COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Minute 2022/746
N° RG 22/00740 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCXQ
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 16 Novembre à 09h00
Nous A. MAFFRE délégué par ordonnance du premier président en date du 19 JUILLET 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'ordonnance rendue le 11 Novembre 2022 à 19H26 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :
[V] [T]
né le [Date naissance 2] 2000 à [Localité 4] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Vu l'appel formé, par télécopie, le 14/11/2022 à 14 h 18 par Me Pierre GONTIER
A l'audience publique du 15/11/2022 à 11h00, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu
[V] [T]
assisté de Me Pierre GONTIER, avocat au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier
avec le concours de [M] [O], interprète, qui a prêté serment,
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de Mme [R] représentant la PREFECTURE DE L'HERAULT
avons rendu l'ordonnance suivante :
M. [V] [T], âgé de 22 ans et de nationalité algérienne, a été interpellé le 8 novembre 2022 à 16h40 à [Localité 5] [Adresse 1] et a été placé en garde à vue à 17 heures.
Le 9 novembre 2022, le préfet de l'Hérault a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant un an, ainsi qu'une mesure de placement en rétention administrative, tous deux notifiés le même jour à l'issue de la garde à vue respectivement à 15h10 et 15h20.
M. [T] a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 3] (31) en exécution de cette décision.
Indiquant n'avoir pu l'éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, le préfet de l'Hérault a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. [V] [T] en rétention pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 10 novembre 2022 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 14h47.
Ce magistrat a déclaré la procédure régulière et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 11 novembre 2022 à 19h26.
M. [V] [T] a interjeté appel de cette décision, par courriel de son conseil adressé au greffe de la cour le 14 novembre 2022 à 14h18.
A l'appui de sa demande de mise en liberté, le conseil de M. [T] a principalement soutenu que :
- sur l'irrégularité de procédure au regard de l'article L141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le recours à un interprète par téléphone sans nécessité caractérisée fait automatiquement grief et en l'espèce, il n'a pu exercer ses droits au silence, de consulter les documents mentionnés à l'article 63-4-1 du code de procédure pénale, de présenter des observations au procureur de la République au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention, de faire prévenir un membre de la famille par téléphone, et le certificat médical mentionne l'incompréhension entre le médecin et lui, de sorte qu'il n'a pu bénéficier du traitement adapté au coup de couteau reçu et à son affection au foie,
- sur la demande de prolongation, la première diligence a été accomplie 18 heures après le début de la rétention alors qu'elles doivent être accomplies sans délai.
À l'audience, Maître Gontier a repris oralement les termes de son recours et souligné notamment que:
. le juge des libertés et de la détention a passé sous silence certains des droits que M. [T] était censé comprendre et la lecture du certificat médical fait la lumière sur l'exercice qu'il a pu faire de ceux-ci à cause de l'interprétariat au téléphone ou de l'absence d'interprète,
. les diligences doivent être accomplies sans délai et s'il y a un délai, il faut justifier de ses causes.
M. [T] qui a demandé à comparaître souhaite être libéré et respectera la décision.
Le préfet de l'Hérault, régulièrement représenté à l'audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en s'en remettant à la motivation de celle-ci et en demandant s'il fallait attendre l'arrivée de l'interprète et différer la notification des droits : M. [T] a bénéficié du formulaire en arabe et a donc eu connaissance de tous ses droits, étant souligné que l'objectif de l'examen médical est la vérification de la compatibilité de l'état de santé de la personne avec la garde à vue, ce qui a été vérifié ici.
Le ministère public, avisé de la date d'audience, est absent et n'a pas formulé d'observations.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le recours à un interprète par téléphone
L'article L141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe les règles suivantes en matière d'assistance par un interprète :
'Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.
En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.'
Au cas particulier, il ressort de la procédure que l'interprète contactée pour la notification à M. [T] du placement en retenue n'a pu se déplacer immédiatement. Pour autant, il n'est pas indiqué que d'autres interprètes ont été contactés, alors qu'un autre au moins est inscrit sur la liste des experts et a été requis un peu plus tard dans la procédure, ni qu'ils connaissaient le même empêchement, de sorte qu'il n'est pas dûment justifié de la nécessité de recourir à une assistance par téléphone.
Cependant, en vertu de l'article L743-12 du même code, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
En l'espèce, l'appelant n'a eu affaire à l'interprétariat téléphonique que pour la notification de ses droits en garde à vue et a ensuite bénéficié de sa présence physique pour le reste de la garde à vue. Et cette intervention au téléphone lui a permis de ne pas rester une minute de plus dans l'ignorance des conditions dans lesquelles il était gardé au commissariat, ce qui n'est pas manifestement de nature à lui cause un grief.
De même, il a reçu un formulaire écrit reprenant tous ses droits en garde à vue dans une langue qu'il parle et qu'il ne prétend pas ne pas lire, de sorte que le grief d'incompréhension de tous ses droits n'est pas étayé.
Enfin, s'agissant du certificat médical, force est de constater que le médecin requis indique aussi avoir bénéficié d'une traduction lui permettant de vérifier que M. [T] ne prenait pas de traitement et qu'il a bien noté le coup de couteau au foie subi, de sorte qu'il a disposé des éléments nécessaires à une prise en charge adapté du gardé à vue.
Il n'est donc pas établi que l'irrégularité soulevée a causé quelque grief à M. [T]: elle n'est pas de nature à invalider la procédure. La décision déférée doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle l'a déclarée régulière.
Sur les diligences
En application de l'article L741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Il s'en évince que les diligences de l'administration doivent être mises en oeuvre dès le placement en rétention et qu'elles doivent être utiles et avoir une chance d'aboutir dans le délai de la durée légale de la rétention.
Au cas d'espèce, M. [T] s'est vu notifier son placement en rétention administrative le 9 novembre à 15h20 et a rejoint le centre de rétention administrative de [Localité 3] à 17h50. Et les autorités algériennes ont été sollicitées le lendemain à 9h01, soit la première heure ouvrable utile : les saisir la veille dans la soirée aurait été possible mais sans utilité démontrée.
Les diligences accomplies s'avèrent donc conformes aux exigences légales.
Et la prolongation de la rétention s'avérant le seul moyen de prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et de garantir efficacement l'exécution effective de cette décision en l'absence de toute autre mesure moins coercitive possible au regard du défaut de garanties de représentation , il y lieu de faire droit à la demande préfectorale.
La décision déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,
Confirmons l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 11 novembre 2022,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de l'Hérault, service des étrangers, à M. [V] [T], ainsi qu'à son conseil et communiquée au ministère public.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
K. MOKHTARI A. MAFFRE