05/10/2022
ARRÊT N°341
N° RG 18/03997 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MQW6
PB/CO
Décision déférée du 08 Juin 2018 - Tribunal de Grande Instance de ST GAUDENS - 17/00389
M.FOUQUET
[O] [K]
C/
[T] [L]
SCI GT
confirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [O] [K] Représenté par sa tutrice Madame [B] [D]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Assisté deMe Simon COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE
Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [T] [L]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Thomas NECKEBROECK, avocat au barreau de TOULOUSE
SCI GT
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Thomas NECKEBROECK, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V.SALMERON, présidente, P. BALISTA, Conseiller chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
P. BALISTA, conseiller
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par A.CAVAN, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
Par chèque tiré le 26 décembre 2007, [O] [K] a remis 350000 € à la SCI GT, dont il était associé à hauteur de 50 % des parts avec [T] [L] et [I] [L].
Une convention, signée le 23 juillet 2008 entre [O] [K] et la SCI GT, représentée par [T] [L] et [I] [L], indiquait que cette somme était versée à titre d'avance et devait être remboursée intégralement le 15 mars 2011, moyennant un taux d'intérêt annuel de 6 %.
Le 10 décembre 2008, [T] [L] a signé une reconnaissance de dette par laquelle il s'obligeait envers [O] [K] à rembourser d'ici le 10 mars 2009 la somme de 300000 € versée par chèque le jour même, avec un taux d'intérêt annuel de 5%.
Aucun paiement n'étant intervenu, le conseil de [O] [K] a envoyé à [T] [L], par courrier recommandé réceptionné le 24 août 2015, une mise en demeure de rembourser.
[O] [K] a été placé sous curatelle renforcée par jugement du tribunal d'instance de Saint-Gaudens le 10 octobre 2016 et sa fille, [B] [K] épouse [D], a été désignée comme curatrice puis comme tutrice, suivant jugement du 7 mai 2018.
Par exploit d'huissier du 29 juin 2017, [O] [K], assisté de [B] [K], a fait assigner [T] [L] et la SCI GT devant le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens aux fins que [T] [L] soit condamné à lui payer la somme de 300000 € et que la SCI soit condamnée à la restitution de l'apport en compte courant d'associé de 350000 €.
Les défendeurs ont conclu à l'irrecevabilité de la demande de [O] [K] en raison de la prescription.
Par jugement du 8 juin 2018, le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens a:
-déclaré irrecevables car prescrites les demandes de [O] [K],
-condamné [O] [K] aux dépens,
-débouté [T] [L] et la SCI GT de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 21 septembre 2018, [O] [K], représenté par sa tutrice, a relevé appel du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables car prescrites ses demandes.
[O] [K] est décédé le 11 février 2020.
Par ordonnance du 22 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance jusqu'à l'intervention volontaire ou l'appel en cause des héritiers de [O] [K].
Le 8 mars 2021, [B], [N] et [X] [K], en qualité d'héritiers de [O] [K], ont notifié des conclusions de reprise d'instance.
Par conclusions notifiées le 8 juin 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé de l'argumentation, [B], [N] et [X] [K] ont demandé à la cour, au visa des articles 1101, 1103 et 2234 du code civil, de:
-réformer le jugement dont appel ;
-statuant à nouveau: rejeter les fins de non-recevoir opposées en défense et débouter les intimés de leurs prétentions, dont celles tendant à leur accorder un nouveau délai pour conclure au fond si la cour rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, et celles qu'ils présentent au titre de leurs frais et dépens ;
-condamner [T] [L] à payer à [B], [N] et [X] [K], pris en leur qualité d'héritiers de [O] [K], la somme de 300000€ en deniers et quittances, avec intérêts de retard au taux conventionnel de 5 % à compter du 20 juillet 2015, date de la mise en demeure, outre capitalisation des intérêts pour ceux échus depuis plus d'un an ; condamner la SCI GT à payer à [B], [N] et [X] [K], pris en leur qualité d'héritiers de [O] [K], au titre du compte courant de [O] [K], la somme de 350000 €, en deniers et quittances, avec intérêts au taux conventionnel de 6 % à compter de l'assignation, outre capitalisation des intérêts pour ceux échus depuis plus d'un an ;
-dire et juger que ce paiement de la somme de 350000 € avec intérêts au taux conventionnel ne sera pas supporté par [B], [N] et [X] [K], pris en leur qualité d'héritiers de [O] [K] en sa qualité d'associé, dans la mesure où les fonds apportés ont été distraits, fautivement, par le gérant et affectés à des opérations qui excèdent l'objet social ;
-condamner chacun des intimés à payer la somme de 1500 € à [B], [N] et [X] [K], pris en leur qualité d'héritiers de [O] [K] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel ;
-rejeter toute les demandes et prétentions contraire des intimés.
Par conclusions n°4 notifiées le 5 juin 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé de l'argumentation, [T] [L] et la SCI GT ont demandé à la cour, au visa de l'article 2224 du code civil, de :
-confirmer le jugement entrepris ;
-y ajoutant, condamner solidairement [B], [N] et [X] [K] à verser à [T] [L] et la SCI GT ensemble la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-condamner solidairement [B], [N] et [X] [K] aux entiers dépens, dont distraction pour les dépens de première instance et d'appel au profit de Maître Thomas Neckebroeck, avocat, sur son affirmation de droit ;
-subsidiairement,
-réserver les moyens de fond,
-ce faisant, renvoyer l'affaire à la mise en état en invitant les parties à débattre du fond.
La clôture est intervenue le 14 mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de la demande au titre de la reconnaissance de dette signée par [T] [L]
Le tribunal a considéré que cette demande était prescrite, au visa de l'article 2224 du Code civil lequel dispose : les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le document signé par M. [L], qualifié de reconnaissance de dette mais signé tant par le prêteur que l'emprunteur, était ainsi libellée: «Monsieur [L] [T] (') reconnaît par la présente devoir bien et légitimement à Monsieur [K] [O] (') qui le reconnaît et l'accepte, la somme de 300000 €. Les soussignés reconnaissent que cette somme a été avancée à titre de prêt par Monsieur [K] [O] à Moncieur [L] [T], remboursable au plus tard le 10 mars 2009 ce à quoi s'engage Mr [L] [T]. Le capital sera assorti d'un intérêt au taux de 5,00 % l'an. D'un commun accord, les intérêts seront payables en une seule fois le 10 mars 2009 ».
En matière de prêt sans mensualités de remboursement convenues, le point de départ de la prescription se situe, au visa de l'article 2224 du Code civil, à la date d'exigibilité de l'obligation.
La date d'exigibilité de l'obligation, laquelle se confond avec la date de premier incident de paiement en l'espèce, était fixée au 10 mars 2009.
Pour exciper d'une absence de prescription, en l'état d'une assignation délivrée plus de cinq ans après l'exigibilité du prêt, les appelants font valoir d'une part qu'un paiement interruptif de prescription serait intervenu en juin 2015, d'autre part que le demandeur, Monsieur [O] [K], aujourd'hui décédé, était dans l'impossibilité d'agir, au visa de l'article 2234 du Code civil, avant le 10 mars 2015, date qu'il n'explicite pas.
Concernant le paiement interruptif, les appelants le déduisent d'un dépôt sur le compte de Monsieur [O] [K] d'un chèque de 30000 € intervenu le 07 juin 2011, porté en crédit le 16 juin 2011.
D'une part, en l'absence de copie du chèque, le fait que Monsieur [O] [K] ait mentionné, dans le bordereau de remise, que ce chèque émanait de Monsieur [T] [L] n'établit pas qu'il émanait bien de Monsieur [L], ce que ce dernier ne reconnaît pas.
Les appelants ne déduisent d'ailleurs pas cette somme de 30000 € du montant qu'ils estiment leur être dû.
D'autre part, ce paiement n'est, en tout état de cause, pas susceptible d'affecter la prescription de l'action relevée par le tribunal dès lors qu'il est intervenu plus de 5 ans avant la date d'assignation du 29 juin 2017.
Les appelants font également valoir que Monsieur [O] [K] était dans l'impossibilité d'agir, au visa de l'article 2234 qui dispose que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Les appelants ne justifient d'aucun lien familial impliquant une impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi.
Concernant la mesure de protection instaurée pour M. [K], il ressort des pièces :
-qu'il a été placé sous mesure de curatelle renforcé le 10 octobre 2016, sur requête du 23 juin 2016, au résultat d'un certificat du médecin expert du 22 juin 2016,
-qu'il n'a été placé sous mesure de tutelle que le 7 mai 2018.
Il ressort du jugement de curatelle que M. [K] ne présentait, le 22 juin 2016, date du certificat médical, qu'une altération modérée de ses facultés mentales du fait d'un affaiblissement lié à l'âge, conservant, au moins très partiellement, une aptitude à l'écriture, à la lecture et au calcul.
Le fait qu'il ait été placé ab initio sous curatelle renforcée et non sous tutelle démontre qu'il était encore en capacité de donner son accord sur des choix importants le concernant.
Il n'est donc pas démontré une impossibilité d'agir.
Par ailleurs, en l'état d'une assignation délivrée le 29 juin 2017, soit huit ans et trois mois après la date d'exigibilité du prêt fixée au 10 mars 2009, les appelants se doivent, pour exciper d'une suspension utile de la prescription, de démontrer que M. [O] [K] était dans l'impossibilité d'agir depuis plus de trois ans à la date du jugement de curatelle, ce qu'aucun élément n'établit.
C'est donc à bon droit que le tribunal a déclaré irrecevable la demande en paiement de ce chef, en raison de la prescription.
Sur la prescription de la demande en remboursement des sommes portées en compte courant de la Sci Gt
Le tribunal a estimé que cette demande était également prescrite, au visa de l'article 2224 du Code civil, considérant que le document, signé le 23 juillet 2008, était un prêt comportant une date d'exigibilité fixée au 15 mars 2011.
L'acte intitulé « convention de compte courant d'associés » a été signé par la Sci Gti, représentée par MM [T] et [I] [L], et M. [O] [K], associé, et est ainsi libellé :
«L'associé verse ce jour à la société une somme de 350000 € à titre d'avance en compte courant d'associé. Cette somme sera inscrite au nom de l'associé en compte courant dans les livres de la société ».
Il était fixé, sur cette somme, un taux d'intérêt annuel « au taux effectif global de 6% dont le versement devra intervenir dans les trois mois de la clôture de chaque exercice social ».
Le contrat prévoyait également : « de convention expresse entre les parties, la créance définie à l'article 1 ci-dessus sera remboursée par la société selon les modalités suivantes: 30000 € au plus tard au 31 juillet 2008, 10000 € au plus tard le 15 août 2008, 50000 € au plus tard le 12 septembre 2008, 30 mensualités de 8400 € et une dernière de 8000 €, la première devant intervenir le 15 octobre 2008 et la dernière le 15 mars 2011 ».
Une clause de déchéance du terme était fixée pour le solde restant dû et les intérêts courus « à défaut de paiement d'une seule échéance et huit jours après une mise en demeure énonçant la présente clause, restée infructueuse ».
Le compte courant d'associé dont le solde est créditeur s'analyse en un prêt consenti par l'associé à la société. En l'absence de terme spécifié, l'avance ainsi consentie constitue un prêt à durée indéterminée dont le remboursement peut être sollicité à tout moment, sauf stipulations contraires (Com., 27 mai 2021, pourvoi n° 19-18.983).
En l'espèce, le contrat de prêt était à durée déterminée et stipulait une exigibilité des sommes prêtées le 15 mars 2011 de sorte qu'à compter de cette date, la prescription a commencé à courir contre l'associé prêteur, au visa de l'article 2224 du Code civil.
Cette prescription n'a, comme pour le prêt consenti à M. [L], pas été suspendue au regard de l'état de santé de M.[K] et de son placement sous curatelle, faute de démontrer une impossibilité d'agir.
Par ailleurs, en l'état d'une assignation délivrée le 29 juin 2017, soit six ans et trois mois après la date d'exigibilité du prêt fixée au 15 mars 2011, les appelants se doivent, pour exciper d'une suspension utile de la prescription, de démontrer que M. [O] [K] était dans l'impossibilité d'agir depuis plus d'un an et trois mois à la date du jugement de curatelle, ce qu'aucun élément n'établit.
C'est donc à bon droit que le tribunal a constaté que l'action engagée le 29 juin 2017 était prescrite, faute d'assignation dans le délai de prescription quinquennal.
Sur les demandes annexes
Pas plus en appel qu'en première instance, l'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Parties perdantes, [B], [N] et [X] [K] supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Saint Gaudens du 8 juin 2018.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne solidairement [B], [N] et [X] [K] aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Thomas Neckebroeck, avocat, sur son affirmation de droit
Le greffier La présidente.