04/10/2022
ARRÊT N°604/2022
N° RG 21/03574 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OKMO
CBB/MB
Décision déférée du 22 Juillet 2021 - Président du TJ de TOULOUSE ( 21/00343)
[I] [Z]
[Y] [S]
C/
Mutuelle SMABTP
S.E.L.A.S. EGIDE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [Y] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Julie PRUNET, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Serge D'HERS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
Mutuelle SMABTP ARIS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Emmanuel GILLET de la SCP CARCY-GILLET, avocat au barreau de TOULOUSE
S.E.L.A.S. EGIDE Prise en la personne de Maitre [N] [P], Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « SARL 3DA »
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Assigné le 06/09/2021 à personne morale, sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. MAFFRE, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
FAITS
Pour la construction en 2012 de leur maison située à [Localité 4], M. et Mme [E] [G] ont chargé Mme [S] de la maîtrise d'oeuvre et la Sté Eribat assurée auprès de la SMABTP du lot gros oeuvre. La réception est intervenue le 7 août 2012.
En 2017, ils ont entrepris la construction d'une surélévation dont ils ont confié la maîtrise d'oeuvre à la Sarl 3DA et le lot gros oeuvre à la société BRS assurée auprès du Groupama. L'étude de sol a été confiée à la société Geobilan. La réception est intervenue le 9 août 2018.
Des fissures sont apparues en façade. La SMABTP ès-qualités assureur'Eribat et Geobilan a refusé sa garantie.
Par ordonnance en date du 18 avril 2019, M. [U] a été désigné en qualité d'expert.
Considérant que dans son rapport du 28 août 2020, il retient la responsabilité de Mme [S] et la société Eribat pour les désordres affectant la construction initiale et la responsabilité de la société BRS Construction et de la société 3DA pour les désordres affectant la surélévation, la SMABTP a mis en demeure d'une part, Mme [S] de transmettre pour l'année 2017 date de la première réclamation son attestation d'assurance responsabilité décennale et, d'autre part, la société 3DA de son attestation d'assurance responsabilité professionnelle pour la même année, dans le cas où elle devrait exercer des recours subrogatoires sachant que M. et Mme [E] ont saisi le tribunal au fond.
PROCEDURE
Par acte en date du 19 février 2021, la SMABTP a fait assigner la SARL 3DA et Mme [S] devant le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Toulouse pour obtenir sur le fondement des articles 11, 145 et 835 du code de procédure civile, la condamnation de la SARL 3DA à lui communiquer son attestation d'assurance «'responsabilité décennale'» et son attestation d'assurance «'responsabilité civile professionnelle'» pour l'année 2017, et la condamnation de Mme [S] à lui communiquer son attestation «'responsabilité civile professionnelle'» pour l'année 2017, le tout sous astreinte provisoire de 200€ par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la signification de l'ordonnance à intervenir.
Suivant jugement en date du 4 mars 2021, la société 3DA a été placée en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce de Toulouse et la Selas Egide désignée en qualité de liquidateur.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 22 juillet 2021, le juge a sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile':
- condamné la SELAS Egide ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL 3DA à communiquer dans un délai de 15 jours suivant la signification de la présente et à défaut sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courant pendant un délai de trois mois : l'attestation d'assurance 'responsabilité décennale' pour l'année 2017 et l'attestation 'responsabilité civile professionnelle' pour la même année de la SARL 3DA.
- condamné Mme [S] à communiquer dans un délai de 15 jours suivant la signification de la présente et à défaut sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courant pendant un délai de trois mois: l'attestation d'assurance 'responsabilité civile professionnelle' de Mme [S] pour l'année 2017,
- rejeté les autres demandes,
- accordé à la SMABTP la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [S] au paiement de cette somme et fixons cette somme au passif de la procédure collective de la SARL 3DA,
- condamné solidairement la SARL 3DA et Mme [S] aux dépens,
- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 5 août 2021, Mme [S] a interjeté appel de la décision.
L'ordonnance est critiquée en ce qu'elle a':
- condamné Mme [S] à communiquer dans un délai de 15 jours suivant la signification de la présente et à défaut sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courant pendant un délai de trois mois: l'attestation d'assurance 'responsabilité civile professionnelle' de Mme [S] pour l'année 2017,
- rejeté les autres demandes,
- accordé à la SMABTP la somme de 1000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [S] au paiement de cette somme ainsi qu'aux dépens.
