14/09/2022
ARRÊT N°315
N° RG 21/01355 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OBYM
PB/CO
Décision déférée du 21 Janvier 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE ( 18/01272)
M.[L]
[W] [D]
C/
[I] [Z]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [W] [D]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Vanessa BRUNET-DUCOS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur [I] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Simon COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. BALISTA, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre
EXPOSE DU LITIGE
Par acte en date du 4 avril 2018, Monsieur [W] [D] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Toulouse Monsieur [I] [Z] en condamnation au paiement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, des sommes de :
-28000 € majoré des intérêts au taux légal, au titre du remboursement d'un prêt consenti en novembre 2015,
-1500 € à titre de dommages et intérêts,
-3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
-débouté Monsieur [W] [D] de sa demande de remboursement de la somme de 28000 € majoré des intérêts au taux légal,
-débouté Monsieur [W] [D] de sa demande de dommages et intérêts,
-dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-rejeté les demandes plus amples des parties,
-dit que chaque partie conservera ses dépens.
Monsieur [W] [D] a interjeté appel par déclaration du 22 mars 2021.
Par ordonnance du 8 juillet 2021, le conseiller de la mise en état, saisi sur incident, a déclaré recevable l'appel formé par Monsieur [W] [D].
Par conclusions notifiées le 11 juin 2021, auxquelles il est fait référence pour un exposé complet des prétentions, Monsieur [W] [D] a demandé à la cour de :
-infirmer le jugement du 21 janvier 2021 en ce qu'il a : débouté Monsieur [W] [D] de sa demande de remboursement de la somme de 28000 € majorée des intérêts au taux légal ; débouté Monsieur [W] [D] de sa demande de dommages et intérêts ; dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ; dit que chaque partie conservera ses dépens ; rejeté les demandes plus amples des parties ;
Statuant à nouveau,
-constater la créance (lire dette) de Monsieur [I] [Z] à l'égard de Monsieur [W] [D] d'un montant de 28000€ ;
-condamner Monsieur [I] [Z] à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 28000€ augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2018 ;
-condamner Monsieur [I] [Z] à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 1500€ en réparation des divers préjudices économique et moraux subis par lui sur le fondement de l'article 1231-6 du Code civil ;
-condamner Monsieur [I] [Z] à payer à [W] [D] la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées le 09 septembre 2021, auxquelles il est fait référence pour un exposé complet des prétentions, Monsieur [I] [Z] a demandé à la cour de :
-confirmer le jugement du 21 janvier 2021 ;
-rejeter l'intégralité des demandes de Monsieur [W] [D] ;
-condamner Monsieur [W] [D] à payer à Monsieur [I] [Z] la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.
La clôture est intervenue le 14 février 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Au visa de l'article 1326 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la date de la reconnaissance de dette, l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres.
Au visa de l'article 1347 du même code, dans sa version applicable à la date de la reconnaissance de dette, la règle reçoit exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.
On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.
Le premier juge a considéré que la copie de la reconnaissance de dette manuscrite qui était produite et qui comportait la signature de M. [Z], ne valait que comme commencement de preuve dès lors qu'elle n'avait pas été écrite de la main de M. [Z], ce qui n'est pas contesté en cause d'appel.
Il a considéré que les autres éléments produits, notamment des échanges de sms, ne démontraient pas le prêt de 28000 € et ne constituaient pas des éléments extrinsèques suffisamment précis et suffisants pour compléter la reconnaissance de dette.
Il est constant que la reconnaissance de dette a été signée par M. [Z] et, bien qu'elle n'ait pas été rédigée de sa main, mentionne notamment : «'Je soussigné Monsieur [Z] [I], déclare avoir reçu à ce jour le 27 novembre 2015 la somme de vingt quatre mille quatre cent euros (24400 euros) de la part de Monsieur [D] [W].'»
Il y est indiqué que ce montant est prêté pour financer une activité automobile et qu'il est remboursable avec les intérêts pour un montant total de 28000 €, dont 3600 € d'intérêts, au plus tard le 24 décembre 2015.
L'intimé, qui n'argue pas d'un faux, ne donne aucune explication sur les circonstances qui l'ont conduit à signer une reconnaissance de dette, se bornant à alléguer l'absence de dette.
En l'absence de rédaction manuscrite par l'emprunteur, cette reconnaissance de dette ne vaut que comme commencement de preuve par écrit de l'obligation de remboursement mais peut être complétée par des éléments extrinsèques à l'acte.
En l'espèce, M. [D] produit des justificatifs de décaissement de fonds : un chèque de 10000 € le 27 novembre 2015, jour de la reconnaissance de dette, au profit d'un certain [G] [S] et un retrait d'espèces de 10000 € le 3 décembre 2015.
Le fait qu'un versement ait été effectué au profit d'un tiers est indifférent à l'obligation de remboursement dès lors que ce versement peut avoir été effectué au bénéfice de l'emprunteur.
Cette obligation de remboursement est démontrée par de nombreux sms échangés entre les parties, qui constituent des éléments extrinsèques à la reconnaissance de dette, notamment un sms du 20 février 2016 par lequel M. [Z], en réponse à une demande de remboursement de M. [D], qui sollicite un chèque de 29000 €, lui répond : «'comme tu veut, maintenant je peux te donner un acompte'» ou encore le 27 mai 2016 où M. [D] indique : «'et pour les 29000 €''» et où M. [Z] répond : «'je les attends'».
Il est encore mentionné lors d'échanges de sms du 7 septembre 2016 : «[D]: ça fait 9 mois que tu me balade'», «'[Z] : Je balade rien du tout et personne. Je peut pas aller plus vite. Les sou ne vienne pas de moi'», «'[D]: mais c'est à toi que j'ai prêté les sous!'».
Ces derniers sms, dont M. [Z] ne contestent pas l'authenticité, évoquent un prêt et non le versement de salaires, comme le soutient l'intimé.
Un prêt est également évoqué le 12 février 2016 où M. [D] sollicite un chèque, où il lui est répondu un manque de temps pour aller à la banque, où M. [Z] indique qu'il n'est qu'un intermédiaire et où M. [D] répond : «'c'est trop facile de dire ca !! Moi je t'ai prêter les sous a toi'»
Le remboursement d'une somme de 29000 € est également évoqué dans des échanges électroniques entre M. [D] et Mme [B], dont il est constant qu'elle a été la concubine de M. [Z], Mme [B] indiquant le 3 février 2016 «'je pourrais m'y rends vendredi matin [à la banque] pour la totalité de 29000 €'».
Monsieur [I] [Z] ne peut en conséquence contester la dette invoquée, laquelle est justifiée par des éléments extrinsèques à la seule reconnaissance de dette.
Le fait que la demande de remboursement porte, dans les échanges de sms, sur une somme de 29000 € et non de 28000 €, montant convenu entre les parties, est indifférent à l'obligation de remboursement dès lors qu'il n'est sollicité que le montant convenu dans la reconnaissance de dette.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [W] [D] de sa demande de remboursement, l'intimé étant condamné à payer la somme de 28000 €, montant du remboursement convenu entre les parties, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Monsieur [W] [D] ne justifie pas d'un préjudice indépendant du simple retard dans le remboursement de sorte qu'il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts.
L'équité commande en revanche de lui allouer la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement du 21 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Toulouse.
Statuant à nouveau,
Condamne Monsieur [I] [Z] à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 28000€, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2018.
Condamne Monsieur [I] [Z] à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute Monsieur [W] [D] de sa demande en dommages et intérêts.
Condamne Monsieur [I] [Z] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente.