05/10/2022
ARRÊT N°349
N° RG 21/03577 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OKMV
PHD/CO
Décision déférée du 13 Juillet 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTAUBAN - 20/00916
M.RIBEYRON
S.A.R.L. BERDIS CAM
S.E.L.A.R.L. MJ [Z] ET ASSOCIES
C/
S.C.I. SCI BARRAOUET III
confirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTES
S.A.R.L. BERDIS CAM.
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE
assistée de Me Erwan VIMONT de la SCP SCP LEX ALLIANCE, avocat au barreau D'AGEN
S.E.L.A.R.L. MJ [Z] ET ASSOCIES SELARL MJ [Z] ET ASSOCIES prise en la personne de Maître [K] [Z] en qualité de Mandataire judiciaire de la SARL BERDIS CAM
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE
assistée de Me Erwan VIMONT de la SCP SCP LEX ALLIANCE, avocat au barreau D'AGEN
INTIMEE
S.C.I. SCI BARRAOUET III
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. DELMOTTE, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport, I.MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller.Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. DELMOTTE, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente et par A.CAVAN greffier de chambre.
Exposé du litige
La société Berdis Cam(la société Berdis) exploite un fonds de commerce de vente de mobilier de maison, décoration et produits d'animalerie, sous l'enseigne Centrakor dans un local situé à Castelsarrasin(82), sur la ZAC de Barraouet, en vertu d'un bail consenti le 12 mars 2015 par la SCI Barraouet III(la SCI), moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 185 686,40€.
Par jugement du 26 février 2019, le tribunal de commerce de Montauban a ouvert le redressement judiciaire de la société Berdis et a désigné la Selarl MJ [Z] et associés en qualité de mandataire judiciaire .
Le 21 mars 2019, la SCI a déclaré à titre privilégié une créance de 294 450, 46€ qui a été contestée pour partie par la société locataire.
Par jugement du 25 février 2020, le tribunal de commerce de Montauban a arrêté le plan de redresement de la société Berdis pour une durée de neuf ans et a désigné la Selarl MJ [Z] et associés en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par jugement du 18 mai 2021, le tribunal de commerce de Montauban a prolongé de six mois la durée du plan, en sorte que la seconde trimestralité du plan était exigible le 25 novembre 2021.
Par ordonnance du 7 septembre 2020, le juge-commissaire a
- constaté que la contestation présentait un caractère sérieux et se trouvait susceptible d'avoir une incidence sur le montant de la créance déclarée,
- s'est déclaré incompétent pour connaître de la contestation en matière de bail commercial,
- dit que la contestation ne relevait pas de son pouvoir juridictionnel,
- sursis à statuer sur l'admission de la créance et a invité les parties à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois.
Le 5 octobre 2020, la SCI a saisi le tribunal judiciaire de Montauban en fixation de sa créance et en résiliation judiciaire du bail, la société Berdis ayant cessé de payer régulièrement les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture.
Par jugement du 13 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Montauban a
- déclaré la SCI recevable à agir en paiement à l'encontre de la société Berdis pour les loyers de mars, avril, mai, juin et novembre 2020,
- dit la SCI recevable à agir en résiliation judiciaire du bail,
- fixé la créance de la SCI au passif à la somme de 317 151,32€ TTC arrêtée au 30 juin 2021 avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la société Berdis à payer à la SCI la somme de 317 151, 32€ TTC, arrêtée au 30 juin 2021, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- dit que le paiement de cette somme sera reporté de quinze mois, soit jusqu'au 5 octobre 2022 en application de l'article 1343-5 du code civil
- débouté la SCI de sa demande en résiliation du bail et de ses demandes subséquentes,
- débouté la SCI de sa demande indemnitaire,
- débouté la société Berdis de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Berdis aux dépens.
Par déclaration du 5 août 2021, la société Berdis et la Selarl MJ [Z] et associés agissant tant en qualité de mandataire judiciaire que de commissaire à l'exécution du plan de la société Berdis ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a
- dit que la SCI est recevable à agir en paiement à l'encontre de la société Berdis au titre des loyers de mars, avril, mai, juin et novembre 2020,
- dit que la SCI est recevable à agir en résiliation du bail,
- fixé la créance de la SCI à la somme de 317 151, 32€ arrêtée au 30 juin 2021 avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la société Berdis à payer à la SCI la somme de 317 151,32 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- dit que le paiement de cette somme sera reporté de 15 mois soit jusqu'au 5 octore 2022 en application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil,
- condamné la société Berdis aux dépens,
- débouté par voie de conséquence la société Berdis de ses demandes tendant à
+ dire que la SCI ne justifie pas des charges locatives,
+ prendre acte des contestations opposées par la société Berdis pour un montant de 86 790,47 euros,
+ voir fixer la créance de la SCI au passif à la somme de 205 617, 91€
+ voir déclarer irrecevables et infondées les demandes de la SCI en paiement des loyers et résiliation du bail,
+ voir dire que la société Berdis est fondée à opposer la force majeure, l'exception d'inexécution concernant les loyers de mars, avril, mai, novembre 2020 et avril 2021 et jusqu'à la réouverture du fonds,
+ voir dire que la société Berdis sera exonérée de son obligation au paiement des loyers de mars, avril, mai, novembre 2020 et avril 2021 jusqu'à la réouverture du fonds le 19 mai 2021,
+ voir dire que la SCI ne justifie pas d'un manquement grave permettant de solliciter la résiliation du bail,
+ voir condamner la SCI à lui payer la somme de 8317, 44€ au titre de la réduction proportionnelle pour les loyers de mars 2019 à juin 2020
+ voir débouter la SCI de toutes ses demandes,
+ voir fixer le loyer du bail révisé à la somme de 135 000€ HT à compter du mois de juillet 2020,
+ voir accorder les plus larges délais à la société Berdis pour apurer sa dette locative
+ Voir condamner la SCI au paiement d'une somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Vu les conclusions du 11 mars 2022 de la société Berdis et de la Selarl [Z], ès qualités, demandant à la cour
- d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a accordé à la société Berdis un délai de quinze mois pour s'exonérer des loyers et en ce qu'il a débouté la SCI de sa demande en résiliation du bail,
- dire que la SCI ne justifie pas des charges locatives,
- de prendre acte des contestations opposées par la société Berdis pour un montant de 88 256, 60 euros,
- de fixer la créance de la SCI, au titre des loyers et charges échus au 26 février 2019 à la somme de 204 151, 78€(292 408, 38 - 21 655, 53€ - 66 601, 07€),
- si la cour confirmait que la demande de la société Berdis relative aux loyers et charges pour la période antérieure au 7 janvier 2016, est prescrite, de fixer la créance de la SCI au titre des loyers et charges échus au 26 février 2019, à la somme de 207 572,76€( 292 408, 38 - 18 234, 55€ - 66 601, 07€),
- déclarer irrecevables et infondées les demandes de la SCI en paiement des loyers et résiliation du bail,
- dire que la société Berdis est fondée à opposer la force majeure, l'exception d'inexécution concernant les loyers de mars, avril, mai, novembre 2020 et avril 2021 et jusqu'à la réouverture du fonds,
- dire que la société Berdis sera exonérée de son obligation au paiement des loyers de mars, avril, mai, novembre 2020 et du 3 avril 2021 au 19 mai 2021,
- de fixer le loyer du bail révisé à la somme de 135 000€ HT à compter du mois de juillet 2020,
- de condamner la SCI à lui payer la somme de 8317, 44€ au titre de la réduction proportionnelle pour les loyers de mars 2019 à juin 2020
- de débouter la SCI de toutes ses demandes,
- de condamner la SCI au paiement d'une somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Vu les conclusions du 9 mars 2022 de la SCI demandant à la cour
- de confirmer le jugement en ce qu'il
+ l'a déclarée recevable à agir en paiement à l'encontre de la société Berdis et en résiliation du bail,
+ condamné la société Berdis au paiement de la somme de 317 151,32 € arrêtée au 30 juin 2021 avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
+ débouté la société Berdis de ses demandes,
+ condamné la société Berdis aux dépens,
- de l'infirmer pour le surplus,
- de fixer sa créance au passif de la société Berdis à la somme de 292 408, 38€ arrêtée au 26 février 2019,
- de prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la société Berdis,
- d'ordonner, à défaut de départ volontaire, l'expulsion de la société Berdis de tout occupant et bien de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,
- de l'autoriser, en cas d'abandon du local, à effectuer l'inventaire des meubles garnissant les lieux et à les faire entreposer dans le local qu'il lui plaira, aux frais de la société Berdis,
- de condamner la société Berdis à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle de 16605,64€ HT équivalente au montant du loyer indexé jusqu'à la complète libération des lieux,
- de condamner la société Berdis à lui payer la somme de 10 000€ en réparation de son préjudice
- de débouter la société Berdis de sa demande de délai de paiement pour l'arriéré locatif postérieur au 26 février 2019
- de condamner la société Berdis au paiement de la somme de 376 931, 39€ au titre de l'arriéré locatif postérieur à l'ouverture du redressement judiciaire et arrêté au 7 mars 2022 avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- de condamner la société Berdis à lui payer la somme de 5000€ au titre de l'article 700 1° du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de M° Decharme, Morel, Nauges et Gonzales
La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 14 mars 2022.
Motifs
1. Sur la fixation de la créance du bailleur au passif de la société Berdis Cam
Il convient de constater que jusqu'à la déclaration de créance, la société Berdis n'avait jamais contesté le calcul et la répartition des charges locatives, correspondant essentiellement aux taxes foncières.
Au contraire, dans une reconnaissance de dette datée du 24 septembre 2018, établie par acte notarié, opposable à la société locataire, la société Berdis reconnaissait être redevable à l'égard de la SCI de la somme de 194 441€ correspondant, outre les loyers arriérés, aux charges locatives pour les années 2015 à 2017, intégrant les taxes foncières.
Par des motifs que la cour adopte, le jugement, après avoir constaté que la société locataire était redevable des charges locatives et impôts fonciers en vertu du contrat de bail, relève que ce contrat dispose que la répartition des charges communes, impôts, taxes et redevances entre les différents locataires de l'ensemble immobilier est fonction de la surface exploitée par chacun d'eux, et non de la surface de la parcelle où est implanté le local commercial de la société Berdis, comme le fait justement remarquer la SCI.
Après avoir relevé qu'aux termes des clauses du bail, le preneur a accepté une différence dans les dimensions du local loué soit, 'toute différence dans la limite de + ou - 2, 50% sur les dimensions réelles par rapport à celles contenues dans le plan annexé in fine en page 9", puis que le contrat mentionne que le loyer est dû, comme la répartition des charges et impôts, parmi lesquelles la taxe foncière, s'effectue pour une surface exploitée minimale de 2 263, 06 mètres carrés et maximale de 2 379, 10m2 , le jugement retient par des motifs que la cour adopte, que le rapport d'expertise officieux produit aux débats par la société locataire ne repose pas sur une méthode de calcul des surfaces déterminée et que même si l'on retenait le calcul de cet expert on aboutirait à une différence de 3 mètres carrés, insuffisante pour justifier les demandes de la société Berdis en réduction proportionnelle des loyers et charges.
En conséquence, le moyen tiré de la différence de la surface effectivement donnée à bail et de la répartition prétendument erronée des charges locatives, moyen qui contredit les clauses mêmes du contrat de bail faisant la loi des parties, ne constitue pas une contestation sérieuse.
Au vu du décompte produit par la SCI, la créance déclarée présente un caractère certain. Il y a donc lieu de fixer le montant de la créance de la SCI au redressement judiciaire de la société Berdis à la somme réduite à 292 408, 38€ au titre des loyers et charges, arrêtée au 26 février 2019, comme l'avait sollicité le bailleur devant le juge-commissaire, ce montant étant également demandé dans les conclusions d'appel par la SCI.
Il reviendra au juge-commissaire de prononcer l'admission de cette créance à la procédure collective de la société Berdis, celui-ci étant exclusivement compétent pour le faire.
2. Sur le montant des loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture
Après actualisation de sa créance, la SCI demande désormais à la cour de condamner la société Berdis à lui payer la somme de 376 931, 39€ TTC au titre des loyers et charges échus postérieurement au jugement d'ouverture et arrêtés au 07 mars 2022 .
De son côté, si la société Berdis demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de la SCI en paiement des loyers postérieurs au jugement d'ouverture, elle ne développe pas, dans ses conclusions d'appel, comme en première instance, de moyens à l'appui de cette fin de non-recevoir, se bornant à contester le décompte des sommes tel que présenté par le bailleur et à opposer la force majeure, la perte de la chose louée,l'exception d'inexécution ou le manquement du bailleur à son obligation de délivrance pour être exonérée des loyers des mois de mars, avril, mai, novembre 2020 et du 3 avril 2021 au 19 mai 2021.
Il en résulte que le jugement, qui a examiné les implications de l'ordonnance du 25 mars 2020 puis de la loi du 14 novembre 2020, textes de police pris pendant la période de l'état d'urgence sanitaire, a retenu, par des motifs que la cour adopte, que l'action en paiement du bailleur en paiement des loyers postérieurs est recevable.
Il convient de fixer le décompte des loyers et charges dus pour la période s'étendant du jugement d'ouverture au 07 mars 2022, avant d'apprécier si la société Berdis peut être libérée de son obligation au paiement des loyers.
Il existe à cet égard une contestation sérieuse sur le point de savoir si le solde réclamé au titre de l'année 2019, pour un montant de 31775, 91€ constitue ou non une créance postérieure.
La société Berdis et la Selarl MJ [Z], ès qualités, justifient, par la production d'une attestation de l'expert-comptable de la société Berdis que celle-ci était à jour du réglement de ses loyers à la date du 31 décembre 2019, seule la dette de loyers 'consécutive au plan était due'.
Il n'est pas allégué que le commissaire à l'exécution du plan a signalé au tribunal de la procédure collective une dette de loyers née pendant la période d'observation.
Dans son jugement, le tribunal judiciaire estime que la somme de 31 775€, 91€ se rattache au loyer du mois de janvier 2019 pour 20 760, 31 € outre des charges locatives dont la la date de naissance n'est pas précisée. A suivre ce raisonnement, la somme de 20 760, 31€ aurait dû être intégrée dans la déclaration de créance et ne constitue pas une créance postérieure ; en outre, aucune condamnation au paiement ne peut être prononcée à raison d'une créance antérieure au jugement d'ouverture.
Les décomptes de l'arriéré locatif produits par la SCI mentionnnent la somme de 31 775, 91€ au titre d'un solde 2019 sans qu'on puisse déterminer à quelle échéance précise se rattache cette somme.
Dès lors, la cour considère que le bailleur ne rapporte pas la preuve de ce que la somme de 31 775, 91€ constitue une créance née postérieurement au jugement d'ouverture.
Pour l'année 2020, la société Berdis a réglé les loyers des mois de janvier et février 2020 puis a cessé de s'acquitter régulièrement des loyers et charges ; elle a réglé la somme de 48 000€ le 27 octobre 2020 puis la somme de 13 500€ le 14 avril 2021, cette somme étant affectée au loyer du mois d'octobre 2020. Ainsi, pour la période s'étendant du 1er mars au 31 décembre 2020, la société Berdis a versé la somme totale de 61 500€ alors que le montant des loyers et charges sur cette même période s'élevait, suivant décompte produit par le bailleur à la somme de 225 876, 83€. La société Berdis demeure donc redevable de la somme de 164 376, 83€.
