04/10/2022
ARRÊT N°606/2022
N° RG 21/04360 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OODA
CBB/MB
Décision déférée du 21 Octobre 2021 - Président du TJ de Toulouse ( 21/01519)
Carole LOUIS
[E] [R]
C/
[P] [U]
ADD : CONSULTATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [E] [R]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Anthony VALLEREAU, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.023835 du 03/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIME
Monsieur [P] [U]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Assigné les 16/11/2021 et 17/11/2021 pour tentatives et le18/11/2021 PV 659 CPC pour régularisation, sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. MAFFRE, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- DEFAUT
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
FAITS
Le 27 janvier 2021, Mme [R] a fait l'acquisition auprès de M. [U] professionnel de la vente automobile, exerçant à titre individuel sous l'enseigne Diamant ' Auto, un véhicule d'occasion de marque Clio 3,immatriculé [Immatriculation 8], pour le prix de 2800 euros.
Le contrôle technique du 23 janvier 2021 visait un kilométrage de 163 794 km mais aucun défaut majeur.
Quelques mois après, constatant une perte de puissance du moteur elle a sollicité le garage Renault à l'Union, qui suivant attestation du 16 juillet 2021, a diagnostiqué la mise hors service du moteur.
Le 21 juillet 2021, elle a sollicité la résolution de la vente par lettre recommandée dont l'accusé de réception est revenu avec la mention NPAI alors qu'il s'agissait de l'adresse visée à l'acte de cession.
PROCEDURE
Par acte en date du 1er septembre 2021, Mme [R] a fait assigner M. [U] devant le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Toulouse pour obtenir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un expert judiciaire afin d'examiner le véhicule Renault Clio 3 dans le cadre d'une demande en garantie des vices cachés.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 21 octobre 2021, le juge a':
- dit n'y avoir lieu à référé expertise,
- débouté Mme [E] [R] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Mme [E] [R].
Par déclaration en date du 25 octobre 2021, Mme [R] a interjeté appel de la décision. L'ensemble des chefs du dispositif de l'ordonnance sont critiqués.
La déclaration d'appel a été signifiée à M. [U] suivant les formes de l'article 659 du code de procédure civile.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [R], dans ses dernières écritures en date du 18 janvier 2022, demande à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de':
- infirmer l'ordonnance rendue le 21 octobre 2021 par Mme le Président du Tribunal Judiciaire de Toulouse ;
statuant à nouveau,
- ordonner une expertise judiciaire et désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de ;
1. recueillir et consigner les explications des parties, prendre connaissance des documents de la cause, se faire remettre par les parties ou par des tiers tous autres documents utiles, entendre tous sachants à charge de reproduire leurs dires et leur identité, s'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source ; si nécessaire, faire appel à un technicien d'une autre spécialité ou se faire assister pour l'accomplissement de sa mission par toute personne de son choix sous son contrôle et sa responsabilité, communiquer aux parties ainsi qu'au juge chargé du suivi de l'expertise une note de synthèse après chaque réunion d'expertise,
2. examiner le véhicule Renault Clio 3, immatriculé [Immatriculation 8], appartenant à Mme [E] [R],
3. vérifier l'existence des désordres et dysfonctionnements allégués et les décrire le cas échéant,
4. rechercher l'origine et les causes des désordres et dysfonctionnements ainsi que la date de leur apparition ; donner tous éléments de fait ou d'ordre technique permettant d'apprécier les responsabilités encourues,
5. décrire les travaux nécessaires pour remédier aux des désordres et dysfonctionnements constatés dans le cas où le véhicule serait réparable ; en évaluer le coût,
6. donner tous les éléments permettant d'apprécier les préjudices allégués et d'en proposer une évaluation chiffrée,
7. s'expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis après le dépôt de son pré-rapport et le cas échéant, compléter ses investigations,
- condamner M. [P] [U] à verser à Mme [E] [R] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [P] [U] aux entiers dépens de l'instance.
M. [U] n'a pas constitué avocat. Les écritures de Mme [R] lui ont été signifiées les 6 et 8 décembre 2021 pour tentatives et le 9 décembre sous les formes de l'article 659 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 juin 2022.
MOTIVATION
Il résulte de l'article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement.
La carence de l'intimé n'a pas pour effet d'imposer à la cour d'appel d'accueillir obligatoirement celles de l'appelant. La cour ne doit, par application de l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile, faire droit à la demande de celui-ci que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée et elle n'examine que les énonciations du jugement qui ont accueilli la demande.
En l'espèce, M. [U] n'était pas comparant en première instance, cependant en examinant les motifs accueillis par l'ordonnance, la cour retient les éléments de fait constatés par le premier juge à l'appui de ses motifs.
L'article 145 du Code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.
Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir ou conserver une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur. Il est dès lors indispensable que le demandeur établisse l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement soient cernés, approximativement au moins, et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner.
Mais l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.
En l'espèce, le juge a rejeté la demande d'expertise au motif de l'absence de preuve suffisante d'un litige plausible.
