpement et Magellium ne peuvent y suppléer.
Les sociétés Artal Technologies, Finances Gestion & Developpement et Magellium font encore valoir qu'une telle caducité aboutirait à les priver d'un double degré de juridiction, en violation de l'article 6 de la CESDH.
Si l'obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2°Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle, son application dans les instances introduites par une déclaration d'appel postérieurement à la date de cet arrêt, ne prive pas les appelants du droit à un procès équitable.
En conséquence, la cour dira la déclaration d'appel des sociétés Artal Technologies, Finances Gestion & Developpement et Magellium caduque.
Sur le sort de l'appel incident
Les intimés font valoir que leur appel incident est recevable, nonobstant la caducité de l'appel principal, dès lors qu'il a été effectué dans le délai pour former un appel principal, le jugement critiqué ne leur ayant pas été signifié par voie d'huissier.
Aux termes de l'article 550 du Code de procédure civile, sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé, en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable ou s'il est caduc.
Par ailleurs, l'appel incident, peu important qu'il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité de l'appel principal.
Étant constaté que M.[P] [S] et la Sas Incremental n'ont pas formé appel principal du jugement, leur appel incident formé le 01 avril 2021, suite à un appel principal caduc, est irrecevable, étant inopérant de constater qu'ils étaient encore dans les délais pour former un appel principal.
La cour constatera en conséquence l'extinction de l'instance et son dessaisissement.
L'équité ne commande pas application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevable la demande en caducité de l'appel formée par [P] [S] et la Sas Incremental.
Statuant d'office,
Déclare caduc l'appel formée par les sociétés Artal Technologies, Finances Gestion & Développement et Magellium.
Déclare irrecevable l'appel incident formée par [P] [S] et la Sas Incremental.
Constate l'extinction de l'instance et se déclare dessaisie.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne les sociétés Artal Technologies, Finances Gestion & Développement et Magellium aux dépens.
Le greffier La présidente
.