14/09/2022
ARRÊT N°312
N° RG 21/00502 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N6N2
PB/CO
Décision déférée du 14 Décembre 2020 - Tribunal de Commerce de FOIX ( 2019J0059)
M.LOUSTEAU
[J] [X]
C/
Société SOCIETE DE CAUTION MUTUELLE ARTISANALE OCCITANE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [J] [X]
[Adresse 4]
[Localité 1]
assisté de Me Simon COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE
Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Société SOCIETE DE CAUTION MUTUELLE ARTISANALE OCCITANE Société de caution mutuelle au capital minimum de 38 156.45 €
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Sylvie ALZIEU de la SELARL ALZIEU-PUIG AVOCATS, avocat au barreau D'ARIEGE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. BALISTA, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre
EXPOSE DU LITIGE
La Banque Populaire Occitane a consenti le 21 avril 2016 à la Sarl Jomag deux prêts d'un montant de 30000 € pour le premier, remboursable en 84 mensualités au taux de 1,05 % l'an et d'un montant de 26000 € pour le second, remboursable en 84 mensualités au taux de 1,55 % l'an.
Ces prêts étaient garantis par les cautionnements de la société Socama et de Monsieur [J] [X], gérant de la société Jomag.
Par jugement du 26 juillet 2018, le tribunal de commerce de Foix a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la Sarl Jomag, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 8 novembre 2018.
La banque a déclaré sa créance dans le cadre de la procédure collective.
La société Socama a réglé les sommes de 20990,90 et de 18251,47 € à la Banque Populaire et a, par acte du 9 octobre 2019, fait assigner devant le tribunal de commerce de Foix Monsieur [J] [X] en remboursement de la somme de 33282,69 € versée à la banque en exécution du cautionnement.
Par jugement du 14 décembre 2020, le tribunal de commerce de Foix a:
-condamné Monsieur [X] au paiement de la somme de 33282,69 € à la Socama au titre des contrats de prêts conclus entre l'Eurl Jomag et la Banque Populaire Occitane le 21 avril 2016, contrat Socama Création n° 08722735 et contrat équipement Socama n°08722736, outre intérêts au taux contractuel à compter du 23 août 2019,
-condamné Monsieur [X] à payer à la Banque Populaire Occitane (') la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
-condamné Monsieur [X] aux entiers dépens.
Monsieur [J] [X] a interjeté appel par déclaration du 01 février 2021.
Par conclusions notifiées le 23 août 2021, auxquelles il est fait référence pour un exposé complet des prétentions, Monsieur [J] [X] a demandé à la cour de :
-infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,
-dire que la Socoma a sollicité trois actes de cautionnement excessif et manifestement disproportionné eu égard aux facultés contributives de [J] [X],
-débouter la Socoma de ses demandes à son encontre,
-à titre subsidiaire, si [J] [X] était condamné à honorer les engagements de la société Jomag,
-dire que la Socoma a manqué à son obligation d'information annuelle de la caution, prononcer la déchéance du droit aux intérêts,
-en toute hypothèse, condamner la Socoma à payer à [J] [X] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées le 3 février 2022, auxquelles il est fait référence pour un exposé complet des prétentions, la société Socama a demandé à la cour de :
-confirmer en toute ses dispositions le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [X] à payer 1 000 € à la Banque Populaire Occitane au titre des frais irrépétibles,
-statuant à nouveau sur ce point, condamner Monsieur [J] [X] au paiement d'une indemnité de 1 000 € au profit de la Société de Caution Mutuelle Artisanale Occitane (Socama) au titre des frais irrépétibles de première instance,
-y ajoutant, condamner Monsieur [J] [X] au paiement d'une indemnité de 2 500€ au profit de la Société de Caution Mutuelle Artisanale Occitane (Socama) en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, pour l'instance d'appel,
-condamner Monsieur [J] [X] en tous les dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile,
-reporter l'ordonnance de clôture au jour de la plaidoirie, afin de permettre à l'appelant de répondre éventuellement aux présentes écritures.
La clôture est intervenue le 7 février 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Il n'y a pas lieu de reporter l'ordonnance de clôture rendue en l'absence de demande en ce sens de M. [X].
Sur la disproportion manifeste
Au visa de l'article L 341-4 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date des engagements souscrits, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Le caractère disproportionné de l'engagement s'apprécie au moment de la souscription.
La charge de la preuve de la disproportion incombe à celui qui s'en prévaut.
En l'espèce, la société Socama, subrogé dans les droits de la Banque Populaire Occitane en vertu de quittances subrogatives versées aux débats, poursuit l'exécution de deux cautionnements signés par Monsieur [J] [X] le 21 avril 2016, pour deux prêts souscrits par la société Jomag le même jour.
Ces cautionnements ont été souscrits par l'appelant dans la limite de 15000 € pour le premier et de 31200 € pour le second.
Préalablement à la souscription, Monsieur [J] [X] avait renseigné une fiche patrimoniale datée du 21 août 2014 aux termes de laquelle il déclarait :
-des revenus annuels de 42000 €,
-une épargne de 63000 € constituée par un livret A et un livret sociétaire,
-la détention en pleine propriété de sa résidence principale, achetée 300000 € en 2010 et qu'il évaluait à la somme de 515000 €.
L'appelant ne déclarait aucun cautionnement antérieur.
Au titre de ses charges, il déclarait trois emprunts en cours dont deux immobiliers avec un encours cumulé pour l'ensemble des prêts de 308000 €.
Il s'en déduit que l'appelant évaluait lui même le montant net de son patrimoine immobilier à 207000 €, ce qui couvrait largement le montant cumulé des deux cautionnements souscrits, et ce d'autant qu'il déclarait une épargne mobilière de 63000 € qui, à elle seule, couvrait également le montant des cautionnements.
En l'absence d'anomalies apparentes de la fiche patrimoniale, la banque n'avait pas à s'enquérir davantage de la situation patrimoniale de l'appelant.
Le fait que Monsieur [J] [X] ait mentionné dans la fiche une valeur d'achat de sa maison de 300000 € en 2009 ou 2010 n'établit pas que cette maison, qui a pu faire l'objet d'une rénovation entre temps et a pu profiter de l'augmentation du prix de l'immobilier, ne pouvait avoir un prix de 515000 € en 2016.
Le fait que Monsieur [J] [X] ait, de sa propre initiative, mis en vente sa maison au prix de 399000 € net vendeur en octobre 2016 ne démontre pas non plus que la banque avait connaissance d'une valorisation inexacte de la propriété dans la fiche patrimoniale transmise par l'appelant, aucune pièce n'établissant une information de la banque antérieure à cette mise en vente.
Au demeurant, l'appelant qui a rempli une nouvelle fiche patrimoniale en février 2017, postérieurement aux cautionnements litigieux, a continué à valoriser sa maison à 515000 € dans ladite fiche.
Il est donc mal fondé à invoquer une inexactitude, ses déclarations patrimoniales lui étant opposables.
À la date de souscription des cautionnements litigieux, il est établi que l'appelant était déjà engagé auprès de la Banque Populaire pour un cautionnement datant de 2014 dans la limite de 50 % des sommes dues sur un prêt de 100000 € consenti à la société Jomag.
Le montant cumulé de ses engagements envers la banque lors de la souscription des deux cautionnements objet de l'instance était donc inférieur à 100000 € alors même que le patrimoine net déclaré était supérieur à 200000 €.
Même en tenant compte d'un cautionnement de 78000 € souscrit en 2015 auprès de la banque CIC, dont rien ne permet de considérer qu'il a été porté à la connaissance de la Banque Populaire, le montant cumulé des engagements n'excédait pas le patrimoine net déclaré par l'appelant.
Il n'est donc pas établi de disproportion manifeste.
Enfin, l'appelant, qui produit son avis d'imposition pour l'année 2016, ne justifie pas de son épargne à la date de souscription des cautionnements alors même que la seule épargne mentionnée en 2014 suffisait à couvrir les deux engagements de caution objet de la présente instance.
Faute pour l'appelant de démontrer une disproportion manifeste, c'est à bon droit que le tribunal a prononcé une condamnation à paiement.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Au visa de l'article L 313-22 du Code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
En l'espèce, si la banque produit des copies de lettres d'information datées de 2015, 2016, 2017 et 2018, elle ne justifie pas de l'envoi de ces lettres.
Dès lors que la caution conteste avoir été informé, la déchéance du droit aux intérêts contractuels sera prononcée.
L'emprunteur, la société Jomag, avait versé en exécution des deux prêts, au moment du redressement judiciaire :
-la somme de 10252,58 € sur le prêt de 30000 €,
-la somme de 9032,4 € sur le prêt de 26000 €.
Ces paiements étant réputés affectés prioritairement au règlement du principal dans les rapports avec la caution, le solde des prêts, pour la caution, était donc de 19747,42 € pour le prêt de 30000 € et de 16967,6 € pour le prêt de 26000 €.
Il est sollicité de la caution par la société Socama, subrogée dans les droits de la banque, la somme de 15000 € pour le prêt de 30000 € et la somme de 18282,69 € pour le prêt de 26000 €.
Si la Socama est en droit de solliciter la somme de 15000 € en exécution du cautionnement du prêt de 30000 €, montant inférieur au solde du prêt déchu du droit aux intérêts, elle ne le peut qu'à concurrence de la somme de 16967,6 € pour le prêt de 26000 €, compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts.
Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef, la caution étant condamnée à payer les sommes de 15000 € et de 16967,6 €, soit un total de 31967,6 €, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Sur les demandes annexes
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné par erreur la caution à payer une somme sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à la Banque Populaire qui n'est pas dans la cause.
L'équité commande d'allouer à ce titre à la société Socama la somme de 1000 € sans qu'il y ait lieu d'y ajouter d'autres sommes au titre des frais irrépétibles d'appel.
Partie perdante, Monsieur [J] [X] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement du 14 décembre 2020 du tribunal de commerce de Foix sauf en ce qu'il a écarté la disproportion manifeste de l'engagement de Monsieur [J] [X], a ordonné l'exécution provisoire et a condamné Monsieur [X] aux dépens.
Statuant à nouveau,
Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
Condamne Monsieur [J] [X] à payer à la société Socama la somme de 31967,6 €, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, au titre des deux cautionnements souscrits.
Condamne Monsieur [J] [X] à payer à la société Socama la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute la société Socama du surplus de ses demandes.
Condamne Monsieur [J] [X] aux dépens d'appel.
Le greffier La présidente
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