Or, Mme [R] produit':
- le certificat de cession du 24 décembre 2020 établi par Mme [C] à «'Diamant-Auto'» [Adresse 1], n° SIRET 888 126 992 00013, et le récépissé de déclaration d'achat en Préfecture établi à cette date au nom de M. [U] [P], en qualité de vendeur, inscrit sous le n° SIRET 888 126 992 00013 domicilié «'[Adresse 11],
- la fiche de situation INSEE de M. [U] [P] inscrit sous le n° SIRET 888 126 992 00013 Entrepreneur individuel ayant pour activité le commerce de voitures et véhicules automobiles légers à cette même adresse,
- le certificat de cession entre «'Diamant Auto' et Mme [R] le 27 janvier 2021,
- le procès-verbal de contrôle technique du 23 janvier 2021 ne mentionnant que des «'défaillances mineures'» relatives aux tambours de frein, réglage des feux et un écart significatif entre les amortisseurs,
- la facture du diagnostic de la SAR CAV à l'Union en date du 16 juillet 2021 mentionnant «' Ne pas utiliser le véhicule Fuite d'huile très importante/Câblage moteur endommagé Remplacer Kit Distribution, Pompe à eau, Galets et courroies accessoires tous les 5 ans ou kilométrage selon carnet d'entretien'»,
- la lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juillet 2021 sollicitant «'l'indemnisation après découverte d'un vice caché'» confirmant la tentative de Mme [R] de résolution amiable du litige.
Il en résulte que le véhicule acquis en janvier 2021 auprès de M. [U] professionnel du commerce de véhicules automobiles exerçant sous l'enseigne Diamant Auto apparaît inutilisable en juillet de la même année, soit 6 mois plus tard.
Mme [R] démontre en conséquence un litige plausible portant sur la contestation de la vente, quel que soit le fondement juridique qu'elle choisira éventuellement devant un juge du fond.
Elle justifie donc d'un motif légitime d'établir la preuve des faits dont peut dépendre la solution d'un litige.
En vertu de l'article 147 du code de procédure civile, le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.
L'article 256 du code de procédure civile, dispose que lorsqu'une question purement technique ne requiert pas d'investigations complexes, le juge peut charger la personne qu'il commet de lui fournir une simple consultation.
En l'espèce, il résulte des éléments de l'espèce que les griefs apparaissent suffisamment étayés.
En revanche, une mesure d'expertise coûteuse ne se justifie pas ; une simple consultation est suffisante au regard des enjeux techniques tels que démontrés par l'attestation du garage Renault et, financiers au vu du prix de la vente (2800€). Cette consultation devra, en tout état de cause, être consignée par écrit par application de l'article 257 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
- Réforme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 21 octobre 2021.
- Statuant à nouveau
- Ordonne une mesure de consultation, aux frais avancés de Mme [R] confiée à':
M. [M] [G] Expertise Contrôle [Adresse 9]
[Localité 7]
et à défaut
M. [V] [Y] (1966)
[Adresse 10]
[Localité 4]
experts inscrits sur la liste de la cour d'Appel de Toulouse lequel aura pour mission de :
1.recueillir et consigner les explications des parties, prendre connaissance des documents de la cause, se faire remettre par les parties ou par des tiers tous autres documents utiles, entendre tous sachants à charge de reproduire leurs dires et leur identité, s'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source ; si nécessaire, faire appel à un technicien d'une autre spécialité ou se faire assister pour l'accomplissement de sa mission par toute personne de son choix sous son contrôle et sa responsabilité, communiquer aux parties ainsi qu'au juge chargé du suivi de l'expertise une note de synthèse après chaque réunion d'expertise,
2. examiner le véhicule Renault Clio 3, immatriculé [Immatriculation 8], appartenant à Mme [E] [R],
3. vérifier l'existence des désordres et dysfonctionnements allégués et les décrire le cas échéant,
4. rechercher l'origine et les causes des désordres et dysfonctionnements visés à l'assignation ainsi que la date de leur apparition ; donner tous éléments de fait ou d'ordre technique permettant d'apprécier les responsabilités encourues, notamment l'existence d'un vice caché au jour de la vente rendant le véhicule inutilisable comme il est indiqué dans l'attestation du garage Renault du 16 juillet 2021,
5. décrire les travaux nécessaires pour remédier aux désordres et dysfonctionnements constatés dans le cas où le véhicule serait réparable ; en évaluer le coût,
6. donner tous les éléments permettant d'apprécier les préjudices allégués et d'en proposer une évaluation chiffrée,
7. s'expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis après le dépôt de son pré-rapport et le cas échéant, compléter ses investigations,
- Dit que Mme [R] étant admise à l'aide juridictionnelle, elle n'a pas à faire l'avance de la consignation directement entre les mains du consultant.
- Dit que le consultant devra déposer sa consultation au greffe de la cour service des expertises, dans le délai de 2 mois de sa saisine et en remettre une copie aux parties;
- Déboute Mme [R] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit que les dépens seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER