13/07/2022
ARRÊT N°529/2022
N° RG 21/03869 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OLVP
AM/IA
Décision déférée du 09 Juillet 2021 - Juge des contentieux de la protection de TOULOUSE ( 21/00082)
G.GRAFFEO
[Y] [R]
[X] [Z] ÉPOUSE [R] épouse [R]
C/
[G] [J]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU TREIZE JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTS
Monsieur [Y] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Olivier GROC, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
Madame [X] [Z] épouse [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivier GROC, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMÉE
Madame [G] [J]
[Adresse 2]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie-cécile NIERENGARTEN-MAALEM, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 31555.2021.021872 du 03/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. MAFFRE, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
A. MAFFRE, président
O. STIENNE, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par A. MAFFRE, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous seing privé du 25 août 2018, Mme [X] [Z] épouse [R] et M. [Y] [R] ont donné à bail à Mme [G] [J] un logement situé [Adresse 7] (31).
Par acte d'huissier du 22 décembre 2022, Mme et M. [Y] [R] ont fait assigner Mme [G] [J] aux fins principalement du prononcé de la résiliation du bail.
Par jugement du 9 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a notamment :
- débouté Mme [X] [Z] épouse [R] et M. [Y] [R] de leur demande de résiliation de bail,
- condamné Mme [G] [J] au paiement de la somme de 11.828,18 € au titre des loyers impayés suivant décompte arrêté au 8 avril 2021,
Vu les dispositions de l'article 1343-5 du code civil,
- ordonné le report à 20 mois du paiement de la somme de 11.828,18 € à charge pour Mme [G] [J] de reprendre le paiement de son loyer courant à compter de la date de signification de la présente décision,
- débouté Mme [X] [Z] épouse [R] et M. [Y] [R] de toute demande plus ample ou contraire,
- condamné Mme [G] [J] au paiement des dépens en ce compris le coût des commandements de payer,
-rappelé que la présente décision suspend les procédures d'exécution et que les' majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne seront pas encourues pendant ce délai,
Pour se déterminer ainsi, le juge a retenu que :
. la décision de recevabilité prise le 25 mars 2021 par la commission de surendettement, suite à la déclaration de surendettement établie par Mme [J], en faisant interdiction à la débitrice de payer une créance antérieure, a fait perdre son caractère fautif au défaut de paiement de l'arriéré locatif,
. la situation économique de la locataire justifie un report à 20 mois du paiement de l'arriéré locatif dont le décompte n'est pas contesté.
Par déclaration en date du 8 septembre 2021, M. et Mme [R] ont interjeté appel de cette décision, critiquée sur les points suivants : rejet de la demande de résiliation du bail et d'expulsion et report du paiement des arriérés de loyers.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. et Mme [R], dans leurs dernières écritures en date du 5 novembre 2021, demandent à la cour de':
- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a rejeté le demande visant au prononcé de la résiliation du bail litigieux et accordé un report de paiement de 20 mois,
Vu les dispositions des articles 6 et suivants de la loi du 6 juillet 1989 et les articles 1224 et suivants du Code Civil,
- prononcer la résiliation du contrat liant les parties aux torts exclusifs du preneur,
-ordonner l'expulsion du preneur et celle de tous occupants de son chef,
- condamner Mme [G] [J] à payer une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant égal au dernier loyer mensuel indexé charges incluses soit la somme de 638.16 € et ce jusqu'à la reprise effective des lieux par le bailleur qu'elles qu'en soient les modalités,
- condamner Mme [G] [J] à payer une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance en ce compris le coût afférent à la délivrance des commandements préalables.
M. et Mme [R] rappellent que, postérieurement au commandement de payer délivré, Mme [J] a déposé une première demande de traitement de sa situation de surendettement qui s'est soldée par un constat d'échec dans l'élaboration d'un plan amiable le 29 novembre 2020.
Ils font valoir pour l'essentiel qu'après plusieurs moratoires non respectés, la locataire ne règle toujours pas le loyer courant : sa dette a augmenté après la décision de la commission de surendettement, à raison de 1152 euros correspondant à deux mensualités impayées. Et elle ne justifie pas de démarches de relogement alors que sa solvabilité est insuffisante pour assumer un loyer de plus de 650 euros.
Ces manquements graves et répétés justifient la résiliation du contrat aux torts exclusifs du preneur, son expulsion et sa condamnation au règlement de l'arriéré.
Suivant dernières conclusions du 30 novembre 2021, Mme [J] prie la cour de :
- confirmer la décision du 9 juillet 2021 en toutes ses dispositions,
- condamner Mme et M. [R] aux entiers dépens.
Mme [J] impute les impayés à des difficultés personnelles et professionnelles à compter d'août 2019 et sollicite la confirmation de la décision déférée : la commission de surendettement a, le 25 mars 2021, déclaré recevable sa demande et imposé la suspension de l'exigibilité des dettes pour 24 mois au taux de 0%, le juge a reporté la dette à 20 mois sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil et de cette décision, et elle respecte les dispositions du jugement du 9 juillet 2021 puisqu'elle a repris le paiement du loyer.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la résiliation du bail
L'article 1728 du code civil dispose que le preneur est tenu notamment de payer le prix du bail aux termes convenus.
Cette obligation est reprise à l'article 7a de la loi du 6 juillet 1989 dans les termes suivants : "Le locataire est obligé :
a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ; le paiement mensuel est de droit lorsque le locataire en fait la demande. Le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l'article L. 843-1 du code de la construction et de l'habitation ne peut être considéré comme un défaut de paiement du locataire ;..."
Le bailleur est fondé, en application de l'article 1227 du code civil, à demander la résolution du bail en cas de manquement grave du locataire notamment à cette obligation.
Au cas particulier, les bailleurs considèrent que les moratoires non respectés, le non-paiement du loyer courant et l'augmentation de la dette en avril 2021 à raison de deux mensualités impayées, l'absence de démarches de relogement malgré une solvabilité insuffisante pour un loyer de plus de 650 euros constituent de tels manquements graves et répétés justifiant la résiliation du contrat.
Les pièces versées au dossier, particulièrement l'historique du compte locatif et des décisions de la commission de surendettement de la Haute-Garonne, montrent que :
- après un peu plus de trois mensualités impayées entre octobre 2018 et janvier 2019, et un premier commandement de payer délivré le 19 décembre 2018, les parties ont convenu d'un premier plan d'apurement, respecté jusqu'en juillet 2019, soit pendant six des sept mois convenus,
- les paiements ont été à nouveau chaotiques et incomplets dès août 2019, avec signification le 23 avril 2020 d'un deuxième commandement de payer 3927,06 euros, dénoncé à la CCAPEX le 24 avril 2020 : la locataire justifie de ce qu'elle a perçu l'ARE à compter du 29 août 2019 à hauteur de 1648 euros bruts mensuels, et des revenus imposables équivalents en 2020,
- le 30 juillet 2020, Mme [J] a bénéficié d'une décision de recevabilité de sa demande de traitement de sa situation de surendettement, lui faisant interdiction de régler ses dettes antérieures et obligation d'assumer ses charges courantes : le rejet par l'un de ses créanciers de la proposition de suspension de l'exigibilité de ses dettes pendant 24 mois a été actée par la commission de surendettement le 29 octobre 2020,
- elle a ensuite obtenu un moratoire de 24 mois imposé par la commission de surendettement le 26 juillet 2021,
- la locataire a enfin repris le paiement des loyers courants au mois d'août 2021 seulement, soit à réception du jugement déféré et au moins jusqu'en novembre 2021, avec un versement supplémentaire de 2000 euros en octobre 2021.
Il résulte de cet examen que Mme [J], entrée dans les lieux le 25 août 2018, a été en difficulté dès le troisième loyer, même si elle a pu en grande partie rattraper ce premier retard. Ses impayés ont ensuite repris en août 2019 et persisté jusqu'en juin 2021, soit une période de près de deux ans pendant laquelle Mme [J] n'a pas été sans ressources et n'a pourtant effectué que 4 versements en 23 mois, en septembre et novembre 2019 puis en juillet 2020. Or, elle n'était nullement paralysée par ses dossiers de surendettement successifs s'agissant du paiement de ses loyers courants : les décisions de recevabilité lui imposaient au contraire de ne pas aggraver son insolvabilité en ne payant pas ses charges courantes.
Dès lors, si le non-paiement de l'arriéré locatif a pu être jugé non fautif, le défaut de paiement des loyers courants pendant près de deux ans l'est. L'intimée a certes respecté ensuite ses obligations en la matière, et ce pendant au moins quatre mois en 2021, mais elle ne renseigne pas la juridiction sur une évolution favorable et éventuellement durable de sa situation professionnelle ou financière.
Il apparaît donc que le non-respect de l'obligation de payer le loyer courant, par sa longueur et au regard de la durée totale du bail, constitue un manquement grave de Mme [J] à ses obligations de locataire et justifie la résolution du contrat de bail sollicitée.
Partant, il sera fait droit aux demandes d'expulsion et de condamnation de l'intimée à payer une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant égal au loyer mensuel indexé charges incluses et ce jusqu'à la reprise effective des lieux.
Sur les délais de paiement
Le premier juge a ordonné le report à 20 mois du paiement de la somme de 11828,18 euros due par Mme [J] et ce chef de décision est frappé d'appel.
Pour autant, les appelants ne développent pas de moyens au soutien de leur demande de réformation du jugement déféré sur ce point.
Or, l'intimée bénéficie d'une suspension de l'exigibilité de ses dettes validée le 26 juillet 2021 par la commission de surendettement pour une durée de 24 mois courant du 31 août 2021 au 30 août 2023, en ce compris la dette locative prise en compte à hauteur de 10660,73 euros : cette décision implique que les revenus et charges de Mme [J] ne permettaient pas de dégager une capacité de remboursement et de prévoir un paiement échelonné de ses dettes.
Dès lors, c'est à bon escient que le premier juge a octroyé le même temps de report de la dette et, en l'absence d'éléments supplémentaires ou différents, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les frais et dépens
Mme [J] qui succombe sera condamnée aux dépens en ce non compris le coût des commandements de payer, actes non nécessaires à la présente procédure.
L'équité n'impose pas pour autant d'allouer aux époux [R] une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant dans les limites de l'appel,
Infirme partiellement la décision entreprise en ses dispositions relatives à la résiliation du bail et ses conséquences,
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation du bail en date du du 25 août 2018 liant Mme [X] [Z] épouse [R] et M. [Y] [R] à Mme [G] [J] et portant sur un logement situé lieu dit [Adresse 6],
Ordonne la libération des lieux par Mme [G] [J] et de tous occupants de son chef ainsi que de tous objets mobiliers à défaut de quoi elle pourra en être expulsée au besoin avec le concours de la force publique, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L412-1 et suivants, R 411-1 et suivants, R412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
Condamne Mme [G] [J] à payer à Mme [X] [Z] épouse [R] et M. [Y] [R] à compter du présent arrêt, une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant mensuel du loyer indexé charges comprises, et ce jusqu'à complète libération des lieux,
Rappelle qu'il est possible pour Mme [G] [J] de saisir la commission de médiation de la Haute-Garonne ([Adresse 5]), conformément aux dispositions de l'article L 441-2-3 du Code de la construction et de l'habitation,
Confirme la décision en ses autres dispositions non contraires aux présentes,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [G] [J] aux entiers dépens en ce non compris le coût des commandements de payer des 19 décembre 2018 et 23 avril 2020.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
I. ANGERA. MAFFRE