14/09/2022
ARRÊT N°314
N° RG 21/01293 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OBRX
PHD/CO
Décision déférée du 02 Avril 2020 - TJ à compétence commerciale de CASTRES - 18/1193
M.[P]
[T] [L]
C/
[U] [J]
Société LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE
MINISTERE PUBLIC
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [T] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE
Représenté par la SELARL HUGO, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Madame [U] [J] membre de la SCP [J] [B], prise en qualité de représentant des créanciers de la procédure de redressement judiciaire de Monsieur [T] [L] et désormais en qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [T] [L]
LE CAUSSE ESPACE ENTREPRISES
[Localité 3]
Société LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Hélène ARNAUD LAUR, avocat au barreau de CASTRES
Assistée de la SELARL RIMONDI ALONSO HUISSOUS CAROULLE PIETTRE , avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
MINISTERE PUBLIC
M.LE SUBSTITUT GENERAL
cour d'appel TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. DELMOTTE, Conseiller en son rapport,I.MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. DELMOTTE, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
Aux débats , M.JARDIN, substitut général, a fait connaître son avis.
ARRET :
- défaut
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.
Exposé du litige
Suivant acte authentique du 23 novembre 2007, la caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie(la banque) a consenti à M. [L] un prêt immobilier en devises d'un montant correspondant à la contre valeur en francs suisses de la somme de 190 108€, remboursable sur 300 mois au taux d'intérêt de 4,70% l'an.
En garantie du remboursement de ce prêt, la banque bénéficiait du privilège de prêteur de deniers sur un immeuble à usage d'habitation situé à [Localité 4](74).
Par suite des incidents de paiement survenus dans le remboursement du prêt, la banque a prononcé la déchéance du terme le 11 mai 2016 et a engagé une procédure de saisie immobilière.
Par acte d'huissier du 21 juin 2017, M. [L] a assigné la banque devant le tribunal de grande instance d'Annecy aux fins de voir juger que la clause de monnaie étrangère, la clause d'indexation déguisée, la clause relative à la durée du prêt ainsi que la clause mettant à la charge du seul emprunteur le risque de change constituent des clauses abusives et doivent être réputées non écrites par application du code de la consommation.
Par jugement du 15 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Castres a ouvert le redressement judiciaire de M. [L] ; cette procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 4 novembre 2019, la SCP [J] [B](le liquidateur) étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
La banque a déclaré sa créance au titre du prêt immobilier, créance qui a été contestée par le liquidateur au motif d'une instance en cours.
Par jugement du 4 décembre 2019, le tribunal de grande instance d'Annecy a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par M. [L].
Celui-ci a relevé seul appel contre ce jugement.
Par ordonnance du 2 avril 2020, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Castres, qui a écarté l'existence d'une instance en cours, a admis, à titre privilégié, la créance de la banque à concurrence de 300 844, 63€, outre intérêts contractuels postérieurs au taux de 4, 70% l'an à compter du 16 octobre 2018, au titre du prêt n° 56518.
Parallèlement, par ordonnance du 12 novembre 2020, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Chambéry a dit que la déclaration d'appel de M. [L] était nulle et que la cour était dessaisie, mettant ainsi fin à cette instance.
Par déclaration du 18 mars 2021, M. [L] a relevé appel de l'ordonnance du juge-commissaire.
Par ordonnance du 16 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a
- déclaré recevable l'appel de M. [L]
- constaté que dans le dispositif de ses conclusions au fond du 16 juin 2021, M. [L] n'a pas saisi la cour d'une demande tendant à faire déclarer abusives et non-écrites la clause relative au remboursement des échéances en francs suisses, la clause relative au risque de change et la clause relative aux commissions de change insérées dans le contrat de prêt conclu avec la caisse régionale de crédit agricole mutuel des savoie ;
- débouté en conséquence la banque de sa demande d'irrecevabilité des demandes de l'appelant;
- ordonné la communication du dossier au ministère public pour avis;
Fixé l'affaire au fond ;
dit que la clôture de l'instruction du dossier interviendra le 28 mars 2022 ;
dit que les dépens de l'incident et la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile seront joints au fond.
Vu les conclusions RPVA du 19 novembre 2021 de M. [L] demandant à la cour
- d'infirmer l'ordonnance
- de juger que les contestations ne relèvent pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire
- d'inviter les parties à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois
A titre subsidiaire,
- de dire que la banque ne justifie pas du quantum de sa créance
- de réjeter la créance de la banque
A titre plus subsidiaire
- de fixer la créance au titre de l'indemnité de recouvrement à 1euro et de débouter la banque au titre de sa demande d'intérêts pour la période du 26 mai 2016 au 15 octobre 2018,
- d'imputer les réglements qu'il a effectués entre 2007 et 2015 ;
- de fixer en conséquence la créance de la banque;
- de condamner la banque aux dépens.
Vu les conclusions RPVA du 30 août 2021 de la banque demandant à la cour
A titre principal
- de dire M. [L] mal fondé en son appel ;
- de confirmer l'ordonnance ;
- de condamner M. [L] à lui payer la somme de 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire
- d'inviter les parties à saisir le juge compétent pour statuer sur sa créance ;
- de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive qui sera rendue par la juridiction saisie ;
Le ministère public, qui a pris connaissance du dossier le 30 mars 2022, a apposé son visa et s'en est remis à l'appréciation de la cour.
Assigné par acte d'huissier du 24 juin 2021, en la personne d'une secrétaire qui s'est déclarée habilitée à recevoir l'acte, le liquidateur n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 28 mars 2022.
Motifs
La cour est saisie d'un appel formé contre l'ordonnance d'un juge-commissaire statuant en matière d'admission de créance ; dans ce cadre, la cour , statue avec les pouvoirs du juge-commissaire.
L'article L.624-2 du code de commerce dispose qu' au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
L'objet de la contestation de la créance de la banque a évolué en cause d'appel puisque ne se pose plus la question d'une instance en cours, le débiteur soulevant désormais des moyens relatifs au défaut de validité de certaines clauses du contrat de prêt, fondant la déclaration de créance.
A cet égard, les moyens développés par l'appelant relatifs au caractère abusif de la clause relative au remboursement des échéances en francs suisses, de la clause relative au risque de change, de celle relative aux commissions de change insérées dans le contrat de prêt litigieux sont rigoureusement identiques à ceux qu'il avait développés dans le cadre de son action formée devant le tribunal de grande d'Annecy dans l'instance qui opposait les mêmes parties.
Or il y a identité de cause, au sens de l'article 1355 du code civil lorsque le droit ou le bénéfice légal que l'une des parties invoque, soit par voie d'action, soit par voie d'exception a le même fondement que celui sur lequel s'était prononcée une précédente décision passée en force de chose jugée.
Dès lors, les moyens développés de ces chefs par M. [L] se heurtent, comme le soutient la banque, aux dispositions désormais irrévocables du jugement du 4 décembre 2019 qui a déclaré irrecevables les demandes de M. [L] tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses, M. [L] ne pouvant par la voie d'une contestation à l'admission d'une créance, qu'il qualifie d' exception, former à nouveau les mêmes demandes déclarées irrecevables par le jugement du 4 décembre 2019.
Pour le surplus, M. [L] déclare que la banque n'a pas imputé sur le montant déclaré les versements effectués de 2007 à 2015 ; cependant la banque rétorque qu'aucune échéance antérieure à fevrier 2015 n'est réclamée ce qui rend inopérant le moyen élevé par M. [L] ; au demeurant, celui-ci ne précise pas la nature, la date et le montant des versements opérés par lui, spécialement ceux qui auraient été versés en 2015 et ne produit aucune pièce justifiant s'être libéré partiellement de la dette, passée l'échéance de février 2015.
En déclarant le montant des intérêts contractuels ayant couru depuis la déchéance du terme, la banque n'a fait qu'appliquer la clause du contrat de prêt dénommée 'défaillance de l'emprunteur avec déchéance du terme' prévoyant le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus non payés et précisant que jusqu'a la date du réglement effectif, les sommes restant dues produiront un intérêt de retard à un taux égal à celui du prêt'.
Enfin, la même clause dispose : 'en outre, une indemnité égale à 7% des sommes dues(en capital et en intérêts échus) sera demandée par le prêteur à l'emprunteur'.
L'appelant ne démontre pas en quoi cette indemnité, qui s'analyse en une clause pénale, serait manifestement excessive, ce taux correspondant à ceux habituellement pratiqués en la matière et repris désormais par l'article R.313-28 du code de la consommation.
Si l'indemnité de recouvrement d'un montant de 16275, 32€ est justifiée en son montant, il n'apparaît pas à la lecture de la clause précitée que cette indemnité fasse elle-même courir des intérêts au taux contractuel, l'emploi de la locution adverbiale 'en outre' indiquant que celle-ci obéit à un régime différent du capital et des intérêts échus; ainsi, à l'instar de toute indemnité, cette somme fera courir des intérêts au taux légal.
En l'absence de contestation sérieuse, la créance de la banque étant certaine, liquide et exigible, il y a lieu de confirmer l'ordonnance sauf en ce qui concerne l'indemnité de recouvrement qui fera courir des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Constate que les contestations de M. [L] relatives au caractère abusif de la clause de remboursement des échéances en francs suisses, de la clause relative au risque de change, de celle relative aux commissions de change insérées dans le contrat de prêt litigieux se heurtent à la chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance d'Annecy du 4 décembre 2019 ;
Confirme l'ordonnance déférée, sauf à ce qu'elle a fait courir des intérêts au taux contractuel sur l'indemnité de recouvrement de 16 275, 32€ ;
Dit que cette somme, admise au passif privilégié de la liquidation judiciaire de M. [L], fera courir des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne M. [L] aux entiers dépens de l'instance ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie.
Le greffier La présidente
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