COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Minute 2022/723
N° RG 22/00717 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCLQ
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 08 novembre à 08h45
Nous A. DUBOIS, Président de chambre, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 19 JUILLET 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'ordonnance rendue le 06 Novembre 2022 à 16H36 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :
[R] [C] SE DISANT [U]
né le 01 Juin 2001 à [Localité 1] (48100)
de nationalité Algérienne
Vu l'appel formé le 06/11/2022 à 17 h 41 par courriel, par Me Aurore BECHARD, avocat au barreau de TOULOUSE;
A l'audience publique du 07/11/2022 à 14h30, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu :
[R] [C] SE DISANT [U]
assisté de Me Aurore BECHARD, avocat au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier ;
avec le concours de [Z] [E], interprète, qui a prêté serment,
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de M.[P] représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE ;
avons rendu l'ordonnance suivante :
M. [C] se disant [R] [U], de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Haute-Garonne portant obligation de quitter le territoire français le 9 juillet 2021 qu'il n'a pas respecté.
Après avoir purgé sa peine d'emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel de Toulouse le 27 mars 2022 pour des faits de vols en récidive et ports d'arme, il a fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français décidée le 27 octobre 2022 et placé en rétention administrative suivant décision préfectorale du 3 novembre 2022.
Par requête du 4 novembre 2022, le préfet a sollicité la prolongation pour une durée de 28 jours de son placement en rétention, lequel a été contesté par M. [C] se disant [R] [U] par requête du même jour.
Par ordonnance du 5 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. [C] se disant [R] [U].
Ce dernier en a interjeté appel par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 6 novembre 2022 à 17h41.
Il soutient par la voie de son avocat, à l'appui de ses demandes d'infirmation de l'ordonnance et de remise en liberté, que :
- l'arrêté de placement en rétention est entaché d'une insufisance de motivation, d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation faute de prise en compte de son enfant à naitre,
- il n'existe pas de perspective d'éloignement à bref délai puisque les autorités consulaires ne le verront que le 16 novembre prochain alors qu'il a été entendu dans le cadre d'une identification le 28 septembre 2022, que l'obligation de quitter le territoire français est du 27 octobre et que la demande d'indentification auprès du consulat n'a été faite que le jour de son placement en rétention administrative,
- il subit en conséquence un préjudice puisqu'il est privé de son droit au respect de sa vie privée et familiale.
A l'audience, il a indiqué qu'il veut sortir pour retrouver sa femme et son fils, sur interrogation, il a précisé que son enfant n'est pas encore né, que sa femme est enceinte d'environ 6 mois et qu'il est resté en détention 7,5 mois de mars 2022 au 3 novembre 2022. Il a ajouté qu'il n'a pas de domicile fixe car il est hébérgé par des amis.
Le préfet de la Haute-Garonne, représenté à l'audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en soulignant qu'aucune élément ne justifie l'existence des liens familiaux qu'il invoque de sorte que la décision de rétention administrative est justifiée et qu'il n'existe pas d'atteinte à sa vie privée. Il a souligné que l'ensemble des diligences en vue de la mesure d'éloignement ont été faites dans les délais.
Le ministère public, avisé de la date d'audience, est absent et n'a pas formulé d'observation.
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MOTIVATION :
L'appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux.
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative
En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.
Aux termes de l'article L612-3 le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, notamment dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
En l'espèce la décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [C] se disant [R] [U] et énonce les circonstances de fait qui justifient l'application des ces dispositions.
Elle précise en effet notamment que l'intéressé :
- a fait l'objet de deux condamnations pénales les 20 décembre 2021 et 27 mars 2022 pour des faits de vols en récidive et port d'arme,
- a déjà fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français le 9 juillet 2021 à laquelle il n'a pas déferé,
-ne justifie pas de ressources et ne présente aucun billet de transport pour exécuter la nouvelle mesure d'éloigenemtn,
- ne présente aucune vulnérabilité ou handicap faisant obstacle à son placement en rétention administrative,
- ne peut justifier d'une entrée régulière et n'a pas demandé de titre de séjour,
- a déclaré explicitement ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine,
- s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement,
- ne présente pas de garantie de représentation effective faute de documentsd'identité ou de voyage en cours devalidité, faute d'une adresse effective et permanente affectée à son habiration principale,
- n'est accompagné d'aucun enfant mineur.
Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision. A cet égard, force est de constater que l'appelant a juste mentionné qu'il habitait dans le quartier [Y] [L], sans plus de précision, avec une jeune femme qu'il a prénommée [F] sans même donner son nom de famille, qui serait enceinte de lui, sans autre indication et qu'il n'a fourni aucun élément corroborant ses assertions. Il ressort en outre de ses explications à l'audience des contradictions quant à la durée de sa détention supérieure à la durée de la grossesse alléguée.
L'arrêté préfectoral querellé comporte ainsi les motifs de droit et de fait suffisants et le grief tiré d'une insufisance de motivation, d'un défaut d'examen de la situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Et M. [C] se disant [R] [U] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dès lors qu'il n'est pas documenté et n'a pas d'adresse stable.
C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise.
Sur la prolongation de la rétention
En application de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Contrairement à la thèse de l'appelant, les diligences doivent être menées par la préfecture à compter du placement en rétention administrative seulement et non pendant l'incarcération de l'intéressé.
A cet égard, il sera observé que le jour même du placement en rétention de [C] se disant [R] [U], les autorités consulaires algériennes ont été saisies d'une demande d'identification en vue de la délivrance d'un laissez-passer consulaire.
La préfecture a donc effectué toutes les démarches nécessaires et utiles à ce stade de la procédure et alors que les perspectives raisonnables d'éloignement doivent s'entendre comme celles pouvant être réalisées dans le délai maximal de 60 jours de la rétention applicable à l'étranger, il ne peut être affirmé que l'éloignement de l'appelant ne pourra avoir lieu avant l'expiration de ce délai.
Enfin, au regard de la durée du placement en rétention administrative, l'appelant ne peut valablement invoquer une atteinte à sa vie privée et familiale, laquelle comme précédemment rappelée n'est de surcroit pas démontrée.
La prolongation de la rétention administrative est donc justifiée.
La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
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PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,
Confirmons l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 5 novembre 2022,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de la Haute-Garonne, à M. [C] se disant [R] [U] ainsi qu'à son conseil et communiquée au ministère public.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
K. MOKHTARI A. DUBOIS Président de chambre