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31/08/2022 | FRANCE | N°19/05285

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 31 août 2022, 19/05285


31/08/2022





ARRÊT N°290



N° RG 19/05285 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NK67

VS/CO



Décision déférée du 22 Novembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 16/02161

M.GIGAULT

















[B] [U] épouse [F]





C/



[O] [N]

[R] [K]

[P] [A]

[E] [W]








































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Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



Madame [B] [U] épouse [F]

La Cour

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-charles BOURRASSET de la SCP DUSAN-BOU...

31/08/2022

ARRÊT N°290

N° RG 19/05285 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NK67

VS/CO

Décision déférée du 22 Novembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 16/02161

M.GIGAULT

[B] [U] épouse [F]

C/

[O] [N]

[R] [K]

[P] [A]

[E] [W]

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [B] [U] épouse [F]

La Cour

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-charles BOURRASSET de la SCP DUSAN-BOURRASSET-CERRI, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [O] [N]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Isabelle CANDELIER de la SCP CANDELIER CARRIERE-PONSAN, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [R] [K]

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représenté par Me Isabelle CANDELIER de la SCP CANDELIER CARRIERE-PONSAN, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [P] [A]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Isabelle CANDELIER de la SCP CANDELIER CARRIERE-PONSAN, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [E] [W]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Isabelle CANDELIER de la SCP CANDELIER CARRIERE-PONSAN, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, présidente, chargée du rapport, P.BALISTA conseiller.Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

P. DELMOTTE, conseiller

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

Par acte sous seing privé de janvier 2011 intitulé « Engagement mutuel de présentation de successeur et de cession de parts de société civile de moyens », à effet au 1er mai 2011, le docteur [R] [K], médecin Orl, a convenu de la présentation de sa patientèle de la clinique [10] à Cornebarrieu au docteur [B] [U], moyennant le versement d'une indemnité de 150.000 €.

Par le même acte, les docteurs [O] [N], [P] [A] et [R] [K] ont convenu de la présentation de leur patientèle de la clinique [11] à [B] [U], moyennant une indemnité de 50.000 €.

Il a été prévu que l'exercice professionnel du docteur [B] [U] au sein de la clinique [11] était subordonné à la détention de parts de la société civile de moyen ORL Parc. Selon les défendeurs, [B] [U] a acquis ces parts le 10 février 2011.

Un « contrat d'exercice avec mise en commun des honoraires type société de fait » portant sur l'activité au sein de la clinique [11] a été régularisé entre les docteurs [N], [K], [A] et [U], avec prise d'effet au 7 mai 2011.

Selon [B] [U], ce « contrat d'exercice » est un avenant à un précédent « contrat d'association » signé entre les parties le 15 janvier 2010 et régissant la société de fait Orl Parc, et ce contrat d'exercice l'a désignée comme quatrième associée de cette société de fait. Selon les défendeurs, le « contrat d'exercice » est le seul contrat conclu entre les associés et régit la société de fait Orl Parc.

Le 1er avril 2012, le docteur [E] [W] est devenu le cinquième associé de la société de fait Orl Parc.

Une mésentente entre les associés a donné lieu à divers échanges entre les parties dans le courant de l'année 2015.

Les défendeurs ont, selon eux, adressé à [B] [U] le 29 mai 2015 un courrier recommandé par lequel ils lui notifiaient leur volonté de dissoudre la société de fait Orl Parc à compter du 30 juin 2015.

Selon les défendeurs, une assemblée générale tenue le 10 juin 2015 en présence des docteurs [W], [N], [A] et [U] a acté la dissolution de la société de fait. [B] [U] indique qu'il s'agissait d'une réunion et non d'une assemblée générale.

Par courrier du 6 juillet 2015, le conseil de [B] [U] a contesté auprès des docteurs [K], [N], [A] et [W] la décision de dissoudre la société créée de fait en l'absence d'une assemblée réunissant l'unanimité des associés.

[B] [U] a saisi le Conseil de l'Ordre le 1er décembre 2015 pour une tentative de conciliation, laquelle n'a pas abouti.

Par actes des 9, 10 et 14 juin 2016, [B] [U] a assigné [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [E] [W] devant le tribunal de grande instance de Toulouse, aux fins qu'il prononce la nullité de l'assemblée générale du 30 juin 2015, condamne les défendeurs au paiement de sommes au titre de la distribution du résultat net, et désigne un expert-comptable aux fins de déterminer ces sommes.

Les défendeurs ont demandé la condamnation de la demanderesse au versement de la somme de 3.000 € pour procédure abusive.

Les défendeurs ont demandé, à titre principal, que la demanderesse soit déboutée, et à titre subsidiaire, que la société soit judiciairement dissoute.

Suivant ordonnance du 29 mai 2018, le juge de la mise en état a enjoint à [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [E] [W] de communiquer le contrat initial de mise en commun des honoraires type société de fait (du 15 janvier 2010) dont il était expressément fait référence dans le contrat d'engagement mutuel de présentation de successeur et de cession de parts de société civile de moyens et dans le contrat d'exercice avec mise en commun des honoraires signés par [B] [U].

Par courrier de leur conseil en date du 19 octobre 2018, [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [E] [W] ont informé le juge de la mise en état qu'ils ne détenaient pas le contrat sollicité.

Par jugement du 22 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

débouté [B] [U] de sa demande en paiement et de désignation d'expert avant dire droit ;

débouté [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [E] [W] de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du CPC ;

condamné [B] [U] aux entiers dépens de l'instance ;

autorisé la Scp Candelier Carriere-Ponsan à recouvrer directement contre [B] [U] ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par déclaration en date du 9 décembre 2019, [B] [U] a relevé appel du jugement. L'appel porte sur les chefs du jugement qui ont :

débouté [B] [U] de sa demande en paiement et de désignation d'expert avant dire droit ;

rejeté la demande de [B] [U] au titre de l'article 700 du CPC et des dépens

condamné [B] [U] aux entiers dépens de l'instance.

Le 7 février 2020, le conseiller de la mise en état a adressé aux parties une proposition de médiation, puis a désigné un médiateur par ordonnance du 12 mars 2020, puis à défaut d'accord a mis fin à sa mission par ordonnance du 14 janvier 2021.

Le 14 décembre 2020, les intimés ont notifié des conclusions d'appel incident.

La clôture est intervenue le 11 avril 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 11 mars 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de [B] [U] demandant, au visa des articles 1134 ancien, 1104, 1852 et 1844-7 du code civil, de :

réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

à titre principal :

dire et juger que l'assemblée générale du 30 juin 2015 est entachée de nullité ;

constater en conséquence que la société de fait Orl [11] n'a pas été dissoute du fait de cette décision;

dire et juger que la répartition du résultat doit être réalisée conformément aux règles établies par les associés en vigueur depuis l'intégration du [B] [U], savoir une répartition à parts égales des honoraires de consultation ;

prendra acte du droit de retrait exercé par le [B] [U] par deux courriers notifiés le 30 janvier 2017 de la SDF et de la SCM à effet du 31 juillet 2017 ;

condamner la SDF à verser à [B] [U] les sommes lui restant dues au titre des exercices clos le 31 décembre 2014 ; 31 décembre 2015 ; 31 décembre 2016 et jusqu'au retrait et à ce titre avant dire droit ordonner une expertise et désigner un expert-comptable avec pour mission de :

de convoquer les parties, les entendre et entendre tout sachant ;

de se faire communiquer et de pouvoir consulter tous les documents comptables, fichiers informatiques de la SDF, honoraires de chirurgies et tiers payant de chacun des praticiens, documents juridiques, sociaux et déclarations fiscales

décrire depuis la création de la SDF et jusqu'à ce jour les conditions de répartition du résultat net de celle-ci après mise en commun des honoraires ;

déterminer en conséquence la quote part de résultat revenant à chacun des associés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 et de l'exercice clos le 31 décembre 2015 et jusqu'à la date de retrait ;

l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, en particulier il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix

condamner solidairement [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [E] [W] au paiement d'une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [E] [W] aux entiers dépens

à titre subsidiaire

constater la non applicabilité de l'article 9 du contrat d'association du fait de l'absence de variation de + ou - 10 %

désigner tel expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission :

de procéder au calcul de la répartition du bénéfice avec réintégration des charges sociales personnelles de [O] [N], [P] [A] et [E] [W]

déterminer en conséquence la quote part de résultat revenant à chacun des associés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 et de l'exercice clos le 31 décembre 2015 et jusqu'à la date de retrait ;

l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, en particulier il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix.

Vu les conclusions notifiées le 14 décembre 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [E] [W] demandant, au visa des articles 1871 et s., 1872-2 et 1644-7 du code civil et 146 du code de procédure civile, de :

confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté le [B] [U] de l'intégraIité de ses demandes

si par extraordinaire la cour réformait la décision dont appel sur ces chefs, dire à titre principal que les concluants ont valablement sollicité la dissolution de la société de fait

à titre subsidiaire, ordonner la dissolution judiciaire de la société de fait Orl [11] avec effet rétroactif au 30 juin 2015

à titre infiniment subsidiaire,

si la cour retenait la validité du contrat produit en pièce n°3 par [B] [U] :

dire qu'iI est d'une durée d'un an renouvelable,

en conséquence, constater que la dissolution sollicitée le 29 mai 2015 a pris effet au plus tard au 31 décembre 2015

si la cour ordonnait, avant dire droit, la nomination d'un expert,

enjoindre le [B] [U] de communiquer I'intégralité de ses recettes et charges sur les sites des cliniques [11] et [10]

dire que sa mission porterait sur la période du 1er janvier au 30 juin 2015, date de dissolution de la société en participation.

dire qu'il devra ventiler les recettes selon leur origine, les sites et les règles appliquées par les parties

si la cour retenait la validité du contrat produit en pièce n°3 par [B] [U] : dire que les règles applicables pour la répartition des résultats, seront celles édictées par l'article 9 dudit contrat

vu l'appel incident de [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [E] [W],

réformer la décision dont appel en ce qu'elle les a déboutés de leur demande au titre de dommages et intérêts et des frais irrépétibles

en conséquence, condamner [B] [U] à régler à chacun des concluants la somme de 3.000 € pour procédure abusive au visa de I'articIe 1382 (ancien) du code civil

la condamner au paiement d'une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance

en tout état de cause,

condamner [B] [U] au paiement d'une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles d'appeI

la condamner aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au béné'ce de la SCP Candelier Carriere-Ponsan.

Motifs de la décision :

la cour d'appel n'étant tenue de statuer que sur les demandes formulées par les parties dans le dispositif de leurs conclusions en application de l'article 954 du code de procédure civile (cpc), elle n'est saisie que de la demande de nullité de l'assemblée générale du 30 juin 2015, vraisemblablement de la société de fait à défaut d'autres précisions, de la répartition du résultat entre associés, du retrait de [B] [U] au 30 janvier 2017 de la société de fait et au 31 juillet 2017 de la société civile de moyens et d'une demande d'expertise sur les comptes entre parties, outre une demande subsidiaire des autres associés sur la dissolution de la société de fait avec effet rétroactif au 30 juin 2015.

Il convient de constater qu'en sollicitant, à titre principal, la confirmation du jugement qui a uniquement débouté les parties de leurs demandes sans préciser au dispositif du jugement que le tribunal validait les statuts présentés par [B] [U], les parties intimées peuvent remettre en cause le raisonnement du tribunal judiciaire sur la preuve du contenu du contrat régissant la société de fait.

Le tribunal a validé le document produit par [B] [U] en pièce n°3 comme étant le contrat régissant la société de fait, et ce à défaut de réponse par les parties intimées aux injonctions du juge de la mise en état de solliciter la production de la copie du contrat nécessairement déposé au Conseil de l'ordre des médecins alors que [B] [U] avait essuyé un refus du dit Conseil à défaut d'être signataire des dits statuts.

En cause d'appel, les parties intimées font valoir en pages 9 et 10 de leurs conclusions que le seul contrat signé entre les parties est le contrat intitulé « contrat d'exercice avec mise en commun des honoraires type société de fait » produit en pièce n°2 à durée indéterminée, société soumise aux dispositions de l'article 1872-2 alinéa 1er du code civil en matière de dissolution et insistent sur le fait qu'il ne s'agit nullement d'une société d'exercice libéral soumise à l'article 1844-7 du code civil.

Elles critiquent le document produit par [B] [U] et validé par le tribunal qui présente les caractères d'un document falsifié, notamment par les polices et paraphes différents d'une page à l'autre, et la date raturée et surchargée. Elles contestent toute valeur probante à ce document qui, en son article 12, fixe la durée du contrat à une année renouvelable par tacite reconduction d'un an .

De son coté, [B] [U] reproche au tribunal de ne pas avoir pris en considération l'avenant au contrat qu'elle produit et dont le tribunal a admis, selon elle à bon droit, la validité, pour déroger à l'article 9 de l'acte initial et établir que le principe de la répartition égalitaire du résultat avait été contractuellement arrêté entre associés. Mais elle ne produit pas le dit avenant.

La question de la validité des statuts produits par les parties n'a de portée et d'intérêt juridiques dans le présent procès que vis à vis des demandes formulées qui fixent l'objet du litige et portent sur l'annulation de l'assemblée générale du 30 juin 2015, demande formulée par [B] [U] en première instance et réitérée en appel et sur la demande de dissolution de la société de fait au 30 juin 2015 formulée par les parties intimées dès la première instance et réitérée en appel.

La cour constate que la pièce n°2 des parties intimées et la pièce n°2 de [B] [U] sont identiques et s'intitulent « contrat d'exercice avec mise en commun des honoraires sociétés de fait » signé par les 4 associés [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [B] [U], relatif à la société de fait SDF ORL PARC, stipulant qu'il était décidé d'inclure [B] [U] comme 4eme associé à part entière avec possibilité d'exercer une partie de son activité à la clinique [10] comme le Dr [K] et son droit d'entrée était fixé à 50.000 euros réparti en parts égales entre les associés en place avec pour contrepartie un revenu brut garanti de 50.000 euros par an garanti pendant 24 mois à compter de son arrivée prévue au 7 mai 2011. Il était stipulé dans cet avenant au contrat de la SDF ORL PARC que le Dr [U] s'engageait à respecter les autres articles du contrat de la société dont elle recevait copie et avait pris connaissance.

Ce dernier contrat est la pièce non produite aux débats par les intimés dont la copie produite par [B] [U] est argué de faux.

A l'examen de la pièce 3 produite par [B] [U] au titre du contrat d'associés de la SDF ORL Parc , il apparaît en effet que les caractères d'imprimerie varient selon les pages et que sur la première page, sur laquelle figure son nom en plus des 3 autres associés existant, il n'y a que deux paraphes peu lisibles mais surtout la date de l'acte est très incertaine tant sur le mois ,qui est illisible, que sur l'année, soit 2011soit 2016.

Dans les statuts ainsi produits, les modalités de réunion des assemblées générales et de dissolution de la société ne sont pas précisées. Y figurent la durée à l'article 12 et la répartition des bénéfices à l'article 9. [B] [U] évoque l'existence d'un avenant sur l'article 9 mais elle n'en justifie pas.

Forte de ces éléments probatoires des plus curieux de la part d'associés qui revendiquent des droits et obligations réciproques alors qu'il suffisait pour les parties intimées de demander communication au Conseil de l'ordre de la copie des statuts manquants, la cour d'appel ne tranchera que les demandes expressément formulées par les parties en tenant compte du peu de vigueur manifestée par les parties pour faire avancer la solution du litige et laisser le litige s'éterniser.

-sur la demande de nullité de l'assemblée générale de la SDF ORL [11] du 30 juin 2015 :

La demande apparaît formulée de façon imprécise car il s'agit d'annuler les délibérations qui ont trait à la dissolution de la société et de ses conséquences et non d'annuler l'assemblée générale qui a été régulièrement convoquée.

[B] [U] fait valoir que toute dissolution anticipée de la société qui avait une durée déterminée d'une année tacitement renouvelable était impossible sauf accord unanime des associés. Elle considère que le point de départ de la durée du contrat annuel est le 15 janvier de chaque année et que les dispositions de l'article 1872-2 du code civil ne sont pas applicables au profit de l'article 1844-7 du code civil qui prévoit les cas de dissolution. Selon elle, le terme du contrat devait conduire à une dissolution au terme du contrat et non immédiate au 30 juin 2015.

En outre, elle considère que la décision de dissolution n'a pas été prise à l'unanimité des associés. comme les textes l'exigent.

Les parties intimées considèrent que la société de fait est une notion fiscale qui n'a pas la personnalité morale et qu'à sa dissolution, l'apporteur reprend ses apports, les biens indivis pouvant être mis à la disposition de la société et les bénéfices et pertes résultant de l'activité de la société sont répartis entre associés selon l'article 1832 du code civil. Elles contestent leur intention de créer une société d'exercice libéral régie par les dispositions de l'article 1844-7 du code civil.

Par ailleurs, elles considèrent que la dissolution a été actée par procès-verbal d'assemblée générale du 10 juin 2015 à laquelle [B] [U] a participé et l'assemblée générale du 30 juin 2015 ne portait que sur les conséquences de la dissolution de la société de fait.

A l'examen des pièces produites, la cour d'appel constate que les seuls statuts produits aux débats établissent que la durée du contrat est d'un an renouvelable et non à durée indéterminée.

En effet, le seul fait que l'avenant produit en pièce 2 par chacune des parties, et qui renvoie au contrat initial dont la copie est produite par [B] [U] à défaut de diligences pertinentes de ses adversaires, prévoit une rémunération garantie de 50.000 euros annuelle les deux premières années d'exercice pour [B] [U], ne transforme pas la durée du contrat fixée à une année dans le contrat initial en contrat à durée indéterminée alors que l'avenant renvoie aux autres articles du contrat initial.

Dès lors, ne sont pas applicables les dispositions de l'article 1872 -2 du code civil qui précisent que « lorsque la société en participation est à durée indéterminée, sa dissolution peut résulter à tout moment d'une notification adressée par l'un d'eux à tous les associés, pourvu que cette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps.

A moins qu'il n'en soit autrement convenu, aucun associé ne peut demander le partage des biens indivis en application de l'article 1872 tant que la société n'est pas dissoute ».

Et à défaut de règles de majorité précisées dans les statuts produits aux débats et de stipulations contractuelles contraires, la dissolution de la société de fait ne pouvait être décidée qu'à l'unanimité des parties au contrat.

Par ailleurs, les échanges par courriels annonçaient une assemblée générale au 30 juin 2015 et non une assemblée générale au 10 juin 2015 entre associés.

La seule convocation de [B] [U] produite au dossier par LRAR, et non par courriel douteux, est une convocation au 30 juin 2015.

Le procès-verbal dressé au 10 juin 2015 ne peut donc valoir procès-verbal d'assemblée générale ordinaire et extraordinaire comme cela est curieusement présenté en pièce 17 des parties intimées alors que la feuille d'émargement est celle d'une « réunion » avec 4 associés présents sur 5 et non d'une assemblée générale comme celle du 30 juin suivant, que le format du procès-verbal, signé par le seul [O] [N], est totalement distinct de celui de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2015 régulièrement convoquée et signée par les 4 associés présents sur 5, et surtout les convocations régulières pour le 10 juin 2015 avec ordre du jour ne sont pas produites.

La cour considère que le procès verbal du 10 juin 2015 est un compte rendu d'une simple réunion, où étaient présents 4 des 5 associés, qui précise, selon l'auteur du compte rendu de la réunion, qu'il a été décidé de dissoudre la société.

[B] [U] conteste avoir adhéré à cette décision et la dissolution décidée à l'unanimité des associés ne peut lui être opposée. En effet, ne s'agissant pas d'une délibération d'assemblée générale, les associés n'ont pas été destinataires de tous les éléments d'information communiqués préalablement à chacun des associés pour être en mesure de voter concernant une délibération qui mettrait fin ou pas au pacte d'associés.

Par ailleurs, le 30 juin 2015, [B] [U] n'était pas présente et quelle que soit la lecture du procès verbal d'AG du 30 juin 2015, la décision de dissolution ne peut avoir été prise en l'absence de [B] [U] qui n'était pas davantage représentée.

Dès lors, si l'assemblée générale du 30 juin 2015 n'est pas nulle, en revanche, la délibération concernant la dissolution de la SDF ORL [11] ne découle pas d'une décision régulière des associés et n'est pas opposable à [B] [U]. L'assemblée générale du 30 juin 2015 est entachée de nullité concernant cette délibération et ses conséquences.

Les parties intimées demandent à la Cour, à titre subsidiaire, de prononcer la dissolution judiciaire de la société pour mésentente entre associés au visa de l'article 1844-7 5° du code civil et ce rétroactivement au 30 juin 2015, comme étant la date effective de séparation des comptes bancaires et, à tout le moins, que soit constatée la disparition de l'affectio societatis.

La disparition de l'affectio societatis, par suite de la mésentente des associés, constitue un juste motif de dissolution à la condition de se traduire par une paralysie du fonctionnement de la société (3e Civ., 16 mars 2011, pourvoi n° 10-15.459, Bull. 2011, III, n° 42 )

De même, la mésentente entre associés n'est une cause de dissolution de la société que dans la mesure où elle a pour effet de paralyser le fonctionnement de la société. Ainsi, il a été jugé que justifie sa décision une cour d'appel qui, pour refuser de prononcer la dissolution demandée au motif que la paralysie n'était pas démontrée, retient que la mésentente entre les associés, fussent-ils associés à parts égales, ne peut à elle seule constituer un motif de dissolution (Com., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-21.156, Bulletin 1997, IV, n° 280 ).

Il ressort des échanges de courriels que les dissensions entre associés étaient fortes sur les modalités d'exercice de l'activité et de partage des bénéfices principalement entre [B] [U] et les autres associés.

La société a poursuivi son activité avec partage des charges en dépit du fait que [B] [U] a décidé de poursuivre son activité dans la clinique [11] et de percevoir directement ses honoraires auprès des patients dès le mois de mai 2015, ce qui sera effectif le 1er juillet 2015.

Dans la mesure où l'objet du contrat de la société intitulé  « contrat d'exercice avec mise en commun des honoraires type société de fait » était de mieux assurer la permanence et la continuité des soins en partageant les honoraires sur le site de la clinique du [11] entre associés, conformément à l'article 5 sur la « mise en commun des honoraires », le fait de ne plus mettre en commun les honoraires et de ne pas partager les mêmes obligations de service qui en découlaient, paralysaient nécessairement le fonctionnement de la société de fait, faisant disparaître l'affectio societatis initial et toute poursuite de l'activité mise en place même si chaque médecin continuait à exercer son activité individuellement.

Il convient de prononcer la dissolution de la société de fait à compter du 30 juin 2015 pour justes motifs.

-sur les conséquences de la dissolution :

chaque associé reprend ses apports à la date de la dissolution et les comptes de la société de fait doivent être établis pour partager pertes et bénéfices mis en commun jusqu'au 30 juin 2015.

[B] [U] précise avoir exercé son droit de retrait le 30 janvier 2017 de la société de fait et le 31 juillet 2017 de la société civile de moyens et sollicite une expertise pour déterminer les sommes lui restant dues au titre des exercices clos au 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 et jusqu'à son retrait.

Elle demande l'application de la règle égalitaire du partage d'honoraires qui aurait été pratiquée entre associés alors que les statuts qu'elle produit ne stipulent pas cette règle de partage à l'article 9.

A titre subsidiaire, elle demande l'application de l'article 9 avec la clause de variation 10% par rapport à l'avant dernier exercice et elle demande l'application de l'article 8 sur les charges et affirme que les autres associés faisaient supporter des charges non comprises dans l'article 8 en 2014 pour 90232 euros.

De leur coté, les intimées précisent qu'ils produisent la comptabilité des exercices 2014 et 2015 dans laquelle [B] [U] n'est créancière d'aucune somme sans qu'elle précise en quoi ces pièces comptables sont fausses.

Pour les exercices 2015 et 2016, les intimées indiquent qu'il n'est pas justifié par [B] [U] qu'elle ait participé aux recettes et charges de la SDF ORL Parc en 2015 et en 2016.

Pour l'exercice 2014, comme le relève le tribunal, [B] [U] a toujours soutenu que le partage des bénéfices à parts égales avait été pratiqué jusqu'en février 2015 comme elle le sollicite en appel.

De plus, en cause d'appel comme en première instance, elle ne produit aucun élément de nature à justifier de l'existence d'une créance de la part de ses ex associés à son égard depuis 2014. Elle se borne à affirmer que les charges ont été calculées sans respecter les stipulations de l'article 8 des statuts et à indiquer le chiffre erroné de 90232 euros sans autre détails mais elle n'en justifie pas.

Pour justifier de la pertinence d'une mesure d'expertise, il appartient à [B] [U] de justifier de l'existence du principe d'une créance sur ses associés, la cour ne pouvant suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe.

Par ailleurs, pour les exercices 2015 et 2016, elle ne produit pas sa comptabilité concernant son activité. Et elle ne justifie pas davantage du principe d'une créance sur ses ex associés ni d'une fausseté des comptes de la société qu'ils ont présentés notamment concernant ses droits et obligations.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [B] [U] de sa demande d'indemnisation dans le cadre des comptes entre associés.

-sur la demande des parties intimées de dommages-intérêts pour procédure abusive :

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce ; il semble plutôt que [B] [U] se soit méprise sur l'étendue de ses droits dans le cadre du contrat d'associé dans la société de fait.

La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par les parties intimées doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

-sur les demandes accessoires :

Eu égard aux circonstances du litige opposant des associés déterminés à faire condamner leurs adversaires par tout moyen et peu rigoureux dans leurs démarches juridiques pour faire fonctionner la société qui les liait rendant plus complexe la solution du litige, chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

-infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a :

-débouté [O] [N], [R] [K], [P] [A] et [E] [W] de leur demande de prononcé de la dissolution judiciaire de la société de fait ORL PARC

-condamné [B] [U] aux entiers dépens de l'instance.

Et statuant à nouveau et y ajoutant sur l'omission de statuer du tribunal,

-constate la nullité de l'assemblée générale du 30 juin 2015 concernant lé délibération sur la dissolution de la société et ses conséquences

-prononce la dissolution de la société de fait ORL PARC à compter du 30 juin 2015 et rappelle que chaque associé reprend ses apports et que les associés partagent les pertes et bénéfices enregistrées à cette date.

-constate que [B] [U] n'établit pas qu'elle dispose d'une créance sur ses associés à cette date

- dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens de première instance et d'appel

Le greffier La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/05285
Date de la décision : 31/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-31;19.05285 ?
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