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08/11/2022 | FRANCE | N°21/00388

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 08 novembre 2022, 21/00388


08/11/2022



ARRÊT N° 673/2022



N° RG 21/00388 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N575

OS/CD



Décision déférée du 10 Décembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 18/00473

M.[N] et Mme [U]

















[L] [J]





C/



Etablissement AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT S JURIDIQUES







































>




















CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [L] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Bernard DE LAMY...

08/11/2022

ARRÊT N° 673/2022

N° RG 21/00388 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N575

OS/CD

Décision déférée du 10 Décembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 18/00473

M.[N] et Mme [U]

[L] [J]

C/

Etablissement AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT S JURIDIQUES

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [L] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Anne-charlotte IFFENECKER, avocat plaidant au barreau de POITIERS

INTIMÉ

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Pris en la personne de son Directeur

DAJ

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Etienne DURAND-RAUCHER de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.

FAITS ET PROCEDURE

Par jugement du 24 novembre 1989, le Tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire envers M. [L] [J], exploitant en nom propre d'une activité d'import export de produits agro-alimentaire, et a désigné Maître [Y] en qualité de représentant des créanciers.

M. [J] formait appel du jugement.

Par arrêt du 11 juin 1990, la cour d'appel de Toulouse constatait le désistement d'appel de M. [J].

Par jugement réputé contradictoire du 3 Août 1990, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la liquidation judiciaire de M. [J], Maître [Y] étant nommé en qualité de liquidateur, décision confirmée par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 14 janvier 1991.

L'état des créances a été déposé le 6 décembre 1991.

L'admission des créances a fait l'objet de nombreuses contestations.

Par jugement du 21 février 1997, le tribunal de commerce de Toulouse a désigné Maître [E] en qualité de liquidateur en remplacement de Maître [Y].

Le 10 juillet 2003, M. [J] déposait plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux et usage de faux, escroquerie et recel pour des faits ayant eu lieu dans le cadre de la procédure collective le concernant.

Une ordonnance de refus d'informer était prononcée le 28 janvier 2004 au motif de l'extinction de l'action publique par prescription, ordonnance confirmée par arrêt du 15 juin 2004.

Par arrêt du 20 avril 2005, la cour de cassation renvoyait la procédure devant la cour d'appel d'Agen ; un arrêt du 12 juillet 2006 de la chambre d'instruction de cette cour décidait que seules les infractions commises à l'établissement des arrêtés de péril des 23 mars 1995 et 19 février 1998 et leur usage étaient susceptibles de poursuites pénales, l'affaire étant renvoyée devant le juge d'instruction près du tribunal de grande instance d'Auch.

Une ordonnance de non lieu était rendue le 26 juillet 2010.

L'appel de cette ordonnance par M. [J] a été déclaré irrecevable par arrêt du 4 novembre 2010.

Par requête du 23 Août 2010 ,M. [J] saisissait le tribunal de commerce de Toulouse aux fins de voir prononcer la nullité des jugements du 24 novembre 1989 et du 3 Août 1990 ayant prononcé le redressement judiciaire, puis la liquidation judiciaire.

Par jugement du 24 février 2011, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 2 octobre 2012, les demandes en nullité de M. [J] ont été déclarées irrecevables. Par arrêt de la Cour de Cassation du 16 décembre 2014, le pourvoi de M.[J] a été rejeté.

Divers actifs ont fait l'objet de ventes.

Suite à une saisine du 18 juin 2015 par M. [J] se plaignant de la durée de la procédure, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a, par arrêt du 27 mai 2017, déclaré irrecevable la requête.

Par jugement réputé contradictoire du 23 février 2017, le Tribunal de commerce de Toulouse a clôturé les opérations de liquidation pour insuffisance d'actif.

Maitre [E] était désigné en qualité de mandataire, en application de l'article L 643-9 du code de commerce, avec mission de poursuivre les opérations liées à la vente d'un actif et de répartir le produit de celle-ci aux créanciers.

Par ordonnance du 4 décembre 2017, il a été mis fin à la mission de Maître [E].

**

Par acte en date du 9 janvier 2018, M. [J] a fait assigner l'Agent Judiciaire de l'Etat devant le Tribunal de Grande Instance de Toulouse pour obtenir, au visa de l'article L141-1 du code de l'organisation judiciaire, sa condamnation à lui verser la somme de 60 988 318 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues. Il sollicitait que soit entériné le rapport du cabinet Fixage en ce qu'il chiffrait les intérêts à la somme de 101 936 487 euros et demandait une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens en ce compris les frais d'expertise de M. [S] et du Cabinet Fixage.

Par jugement en date du 10 décembre 2020, le Tribunal judiciaire de Toulouse a :

- dit mal fondées les demandes fins et conclusions de M. [J],

- en conséquence, l'a débouté.

- l'a condamné aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Par déclaration en date du 22 janvier 2021, M. [J] a interjeté appel de la décision en chacun de ses chefs de dispositif.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [J], par uniques écritures en date du 19 avril 2021, demande à la cour au visa de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire, de :

- juger M. [J] recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Toulouse,

- dire que les dispositions de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire s'appliquent au Tribunal de Commerce de Toulouse,

- en conséquence, déclarer M. [L] [J] recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner l'Agent de l'Etat à lui verser la somme de 62 288 318 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues,

- entériner le rapport du Cabinet Fixage en ce qu'il chiffre les intérêts à la somme de 101 936 487 €uros,

- condamner l'Agent de l'Etat à verser à M. [J] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Agent de l'Etat aux entiers dépens, en ce compris les frais des expertises de M. [S] et du Cabinet Fixage.

M. [J] fait valoir essentiellement que :

- la procédure collective a duré 27 ans en raison des inactions des deux liquidateurs désignés, sous le contrôle du tribunal de commerce,

- c'est à tort qu'une procédure collective a été ouverte, la facture sollicitée ayant été payée et M. [J] n'ayant alors aucune dette,

- une des propriétés de M. [J] a été vendue par le Crédit agricole, sans que le liquidateur n'intervienne ; la banque a dû restituer les fruits de la vente sans commune mesure avec la valeur réelle de la propriété,

- les dettes se sont accumulées sans possibilité de rentrées financières,

- le liquidateur a informé le tribunal lors d'un rapport du 27 juin 2016 que la réalisation des actifs [J] était délicate et impossible à mettre en oeuvre, et ce alors que la procédure était ouverte depuis 25 ans,

- les actifs laissés à l'abondon ont fini par être difficilement réalisables,

- le suivi du dossier de procédure collective ne relève pas uniquement du mandataire mais également du tribunal,

- un délai de sept années s'est parfois écoulé entre deux décisions,

- il y a violation du principe du droit à un jugement dans un délai raisonnable, principe reconnu même lorsque le débiteur aurait usé de manoeuvres dilatoires, dès lors que l'Etat n'a pas rempli sa mission,

- son préjudice est trés lourd, chiffré à partir de deux rapports d'expertise

- il comprend les créances de M. [J] antérieures à la procédure collective non récupérées par le mandataire liquidateur(absence d'action du mandataire auprès de l'assureur pour l'indemnisation des sinistres incendies, ni plainte déposée)

- le préjudice est également constitué de créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective du fait de l'absence d'action judiciaire

- son préjudice moral est excessivement important, sa vie étant brisée : il sollicite à ce titre un million d'euros.

*

L'Agent Judiciaire de l'Etat, dans ses uniques écritures en date du 15 juillet 2021 demande à la cour de :

- confirmer le jugement prononcé le 10 décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions,

ce faisant,

- débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

y ajoutant,

- condamner M. [J] à payer à l'Agent Judiciaire de l'Etat la somme de 2.000,00€ au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.

Il fait valoir essentiellement que :

-sur les griefs tirés des manquements du mandataire judiciaire : il n'appartient pas aux autorités judiciaires mais au mandataire d'exercer les actions en justice de nature à avoir une incidence sur le patrimoine du débiteur ; à supposer établie une faute de la part du mandataire judiciaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, une telle faute commise par un collaborateur du service public de la justice ne peut être imputée au service public de la justice, en vertu des dispositions de l'article L 141-1 du COJ,

- la durée d'une procédure collective dépend de la complexité de celle-ci ; la clôture ne relève pas de la seule initiative du liquidateur, le tribunal pouvant être saisi par le débiteur à cette fin,

- M. [J] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un déni de justice, notamment au vu du nombre de décisions rendues et procédures diligentées, des préjudices allégués et d'un lien de causalité entre les deux,

- les opérations de réalisation d'actifs ont été plus nombreuses que celles alléguées ; surtout leur mise en oeuvre s'est avérée particulièrement complexe et difficile pour des motifs étrangers à l'action des juridictions ; la réalisation des actifs a été retardée par deux successions (celles des parents de M. [J] et de sa tante) ; la vente des immeubles a été difficile à réaliser en raison du nombre important de biens à liquider, de leur valeur relativement réduite et du caractère peu attractif des parcelles, enfin des différentes procédures en cours ayant retardé la réalisation des ventes,

- M. [J] n'a eu de cesse de contester toutes les décisions rendues et son attitude dilatoire a été relevée à de nombreuses reprises par le tribunal de commerce,

- il a déposé plusieurs plaintes pénales,

- la carence de M.[J] a par ailleurs été constatée lors de plusieurs étapes importantes de la procédure ( notamment pour l'élaboration d'un plan) ou même dans le cadre de recours engagés à son initiative ; il a refusé d'exercer son option dans la succession de sa tante,

- ce n'est que grâce à la modification de l'article L 643-9 du code de commerce par l'ordonnance du 12 mars 2014 et en considération du caractère alors résiduel des actifs du requérant que la procédure de clôture de liquidation judiciaire sur demande du procureur de la république a pu être prononcée.

- à titre infiniment subsidiaire, M. [J] ne fait qu'avancer une longue liste de préjudices, sans apporter la moindre preuve permettant d'en justifier la réalité, ni le lien de causalité avec les fautes qu'il impute à l'Etat ; les allégations sans preuve relatives à des manquements de la part du mandataire judiciaire dans la gestion de la liquidation n'ont aucun lien avec l'Etat ; si le débiteur est dans l'impossiblité de gérer librement ses biens et son activité, il n'est pas dans l'impossibilité de travailler ; enfin l'Etat n'est pas responsable de l'ouverture de la procédure collective en 1989 ; il ne produit aucune pièce permettant d'attester la réalité de son préjudice moral.

*

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 décembre 2021.

Cette affaire initialement fixée à l'audience du 12 janvier 2022 a fait l'objet d'un renvoi à la demande du conseil de M. [J] .

*

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties , fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

*

MOTIFS

Sur la responsabilité de l'Etat

En vertu des dispositions de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice.

Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.

Constitue une faute lourde, toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.

Le déni de justice consiste en un manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu comprenant le droit d'être jugé ou d'avoir une réponse judiciaire dans un délai raisonnable.

L'appréciation de la durée anormale d'une procédure constitutive d'un déni de justice doit s'apprécier à la lumière des circonstances propres à chaque espèce, notamment la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement du plaignant et les mesures prises par les autorités compétentes.

Le demandeur doit établir la réalité de son préjudice et le lien causal entre ce préjudice et le dysfonctionnement du service public de la justice.

M. [J] ne peut aucunement invoquer un dysfonctionnement du service de l'Etat du fait même de l'ouverture de redressement judiaire au motif qu'il conteste l'existence d'un passif à cette date.

L'action en responsabilité de l'Etat ne saurait avoir pour effet de remettre en cause une décision judiciaire en dehors de l'exercice des voies de recours.

Il convient de souligner que M. [J] n'avait pas comparu lors de l'instance en ouverture de redressement judiciaire, avait fait appel du jugement du 24 novembre 1989 et s'était ensuite désisté de son appel.

Par jugement contradictoire du 2 février 1990, la poursuite de l'activité de

M. [J] était décidée afin que ce dernier communique et procède au projet de plan de redressement.

La conversion du redressement judiciaire en liquidation a été prononcée par jugement réputé contradictoire du 3 Août 1990 au vu du passif important déclaré, étant observé que M. [J] n'a pas comparu à deux audiences du 20 juillet et 27 juillet 1990 dont l'objectif était l'examen d'un éventuel plan de redressement présenté par le débiteur s'il l'estimait possible. Il a interjeté appel à l'encontre de cette décision laquelle a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 14 janvier 1991 qui a relevé l'absence de conclusions de M. [J].

En outre, M. [J] a initié une instance devant le tribunal de commerce Toulouse par acte du 23 Août 2010 aux fins de voir prononcer la nullité des jugements du 24 novembre 1989 et du 3 Août 1990.

Par décision du 24 février 2011, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 2 octobre 2012, ces demandes en nullité ont été déclarées irrecevables.

M. [J] a formé un pourvoi qui a été rejeté par arrêt de la Cour de Cassation le 16 décembre 2014.

Aucune faute du service public de la justice ne peut donc être retenue au titre de l'ouverture de la procédure de redressement comme de la conversion en liquidation judiciaire.

Aucun préjudice ne peut en conséquence être sollicité de ce chef, notamment celui tiré de l'impossibilité de poursuivre son ou ses activités exercées en nom personnel, conséquence de droit en liquidation judiciaire.

Quant à la durée de la procédure collective en liquidation judiciaire, effectivement très longue, d'Août 1990 à décembre 2017, il convient d'en examiner les causes, au vu des pièces produites au débat et de vérifier l'existence d'une faute de l'institution judiciaire dans sa mission de contrôle de cette procédure.

M. [J] invoque l'inaction des mandataires judiciaires et des autorités judiciaires chargées de veiller au bon déroulement de la procédure.

L'état de créance déposé le 6 décembre 1991 versé au débat (difficilement lisible) mentionne un montant total de créances sollicité de 3 076 122 ,49 F soit 468 951,85 € et une proposition d'admission à hauteur de

2 680 963,48  € soit 408 710,248 €.

Cet état de créance a fait l'objet de très nombreuses contestations qui ont donné lieu à des décisions du juge commissaire d'admission, de modification ou de rejet, notamment en 1992 et 1993 dont plusieurs ont fait l'objet de recours et ce y compris jusqu'à la saisine de cour de cassation ( à titre d'exemple, pourvoi de M. [J] rejeté le 18 février 2003 dans une instance contre la MSA).

Par acte du 30 décembre 1996, des tierces oppositions ont été également diligentées à l'encontre de plusieurs créances, ces recours ayant été déclarés irrecevables par décision du 18 Août 1997 du juge commissaire, la cour d'appel de Toulouse ayant ensuite constaté le désistement d'appel du requérant par arrêt du 18 janvier 1999.

Par ailleurs des réclamations sur l'Etat des créances par M. [B] (qui avait racheté des créances en cours ) ont été formées par la voie de tierce opposition en juin 2004 à l'encontre de 9 créances.

Par décisions du 27 septembre 2005, le juge commissaire a prononcé un sursis à statuer sur ces demandes dans l'attente de l'issue de la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [J] le 10 juillet 2003 des chefs de faux et usage de faux, escroquerie et recel pour des faits ayant eu lieu dans le cadre de la procédure collective et notamment par des organes de la procédure collective.

Suite à un arrêt du 20 avril 2005 de la cour de Cassation renvoyant la procédure pénale devant la cour d'appel d'Agen, un arrêt du 12 juillet 2006 de la chambre d'instruction de cette cour décidait que seules les infractions commises à l'établissement des arrêtés de péril des 23 mars 1995 et 19 février 1998 et leur usage étaient susceptibles de poursuites pénales, l'affaire étant renvoyée devant le juge d'instruction près du tribunal de grande instance d'Auch.

Les instances suspendues devant le juge commissaire ont donc été reprises au vu de l'arrêt du 12 juillet 2006 de la Chambre d'instruction de la cour d'appel d'Agen ayant rejeté les plaintes contre les organes de la procédure.

Elles ont donné lieu à des décisions du juge commissaire le 14 janvier 2008, puis à un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 17 février 2010 et à une ordonnance de déchéance du 10 décembre 2010 du pourvoi en cassation formé par M. [J].

Le mandataire dans son rapport du 24 mars 2016 mentionnait que le passif a été fixé en 2010 à hauteur de 123 084,44 € à titre privilégié et à hauteur de 123 327,56 € à titre chirographaire.

Il ressort des éléments ci avant exposés que la durée des opérations de vérification du passif résulte des contestations multiples mais également de la plainte avec constitution de partie civile de M. [J] pour des faits de faux et usage de faux notamment reprochés à l'encontre des organes de la procédure.

Aucun déni de justice ne peut donc être retenu en conséquence de ce chef.

Quant à la réalisation des actifs, au vu des pièces et rapports du mandataire liquidateur versés au débat, il ressort les éléments suivants :

* par décision du 21 mars 1991, a été ordonnée la vente aux enchères publiques d'un immeuble [Adresse 5] (bien qui avait fait l'objet d'un arrêté de péril le 1er Août 1990, confirmé par jugement du tribunal administratif du 15 janvier 1991); le bien a été adjugé le 21 octobre 1992 pour un prix de 201 000F soit 30 642,25 €,

* par décision du 14 mai 1993 a été ordonnée la vente d'un immeuble situé [Adresse 6] ; cette ordonnance a été confirmée par jugement du 1re octobre 1993 et le bien a été adjugé à 182 000F soit 27 745,72 € en mars 1994,

* plusieurs ventes d'actifs immobiliers, mobiliers et de végétaux ont été poursuivies et ordonnées durant les années 1996 et suivantes ; sur opposition de M. [J], le tribunal de commerce a prononcé plusieurs sursis à statuer en 1997 et 1998 dans l'attente du procès en cours contre l'assureur Groupama lequel devait se prononcer sur le montant de l'indemnisation d'un sinistre incendie ; ainsi et notamment, par ordonnance du 6 septembre 1996, le juge commissaire a ordonné la vente aux enchères publiques de six biens immobiliers situés à Bondigoux .Sur opposition de M. [J], cette ordonnance a été réformée par décision du tribunal de commerce le 8 septembre 1997 en prononçant un sursis à statuer dans l'attente de l'issue du procès diligenté contre l'assureur Groupama.

Un nouveau sursis à statuer sans dépasser deux mois à compter de la décision était prononcé par le tribunal de commerce le 19 Août 1998, précision faîte que M. [J] s'opposait toujours à la vente des biens immobiliers, au motif que le procès contre l'assureur Groupama était sur le point d'être achevé selon son conseil avec la perspective d'encaissement de fonds pour apurer le passif et que Mme [J], mère du débiteur, s'engageait à accomplir les travaux les plus urgents de consolidation.

Le tribunal de commerce par décision du 23 avril 1999, relevant que l'engagement d'effectuer lesdits travaux par Mme [J] n'avait pas été respecté et qu'un arrêté de péril avait été pris le 12 octobre 1998, s'opposait à une nouvelle demande de délai de M. [J] et ordonnait la vente aux enchères des immeubles, objet de la requête (Mme [J] formait appel contre cette décision ultérieurement rejeté).

Devant le tribunal, trois lots ont été adjugés le 20 janvier 2000.

Le juge commissaire par décision du 27 mars 2000 autorisait la vente amiable des trois autres lots ; M. [J] formait opposition.

Par jugement réputé contradictoire du 7 juillet 2000, le tribunal de commerce de Toulouse confirmait la décision du juge commissaire, l'opposition de

M. [J] étant rejetée.

* le rapport du mandataire du 24 mars 2016 précise que s'agissant du lot AI 5 situé à Bondigoux, le tribunal de grande instance de Toulouse a fixé par jugement du 11 mai 2004 le montant de l'expropriation à une somme de 94 860 €, ramenée par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 26 septembre 2005 à la somme de 41 942,58 €.

* par ordonnance du 16 octobre 2012, le juge commissaire autorisait la vente amiable d'une parcelle cadastrée [Cadastre 2] située sur la commune de [Localité 4] au profit de la dite commune pour le prix de 30 780 € ; suite à opposition de M. [J], cette décision a été confirmée par jugement du tribunal du 2 avril 2013 ; l'appel de M. [J] était déclaré irrecevable par arrêt du 6 janvier 2015.

Des rapports de Maître [E] (des 27 juin et 11 octobre 2016) exposaient les difficultés de réalisation des actifs restants soit :

-143 parcelles appartenant au débiteur d'une superficie variable, toutes sous la désignation de propriété non bâtie-terrain agricole, dont le coût de la valeur serait sans rapport avec le coût de d'une procédure

- des biens relevant de la succession des parents de M. [J] non liquidée,étant précisé que suite au décès du père, Mme [J] étant encore en vie, le tribunal de grande instance, sur saisine du mandataire, avait désigné le Président de la Chambre des notaires aux fins de liquidation partage

- de l'existence de biens sucessoraux d'une tante dont M. [J] aurait été potentiellement l'héritier mais celui-ci n'a pas opté pour accepter ou non cette succession, droit lui appartenant en propre.

Au vu de ces éléments et de la requête du Procureur de la République au visa des dispositions du nouvel article L 143-9 du code de commerce, le tribunal de commerce par décision du 23 février 2017 a clôturé la procédure pour insuffisance d'actif, avec désignation de Maître [E], en qualité de mandataire ad'hoc aux fins de poursuivre les opérations liées à la vente d'un actif et de répartir le produit de celle-ci aux créanciers.

Par décision du du 4 décembre 2017, il était mis fin à la mission du mandataire ad'hoc à la suite du recouvrement d'une somme de 30 780€.

La clôture de la procédure de liquidation ne fait l'objet d'aucune critique par M. [J].

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. [J] s'est systématiquement opposé aux ventes d'actifs, multipliant les recours.

Par ailleurs, il ne peut être reproché la prudence des organes de la procédure alors que le débiteur intentait en 2010 une procédure en nullité des décisions d'ouverture du redressement judiciaire et de conversion en liquidation, instance achevée par l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 décembre 2014.

En conséquence, aucun déni de justice ne peut être retenu quant à la réalisation des actifs et le contrôle judiciaire des activités des mandataires.

Quant à l'absence d'action en nullité de la vente engagée par le mandataire liquidateur à l'encontre du Crédit Agricole, il ressort d'un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 9 février 1998 que Maître [E] avait saisi le tribunal de commerce de Toulouse aux fins de voir condamner la banque à payer des dommages et intérêts, eu égard à la vente aux enchères diligentée par cette dernière le 19 janvier 1990 malgré la procédure collective pour un prix de 171 000 F (26 068 €)d'un bien appartenant à M. [J], précision faîte que la créance de la banque n'a pas été admise. Sur appel du jugement du tribunal de commerce du 17 juillet 1995 ayant débouté le mandataire liquidateur, la cour, après avoir relevé notamment que

M. [J] n'avait pas avisé le juge chargé de la vente par adjudication de l'existence de sa mise en redressement judiciaire et que la banque avait 'laissé perdre sa créance ' a débouté le mandataire de ses demandes en dommages et intérêts , le préjudice résultant de cette vente n'étant pas établi y compris dans son principe.

Il n'est pas contesté que le Crédit Agricole a versé au mandataire le produit de cette vente.

M. [J] ne démontre pas l'existence d'un préjudice résultant de l'absence de procédure diligentée par le mandataire en nullité de la dite vente, étant précisé que le rapport de son expert ne reprend que ses dires et ne justifie d'aucune valeur du bien en cause.

Aucune faute lourde du service public de la justice dans sa mission de contrôle ne peut être retenue de ce chef.

S'agissant de l'inaction des mandataires envers Groupama, aux fins d'obtenir la prise en charge de divers sinistres incendie, M. [J] ne produit au débat qu'un jugement du Tribunal de grande instance de Toulouse en date du 29 mars 1994 ayant, sur saisine de Maître [F], condamné à titre provisionnel l'assureur à verser la somme de 976 809 F au titre d'un sinistre du 30 juillet 1984, une mesure d'expertise étant par ailleurs ordonnée.

Le rapport de Maître [E] du 24 mars 2016 expose que l'indemnisation au final a été fixée à hauteur de 513 057,46 F par décision du 20 octobre 1999, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 29 janvier 2008, ce qui n'est pas contesté par M. [J]. Ce dernier ne démontre aucunement la non exécution par l'assureur des condamnations prononcées à son encontre, au vu des comptes à faire entre les sommes allouées à titre provisionnel et celles prononcées à titre définitif. Aucune faute lourde tirée d'un défaut de contrôle du recouvrement de créances mené par le mandataire ne peut donc être constatée.

Il en est de même pour les autres sinistres incendie survenus postérieurement à celui du 30 juillet 1984 mais avant l'ouverture du redressement judiciaire, M. [J] ne justifie aucunement avoir déclaré les dits sinistres à l'assureur ni avoir été assuré pour ces derniers.

M. [J] reproche également au mandataire de n'avoir pas déposé de plaintes pour certains sinistres incendies. S'il ressort d'un procès verbal de gendarmerie du 6 mars 1989 et d'une attestation du service départemental des services de secours en date du 11 juillet 1990 l'existence d'interventions pour des sinistres antérieurs à l'ouverture du redressement judiciaire, aucune autre pièce n'est produite permettant de démontrer l'importance des dits sinistres (en dehors de celui du 30 juillet 1984 ayant fait l'objet de l'instance contre l'assureur Groupama ) et la nécessité d'engager des procédures. Il ne peut être tenu compte du rapport de M. [S] lequel ne fait que reprendre les dires et demandes de M. [J] sans analyser, ni se fonder sur des pièces objectives. Les dates de sinistres postérieurs à ce redressement judiciaire portées manuscritement par M. [J] lui- même sur l'attestation des services de secours ne peuvent être prises en compte et aucun document objectif ne permet d'établir non seulement une faute du mandataire dans l'exercice de ses fonctions mais également celle du service public de la justice dans l'exercice de sa mission de contrôle du mandataire.

Quant à l'absence de résiliation de contrat d'assurance pour des biens qui auraient été vendus, M. [J] ne verse au débat qu'une copie d'une mise en demeure adressée par le Gan au mandataire judiciaire pour une échéance d'assurance du 22 juillet 2017 au 21 juillet 2018 d'un montant de 927,46 €. Outre le fait que le bien visé par la dite échéance n'est pas déterminable, M. [J] ne précise pas la suite donnée à cette mise en demeure.

Aucune faute du mandataire n'est démontrée de ce chef et elle ne pourrait en tout état de cause relever que de la responsabilité personnelle du mandataire liquidateur et non d'une faute lourde du service public de la justice.

Il en est de même de divers autres manquements invoqués à l'encontre des mandataires pour leur inaction lors de sinistres inondations et tempête, ou absence de récupération de fermages annuels, aucune pièce utile n'étant produite à l'appui de ces affirmations.

En conclusion, il convient de relever que M. [J] s'est opposé systématiquement à toutes les réalisations d'actifs, multipliant les procédures, occasionnant de nombreux frais, notamment d'honoraires, aux fins d'empêcher les ventes de ses biens, situation ayant inévitablement reculé l'échéance de la liquidation judiciaire et engendré diverses dépenses (taxes, assurance) outre l'absence de perception de fonds permettant d'assurer certaines charges ou engager certaines dépenses.

Aucune faute lourde du service public n'est établie quant aux divers préjudices invoqués relatifs à la perte de valeur d'actifs résultant d'inaction et / ou de leur absence de préservation ou entretien par le mandataire, étant précisé que les rapports de M. [S] du 8 juillet 2016 et du 26 juillet 2020 ne reprennent en réalité que les dires et demandes de M. [J], sans se fonder sur aucun document probant. Il est précisé s'agissant du rapport Fixage du 14 septembre 2016 que celui-ci n'a fait que procéder à des calculs d'intérêts sur les préjudices sollicités.

M. [J], en l'absence de faute lourde du service public et de preuve d'un déni de justice, ne peut qu'être débouté de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation.

Le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse doit être confirmé de ce chef.

Sur les demandes annexes

M. [J] qui succombe dans ses demandes doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande formée par l'intimé au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant

Déboute l'Agent judiciaire de l'Etat de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne M. [L] [J] aux dépens d'appel .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. BUTEL C. BENEIX-BACHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00388
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;21.00388 ?
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