Pour la période du 1er janvier 2021 au 30 juin 2021, la société Berdis ne s'est acquittée d'aucun loyer, les versements intervenus les 28 octobre 2021 pour 59 780, 31€(déduction faite du coût d'un commandement de payer) , du 10 novembre 2021 pour 19927, 01€(figurant sur le décompte du bailleur) et du 7 janvier 2022 pour 39 853, 54€ ayant été affectés au paiement des loyers et charges échus de juillet à décembre 2021. La somme totale versée par la société Berdis s'élève donc à 119 560, 86€
Suivant décompte établi par le bailleur, la créance de loyers au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2021 s'élève à 199 267, 68 €. Déduction faite des versements effectués par la société locataire, la créance de loyers er charges pour l'année 2021 s'élève donc à 79 706, 82€
Pour la période du 1er janvier au 7 mars 2022, le montant des loyers dus par la société Berdis s'élève à la somme de 49 816, 92€. Déduction faite du versement effectué le 11 mars 2022 pour 19926, 77€, justifié par la société locataire(pièce n° 31 des appelants), le solde restant dû s'élève à 29 890, 15€.
La créance de la SCI pour la période du 1er mars 2020 au 7 mars 2022 s'élève donc à la somme globale de 273 973,80 €.
3. Sur la demande en exonération des loyers
L'effet des mesures générales et temporaires d'interdiction de recevoir du public, décidées pour lutter contre la propagation du virus de la Covid 19 et destinées à garantir la préservation de la santé publique, prévues par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020 et n° 2020-423 du 14 avril 2020, puis par les décrets du 11 mai et 29 octobre 2020, qui ont contraint la société Berdis à fermer son magasin durant les périodes successives du 15 mars au 1er juin 2020 puis au mois de novembre 2020 puis du 3 avril 2021 au 2 mai 2021, est sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué et ne peut être imputable au bailleur, de sorte que la société Berdis ne peut ni reprocher à la SCI un manquement à son obligation de délivrance, ni assimiler cette situation à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil.
La société Berdis n'était pas d'ailleurs mise dans l'impossibilité absolue d'exploiter le fonds de commerce puisque il est affirmé par le bailleur, ce qui n'est pas contesté par la société Berdis que celle-ci a mis en oeuvre dès le mois d'avril 2021, un dispositif de vente sous forme de 'click and collect' .
Il est constant qu'en application des arrêtés des 14 et 16 mars 2020 puis des décrets du 23 mars 2020 et 14 avril 2020, puis des décrets du 11 mai et 29 octobre 2020, la société Berdis Cam s'est trouvée dans l'obligation d'interdire l'accès du fonds à la clientèle du 15 mars 2020 au 1er juin 2020, au mois de novembre 2020 puis du 3 avril 2021 au 2 mai 2021.
Si, par essence, l'épidémie liée à la Covid 19 constitue un événement imprévisible, il convient de relever qu'avant la période d'urgence sanitaire et la mise en oeuvre des mesures de confinement, la société Berdis Cam a été défaillante dans l'exécution de son obligation au paiement des loyers ce qui a conduit à l'établissement de la reconnaissance de dette du 30 septembre 2018.
En outre, comme il a été précédemment constaté, toute exploitation du fonds n'était pas rendue impossible matériellement puisque la société Berdis Cam a recouru au système de vente sous forme de 'click and collect' et de commandes à distance tandis qu'elle a bénéficié d'aides d'Etat.
Enfin, l'épidémie de Covid 19 ne peut être considérée comme un événement irrésistible au sens de l'article 1148 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du du 10 février 2016, applicable en la cause au regard de la date du contrat de bail, dès lors que s'agissant d'une obligation pécuniaire, l'obligation au paiement du loyer est toujours susceptible, par sa nature, d'être exécutée, les difficultés d'exécution de cette obligation imputables non à l'épidémie mais aux mesures de police liées à l'état d'urgence sanitaire n'étant pas de nature à caractériser une irrésistibilité.
Pour échapper au paiement de ses loyers , la société Berdis n'est donc pas fondée à invoquer à son profit la force majeure résultant selon elle des mesures sanitaires précitées, observation faite que, comme l'a relevé le jugement attaqué, le bailleur a lui aussi subi les effets des mesures de contrainte pesant sur la société locataire.
Enfin, pour obtenir l'exonération de ses loyers, la société Berdis invoque la mauvaise foi du bailleur dans l'exécution du contrat ; toutefois, l'appréciation du comportement du bailleur doit être examinée non seulement à la lumière du contexte exceptionnel de crise sanitaire mais aussi des circonstances antérieures à cette crise ayant présidé à l'exécution des obligations respectives au contrat de bail ; or, si la SCI est demeurée muette durant la période de crise sanitaire face aux sollicitations de la société locataire en n'apportant pas de réponse aux demandes pressantes de diminution des loyers, il ya lieu de relever que par acte authentique du 24 septembre 2018, la SCI avait accepté de ne pas mettre en oeuvre la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers et avait accepté un report de la dette locative d'un montant de 190 441€ puis a opté dans le cadre du plan de redressement de la société Berdis par voie de continuation pour un réglement de sa créance locative sur une durée de neufs ans ; Dès lors, le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a retenu que, au vu de ces circonstances, le comportement du bailleur dans l'exécution de ses obligations n'était pas empreint de mauvaise foi.
C'est donc par des motifs que la cour adopte que le jugement a débouté la société Berdis de sa demande en exonération des loyers.
4. Sur la condamnation de la société Berdis au paiement des loyers postérieurs
N'étant pas exonérée du paiement des loyers et charges, la société Berdis sera condamnée au paiement des loyers et charges pour la période courant du 1er mars 2020 au 7 mars 2022 à concurrence de la somme de 273 973,80 € avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt, ce point de départ des arrêts moratoires correspondant à la demande de la SCI.
5. Sur la demande de délai de paiement
Compte tenu de la situation financière de la société Berdis gravement affectée par les fermetures successives du fonds imputables au mesures d'urgence sanitaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a reporté jusqu'au 5 octobre 2022, le paiement de l'arriéré locatif né postérieurement au jugement d'ouverture.
6.Sur la révision du loyer
Il est admis que le tribunal judiciaire, saisi d'une demande principale relative au litige opposant le bailleur à son locataire, puisse être saisi, à titre accessoire, d'une demande en fixation du prix du bail renouvelé; dans ce cas, la procédure en matière contentieuse est applicable et non la procédure spéciale sur mémoire en vigueur devant le juge des loyers commerciaux.
C'est par des motifs que la cour adopte que le jugement a retenu que les lettres recommandées avec accusé de réception adressées les 7 avril et 6 juillet 2020 par la société locataire au bailleur ne pouvaient valoir demande de révision, la première lettre ne contenant pas de demande de révision, tandis que la seconde ne contient aucune demande chiffrée.
Seule la lettre recommandée avec accusé de réception du 17 septembre 2020 mentionne une demande de révision de loyer à compter du 17 juillet 2020 pour un montant annuel de 120000€ hors taxes, charges locatives incluses.
Cependant, la demande en révision du loyer, à la supposer admise , ne peut valoir que pour l'avenir et ne prend effet qu'à compter de la date de demande de révision ; comme l'a retenu le jugement, la demande en révision, qui a été formée plus de trois ans après la date d'entrée en jouissance du locataire conformément à l'article L.145-38 du code de commerce, ne pourrait prendre effet qu'à compter du 17 septembre 2020.
La période de référence à prendre en considération pour apprécier la modification des facteurs locaux de commercialité se situe en l'epèce entre le 30 juin 2015, date de livraison prévue des locaux et le 17 septembre 2020, date de la demande de révision.
La société Berdis est fondée à se prévaloir, à titre de moyen de preuve, du rapport d'expertise officieux établi le 5 janvier 2021 par le cabinet [H] et [R], expert en estimations immobilières, dès lors que ce rapport a été soumis à la libre discussion entre les parties ; toutefois, le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur ce rapport qui doit être corroboré par d'autres éléments ; en l'espèce, la société appelante verse aussi aux débats un constat d'huissier dressé le 30 mars 2021 par la SAS Viguier-Papot et [M], huissiers de justice à [Localité 6], prise en la personne de M. [M].
A cet égard, les perturbations engendrées par le mouvement des gilets jaunes en 2018 et 2019 lesquels ont provoqué le blocage des accès aux zones commerciales ne peuvent être regardées comme ayant entraîné une modification notable des facteurs locaux de commercialité alors même que ces mouvements, d'ampleur nationale, n'ont pas spécifiquement affecté la zone commerciale de Barraouet mais aussi l'ensemble des zones commerciales de Castelsarrazin où se situaient des entreprises accueillant du public ou exerçant des activités similaires à celles de la société appelante.
Pareillement, si la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid 19 et les mesures gouvernementales prises pour combattre l'épidémie ont perturbé ou empêché l'activité des commerces accueillant du public, il n'est pas démontré par les appelants que la fermeture des commerces non essentiels en mars, avril et mai 2020, consécutive aux mesures d'interdiction gouvernementales, a durablement et irrémédiablement afffecté la valeur locative du local litigieux et modifié, de manière effective, les facteurs locaux de commercialié sur la zone de Barrouet.
Pas davantage, la fermeture, pendant une durée de 6 mois en 2018, du magasin Intermarché, situé à proximité du fonds de commerce de la société appelante, n'apparaît constituer une cause de modification matérielle des facteurs locaux de commercialié dès lors que l'expert n'a pas analysé les effets de la réouverture de ce magasin.
Par ailleurs, l'expert insiste sur l'attractivité plus importante de la zone commerciale denommée Artel où est implanté un centre commercial à l'enseigne Leclerc. Cependant, il résulte de l'article du journal la Dépêche, daté du 4 septembre 2018(pièce n° 10 de la société intimée), relatif à la bataille commerciale que se livrent Intermarché et Leclerc, à Castelsarrasin, que le centre Leclerc préexistait au bail liant la société Berdis à la SCI, qu'après sa fermeture temporaire, le magasin Intermarché, qualifié par la société Berdis de 'locomotive' de la zone Barraouet, a agrandi son bâtiment d'exploitation d'une surface de 800 m2 portant sa surface de vente à 2800m2. Depuis 2019, le magasin Intermarché a vu de nouveau croître son chiffre d'affaires même si en 2020, il n'atteint pas le montant de 2015, soit 18 740 000€ au lieu de 24 000 000€.
Le chiffre d'affaires du magasin Leclerc était déjà supérieur en 2015 à celui du magasin Intermarché de sorte que la comparaison, opérée par les appelants, entre les chiffres d'affaires respectifs des deux centres commerciaux n'est pas déterminante ; au contraire, au regard de la progression du chiffre d'affaires du magasin Intermarché après sa réouverture, on ne peut en déduire un déclin de l'activité commerciale sur la zone Barraouet et la perte d'attractivité du centre commercial Intermarché.
L'expert évoque encore la fermeture de fonds de commerce dans la zone Barrouet ; cependant le rapport occulte l'ouverture de nouveaux locaux commerciaux en 2020 sur la même zone, soit le magasin Bureau Valee (le11 mai 2020) et le fonds V & B, à usage de bar et de cave de sorte que la zone Barrouet n'est pas désertée .
Enfin, l'expert pas plus que la société Berdis ne fournissent ni ne justifient des prix pratiqués dans les locaux commerciaux situés à proximité du local de la société Berdis. Le constat d'huissier produit par les appelants est essentiellement un document descriptif sans qu'on puisse en déduire la preuve d'une modification matérielle des facteurs de commercialité.
Dès lors, la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative , au sens de l'article L.145-38 du code de commerce n'est pas rapportée.
C'est par des motifs qu'il convient d'adopter que le jugement a rejeté la demande de révision du loyer formée par la société Berdis.
7. Sur la demande en résiliation judiciaire du bail
Si la société Berdis demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de la SCI en résiliation du bail, elle ne développe pas, dans ses conclusions d'appel, comme en première instance, de moyens à l'appui de cette fin de non-recevoir, se bornant à contester l'existence d'un manquement grave à ses obligations contractuelles.
Il en résulte que le jugement, qui a examiné les implications de l'ordonnance du 25 mars 2020 puis de la loi du 14 novembre 2020, textes de police pris pendant la période de l'état d'urgence sanitaire, a retenu, par des motifs que la cour adopte, que l'action en résiliation du bail est recevable.
Sur le fond, il est constant que les fermetures successives du fonds imposées par les mesures gouvernementales prises en période de crise sanitaire ont gravement impacté la trésorerie de la société Berdis laquelle venait d'obtenir un plan de continuation ; il ressort de l'attestation de l'expert-comptable datée du 14 avril 2021, que lors du premier confinement entre le 15 mars 2020 et le 10 mai 2020, la société Berdis n'a dégagé aucun chiffre d'affaires, qu'entre le 30 octobre 2020 et le 27 novembre 2020, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 15 018€ alors qu'en 2018 sur la même période elle avait généré un chiffre d'affaires de 101 836, 14€.
En dépit des aides gouvernementales, qui n'ont pas compensé les pertes de chiffre d'affaires, l'expert-comptable estime que le chiffre d'affaires entre le 4 avril 2021 et le 2 mai 2021 sera peu élevé alors qu'en 2018, le chiffre d'affaires s'élevait à 154 093, 23€. Il évalue la baisse du chiffre d'affaires consécutive aux fermetures administratives à la somme de 287 926€ par rapport à l'année 2019.
Dans ce contexte exceptionnel, la société Berdis, qui emploie six salariés et doit continuer de faire face au paiement de ses charges courantes ainsi qu'au paiement de ses fournisseurs, a accumulé un retard dans le paiement de ses loyers mais a déployé des efforts pour effectuer des versements au profit de son bailleur, pendant les années 2020 et 2021.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que le manquement de la société locataire à son obligation contractuelle principale de paiement du loyer, pendant la période 2020/2021 ne revêtait pas une gravité suffisante, au regard des circonstances exceptionnelles induites par la crise sanitaire et les mesures de fermeture du fond auxquelles a été exposée la société locataire.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI de sa demande en résiliation du bail et de ses demandes subséquentes en expulsion du locataire et fixation d'une indemnité d'occupation.
8. Sur la demande en paiement de dommages et intérêts compensatoires
La SCI ne justifiant pas subir un préjudice distinct du retard dans le paiement, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts compensatoires.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a fixé la créance de la société Barraouet III au passif de la société Berdis Cam à la somme de 317 151, 32€ et a condamné la société Berdis Cam à payer à la société Barraouet III la somme de 317 151, 32 € TTC, arrêtée au 30 juin 2021 avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Fixe la créance de la SCI Barraouet III au passif du redressement judiciaire de la société Berdis Cam à la somme de 292 408, 38€ au titre des loyers et charges, arrêtée au 26 février 2019 ;
Renvoie les parties devant le juge-commissaire pour le prononcé de l'admission de cette créance ;
Condamne la société Berdis Cam à payer à la SCI Barraouet III la somme de 273 973, 80€ au titre des loyers et charges pour la période courant du 1er mars 2020 au 7 mars 2022 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;
Condamne la société Berdis Cam aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de M° Decharme, Morel, Nauges et Gonzales, avocats au barreau de Montauban ;
Vu l'article 700 du code procédure civile, rejette les demandes de la société Berdis Cam, de la Selarl MJ [Z] et associés et de la SCI Barraouet III.
Le greffier La présidente
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