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30/11/2022 | FRANCE | N°20/00328

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 30 novembre 2022, 20/00328


30/11/2022





ARRÊT N°434



N° RG 20/00328 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NNR7

VS/CO



Décision déférée du 12 Décembre 2019 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2016J355

M.MAMY

















SAS FRAM





C/



S.A. CAPO DI CORFU SA HOTELS & TOURIST ENTERPRISES

































INFIRMATION









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Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



SAS FRAM agissant poursuites et diligences en la personne de son Président

[Adresse 2]

[Localité 3]

Repr...

30/11/2022

ARRÊT N°434

N° RG 20/00328 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NNR7

VS/CO

Décision déférée du 12 Décembre 2019 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2016J355

M.MAMY

SAS FRAM

C/

S.A. CAPO DI CORFU SA HOTELS & TOURIST ENTERPRISES

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

SAS FRAM agissant poursuites et diligences en la personne de son Président

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandre GAUDIN de la SELARL GAUDIN CHARDIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Florence GRACIE-DEDIEU, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A. CAPO DI CORFU SA HOTELS & TOURIST ENTERPRISES

[Adresse 4]

[Localité 1]/GRECE

Représentée par Me Nicolas MORVILLIERS de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Christian ROTH de la SELEURL ROTHPARTNERS, avocat au barreau de PARIS

Assistée de Me Violaine MOTTE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente, chargée du rapport, P.BALISTA, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

La société Capo di Corfu est une société de droit grec, propriétaire d'un hôtel sur l'île de Corfou. Elle a entretenu des relations commerciales à partir de 2010 avec la société Voyages Fram, exerçant l'activité d'agence de voyages.

Par acte du 1er septembre 2015, les deux sociétés ont conclu un contrat-cadre pour les saisons 2016, 2017 et 2018.

Par jugement du 30 octobre 2015, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Voyages Fram.

Par jugement du 25 novembre 2015, le tribunal de commerce de Toulouse a ordonné la cession totale de la société Voyages Fram au profit de la société Voyages Invest et de la filiale de celle-ci, la société Phoenix. Le contrat hôtelier du 1er septembre 2015 faisait partie du périmètre de cette cession.

A la suite de la cession, la société Phoenix a été renommée société Fram.

Par courrier recommandé du 9 décembre 2015, la société Capo di Corfu a noti'é à la société Fram la résiliation du contrat aux motifs que le non-versement d'avances sur paiement de 150.000€ chacune constituait une violation des dispositions essentielles du contrat.

Par courrier recommandé du 14 décembre 2015, la société Fram a contesté la décision de la société Capo di Corfu.

Par acte d'huissier en date du 3 mars 2016, la société Fram a assigné la société Capo di Corfu devant le tribunal de commerce de Toulouse, en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 22 juin 2017, le tribunal de commerce de Toulouse s'est déclaré compétent pour juger du litige opposant les parties.

Par courrier du 21 juillet 2017, la société Capo di Corfu a formé un contredit à l'encontre de ce jugement.

Par arrêt du 28 novembre 2018, la cour d'appel de Toulouse a rejeté le contredit.

Dans ses dernières conclusions, la société Fram a demandé au tribunal de condamner la société Capo di Corfu au paiement des sommes de 1.564.122 € au titre du préjudice subi du fait de la résiliation fautive du contrat et 50.000 € au titre de la résistance abusive.

La société Capo di Corfu a demandé à titre reconventionnel au tribunal de condamner la société Fram au paiement des sommes de 3.712.500 € à titre de préjudice économique et financier et 79.841 € à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 12 décembre 2019, le tribunal de commerce de Toulouse a :

débouté Capo di Corfu de l'ensemble de ses demandes ;

débouté la société Fram de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat ;

débouté la société Fram de sa demande de droit de sollicitation d'indemnisation complémentaire au titre des résiliations en cascade que la résiliation du contrat litigieux a pu provoquer ;

débouté la société Fram de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile (cpc) ;

dit qu'il sera fait masse des dépens et qu'ils seront supportés pour moitié par chacune des parties.

Par déclaration en date du 24 janvier 2020, la société Fram a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation des chefs du jugements qui ont :

débouté la société Fram de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat, des résiliations en cascade et de la résistance abusive,

débouté la société Fram de sa demande tendant à voir condamner la société Capo di Corfu à lui verser la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC,

débouté la société Fram de sa demande tendant à voir condamner la société Capo di Corfu aux entiers dépens et dit qu'il sera fait masse des dépens et qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

La clôture est intervenue le 24 janvier 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions n°3 notifiées le 21 janvier 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Fram, société par actions simplifiée, (immatriculée au RCS de Toulouse sous le numéro 814 154 134, dont le siège social est situé [Adresse 2], demandant, au visa des articles 1134, 1147, 1184 et 1353 du code civil dans leur rédaction applicable à l'espèce, de :

déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la société Fram ;

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse le 12 décembre 2019 en ce qu'il a débouté la société Capo di Corfu de l'ensemble de ses demandes ;

rejeter l'appel incident formé par la société Capo di Corfu ;

réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse le 12 décembre 2019 pour le surplus ;

statuant à nouveau,

juger que la société Fram est recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

constater que la société Fram n'a commis aucun manquement grave ;

juger que la résiliation du contrat par la société Capo di Corfu est fautive ;

condamner, en conséquence, la société Capo di Corfu à verser à la société Fram la somme de 1.564.122 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation fautive du contrat ;

constater que Capo di Corfu a commis une faute tenant à sa résistance abusive dans le cadre de la présente procédure ;

condamner la société Capo di Corfu au paiement d'une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive en réparation du préjudice subi par la société Fram,

en tout état de cause,

condamner la société Capo di Corfu au paiement d'une somme de 20.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Capo di Corfu aux entiers dépens ;

dire que les dépens pourront être recouvrés par la Selarl Coteg & Azam Associés, en la personne de Me Florence Gracié-Dedieu, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées le 30 mars 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Capo di Corfu SA, société anonyme de droit grec dont le siège social est situé [Adresse 4], Grèce, demandant, au visa des articles 138 et 142 du code de procédure civile, 1134, 1147 et 1184 du code civil, L442-6-I 5° du code de commerce :

d'ordonner la communication des comptes détaillés de la société Fram pour l'exercice 2015 ;

en toute hypothèse, de

confirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 12 décembre 2019 en ce qu'il a :

débouté la société Fram de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat hôtelier du 1er septembre 2015 ;

débouté la société Fram de sa demande de droit de sollicitation d'indemnisation complémentaire au titre des résiliations en cascade que la résiliation du contrat litigieux a pu provoquer ;

débouté la société Fram de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

infirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 12 décembre 2019 en ce qu'il a débouté la société Capo di Corfu de l'ensemble de ses demandes ;

et statuant à nouveau,

condamner la société Fram, qui a engagé sa responsabilité contractuelle, au paiement de la somme de 712.390,95 € à titre de dommages et intérêt pour le préjudice économique et financier subi par la société Capo di Corfu ;

condamner la société Fram, qui a, par ces agissements, entraîné la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Capo di Corfu, à lui verser la somme de 79.841 € à titre de dommages et intérêts ;

débouter la société Fram de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

en tout état de cause,

condamner la société Fram à verser à la société Capo di Corfu la somme de 20.000 €, en application des dispositions de l'article 700 du CPC ;

condamner la société Fram aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, en ordonnant que ces derniers soient recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC, par la Selas Morvilliers Sentenac & associés, en la personne de Me Morvilliers, avocat aux offres de droit.

Motifs de la décision :

- sur la demande de la société Capo di Corfu au titre de la la rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l'article L442-6 I 5° du code de commerce, devenu L 442-1 du code de commerce :

en première instance, les parties se sont opposées sur la compétence du tribunal de commerce de Toulouse sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies  régies par l'article L442-6 I 5° ancien du code de commerce qui renvoyait au bloc de compétence des articles D442-3 du dit code.

La société Capo di Corfu a formé contredit et par arrêt du 28 novembre 2018, la cour d'appel de Toulouse a notamment rejeté le contredit, en précisant dans les motifs de l'arrêt que d'une part, l'action principale de la société Fram qui reposait sur le non-respect des conditions de mise en 'uvre de l'article 10 du contrat relatif à la résiliation relevait de la compétence du tribunal de commerce de Toulouse et d'autre part le fait que la demande reconventionnelle de la société Capo di Corfu ne précisait ni devant le tribunal ni devant la cour en quoi résidait sa demande de dommages-intérêts.

La Cour a donc écarté la compétence du tribunal de commerce de Bordeaux au titre des compétences spéciales liées au contentieux de la rupture brutale des relations commerciales établies.

La SA Capo di Corfu n'a pas formé de pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, la compétence du tribunal de commerce de Toulouse, et par voie de conséquence celle de la Cour d'appel de Toulouse, est définitivement tranchée.

Le tribunal de commerce de Toulouse a statué sur les demandes de résiliation judiciaire du contrat hôtelier entre les parties.

En cause d'appel, sur le fond du litige, la société Capo di Corfu ne peut présenter des demandes reconventionnelles qui relèvent de la seule compétence du tribunal de commerce de Bordeaux et, partant en appel de la seule cour d'appel de Paris, alors que la question de cette compétence spécifique a été tranchée dans le cadre du contredit et que la cour d'appel de Toulouse n'est pas compétente pour en connaître.

Les demandes formées par la société Capo di Corfu du chef de la rupture brutale des relations commerciales établies sont donc irrecevables.

En revanche, et ce dans le sens des arrêts de la chambre commerciale qu'elle cite (10 avril 2019 n °18-12882, et 27 mars 2019 n°16-24630), la SA Capo di Corfu peut demander à la cour d'appel de Toulouse de lui allouer des dommages intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour résiliation aux torts de la société Fram du contrat qui liait les deux sociétés, à condition d'établir les manquements contractuels de la société Fram, le préjudice qu'elle subi et le lien de causalité directe entre cette faute contractuelle et son préjudice, l'action n'étant pas fondée sur la rupture brutale des relations commerciales qui relève de la seule compétence de la cour d'appel de Paris.

-sur la résiliation du contrat hôtelier liant les parties :

il convient d'analyser l'origine de la résiliation du contrat et les torts réciproques allégués par les parties pour déterminer quelle partie est responsable de la résiliation du contrat.

L'initiative de la résiliation émane de la société Capo di Corfu le 9 décembre 2015 pour non-règlement des avances d'octobre et de novembre 2015 pour la campagne 2016, de 150.000 euros chacune, prévues au contrat du 1er septembre 2015 soit 300.000 euros, et avec effet immédiat.

De son coté, la SAS Fram reproche à la SA Capo di Corfou d'avoir mené des discussions en parallèle et d'avoir conclu un nouveau contrat hôtelier pour la saison 2016 avec la société TUI, son concurrent.

Pour en justifier, elle produit un article de presse qui officialisait dès le 16 février 2016 le partenariat avec la société TUI alors que la négociation d'un tel contrat hôtelier avec notamment fixation des tarifs, des modalités de réservation des chambres et fixation des avances, dure au minimum 6 mois et invoque le refus de la société Capo di Corfu de répondre à la sommation interpellative de la société Fram du 16 janvier 2019 de produire le contrat la liant à la société TUI et de ne pas avoir réclamé les avances impayées à l'administrateur judiciaire de la société Voyages Fram.

Elle considère que la société Capo di Corfu n'a pas respecté les stipulations du contrat pour mettre en jeu la résiliation anticipée telle que prévue à l'article 10 du contrat qui ne prévoyait pas le retard de règlement des avances comme une cause de résiliation possible.

De plus, elle considère que le caractère de gravité du manquement contractuel n'est pas établi alors qu'elle précise avoir effectué un versement de 75.000 euros le 6 octobre 2015 sur les avances et non au titre du solde du précédent contrat versé le 2 octobre pour 76.736,50 euros, comme l'affirme, selon elle, abusivement la société Capo di Corfu.

Préalablement, il convient de relever que la Cour de cassation a rappelé qu'il résulte des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non (cf Com. 17 février 2021, pourvoi n° 19-19.993 ).

Par ailleurs, dès lors que l'ouverture de la procédure collective est intervenue en cours d'exécution du contrat litigieux, les règles de la procédure collective doivent trouver application.

Au 30 octobre 2015, date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Voyages Fram, le contrat entre la débitrice et la société Capo di Corfu en date du 1er septembre 2015 était en cours s'agissant d'un contrat de fourniture de prestations de services touristiques à proposer à la clientèle de Voyages Fram et donc nécessaire à la poursuite de l'activité.

En application de l'article L631-14 du code de commerce, il est possible d'exiger son exécution en tant que contrat en cours. Seul le juge commissaire est compétent pour connaître de la continuation des contrats en cours. Par ailleurs, l'option sur le sort du contrat peut résulter d'une mise en demeure d'avoir à opter adressée à l'administrateur judiciaire par le cocontractant en vue d'obtenir une réponse sous le délai d'un mois.

Si l'option conduit à la continuation du contrat en cours, l'administrateur judiciaire doit fournir la prestation promise et le contrat doit être continué exactement aux conditions contractuelles. Notamment en matière de redressement judiciaire à l'alinéa 4 de l'article L631-14 du code de commerce, la contrepartie du contrat doit être payée au comptant sauf obtention de délais de paiement accordés par le cocontractant.

Lorsque le contrat fait l'objet d'un plan de cession en application de l'article L642-7 du code de commerce, le principe de la cession du contrat dépend du dispositif du jugement qui emporte cession au repreneur mais la date de cession du contrat est celle de la rédaction des actes de cession sauf disposition du jugement qui fixe une entrée en jouissance immédiate. En revanche, si le jugement arrêtant le plan de cession n'est pas exécuté et que les actes de cession ne sont pas rédigés , le contrat n'est pas cédé. (com 22 septembre 2009 n°08 19446). Si dans l'attente de l'accomplissement des actes nécessaires à la réalisation de la cession, la gestion est confiée au cessionnaire, les obligations du repreneur au titre des contrats cédés commencent à la date du jugement arrêtant le plan puisqu'il s'agit de la date d'entrée en jouissance du repreneur.

Toutefois les manquements du débiteur dans le cadre de l'exécution du contrat ne peuvent être opposés au repreneur sauf si le jugement homologuant la cession a entériné son offre de reprendre les obligations du débiteur (Com 1er octobre 1997 n°9422 145).

Enfin, en application de l'article L642-7 du code de commerce, les contrats cédés « doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire ».

Il ressort des pièces produites en appel que le contrat souscrit par la société Voyages Fram auprès de la société Capo di Corfu le 1er septembre 2015 était un contrat pour les saisons 2016-2017 et 2018 ; la durée du contrat était de trois ans les dates de la saison 2016 étant fixées au lundi 10 avril 2016 (première arrivée client) et au lundi 16 octobre (dernier retour client) et il était stipulé qu'à la fin de cette période, les Voyages Fram auraient la priorité pour prolonger le contrat pour une période de 3 ans (2019-2021) à condition d'en faire la demande avant le 31 août 2016 « prix négociables chaque année selon les termes du paragraphe 6.2 (« tarifs et compétitivité »).

Le contrat comporte des annexes, paraphées, et notamment l'annexe 2 intitulée « périodes, tarifs, allotement, délais de rétrocession, saison 2016 ».

Ces annexes sont nécessairement au c'ur de l'objet du contrat puisqu' en fin de contrat, il est stipulé que la résiliation par le voyagiste est prévue « en cas de non-respect des clauses définies dans le présent contrat et ses annexes et qui se seraient poursuivies après une période de 10 jours à compter de la mise en demeure du voyagiste ».

Le contrat ne précise pas les modalités de règlement des sommes versées à la SA Capo di Corfu mais dans l'annexe 2 sont notamment prévus les tarifs et surtout un paragraphe intitulé « les avances sur paiements, garantie » qui expose comment  pour l'année 2016 doit être versée une avance exceptionnelle de 800.000 euros par Voyages Fram à Capo di Corfu « selon l'échéancier suivant :

150.000 euros le 1er octobre 2015

150.000 euros le 1er novembre 2015

200.000 euros le 15 décembre 2015

100.000 euros le 15 janvier 2016

100.000 euros le 15 février 2016

100.000 euros le 15 avril 2016 »

Il y est ajouté : « pour 2016 le contrat fera l'objet d'une garantie selon les modalités suivantes : chiffre d'affaires minimal garanti sur la saison =1 237 500 euros (soit environ 70% du chiffre d'affaire en ¿ pension,)

Facturation, récupération des avances

1.la différence entre montant garanti et total des avances

soit 1 237 500 -800 000 euros=437 500 euros est divisé par 5, ce qui donne cinq parts de 87 500 euros.

Cette somme de 87 500 euros sera versée 5 fois aux dates suivantes : 31/5, 30/6, 31/7, 31/8 et 15/9 2016.

2. le chiffre d'affaires réel sera facturé au fur et à meure des départs de clients. Si et dès que son total excède le montant minimal garanti, le solde sera réglé au plus tard 60 jours après la réception des factures ».

Il ressort de ces stipulations dans l'annexe que le versement des avances avec un échéancier précis à des dates fixes jusqu'au 15 avril 2015, date de la première arrivée des clients, qui à compter du 31 mai 2016 devait être complété par le versement de parts équivalentes de 87500 euros, jusqu'à dépassement du chiffre d'affaires réalisé, était nécessairement une condition substantielle d'exécution du contrat puisqu'elle organise le règlement des prestations de la société Capo di Corfu en garantissant le chiffre d'affaire à réaliser à concurrence de 70%.

Par jugement du 25 novembre 2015, le tribunal de commerce de Toulouse a homologué le plan de cession, qui reprenait le contrat litigieux, plan arrêté à la suite d'une procédure de conciliation avec projet de cession aux sociétés Voyages Invest et Phoenix du groupe Karavel Promovacances et d'ouverture de redressement judiciaire le 30 octobre 2015 avec examen des offres, d'emblée renvoyé au 18 novembre 2015 selon la formule dite de « prepack cession » en application de l'article L611-7 du code de commerce.

La société Capo di Corfu ne figurait pas parmi les cocontractants présents ou représentés à l'audience.

Et il est précisé dans le dispositif du jugement, «concernant les contrats repris » au paragraphe 8 «maintien provisoire de certains contrats : le repreneur sollicite le maintien temporaire des contrats visés en annexe pour une durée postérieurement à la date d'entrée en jouissance avec prise en charge et remboursement à la procédure du coût correspondant.

A noter que ces contrats maintenus temporairement ne peuvent être soumis aux dispositions de l'article L642-7 du code de commerce ».

La cour constate que le fournisseur Capo di Corfu figure bien en annexe du jugement.

Dans ce jugement, il n'est pas précisé si la société Capo di Corfu avait été consultée par le candidat repreneur du projet de reprise ni si des garanties lui avaient été offertes. Il n'est pas davantage mentionné quelles étaient les dettes de la société Fram Voyage à l'égard de la société Capo di Corfu que le groupe Karavel s'engageait éventuellement à reprendre dans le cadre du plan de cession.

La seule mention figurant dans le dispositif du jugement sur le maintien provisoire des contrats ne permet pas de déterminer quelles sont les conditions de reprise de ces contrats qui demeurent provisoirement maintenus, pour une période indéterminée, et sans qu'on applique aux divers cocontractants, en l'espèce un fournisseur, les dispositions de l'article L642-7 du code de commerce.

La cour en déduit que le fournisseur la SA Capo di Corfu n'a pas été mis en mesure de solliciter la résiliation du contrat auprès du juge commissaire après l'ouverture du redressement judiciaire en raison des délais courts de la procédure « prepack cession » choisie et, de surcroît, le contrat a fait l'objet d'un plan de cession dans des conditions très incertaines du fait des termes du dispositif du jugement homologuant le plan de cession. Il ne s'agit que d'un maintien provisoire du contrat sans application du cadre posé par l'article L642-7 du code de commerce.

Dès le 7 décembre 2015, par courriel, Folco Aloisi de la société Voyages Invest, cessionnaire, exhorte Madame [N] de la société Capo di Corfu à renoncer à ses demandes en exposant que le contrat doit être poursuivi et honoré par le fournisseur comme en atteste l'administrateur judiciaire de Fram. Dans son attestation, [E] [S], es qualites, précise que « le repreneur est entré en jouissance au 26 novembre 2015 afin de s'assurer la poursuite de l'activité des sociétés », qu'il a « sollicité le transfert judiciaire des contrats nécessaires à la poursuite d'activité sous le visa de l'article L642-7 du code de commerce impliquant une poursuite des contrats existant dans les conditions contractuelles initialement convenues » ; et il ajoutait que « le repreneur est fondé à en solliciter la poursuite dans les conditions contractuelles initialement convenues et, le cas échéant, à engager, si nécessaire, toute voie judiciaire utile de nature à assurer le respect de ses droits ».

Dès le 9 décembre 2015, la société Capo di Corfu a répondu en adressant à la société Fram/Karavel Group sa décision de résoudre de façon unilatérale le contrat du 1er septembre 2015.

Cette résiliation était adressée au cessionnaire annoncé, le groupe Karavel, repreneur effectif depuis le jugement du 25 novembre 2015, et mentionnait comme motifs de résiliation le non-règlement d'une créance de 452 775 euros au titre de factures impayées par la société Voyages Fram et 300.000 euros d'avances pour octobre 2015 et novembre 2015 et en attente du versement de 200.000 euros pour le 15 décembre 2015. Cette lettre rappelle que « le groupe Karavel n'est pas particulièrement connu de la société Capo di Corfu et ne lui a communiqué ni perspective future, ni budget, ni piste ou approche commerciale concernant la reprise des activités Fram ». Elle précise que « le défaut de paiement des avances en lieu et place de la société Fram constitue un non-respect des conditions essentielles du contrat du 1er septembre 2015 ».

Dans la mesure où le juge commissaire n'a pas été saisi d'une demande de résiliation du contrat par le fournisseur du contrat en cours, la société Capo di Corfu ne peut se prévaloir d'une résiliation unilatérale constatée dans le cadre de la procédure collective.

En revanche, la cour est saisie, comme l'était le tribunal, d'une demande de résiliation judiciaire du contrat formée postérieurement au plan de cession sur laquelle elle doit statuer. Le tribunal a débouté la société Capo di Corfu de sa demande mais n'a pas statué sur la poursuite du contrat.

Le contrat étant provisoirement maintenu selon l'offre du repreneur, le cessionnaire (la société Voyages Invest et sa filiale Phoenix du groupe Karavel Promovacances, devenue la société Fram) devait au minimum reprendre les obligations de la société Fram Voyages en cours et notamment le versement des avances de 150.000 euros à venir pour permettre au contrat de se poursuivre et de s'exécuter.

A l'examen du contrat litigieux il apparaît que le versement des avances, soit 800.000 euros, pour la saison 2016, était au coeur de l'économie du contrat et par conséquent était une obligation substantielle du contrat sans le respect de laquelle l'exécution des prestations touristiques était obérée, contrairement à ce que prétend la société Fram alors qu'elle connaît parfaitement les conditions économiques d'un tel contrat et alors qu'elle bénéficiait en contrepartie du règlement de ces avances notamment d'une exclusivité de la commercialisation de l'hôtel sur le marché français à la société Voyages Fram et du bénéfice des meilleurs tarifs des réservations offertes par le prestataire Capo di Corfu.

Le seul fait de ne pas avoir mentionné le non-règlement des avances dans l'article 10 du contrat comme cause de résiliation spécifique ne prive pas une partie de l'invoquer comme cause de résiliation au regard de la gravité d'un tel manquement contractuel de son cocontractant.

De même, le fait d'avoir réglé en octobre 2015 la moitié de l'avance attendue, ce que conteste en outre la société Capo di Corfu qui considère ce versement comme le règlement de factures antérieures dues, ne permet pas d'établir que la société Fram Voyages avait rempli son obligation de versement des avances pour la saison 2016.

Et concernant les obligations du seul repreneur, n'ayant pas pris attache auprès de la société Capo di Corfu pour déterminer à quelles conditions et sous quelle garantie le contrat pouvait se poursuivre, il n'a pas réglé la deuxième avance de 150.000 euros attendue en novembre 2015 alors que l'administrateur judiciaire lui- même expliquait que le contrat se poursuivait dans les conditions contractuelles initialement convenues.

De plus, il convient de souligner le caractère imprécis des termes du jugement homologuant la reprise du contrat, le caractère provisoire du maintien des contrats et surtout le caractère incertain des obligations du repreneur le jugement précisant il est « à noter que ces contrats maintenus temporairement ne peuvent être soumis aux dispositions de l'article 642-7 du code de commerce » alors que dans son attestation, l'administrateur judiciaire affirmait le contraire.

Dès lors le défaut de cadre juridique ne pouvait que favoriser l'incertitude et la fragilité de la poursuite de l'activité alors que le fournisseur devait engager la prochaine campagne de réservation hôtelière et touristique dans les semaines suivantes.

Si la société Capo di Corfu devait mettre en demeure l'administrateur judiciaire de Voyages Fram ou le repreneur désigné de régler cette deuxième avance avant de décider unilatéralement de résilier le contrat, force est de constater que le versement de la deuxième avance n'est pas intervenu en novembre 2015 ni début décembre 2015, que le jugement homologuant le plan de cession ne précisait pas les obligations du repreneur de ce chef et que la réponse, pour le moins désinvolte de la société Fram, cessionnaire, en cours d'instance sur la non-exigence contractuelle substantielle de ce règlement, établit qu'elle n'entendait pas la verser immédiatement, plaçant ainsi le fournisseur dans l'impossibilité de poursuivre la relation contractuelle.

Il convient par ailleurs, de relever que la société Fram voyages n'avait pas par le passé réglé les avances aux dates convenues pour les saisons touristiques passées, comme l'établit la société Capo di Corfu qui savait pertinemment les difficultés économiques qu'elle rencontrait à défaut de règlement de telles avances aux dates contractuellement convenues.

La cour en déduit que la gravité du comportement de la société Fram, repreneur du contrat, et l'imprécision du plan de cession à son bénéfice et selon son offre justifiaient le fait pour la société Capo di Corfu de mette fin au contrat hôtelier pour la saison 2016 de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée.

La Cour prononce par conséquent la résiliation judiciaire du contrat hôtelier signé par la société Voyage Fram et la société Capo di Corfu le 1er septembre 2015 et repris par la société Fram, et ce à la date du 9 décembre 2015.

-sur les conséquences de la résiliation du contrat :

la résiliation du contrat étant prononcée aux torts de la société Fram, cette dernière ne peut solliciter des dommages-intérêts. En revanche, la société Capo di Corfu peut solliciter la réparation du préjudice qu'elle subit du fait de la résiliation fautive du contrat.

La société Capo di Corfu sollicite 712.390,95 euros de dommages-intérêts pour préjudice économique et financier.

La société Fram lui oppose le fait qu'elle ne justifie pas de son préjudice alors que de manière déloyale, elle était en négociation avec son concurrent direct la société TUI puisque dès février 2016, la presse révélait l'accord passé entre TUI et la société Capo di Corfu pour la saison 2016.

Après examen des pièces soumises aux débats, la cour constate que la société Capo di Corfu produit un extrait du contrat signé entre elle-même et la société TUI pour des prestations 2016 dès le 11 décembre 2015, soit deux jours à peine après la lettre de résiliation unilatérale adressée au cessionnaire du contrat souscrit auprès de la société Fram Voyage.

La société Capo di Corfu expose qu'il s'agit d'un contrat de courte durée pour la saison 2016 d'avril à octobre 2016 et pour 100 chambres alors que le contrat avec la société Voyages Fram avait prévu un allotement de 135 chambres.

Mais les articles de presse produits par Fram en pièce 11 établissent que le groupe Marmara a obtenu de nouvelles destinations hôtelières dont celle de l'hôtel Capo di Corfu, présenté dans la publicité comme l'ancien club Framissima du même nom classé 4 étoiles « qui constitue l'un des meilleurs clubs francophones sur Corfou ». Il est évident que la société Capo di Corfou ne renonçait pas au voyagiste TUI au sein du groupe Marmara pour les années suivantes au-delà de 2016 et qu'elle a poursuivi sa relation contractuelle avec le concurrent de la société Fram. A défaut, elle établirait la différence des avantages consentis entre Voyages Fram et TUI, pour justifier de son préjudice économique et financier réel, ce qu'elle ne fait pas.

Elle a donc manifestement anticipé les effets des premiers manquements contractuels de son partenaire Voyage Fram en recherchant et en trouvant un concurrent pour poursuivre son activité et a pu signer un contrat avant le début de la saison 2016 et elle n'établit pas en quoi la signature de ce contrat était plus défavorable que celui signé avec la société Voyages Fram. Elle n'établit donc pas le préjudice direct découlant de la résiliation du contrat aux torts de la société Fram. Il convient de la débouter de sa demande de dommages-intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

-sur la demande de dommages-intérêts de la société Fram pour résistance abusive :

la société Fram succombe en sa demande de réformation du jugement sur la résiliation aux torts de la société Capo di Corfu, elle ne peut donc lui demander des dommages-intérêts pour résistance abusive. Le jugement sera confirmé de ce chef.

-sur les demandes accessoires :

la société Fram qui succombe prendra en charge les dépens de première instance et d'appel.

Eu égard à la situation respective des parties, chacune d'elles conservera la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 28 novembre 2018,

Vu le défaut de pourvoi formé contre ce dernier arrêt,

-déclare irrecevables les demandes de la SA Capo di Corfu en cause d'appel fondées sur l'article L442-6-1 5° ancien du code de commerce

-infirme le jugement uniquement en ce qu'il a débouté la société Capo di Corfu de sa demande de résiliation du contrat souscrit auprès de la société Voyages Fram le 1er septembre 2015 et en ce qu'il a dit qu'il sera fait masse des dépens et qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

-prononce au 9 décembre 2015 la résiliation judiciaire du contrat hôtelier entre la société Capo di Corfu et la société Fram voyage cédé à la société Fram dans le cadre du jugement d'homologation du plan de cession du 25 novembre 2015, aux torts exclusifs de la société Fram

-condamne la société Fram aux dépens de première instance et d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00328
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;20.00328 ?
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