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28/09/2022 | FRANCE | N°19/04269

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 28 septembre 2022, 19/04269


28/09/2022



ARRÊT N° 595/2022



N° RG 19/04269 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NG53

AM/MB



Décision déférée du 16 Juillet 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 18/02343

Mme [E]

















[V] [B]





C/



SA GENERALI IARD





























































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [V] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Pascal NAKACHE de la SELARL SOCIETE PASCAL NAKACHE, a...

28/09/2022

ARRÊT N° 595/2022

N° RG 19/04269 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NG53

AM/MB

Décision déférée du 16 Juillet 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 18/02343

Mme [E]

[V] [B]

C/

SA GENERALI IARD

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [V] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Pascal NAKACHE de la SELARL SOCIETE PASCAL NAKACHE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SA GENERALI IARD venant aux droits de la compagnie CONTINENT SA

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.

FAITS

Le 18 mars 1993, M. [V] [B], âgé de 34 ans et exerçant la profession de restaurateur, a souscrit auprès de la société Le Continent :

- un contrat 'individuel Accident Maladie' n° 525.523771/M (contrat M) garantissant

. à la suite d'accident, un capital de 200000 francs en cas d'invalidité permanente et, en cas d'incapacité temporaire totale, une indemnité journalière de 200 francs du 1er jour jusqu'à consolidation de l'invalidité,

. à la suite de maladie, en cas d'incapacité temporaire totale une indemnité journalière de 200 francs à compter du 8ème jour (et du 5ème jour si hospitalisation) jusqu'à consolidation de l'invalidité,

- et un contrat 'protection temporaire quinquennale' n° 192 103 245/V (contrat V) dont le terme était le 17 mars 2018, garantissant un capital de 150000 francs en cas de décès ou en cas d'invalidité permanente totale de l'assuré si celui-ci se trouve, à la suite d'un accident ou d'une maladie survenue avant le terme du contrat et avant l'âge de 65 ans, dans l'impossibilité d'exercer définitivement une activité rémunérée quelconque en raison d'un taux d'invalidité supérieur à 66 %.

Il a été placé en arrêt de travail pour une maladie qui a débuté le 21 novembre 1993 et a été diagnostiquée par la suite comme étant la sclérose en plaques, et la S.A Générali Assurances Iard venant aux droits de la société Le Continent lui a versé des indemnités journalières en exécution du contrat M.

L'assureur a mis fin à ces versements en avril 2006, arguant de ce que son médecin conseil, le Dr [F], avait retenu un taux d'IPP de 50% et une incapacité de travail d'exercer la seule profession de gérant de bar.

Le 28 août 2006, M. [B] a fait assigner la S.A Générali Iard devant le tribunal de grande instance de Montauban, lequel par jugement du 24 avril 2007 assorti de l'exécution provisoire a condamné la SA Générali Iard principalement à reprendre le versement des indemnités journalières en exécution du contrat M à compter de l'assignation, en l'état du constat de la seule stabilisation de l'état de santé de l'assuré et non de sa consolidation.

Sur appel de la S.A Générali Iard et après avoir ordonné deux expertises confiées respectivement au Pr Lagarrigue puis au Dr [N], la cour d'appel de Toulouse a, par arrêt du 19 décembre 2012, infirmé le jugement du 24 avril 2007, débouté M. [B] de ses demandes en paiement de l'indemnité journalière depuis l'assignation du 28 août 2006 et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de remboursement de la somme de 84.652,49€ versée en exécution du jugement : au contraire du premier juge, la cour a considéré l'état de santé de l'assuré comme consolidé depuis le moment où son affection a été stabilisée et susceptible seulement d'une aggravation.

PROCÉDURE

Par acte en date du 20 juillet 2018, M. [B] a fait assigner la SA Generali Assurances Iard venant aux droits de la SA Continent devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins notamment de voir ordonner une expertise médicale à l'effet de déterminer, au vu de l'ensemble des éléments de son dossier médical et notamment du certificat du Pr [P] du 5 janvier 2017, si son état pouvait être considéré comme consolidé et à quelle date et, à défaut, d'indiquer si une consolidation pouvait être envisagée. Il demandait par des conclusions ultérieures à être indemnisé de son invalidité permanente des suites de sa sclérose en plaques.

Par jugement du 16 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- déclaré M. [B] irrecevable, pour cause d'autorité de la chose jugée, en sa demande visant à être indemnisé au titre des stipulations relatives à la garantie de l'invalidité permanente des suites d'une maladie, consistant dans le versement d'un capital ou d'une rente, relativement à la police 'individuelle accident maladie' numéro 525.523.771/M souscrite le 18 mars 1993,

- déclaré M. [B] recevable en sa demande visant à voir ordonner une expertise médicale,

- débouté M. [B] de ses demandes visant à voir ordonner une expertise médicale :

. à l'effet de déterminer, au vu de l'ensemble des éléments du dossier et notamment du certificat du Pr [P] du 5 janvier 2017, si son état peut être considéré comme consolidé et à quelle date et, à défaut, d'indiquer si une consolidation peut être envisagée,

. ou à l'effet de déterminer s'il se trouve en invalidité permanente totale au sens du contrat 'protection temporaire quinquennale' numéro 192 100 245/V souscrit le 18 mars 1993,

- débouté M. [B] de sa demande visant à percevoir le capital prévu en cas d'invalidité permanente totale au titre du contrat 'protection temporaire quinquennale' numéro 192 100 245/V souscrit le 18 mars 1993,

- débouté en conséquence M. [B] de sa demande visant à voir condamner la S.A. Générali Iard à verser aux débats sous peine d'astreinte tous éléments permettant de calculer ses droits au titre du contrat 'protection temporaire quinquennale' numéro 192 100 245/V souscrit le 18 mars 1993,

- condamné M. [B] à verser à la S.A. Générali Iard une indemnité de 1000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. [B] aux entiers dépens, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

En particulier, pour rejeter les demandes fondées sur le contrat Protection temporaire quinquennale (V), le premier juge retenait que l'assureur n'avait manqué à son devoir de conseil ni à la souscription du contrat ni au cours de celui-ci, s'agissant du terme fixé.

Par déclaration du 30 septembre 2019, M. [B] a interjeté appel du jugement, critiqué en toutes ses dispositions, à l'exception des dépens et de l'exécution provisoire.

Par arrêt mixte du 16 mars 2021, la cour d'appel de Toulouse a :

Au fond,

- infirmé le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. [B] au titre du contrat 525.523771/M pour cause d'autorité de chose jugée,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- déclaré recevable la demande de M. [B] visant à voir statuer sur le manquement à l'obligation de conseil de la S.A Générali Assurances Iard au titre du contrat 525.523771/M,

- débouté M. [B] de sa demande visant à voir juger que la société d'assurances a manqué à son obligation d'information et de conseil en ne lui faisant pas souscrire la garantie Invalidité permanente en cas de maladie au titre du contrat 525.523.771/M,

- dit que la S.A Générali Assurances Iard a manqué à son obligation de conseil et d'information au cours du contrat «protection temporaire quinquennale» 192 103 245/V, en n'attirant pas l'attention de M. [B] sur le terme à venir,

Avant dire droit,

- ordonné une expertise médicale aux fins principalement de :

. déterminer, au vu de cet examen si le taux d'incapacité permanente de M. [B] peut être considéré comme consolidé, à quel taux et à quelle date,

. déterminer si M. [B] est dans l'impossibilité d'exercer définitivement une activité rémunérée quelconque en raison d'un taux d'invalidité supérieur à 66 % au sens du contrat 192 100 345 / V, et préciser depuis quand,

- réservé les autres demandes et les dépens.

Le Docteur [S] [U] a déposé son rapport le 16 juillet 2021. Elle répond en substance que :

. on ne peut pas consolider pour l'instant l'état de M. [B] qui est sous traitement : il faudra attendre l'arrêt de tout traitement pour évolution non jugulable par un quelconque traitement en l'état actuel de la science pour envisager la consolidation,

. M.[B] était en état d'invalidité absolue et définitive, avec un taux d'invalidité supérieure à 66% de longues années avant le 17 mars 2018 et la date du terme de son contrat : la date du 28/12/1994 est retenue pour l'incapacité totale d'exercer son activité de gérant de bar et celle du 01/06/2010 comme incapacité totale et définitive à toute activité.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [B], dans ses dernières écritures en lecture de rapport en date du 10 décembre 2021, demande à la cour au visa des articles 1188 et suivants et 1240 du code civil et 700 du code de procédure civile, de :

- homologuer le rapport d'expertise du Docteur [U] en date du 6 juillet 2021,

et en conséquence,

- condamner la SA Generali Assurances Iard à payer à M. [B] la somme de 31.838,15 € due au titre de la garantie stipulée à la police « protection temporaire quinquennale », assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du 20 juillet 2018,

- condamner la SA Generali Assurances Iard à payer à M. [B] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- condamner la SA Generali Assurances Iard à lui payer la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

M. [B] met en avant, sur la base des éléments médicaux et expertaux que sa maladie s'est aggravée, notamment depuis 2010, comme retenu par le Docteur [U] : l'état stationnaire de la maladie relevé dans certains certificats médicaux ne signifie pas l'absence d'évolution de la sclérose en plaques, maladie susceptible d'évoluer à n'importe quel moment, ce qui rend la détermination d'une date de consolidation peu aisée et incertaine.

Il fait valoir que pèse sur l'assureur une obligation générale d'information, de conseil et de mise en garde qui porte sur l'adéquation des garanties proposées aux besoins de l'assuré et à sa situation personnelle et reproche à l'intimée un double manquement au devoir d'information :

. cette dernière s'est abstenue d'attirer son attention sur le caractère incomplet des garanties souscrites argument rejeté par la cour d'appel de Toulouse dans sa décision avant dire droit,

. et elle s'est abstenue, même après avoir refusé expressément le fait de poursuivre le paiement des indemnités journalières, de l'avertir de ses autres possibilités pour recouvrir une indemnisation, alors qu'il n'est pas un professionnel et souffre d'une maladie diminuant ses capacités cognitives : c'est faute d'information qu'il n'a jamais sollicité le bénéfice de cette «protection quinquennale temporaire» et la cour a considéré que le fait de ne pas attirer l'attention du concluant sur le terme à venir est constitutif d'un manquement de l'assureur à son obligation de conseil et d'information au cours du contrat «protection temporaire quinquennale».

M. [B] revendique en conséquence le versement du capital dû au titre de la «protection temporaire quinquennale» souscrite le 18 mars 1993, laquelle prévoit en vertu des article A et B, le paiement du capital mentionné aux conditions particulières (150.000 Francs ou 31.838,15 €) en cas d'invalidité permanente totale de l'assuré, survenue avant le terme du contrat, soit le 17 mars 2018, et avant l'âge de 65 ans, entendu comme l'impossibilité d'exercer définitivement une activité rémunérée quelconque en raison d'un taux d'invalidité égal ou supérieur à 66 % à la suite d'un accident ou d'une maladie, puisque :

. le Docteur [U] conclut que son taux d'invalidité est très largement supérieur à 66 % et fixe la date du 28 décembre 1994 pour l'incapacité totale d'exercer son activité de gérant de bar, et du 1er juin 2010 pour l'incapacité totale et définitive de toute activité professionnelle,

. et la cour a considéré que le fait pour la SA Generali Assurances Iard de ne pas attirer son attention sur le terme du contrat et ce alors qu'elle était parfaitement informée de son état de santé et de l'incidence de la maladie sur ses facultés cognitives est constitutif d'un manquement à son obligation d'information et de conseil.

Il réclame enfin des dommages et intérêts pour résistance abusive : une compagnie d'assurance commet un abus si, de mauvaise foi, elle refuse à l'assuré de faire valoir ses droits, l'obligeant à intenter une action en justice. Or, l'intimée détenait toute information utile lui démontrant que sa situation médicale était couverte par le contrat, l'expert n'étant pas le premier à relever l'importance de son incapacité et elle a persisté dans son refus de faire application des stipulations contractuelles lorsqu'il lui en a été fait la demande et à minimiser son état de santé, contraignant ce dernier à saisir la justice pour faire valoir ses droits et lui causant un préjudice financier et psychologique.

La SA Generali Assurances Iard, dans ses dernières écritures en lecture de rapport en date du 19 avril 2022 demande à la cour de :

- débouter M. [B] de sa demande en condamnation de la SA Generali Assurances Iard à payer la somme de 31.838,15 euros due au titre de la garantie stipulée à la police «Protection temporaire quinquennale», assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du 20 juillet 2018 comme étant irrecevable,

- débouter M.[B] de ses demandes plus amples,

Subsidiairement,

- ordonner la compensation judiciaire des sommes mises à la charge de la SA Generali Assurances Iard au profit de [V] [B] avec la créance que détient la concluante contre ce dernier pour un montant en principal de 84.652,49 € au titre des indemnités qu'il a indûment perçues, 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance auxquels il a été condamné par le jugement de premier instance, définitif sur ce point,

- constater l'extinction de la dette de la SA Generali Assurances Iard à l'égard de son assuré,

Ajoutant à la décision,

- laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles et dépens d'appel.

La SA Generali Assurances Iard fait valoir en premier lieu que la cour n'est saisie que de demandes relatives à la responsabilité de l'assureur, de sorte que le jugement est devenu définitif en ce qu'il a débouté M. [V] [B] de sa demande visant à percevoir le capital prévu en cas d'invalidité permanente totale au titre du contrat 'protection temporaire quinquennale' numéro 192 100 245/V souscrit le 18 mars 1993 : la demande de condamnation de l'assureur à lui payer la somme de 31.838, 15 euros due au titre de la garantie stipulée à la police « Protection temporaire quinquennale », assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du 20 juillet 2018 est donc irrecevable.

En second lieu, rien ne démontre la volonté de nuire de l'intimée ni l'existence d'un abus du droit de plaider de sa part.

Subsidiairement, l'assureur sollicite la compensation judiciaire de sa dette, dont le montant sera arbitré par la cour, avec sa créance contre M. [B], soit 84.652,49 € au titre des indemnités versées en exécution de la décision du tribunal de grande instance de Montauban du 24 avril 2007, réformée par arrêt de la cour du 19 décembre 2012 : la cour précisait que ladite décision «constitue le titre qui permet à la SA Generali Assurances IARD de prétendre à la restitution des sommes versées et consignées en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement de l'appelante.».

Monsieur [B] lui doit en outre les causes du jugement de premier instance, non frappé d'appel sur ce point, qui l'a condamné au paiement de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux dépens et, la créance de la SA Generali Assurances Iard contre l'appelant étant supérieure au montant de sa dette, celle-ci sera éteinte.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il est rappelé que l'homologation consiste à conférer un effet ou un caractère exécutoire à un acte après un contrôle de légalité ou d'opportunité : il n'y a donc pas lieu d'homologuer un rapport d'expertise.

Par ailleurs, il sera relevé que M. [B], qui avait relevé appel de la décision du 16 juillet 2019 notamment en ce qu'elle l'a débouté de sa demande visant à voir condamner la S.A. Générali Iard à verser aux débats sous peine d'astreinte tous éléments permettant de calculer ses droits au titre du contrat 'protection temporaire quinquennale' numéro 192 100 245/V souscrit le 18 mars 1993, ne maintient pas cette prétention, réservée par l'arrêt mixte du 16 mars 2021. Ce chef de jugement sera en conséquence confirmé.

Sur la garantie Protection temporaire quinquennale

Il est rappelé que par arrêt du 16 mars 2021, la présente juridiction a jugé que la S.A Générali Assurances Iard a manqué à son obligation de conseil et d'information au cours du contrat «protection temporaire quinquennale» 192 103 245/V, en n'attirant pas l'attention de M. [B] sur le terme à venir: l'expertise ordonnée en est la suite, visant à vérifier si le taux d'incapacité de M. [B] était supérieur au seuil contractuel de 66 % fixé pour le déclenchement de cette garantie.

Ainsi le débat a-t-il été clairement délimité par cette décision et il s'agit désormais d'apprécier, sur ce fondement de la responsabilité de l'assureur, les conséquences du manquement à son obligation d'information et de conseil d'ores et déjà retenu, au regard du droit qu'aurait eu M. [B] à se prévaloir de la garantie litigieuse si l'intimée avait attiré son attention sur le terme de ce contrat V comme elle l'aurait dû, dans l'hypothèse d'un taux d'incapacité supérieur à 66 % acquis.

Dès lors, c'est en vain que la société Générali Iard met en avant le rejet par le jugement déféré de la demande de M. [B] visant à percevoir le capital prévu en cas d'invalidité permanente totale au titre du contrat 'protection temporaire quinquennale' numéro 192 100 245/V souscrit le 18 mars 1993, ce chef de décision étant devenu définitif, et la cour n'étant saisie que de demandes relatives à la responsabilité de l'assureur.

En effet, si la violation du devoir d'information et de conseil est sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts, leur montant est à apprécier en fonction du préjudice résultant de ce manquement pour l'assuré et il peut ainsi coïncider avec le montant de la garantie telle que prévue au contrat

Partant, M. [B] est parfaitement recevable, sur le fondement de l'inexécution par l'assureur de son obligation d'information et de conseil et en réparation de son préjudice, à réclamer une somme dont le montant est celui du capital prévu contractuellement au titre de la garantie Protection temporaire quinquennale, soit les 31.838,15 euros qu'il aurait pu percevoir s'il avait bénéficié de l'information due par l'assureur.

S'agissant ensuite du bien-fondé de cette demande, il est acquis que l'assureur a commis une faute engageant sa responsabilité en n'attirant pas l'attention de l'assuré sur le terme du contrat V et il incombe à M. [B] de démontrer que ce manquement l'a privé du capital auquel il pouvait prétendre en exécution dudit contrat.

À cet égard, il convient de rappeler les termes de la police litigieuse et l'objet de la garantie défini en son article B : 'Le CONTINENT VIE garantit le risque d'invalidité permanente totale si l'assuré, avant l'âge de 65 ans, se trouve, à la suite d'un accident ou d'une maladie, dans l'impossibilité d'exercer définitivement une activité rémunérée quelconque en raison d'un taux d'invalidité égal ou supérieur à 66%'.

Or, au terme de développements en faveur de la nécessité d'une approche spécifique de la notion de consolidation dans le cas d'une sclérose en plaques, les conclusions expertales sont claires en ce qui concerne l'incapacité de M. [B] : l'expert désigné, le Docteur [U], les a encore précisées dans sa réponse aux dires du Docteur [J] mandatée par la société Générali, et l'intimée ne les conteste en aucune part dans ses écritures.

Ainsi, selon l'expert, l'appelant était en état d'invalidité absolue et définitive, avec un taux d'invalidité supérieure à 66% de longues années avant le 17 mars 2018 et la date du terme de son contrat : pour conclure ainsi, elle relève ses troubles moteurs, le syndrome cérébelleux l'ophtalmoplégie intra-nucléaire et les troubles vésico-sphinctériens apparus dès la fin des années 1990, ainsi que les troubles des fonctions supérieures et la dysfonction érectile notés dans le bilan neuro-psychologique rédigé le 21 octobre 2010 par le Professeur [O] à l'issue de la visite du 1er juin 2010, les troubles visuels empêchant la lecture prolongée depuis 20 ans, et en fait découler qu''on a dépassé largement les 66% et ce depuis longtemps puisque ceci est noté depuis les années 1998-2000 par le Professeur [O]'.

Le Docteur [U] fixe en conséquence à la date de la visite du 1er juin 2010 l'incapacité totale et définitive pour M. [B] d'exercer, au-delà de son activité de gérant de bar impossible dès le 28/12/1994, toute activité.

Considérant que l'appelant était alors âgé de 51 ans, il résulte de ce qui précède qu'il remplissait dès 2010 toutes les conditions cumulatives fixées pour le déclenchement de la garantie Protection temporaire quinquennale : il avait moins de 65 ans, présentait un taux d'incapacité supérieur à 66 % et se trouvait de ce fait et à la suite de sa maladie dans l'impossibilité d'exercer 'définitivement une activité rémunérée quelconque', conformément aux termes du contrat.

Il est ainsi démontré que M. [B] aurait pu prétendre au capital garanti dans cette hypothèse, 150000 francs.

Dès lors, faute d'avoir été alerté sur le terme de son contrat le 17 mars 2018 par un assureur pourtant informé des taux d'incapacité de 60 et 50 % retenus dès la fin des années 90 respectivement par la COTOREP et son médecin conseil comme de l'impact de la maladie sur ses fonctions cognitives dès l'expertise réalisée en 2012 par le Docteur [N], M. [B] a subi un préjudice et celui-ci réside a minima dans l'entière privation de cette somme.

L'appelant doit en conséquence se voir allouer, au regard de l'érosion monétaire, la somme réclamée de 31838,15 euros en réparation du dommage subi du fait du manquement de l'intimée à son devoir d'information et de conseil.

En application de l'article 1231-7 du code civil, ces dommages et intérêts seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

M. [B] réclame par ailleurs une somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil, considérant que l'intimée détenait toutes les informations utiles pour exécuter la garantie souscrite mais a persisté dans son refus d'en faire application lorsqu'il lui en a fait la demande, le contraignant ainsi à saisir la justice pour faire valoir ses droits et lui causant un préjudice financier et psychologique.

Cependant, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits et obligations n'est pas en soi constitutive d'une faute. Et en l'espèce, d'une part seuls des taux d'incapacité inférieurs au seuil contractuel avaient été envisagés par les médecins sollicités avant la présente instance, d'autre part il n'est pas justifié d'une demande de mise en oeuvre du contrat V avant la présente instance et le courrier officiel en date du 5 novembre 2021, et enfin, le manquement de l'assureur à son devoir d'information et de conseil n'a été établi qu'en cause d'appel.

Dès lors, il ne peut être imputé à faute de la société Générali le fait de n'avoir pas versé de sommes à M. [B] sur le fondement du contrat V, de sorte que l'appelant ne saurait prétendre à une indemnisation de ce chef.

Sur la compensation

Déboutée de sa demande principale de rejet des prétentions de l'appelant, la SA Générali revendique à titre subsidiaire que soit ordonnée la compensation judiciaire de sa dette, telle qu'arbitrée par la cour, avec sa créance à l'encontre de M. [B], soit :

. 84652,49 € d'indemnités journalières versées en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Montauban en date du 24 avril 2007, décision réformée par la cour suivant arrêt de du 19 décembre 2012,

. 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens du jugement du 16 juillet 2019, non frappé d'appel sur ces points,

et le constat de l'extinction de sa dette à l'égard de son assuré, sa créance étant supérieure au montant de sa dette.

L'appelant n'a pas conclu sur la demande de compensation.

Par ailleurs, la cour n'est pas valablement saisie par une demande tendant à 'constater' qui ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.

L'article 1347-1 précise que sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. Sont fongibles les obligations de somme d'argent, même en différentes devises, pourvu qu'elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre.

À la sous-section 2 intitulée Règles particulières, l'article 1348 ajoute que la compensation peut être prononcée en justice, même si l'une des obligations, quoique certaine, n'est pas encore liquide ou exigible. A moins qu'il n'en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision.

La compensation suppose ainsi des créances réciproques, de même nature, donc fongibles, certaines dans leur existence, liquides donc déterminées dans leur quotité, et exigibles, puisqu'elle équivaut à un paiement croisé.

Dans le cas présent, l'intimée revendique deux créances.

La première résulte de la condamnation de la SA Générali à payer à M. [B] le montant des indemnités journalières dû au titre de l'ITT à compter du 28 août 2006, prononcée le 24 août 2007 par le tribunal de grande instance de Montauban et infirmée par la cour d'appel de Toulouse suivant arrêt du 19 décembre 2012, la juridiction d'appel rappelant que sa décision valait titre exécutoire ouvrant droit à restitution des sommes versées et consignées.

L'assureur revendiquait alors et réclame toujours la somme de 84652,49 euros au titre des indemnités journalières versées indûment en exécution du jugement infirmé. Il verse à l'appui deux captures d'écran, 17 fiches comptables relatives aux versements d'indemnités journalières effectués au profit de M. [B] pour la période courant du 28 août 2006 au 4 janvier 2011. Le bordereau de remise de chèque en CARPA à l'intention de son conseil en date du 31 mai 2011, en revanche, ne précise pas l'objet de ce paiement.

Etant précisé que le versement du 14 décembre 2010 fait suite à une saisie-attribution diligentée par l'assuré et comprend le paiement de frais d'huissier à hauteur de 1753,88 euros, il résulte de ces pièces que l'intimée a versé à l'appelant la somme totale de 84652,56 euros en exécution d'une décision qui s'est vue par la suite réformée en appel. La réalité de ces versements n'est pas contestée par l'appelant, étant relevé que la SA Générali Iard revendique une somme légèrement moindre à ce titre, 84652,49 euros.

La seconde créance alléguée découle selon l'assureur de la condamnation à lui payer 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile prononcée à son profit par le jugement déféré, non frappé d'appel sur ce point.

En réalité, M. [B] a relevé appel de ce chef de décision, de sorte que le jugement du 16 juillet 2019 n'est pas définitif à cet égard.

Il résulte donc de ce qui précède que seule la créance alléguée au titre des indemnités journalières versées pour la période du 28 août 2006 au 4 janvier 2011, 84652,49 euros, constitue une créance certaine, liquide et exigible par suite de l'arrêt infirmatif du 19 décembre 2012.

La créance de M. [B] à l'encontre de la société Générali, fixée par la présente décision à la somme de 31838,15 euros, revêt elle aussi le caractère d'une créance certaine, liquide et exigible : les obligations réciproques étant de même nature, elles sont fongibles et la compensation s'opérera entre elles au moment où sont réunies les conditions de la compensation légale, soit à la date du présent arrêt.

Sur les frais et dépens

L'issue du litige commande d'infirmer les dispositions de la décision déférée en matière de dépens et de frais irrépétibles.

La société Générali qui succombe sera condamnée ainsi aux entiers dépens.

L'équité impose en outre d'allouer à M. [B] la somme de 4000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Vu l'arrêt mixte du 16 mars 2021,

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [V] [B] de sa demande visant à voir condamner la S.A. Générali Iard à verser aux débats sous peine d'astreinte tous éléments permettant de calculer ses droits au titre du contrat 'protection temporaire quinquennale' numéro 192 100 245/V souscrit le 18 mars 1993,

L'infirme en ce qu'elle a débouté M. [V] [B] de sa demande visant à percevoir le capital prévu en cas d'invalidité permanente totale au titre du contrat 'protection temporaire quinquennale' numéro 192 100 245/V souscrit le 18 mars 1993 et l'a condamné à verser à la S.A. Générali Iard une indemnité de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamne la S.A. Générali Iard à verser à M. [V] [B] la somme de 31838,15 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du dommage subi du fait du manquement de l'assureur à son devoir d'information et de conseil en ce qui concerne le contrat 'protection temporaire quinquennale' n° 192 103 245/V (contrat V), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Y ajoutant,

Déboute M. [V] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Dit que la créance de M. [V] [B] de 31838,15 euros à l'encontre de la S.A. Générali Iard se compense avec la créance de 84652,49 euros de la S.A. Générali Iard à son encontre,

Condamne la S.A. Générali Iard à verser à M. [V] [B] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la S.A. Générali Iard aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. BUTEL C. BENEIX-BACHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/04269
Date de la décision : 28/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-28;19.04269 ?
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