Par ordonnance en date du 16 février 2022, le Président de la Troisième Chambre civile a'déclaré irrecevables les conclusions de la SMABTP déposées au greffe de la cour le 15 novembre 2021, débouté Mme [S] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens avec l'instance au fond.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [S], dans ses dernières écritures en date du 16 juin 2022 demande à la cour au visa des articles 1792 et suivants, et 2224, les articles 5, 6 et 9, 144, 145 et suivants, 236 et 835 alinéa 1 du code de procédure civile, de':
- déclarer l'appel interjeté par Mme [Y] [S] comme régulier en la forme et bien fondé au fond,
- réformant l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, dont appel,
à titre principal,
- dire que l'assignation de la SMABTP au titre de la communication de pièces est irrecevable et non fondée,
- déclarer les demandes de la SMABTP à l'encontre de Mme [Y] [S] comme irrecevables et non fondées,
- constater que le juge du fond du Tribunal Judiciaire de Toulouse a déjà été saisi du procès en vue duquel la mesure d'instruction complémentaire est sollicitée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile,
- dire que les dispositions de l'article 835 alinéa 1 ne sont pas applicables en l'espèce,
- constater que Mme [Y] [S], architecte DPLG, a produit l'attestation d'assurance « responsabilité civile professionnelle » pour le chantier des consorts [E] [G] au titre de l'année 2011, date à laquelle elle avait pour mission de réaliser le dossier du permis de construire,
- constater que Mme [Y] [S] n'est jamais intervenue au titre de la surélévation de la maison des consorts [E] [G] pour l'année 2017,
- déclarer les demandes de la SMABTP comme irrecevables et sans objet,
- constater que la SELAS Egide pour la SARL 3DA, a produit une attestation de responsabilité civile et décennale et produit un relevé d'information avec date d'effet de la police d'assurance décennale du 7 septembre 2014 au 8 septembre 2018,
- dire que la SMABTP n'a pas saisi le juge chargé du contrôle des expertises et n'a élevé aucune difficulté pendant la mesure d'instruction,
- supprimer purement et simplement l'astreinte provisoire aux fins de communication de pièces en faveur de la SMABTP,
à titre subsidiaire,
- débouter purement et simplement la SMABTP de l'ensemble de ses demandes, Mme [Y] [S] en qualité d'architecte, ayant produit les attestations d'assurances, d'autant que les conditions de l'article 145 du code de procédure civile relatif aux mesures d'instruction ne sont pas remplies,
- déclarer l'action de la SMABTP comme irrecevable, en l'absence d'intérêt légitime ou de raisons légitimes dans l'administration de la preuve ou encore de liens strictement nécessaires avec les désordres constatés par l'expert judiciaire dans son rapport final du 28 août 2020,
à titre plus subsidiaire,
- suspendre l'action de la SMABTP dans l'attente de la décision au fond,
- rejeter la demande de communication de la SMABTP des attestations d'assurances professionnelles de Mme [Y] [S], ces documents ayant été communiqués à l'expert,
y faisant droit,
- condamner la SMABTP à payer à Mme [Y] [S] la somme de 6.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction à Me Prunet, avocat à la Cour.
La Selas Egide ès qualité de mandataire liquidateur de la Sarl 3DA n'a pas constitué avocat. Les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées le 6 septembre 2021.
MOTIVATION
Mme [S] soutient que par courrier du 30 août 2021 la Selarl Egide pour la Sarl 3DA a communiqué l'attestation d'assurance responsabilité décennale de la Cie Elite Insurance déclarée actuellement en «'faillite'».
Parallèlement, elle affirme produire ses propres attestations d'assurance MAF pour les années 2011 ' 2012 soit la période de son intervention dans la construction en 2012 puisqu'elle n'est pas intervenue en qualité de maître d'oeuvre pour la surélévation de 2017 mais la Sarl 3DA. Elle a remis ces attestations à l'expert. La SMABTP est donc irrecevable en sa demande qui est devenue sans objet.
Elle soutient que la demande de communication d'une attestation d'assurance pour l'année 2017 tend à solliciter du juge des référés qu'il reconnaisse sa responsabilité dans la construction de la surélévation ce qui le conduirait à trancher le fond du droit. Or, elle n'est intervenue en qualité de maître d'oeuvre que pour la construction de 2012, encore qu'il ne s'agissait pas d'une mission complète mais du seul dossier de permis de construire ce qui implique même que sa responsabilité ne peut être recherchée pour des désordres constructifs.
L'expert ne l'a pas mise en cause mais seulement Geobilan pour l'étude de sol et Eribat pour le gros oeuvre lors de la construction en 2012 et la Sarl BRS pour la surélévation en 2017. La maîtrise d'oeuvre exercée par la Sarl 3D n'est même pas mise en cause par l'expert. Ainsi, au vu de la contestation sérieuse qui pèse sur son obligation de production de pièces qu'elle ne peut détenir et dès lors que sa responsabilité ne peut donc être engagée, la demande de la SMABTP sur le fondement de l'article 835 al2 du code de procédure civile est irrecevable et infondée.
Enfin, une instance judiciaire étant engagée le 8 avril 2021 devant le juge du fond une demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est irrecevable.
Sur la recevabilité de l'action
Mme [S] ne soutient pas sa demande d'irrecevabilité de l'assignation de la SMABTP.
Elle maintient l'irrecevabilité des demandes sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Toutefois, l'action de la SMABTP a été reçue par le premier juge non pas sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile mais sur l'article 835 du même code également invoqué par la demanderesse dans son assignation non démentie par la suite à la lecture de la décision.
Dans ces conditions, les arguments énoncés par Mme [S] quant à l'irrecevabilité des demandes fondées sur l'article 145 seront rejetées.
L'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
La demande de communication de pièces s'inscrit donc dans le cadre du deuxième alinéa de ce texte et le succès de la demande exige la preuve de l'absence de contestations sérieuse.
Sur la demande de communication de pièces
Il est produit au débat le contrat de maîtrise d'oeuvre avec mission complète de conception et de direction des travaux (de l'élaboration des études préliminaires à l'assistance à la réception) consenti par M et Mme'[E] à Mme [S] le 21 octobre 2011 pour la construction d'une maison à édifier par la société Eribat. Il est produit le marché de travaux du même jour.
Mme [S] produit également l'attestation de la MAF pour la garantie responsabilité professionnelle des architectes, du 8 mars 2010 à effet au 12 mars 2010. Il n'est donc pas produit d'attestation d'assurance pour l'année 2012 contrairement aux affirmations de Mme [S]. Mais la demande de la SMABTP ne porte pas sur ces années-là mais sur l'année 2017.
Or, Mme [S] produit le contrat d'architecte avec mission complète consenti par M. et Mme [E] à la Sarl 3D Atelier Duffort/[S] le 4 octobre 2017'; ce contrat ne prévoit pas précisément l'objet de la dite convention mais seulement le prix de 62 286,49€ mais personne ne conteste qu'il s'agit de l'édification d'une surélévation ce qui est confirmé par les photographies annexées à la note de l'expert M. [U] du 16 juillet 2019. Il est également produit les factures établies par la Sarl 3D en exécution de ce contrat en date des 10 juillet et 6 décembre 2017.
De sorte que Mme [S] n'apparaissant pas en nom personnel en qualité de maître d'oeuvre, la demande de production d'une attestation d'assurance en son nom pour le chantier de 2017 se heurte à une contestation sérieuse de l'obligation alors qu'il est produit l'attestation d'assurance de la Cie d'assurance de droit danois Alpha Insurance (représentée par la société luxembourgeoise Securities and Financial Solutions Europe SA) au nom de la Sarl 3D à Castelnau d'Estretefond, architecte, au titre de la responsabilité civile professionnelle et décennale consentie le 2 décembre 2016 pour l'année courant du 9 septembre 2016 au 9 septembre 2017, de même que la même attestation établie le 17 octobre 2017 pour la période du 9 septembre 2017 au 9 septembre 2018.
Dans ces conditions, la demande de communication de l'attestation d'assurance 'responsabilité civile professionnelle' de Mme [S] pour l'année 2017 doit être rejetée, la décision infirmée de ce chef et par conséquence du chef de sa condamnation aux dépens et à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
- Déboute Mme [S] de sa demande visant l'irrecevabilité de l'assignation de la SMABTP et l'irrecevabilité de l'action et des demandes de la SMABTP.
- Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 22 juillet 2021 en ce qu'elle a:
* condamné Mme [S] à'communiquer dans un délai de 15 jours suivant la signification de la présente et à défaut sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courant pendant un délai de trois mois: l'attestation d'assurance 'responsabilité civile professionnelle' de Mme [S] pour l'année 2017,
*condamné Mme [S] au paiement de la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamné solidairement la SARL 3DA et Mme [S] aux dépens.
Statuant à nouveau de ces chefs':
- Déboute la SMABTP de sa demande visant la condamnation sous astreinte de Mme [S] à lui communiquer une attestation «'responsabilité civile professionnelle'» pour l'année 2017.
- Déboute la SMABTP de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de Mme [S].
- Condamne la SMABTP avec la Sarl 3DA aux dépens de première instance.
- Condamne la SMABTP aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER