07/07/2022
ARRÊT N° 515/2022
N° RG 20/02990 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NZNC
CBB/MB
Décision déférée du 29 Septembre 2020 - Michel REDON - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTAUBAN - 19/00977
Société TOKIO MARINE EUROPE S.A
C/
S.A.S. GRAS SAVOYE GRAND SUD OUEST
S.C.I. [Adresse 10]
S.E.L.A.R.L. BENOIT & ASSOCIES
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Société TOKIO MARINE EUROPE S.A Venant aux droits de la société TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED
Société de droit étranger, prise en sa succursale française dont le siège social est situé [Adresse 4] [Localité 6], immatriculée au RCS de Paris sous le n°843 295 221
Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social.
[Adresse 2], [Localité 11]
Représentée par Me Pascal GORRIAS de la SCP BOYER & GORRIAS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Lorraine DUZER de la SELARL ADRIEN & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉS
S.A.S. GRAS SAVOYE GRAND SUD OUEST Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social.
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Louis FONTAN de la SCP COURDESSES-FONTAN, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me Marcel PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
S.C.I. [Adresse 10]
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représentée par Me Guillaume BOYER-FORTANIER de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
S.E.L.A.R.L. BENOIT & ASSOCIES es qualité mandataire liquidateur de la SARL POMMES LOMAGNE
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Laurent MASCARAS de l'ASSOCIATION ASSOCIATION D'AVOCATS MASCARAS CERESIANI - LES AVOCATS ASSOC IES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 20 Avril 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
FAITS
La SCI [Adresse 10] est propriétaire de bâtiments à usage d'entrepôts à fruits situés à [Localité 12] commune de [Localité 9] (82) dont une partie est louée à la SARL Pommes Lomagne depuis 2011, une autre partie à la Société Embalbois selon bail de 2016 et une troisième partie à la société coopérative fruitière Quercy selon bail de 2014.
Les bâtiments ont fait l'objet d'actes de vandalisme en mai 2017 à deux reprises.
La SARL Pommes Lomagne a souscrit deux assurances le 20 septembre 2017 par l'intermédiaire d'un courtier la SAS Gras Savoye':
- une police responsabilité civile auprès des MMA,
- une police multirisque industriel auprès de la SA Tokio Marine (en remplacement des MMA pour ce même type de contrat) laquelle assurait également le bâtiment loué pour le compte du bailleur.
Les 29 septembre et 2 octobre 2018, deux incendies ont détruit la totalité des bâtiments.
Par courriel du 2 octobre 2018, la SA Tokio Marine a refusé sa garantie au motif que le site n'était plus compris dans l'assiette de l'assurance depuis le 1er septembre 2018 en application d'un accord d'avril 2018.
La SARL Pommes Lomagne a été admise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire par décision du 14 novembre 2018 et la SELARL Benoit, désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Par ordonnance du 10 janvier 2019, sur assignation du 16 octobre 2018, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Montauban a ordonné une mesure d'expertise judiciaire sur les causes et conséquences des incendies, confiée à M.[D].
PROCEDURE
Par acte en date du 18 novembre 2019, la SCI [Adresse 10] a fait assigner la société de droit étranger SA Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la SELARL Benoit et Associés (liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne) et la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest (courtier d'assurance) devant le Tribunal de Grande Instance de Montauban pour obtenir la condamnation de la SA Tokio Marine Kiln Insurance Limited, assureur garantissant le bâtiment sinistré à l'indemniser de ses préjudices à hauteur de 2.179.755,17 € et, à titre subsidiaire obtenir la condamnation du courtier la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest au titre du manquement à son devoir d'information et la condamnation de la SARL Pommes Lomagne qui a omis de maintenir et renouveler l'assurance garantissant le bâtiment loué.
Par jugement contradictoire mixte en date du 29 septembre 2020, le Tribunal a':
- constaté que la compagnie Tokio Marine Europe vient aux droits de la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited,
- dit que la compagnie Tokio Marine Europe doit sa garantie à la SARL Pommes Lomagne et à la SCI [Adresse 10],
- mis la SAS Gras Savoye Grand Sud-Ouest hors de cause,
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 1.520.45 l ,65 euros HT vétusté déduite au titre de son préjudice immobilier, outre au fur et à mesure de la reconstruction la différence entre la valeur à neuf fixée à 2.147.255,17 euros HT, et la valeur vétusté déduite,
- sursis à statuer sur la demande d'indemnisation de la SCI [Adresse 10] au titre des pertes locatives, jusqu'au dépôt du rapport d`expertise de M.[D],
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SELARL Benoît & associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne, la somme de 385.473 euros HT à titre d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers,
- sursis à statuer sur le surplus des demandes d'indemnisation de la SELARL Benoît & associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne concernant son préjudice matériel, dans l'attente du rapport d'expertise judiciaire de M. [D],
- dit qu'au moins une franchise de 500.000 euros s'applique, et qu'elle devra venir en déduction des condamnations prononcées ci-dessus,
- sursis à statuer sur le point de savoir si une deuxième franchise de 500.000 euros s'applique, dans l'attente du rapport d'expertise judiciaire,
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700, l° du code de procédure civile,
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SELARL Benoît et associés, mandataire-liquidateur de la SARL Pommes Lomagne la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700, l ° du code de procédure civile,
- condamné la SCI [Adresse 10] à payer à la SAS Gras Savoye Grand Sud-Ouest la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700, l ° du code de procédure civile,
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe aux dépens de l'instance exposés jusqu'au présent jugement et accordé le droit de recouvrement direct à la SELARL Levi-Egéa-Levi qui en a fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- dans l'attente du rapport d'expertise, ordonné le retrait du rôle et dit que l'affaire sera réinscrite à la diligence des parties,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le 5 novembre 2020, la SA Tokio Marine Europe a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe de la cour. Le jugement est critiqué en ce qu'il a':
- dit que la compagnie Tokio Marine Europe doit sa garantie à la SARL Pommes Lomagne et à la SCI [Adresse 10],
- mis la SAS Gras Savoye Grand Sud-Ouest hors de cause,
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de l.520.45 l ,65 euros HT vétusté déduite au titre de son préjudice immobilier, outre au fur et à mesure de la reconstruction la différence entre la valeur à neuf fixée à 2.147.255,17 euros HT, et la valeur vétusté déduite,
- sursis à statuer sur la demande d'indemnisation de la SCI [Adresse 10] au titre des pertes locatives, jusqu'au dépôt du rapport d`expertise de M. [D],
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SELARL Benoît & associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne, la somme de 385.473 euros HT à titre d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers,
- sursis à statuer sur le surplus des demandes d'indemnisation de la SELARL Benoît & associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne concernant son préjudice matériel, dans l'attente du rapport d'expertise judiciaire de M. [D],
- sursis à statuer sur le point de savoir si une deuxième franchise de 500.000 euros s'applique, dans l'attente du rapport d'expertise judiciaire,
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700, l° du code de procédure civile,
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SELARL Benoît et associés, mandataire-liquidateur de la SARL Pommes Lomagne la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700, l ° du code de procédure civile,
- condamné la compagnie Tokio Marine Europe aux dépens de l'instance exposés jusqu'au jugement.
M.[D] a déposé son rapport le 23 décembre 2020.
Par ordonnance de référé du 23 décembre 2020, le Premier Président de la Cour d'appel de Toulouse a autorisé la SA Tokio Marine Europe à consigner les sommes de 1 520 451,65 euros HT et 385 473 euros HT entre les mains de la caisse des dépôts et consignations.
La clôture des débats a été reportée au 6 décembre 2021.
A la suite du dépôt du rapport de M. [D] le 23 décembre 2020 et le 22 mars 2022, le tribunal judiciaire a rendu sa décision vidant les sursis à statuer. Appel de cette décision a été relevé le 8 avril 2022 par la SCI [Adresse 10].
Par conclusions du 7 avril 2022, la SA Tokio Marine Europe, a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture en raison du jugement du tribunal judiciaire de Montauban du 22 mars 2022. Elle maintient l'intégralité de ses précédentes demandes. Toutefois, elle soutient que les conclusions définitives de l'expert fournissent les éléments nécessaires à la discussion sur appel de ce jugement sachant que le tribunal a débouté la SCI [Adresse 10] de ses demandes au titre des pertes locatives et du préjudice matériel et a débouté la SARL Pommes Lomagne de sa demande d'indemnisation du préjudice matériel'; en outre le tribunal a considéré qu'il y avait 2 sinistres incendie de sorte qu'il fallait appliquer deux franchises de 500 000 €. Ce jugement constitue la cause grave exigée par l'article 803 du code de procédure civile.
A l'audience du 20 avril 2022 à laquelle l'affaire a été appelée à être plaidée, la cour, après s'être retirée et en avoir délibéré, a rejeté la demande de rabat de l' ordonnance de clôture et déclaré irrecevables les conclusions du 7 avril 2022 déposées après la clôture des débats, considérant que cette nouvelle circonstance n'était pas de nature à modifier les termes du débat porté devant elle et insusceptible de constituer une cause grave. De sorte que les débats se sont poursuivis sur la base des conclusions ci- dessous rappelées.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SA Tokio Marine Europe, dans ses écritures en date du 29 novembre 2021, demande à la cour, au visa des articles1103 du code civil et L112-2 alinéa 5 du Code des assurances, de':
- infirmer le jugement du 29 septembre 2020 en ce qu'il a :
*dit que la compagnie Tokio Marine Europe doit sa garantie à la SARL Pommes Lomagne et à la SCI [Adresse 10],
*mis la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest hors de cause,
*rejeté l'application de la clause 4.1.4.2 des conventions spéciales de la police,
*condamné la Compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 1.520.451,65 euros HT vétusté déduite au titre de son préjudice immobilier, outre au fur et à mesure de la reconstruction la différence entre la valeur à neuf fixée à 2.147.255,17 euros HT, et la valeur vétusté déduite,
*sursis à statuer sur la demande d'indemnisation de la SCI [Adresse 10] au titre des pertes locatives, jusqu'au dépôt du rapport d'expertise de M. [D],
*condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer à la SELARL Benoit & Associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne, la somme de 385.473 euros HT à titre d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers,
*sursis à statuer sur le surplus des demandes d'indemnisation de la SELARL Benoit & Associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne concernant son préjudice matériel dans l'attente du rapport d'expertise,
*sursis à statuer sur le point de savoir si une deuxième franchise de 500.000 euros s'applique, dans l'attente du rapport d'expertise judiciaire,
*condamné la compagnie Tokio Marine Europe à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à :
- la SCI [Adresse 10] la somme de 3 000 euros,
- la SARL Pommes Lomagne la somme de 2 000 euros,
*condamné la compagnie Tokio Marine Europe aux dépens de l'instance exposés jusqu'au jugement et accordé le droit de recouvrement direct à la Selarl Levi-Egea-Levi qui en fait la demande conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau, à titre principal, sur le périmètre de la garantie Tokio Marine :
- débouter la SARL Pommes Lomagne représentée par la Selarl Benoît & associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne ainsi que la SCI [Adresse 10] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la SA Tokio Marine Europe,
- mettre hors de cause la SA Tokio Marine Europe,
- rejeter toutes demandes fins et conclusions formulées contre la SA Tokio Marine Europe,
à titre subsidiaire, sur la mise hors de cause du courtier, la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest':
- infirmer le jugement en ce qu'il a mis le courtier hors de cause';
Sur L'application de la Clause 4.1.4.2 des Conventions Spéciales de la Police :
- infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la clause d'inoccupation n°4.1.4.2 des conventions spéciales de la police,
- débouter la SCI [Adresse 10] de sa demande d'indemnisation en valeur à neuf des dommages immobiliers ;
- limiter le montant des dommages immobiliers à la valeur économique du bâtiment, soit à la somme de 850 000 € ;
- rejeter toute demande de condamnation de la société Tokio Marine Europe supérieure à la somme de 850 000 € au titre des dommages immobiliers ;
sur l'indemnisation des dommages mobiliers':
- infirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur le surplus des demandes d'indemnisation de la SELARL Benoît & associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne concernant son préjudice matériel dans l'attente du rapport de l'Expert Judiciaire,
par conséquent,
- débouter la SARL Pommes Lomagne représentée par la SELARL Benoît & associés (en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne) et la SCI [Adresse 10], de toute demande d'indemnisation de la ligne de conditionnement en ce qu'elle est dirigée contre la société Tokio Marine Europe ;
- débouter la SARL Pommes Lomagne représentée par la SELARL Benoît & associés (en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne) et la SCI [Adresse 10] de toute demande d'indemnisation au titre des chambres froides et du système frigorifique en ce qu'elle est dirigée contre la société Tokio Marine Europe ;
- débouter la SARL Pommes Lomagne représentée par la SELARL Benoît & associés (en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne) et la SCI [Adresse 10] de toute autre demande ;
sur la demande au titre des pertes locatives':
- infirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur les pertes locatives dans l'attente du rapport de l'Expert Judiciaire,
- juger n'y avoir pas lieu à sursis,
- juger que le site de la [Localité 12] ne faisant l'objet d'aucun contrat de bail au moment des sinistres incendies des 29 septembre et 2 octobre 2018.
par conséquent,
- débouter la SCI [Adresse 10] de sa demande au titre des pertes locatives
sur la franchise contractuelle de 500.000 euros par sinistre':
- confirmer le jugement en ce qu'il a fait application d'une franchise de 500.000 euros,
- infirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur l'application d'une deuxième franchise dans l'attente du rapport de l'expert judiciaire,
- juger qu'il y a lieu de faire application deux franchises prévue à la police, d'un montant total de 1.000.000€, soit 500 000 € par sinistre,
en tout état de cause,
- condamner tout succombant à verser à la société Tokio Marine Europe la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Boyer & Gorrias.
Elle soutient':
- l'exclusion de garantie du site [Localité 12] :
*le site a été détruit par des actes de vandalisme en 2017': il n'était donc plus exploité et le bail était résilié de plein droit de sorte que la SARL Pommes Lomagne a exprimé le souhait lors de la visite des lieux en avril et, mai puis en juin 2018 d'exclure ce site de la garantie, ce qui a été acté par le courtier SAS Gras Savoye par courriel du 29 juin 2018 à effet au 1er septembre 2018 (date du renouvellement contractuel) transmis à l'assureur'; la volonté de l'assuré a donc été clairement exprimée ; la preuve de la modification du contrat d'assurance peut être rapportée selon les règles de droit commun': ici la volonté de la SARL Pommes Lomagne a été exprimée par l'intermédiaire de son courtier en sa qualité de mandataire de l'assuré'; et cette modification a été acceptée par la suite par l'assureur suivant courriel du 2 octobre 2018 qui vaut acceptation bien que postérieure au sinistre en application de l'article L 112- 2 alinéa 5 du code des assurances, dès lors que l'assureur n'a pas refusé la proposition dans les 10 jours après qu'elle lui est parvenue'; le silence de l'assureur vaut consentement à compter de la demande de l'assuré'; il n'était donc pas besoin d'un avenant signé.
*le tribunal a considéré que l'appel de la prime et son paiement valaient maintien du contrat dans les conditions initiales (soit hors restriction d'assiette)'; or, la validité du contrat n'est pas fonction du montant de la prime ; et en l'espèce, la SARL Pommes Lomagne n'a pas demandé la modification du montant de sa prime'; ce critère ne peut contredire l'accord des parties sur la modification du périmètre de la garantie.
- Subsidiairement, la responsabilité du courtier SAS Gras Savoye est engagée pour manquement à son obligation d'information et de conseil en raison de l'inadaptation des garanties.
- Sur l'indemnisation des dommages immobiliers de la SCI [Adresse 10] :
*l'article 4.1.4.2 des conventions spéciales du contrat d'assurance limite l'indemnisation des dommages immobiliers à la valeur vénale en cas d'inoccupation et de non-gardiennage du bien assuré'(2 conditions cumulatives) ;
*le tribunal ne pouvait donc admettre une indemnisation selon la valeur à neuf déduction faite de la vétusté en l'absence de preuve d'une occupation des lieux
*le défaut de gardiennage est rapporté par l'expertise [D].
- Sur le rejet du sursis à statuer
*sur la Perte des loyers, le tribunal a retenu le principe de la perte Locative et sursis à statuer sur son étendue alors qu'il disposait des éléments lui permettant de statuer sans nécessité de recourir à un débat technique'; Le bail n'avait pas survécu comme il est démontré par l'absence de quittance';
*sur les dommages matériels de la SARL Pommes Lomagne:
le tribunal a fait droit à la demande d'indemnisation de la ligne de conditionnement et sursis à statuer sur les autres dommages matériels mais ces demandes ne sont pas fondées dès lors que ce matériel a été dégradé par les actes de vandalisme et qu'il n'avait pas été réparé avant les incendies'; or la SARL Pommes Lomagne avait été indemnisée par son précédent assureur les MMA,
*sur le nombre de franchises applicables:
- le site a fait l'objet de deux incendies différents les 29 septembre où seule une partie des bâtiments a été détruite et 2 octobre 2018 où l'ensemble des hangars a été détruit,
- la clause de globalisation de l'article 1. 8 n'est pas applicable,
- il n'était pas besoin de surseoir à statuer sur ce point, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un débat technique mais d'un débat juridique,
- et la cour peut trancher ce point,
- l'article L 124-1-1 sur les sinistres sériels ne s'applique pas aux assurances de dommages.
La SARL Pommes Lomagne représentée par Maître [V] ès-qualité liquidateur judiciaire, dans ses dernières écritures en date du 29 novembre 2021, demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1722 et suivants du Code Civil et L.112-3 du Code des Assurances, de':
à titre principal :
- confirmer purement et simplement le jugement de première instance ;
- renvoyer les parties devant le Tribunal s'agissant des postes ayant fait l'objet d'un sursis à statuer ;
à titre subsidiaire, si la Cour estime qu'il y a lieu de statuer sur les postes réservés par le Tribunal en l'attente du dépôt du rapport d'expertise :
- débouter la SA Tokio Marine Europe de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens ;
- dire qu'une seule franchise s'applique ;
- condamner la SA Tokio Marine Europe à verser à la SARL Pommes Lomagne la somme de 1.470.192, 51 € en réparation des dommages causés aux mobiliers nécessaires à son exploitation ;
à titre très subsidiaire, si la Cour jugeait que [Localité 12] n'était plus assuré par la SA Tokio Marine Europe :
- juger que la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest a engagé sa responsabilité en manquant à son obligation d'information et de conseil ;
- condamner la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest à payer à la SARL Pommes Lomagne la somme de 1.470.192, 51 € pour la perte du matériel subi par la SARL Pommes Lomagne ;
en tout état de cause :
- débouter la SA Tokio Marine Europe, la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest et la SCI [Adresse 10] de l'ensemble de leurs demandes, fins et moyens formés à l'encontre de la SARL Pommes Lomagne ;
- condamner la SA Tokio Marine Europe et la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest à verser à la SARL Pommes Lomagne la somme de 12.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont les frais d'expertise judiciaire.
Elle s'oppose à l'évocation s'agissant d'un jugement mixte.
Elle soutient que':
Sur le périmètre de la garantie
- la police multirisque industrielle conclue auprès de la SA Tokio Marine a été reconduite le 1er septembre 2018 et la prime appelée de 26'602,84 € a été payée'; les discussions sur la réduction du périmètre assuré n'avaient pas abouties'; aucun avenant n'a été signé conformément à l'article L 112-3 s'agissant de la restriction d'une garantie'; par ailleurs, il n'est justifié d'aucune manifestation de sa volonté de modifier la garantie': les visites des sites en avril 2018 et les propos qui ont été tenus ne sont pas engageants alors qu'elle était toujours locataire du site'; et l'annexe de la facture de prime mentionne bien le site de [Localité 12]'de même que le courrier du 23 août 2018 du courtier qui contredit les courriels de mai et juillet 2018'; la preuve n'est pas non plus rapportée de sa volonté de réduire le périmètre de la garantie ; le montant de la prime est restée inchangée et le 20 novembre 2018 l'assureur déclarait sa créance à la liquidation judiciaire'; l'article L 112-2 al5 ne trouve pas à s'appliquer en l'absence de demande de modification par l'assuré,
- les déclarations de sinistre des deux incendies ont été faites auprès du courtier la SAS Gras Savoye
Sur la franchise
- Il y a lieu à la globalisation des deux franchises qui se rattachent au même fait générateur (L 124-1-1)'; sont considérés comme un seul et même sinistre l'ensemble des dommages survenus dans les 72 heures ce qui est le cas en l'espèce'; les deux bâtiments sont contigus': le premier incendie a ravagé celui de droite et le second celui de gauche';
- quant à la répartition de la charge des franchises, dans le silence du contrat, il convient de considérer s'agissant d'une assurance pour compte que, tant la SCI [Adresse 10] que la SARL Pommes Lomagne ont la qualité d'assuré'; de sorte que la franchise sera déduite du montant des préjudices indemnisés par l'une et par l'autre.
Sur les demandes de la SCI [Adresse 10]
- il n'y a pas défaut d'assurance mais opposition d'une exclusion de garantie': l'assureur en effet, reconnaît implicitement que le sinistre entre dans l'objet du contrat mais oppose une restriction quant à l'étendue de la garantie'; de sorte que la bailleresse ne peut se prévaloir d'un manquement du preneur à son obligation de s'assurer,
- et la présomption légale de responsabilité du preneur est exclue dès lors que l'incendie est d'origine criminelle.
Sur la réparation des préjudices
* la SCI [Adresse 10] a subi un préjudice immobilier évalué par les experts amiables à 2.147.255,17 €'; seule la valeur à neuf doit être considérée et non pas la valeur économique de l'immeuble (art 4.1.4.2)' s'agissant de bâtiments occupés tels que défini à l'article 2.1.2';
* la SARL Pommes Lomagne a subi des dommages mobiliers': centrale réfrigérée, chambre froide, matériels ; elle a été indemnisée par les MMA mais ne pouvait procéder au remplacement qu'après réparation de l'immeuble et notamment des opérations de désamiantage ; par ailleurs, le matériel n'avait été qu'endommagés par le vandalisme'; or, les incendies les ont totalement détruits'; elle doit donc être indemnisée de ces pertes'; il convient allors de faire application de l'article 4.1.3.2 et non de l'article 1.17.17 (absence d'entretien)'; elle produit des devis de remplacement';
Subsidiarement sur la responsabilité du courtier la SAS Gras Savoye
Articles L 511-1 et L521-4 du code des assurances
- la responsabilité du courtier est engagée en raison d'un manquement à son devoir de conseil et d'information';
- dès lors qu'elle occupait toujours le local elle avait intérêt à le voir assuré'; le courtier aurait dû proposer une garantie complémentaire,
- le préjudice s'analyse en une perte de chance totale.
La SCI [Adresse 10], dans ses dernières écritures en date du 26 novembre 2021, demande à la cour, au visa des articles L112-3 alinéa 5 et L521-1 paragraphe I du Code des assurances, 1103, 1104, 1231-1, 1231-2 et 1733 du Code civil, de':
à titre principal,
- constater que le contrat d'assurance souscrit par la SARL Pommes Lomagne auprès de la SA Tokio Marine Europe n'a fait l'objet d'aucune modification expressément acceptée par l'assuré ;
- constater que ledit contrat a fait l'objet d'un renouvellement le 23 août 2018 soit avant la survenance du sinistre ;
- dire et juger que les locaux avant le sinistre n'étaient pas désaffectés ou inoccupés au sens de la définition contractuelle de l'article 2.1.2 de la police';
- dire et juger que les conditions d'application de la clause 4.1.4.2 des conventions spéciales de la police ne sont pas remplies';
- dire et juger que la cour d'appel ne peut pas évoquer les points non jugés ayant donné lieu à la décision de sursis';
en conséquence,
- confirmer le jugement du 29 septembre 2020 en ce qu'il a dit que la SA Tokio Marine Europe doit sa garantie à la SCI [Adresse 10];
- confirmer le jugement du 29 septembre 2020 en ce qu'il a fixé l'indemnité des dommages immobiliers à la valeur à neuf';
- confirmer le jugement du 29 septembre 2020 en ce qu'il a ordonné un sursis à statuer sur l'indemnisation de la perte locative et le point de savoir si une seconde franchise de 500.000 € devait s'appliquer dans l'attente du rapport d'expertise judiciaire ;
ce faisant ;
- condamner la SA Tokio Marine Europe à verser à la SCI [Adresse 10] la somme de 1.520.451,65 € HT vétusté déduite au titre de son préjudice immobilier outre au fur et à mesure de la reconstruction la différence entre la valeur à neuf fixée à 2.147.255,17 € HT et la valeur vétusté déduite';
- ordonner l'actualisation de la somme de 2.147.255,17 € HT sur la base de la variation de l'indice Risque industriel contractuellement prévu et des Pertes indirectes forfaitaires garanties, soit un total revalorisé à 2.472.285,19 € HT, outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à venir';
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 11343 et suivants du Code Civil';
à titre subsidiaire,
- dire et juger que la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SCI [Adresse 10], bénéficiaire de l'assurance pour compte, dans le cadre de l'exécution de son contrat de mandat et pour manquement à son devoir d'information ;
en conséquence
- infirmer le jugement du 29 septembre en ce qu'il a mis hors de cause la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest ;
- infirmer le jugement du 29 septembre 2020 en ce qu'il a condamné la SCI [Adresse 10] à payer à la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC';
- condamner solidairement la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest à verser à la SCI [Adresse 10] la somme de 2.472.285,19 € HT au titre de ses préjudices immobiliers;
à titre infiniment subsidiaire, et dans l'hypothèse ou par impossible la Cour mettrait hors de cause la société Tokio Marine Europe et la SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest,
- dire et juger que la SARL Pommes Lomagne a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SCI [Adresse 10] en omettant de maintenir et renouveler une assurance garantissant le bâtiment loué contre l'incendie pendant toute la durée du bail;
- fixer au passif de la SARL Pommes Lomagne la créance de la SCI [Adresse 10] à la somme de 2.472.285,19 € HT ;
en tout état de cause,
- rejeter toutes demandes fins et conclusions formulées contre la SCI [Adresse 10]
- condamner tout succombant à verser à la SCI [Adresse 10] la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SELALR Coteg & Azam;
- déclarer l'arrêt à venir commun et opposable à Maître [V] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagnes ;
Elle soutient que':
- la SA Tokio Marine a accepté de garantir les lieux en toute connaissance des actes de vandalisme précédents,
- pour pouvoir procéder aux travaux de réparation qui devaient débuter en septembre 2018 elle a demandé à ses locataires de libérer les lieux'; les incendies ont eu lieu à ce moment-là,
- l'assureur oppose un refus de garantie sur la base d'un échange de courriels dont elle n'a jamais eu connaissance et alors que les polices d'assurance ont été renouvelées le 1er septembre 2018 suivant courrier du 23 août 2018 du courtier sur un périmètre comprenant expressément le bâtiment sur la base d'une prime inchangée et alors que l'assuré n'a signé aucun avenant restrictif,
- elle n'a plus reçu aucun loyer depuis octobre 2018 ce qui l'a placée dans une situation financière très délicate et alors que la déclaration de créance à la liquidation judiciaire de la SARL Pommes Lomagne était rejetée,
- dès le dépôt du rapport d'expertise définitif en décembre 2020 elle a demandé la réinscription de l'affaire devant le tribunal judiciaire,
- Sur la garantie de la SA Tokio Marine
Le risque incendie est garanti'; par courrier du 23 août 2018 le contrat a été renouvelé à compter du 1er septembre 2018, le renouvellement comprend expressément le bâtiment de [Localité 12]; le mail du 2 octobre 2018 de l'assureur est postérieur au sinistre et ne vaut pas acceptation d'une quelconque restriction par ailleurs non sollicitée par l'assuré lui-même'; aucune pièce ne démontre l'échange de consentement quant à la restriction de garantie': la visite du 25 avril 2018 et les constatations qui ont été relevées ne concernent pas le site de [Localité 12]';; la prime a été payée conformément à la demande.
-Subsidiairement la responsabilité du courtier est engagée
Il savait que le contrat souscrit auprès des MMA ne garantissait que les dommages aux tiers en excluant l'incendie, le courtier n'a pas invité la SARL Pommes Lomagne à s'assurer à titre complémentaire'; et il a relayé auprès de l'assureur une information erronée quant au périmètre de la garantie du bien sinistré
- À titre plus subsidiaire encore la responsabilité de la SARL Pommes Lomagne est engagée
L'article 9 du bail commercial exige du preneur qu'il assure contre l'incendie les biens loués.
Sur la décision de sursis à statuer
- la cour ne dispose pas de la faculté d'évocation des demandes objet d'un sursis à statuer dans une décision mixte,
- dans le cas contraire elle devrait mettre les parties en mesure de conclure sur ces points';
Sur l'évaluation des préjudices
- l'indemnisation des dommages immobiliers doit être faite suivant la valeur à neuf, et non suivant l'avis de valeur vénale immobilière,
- depuis les actes de vandalisme, le bâtiment était exploité de façon discontinue, il n'était donc pas inoccupé au sens de la clause 4.1.4.2.
La SAS Gras Savoye Grand Sud Ouest, dans ses dernières écritures en date du 7 avril 2021, demande à la cour de':
- dire et juger que la demande de réduction du périmètre des garanties a été formulée par l'assurée elle-même, directement auprès de l'assureur ce que l'assureur ne conteste pas,
- en conséquence, dire et juger que ne saurait être imputé à faute du courtier d'avoir soi-disant demandé de lui-même une réduction du périmètre des garanties,
- dire et juger que l'assureur ne saurait être entendu lorsqu'il vient soutenir qu'une réduction des garanties d'une telle importance pouvait intervenir sans une importante réduction de la prime et qu'en tout état de cause cette prime pouvait rester inchangée,
- dire et juger que le calcul de la prime est exclusivement du ressort de l'assureur,
- dire et juger qu'en appelant la prime, le courtier intervient comme mandataire du seul assureur dans le cadre d'un mandat de recouvrement de prime,
- dire et juger, en tant que de besoin, que la bonne exécution de ce mandat a été confirmée par le mandataire qui a déclaré sa créance à hauteur de la prime appelée par son mandataire,
- dire et juger qu'aucune faute ne saurait être imputée à la concluante,
- confirmer le jugement en ce qu'il a mis la concluante hors de cause,
- débouter la SCI [Adresse 10] et la SARL Pommes Lomagne de toutes leurs demandes fins et conclusions en ce qu'elles sont portées contre la concluante,
- à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que le préjudice des demanderesses serait limité aux indemnités contractuelles pouvant être mise à la charge de l'assureur, et faire application d'une perte de chance,
- condamner tout succombant à payer à la concluante une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- condamner tout succombant en tous les dépens.
Elle soutient que':
- la SARL Pommes Lomagne a expressément sollicité l'exclusion du site [Localité 12] du périmètre de la garantie à compter du 1er septembre 2018 date du renouvellement du contrat d'assurance, lors d'une visite de risque du 25 avril 2018 acté suivant courriel du 29 mai 2018'; il en résulte bien un échange de consentement sur la réduction du périmètre de la garantie'; cette demande de réduction a été formulée en raison du fait que le bail allait être résilié ce qui était justifié par l'inexploitation du bâtiment'; et la SARL Pommes Lomagne n'a jamais démenti le mail du 29 juin 2018 rappelant la réduction de garantie,
- les lieux n'étant plus exploités il ne peut être invoqué aucune perte de loyer,
- elle conteste toute responsabilité': l'absence d'avenant relève de la responsabilité de l'assureur'; l'article L 112-2 ne lui est pas opposable en l'absence de lettre recommandée émanant de l'assuré ou de son mandataire sollicitant la réduction des garanties'; l'assureur n'a pas modifié le montant de sa prime ce qui signifie qu'il n'a pas modifié le périmètre de ses garanties'; en envoyant l'appel de prime à l'assuré le courtier n'a pas agi comme mandataire de l'assuré mais comme mandataire de l'assureur car c'est à l'assureur de calculer et d'appeler la prime'; et la nouvelle tarification n'a pas été exposée à l'assuré par l'assureur,
- Sur les préjudices': il reprend les explications de l'assureur.
MOTIVATION
Sur le périmètre de la garantie
La SARL Pommes Lomagne a souscrit par l'intermédiaire du courtier Gras Savoye' le 20 septembre 2017 pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, une police multirisque industrielle n° FR016889PB auprès de la SA Tokio Marine, laquelle assure également le bâtiment loué pour le compte du bailleur situé à [Localité 12] (Castelsarrazin) comme visé à l'article A3 «'Situation du risque'» des conditions particulières. Le risque incendie est garanti (article A5).
Le contrat a été renouvelé suivant acceptation transmise par le courtier Gras Savoye du 23 août 2018 pour la période du 1er septembre au 30 novembre 2018.
La SARL Pommes Lomagne a déclaré le 1er octobre 2018 un premier incendie de ce bâtiment survenu le 29 septembre, puis un second le 3 octobre 2018 intervenu dans la nuit précédente.
Par courriel du 2 octobre 2018, le courtier Gras Savoye faisait connaître le refus de garantie en ces termes «Nous déclarons le sinistre à votre assureur mais vous confirmons notre entretien téléphonique selon lequel cet incendie ne sera pas garanti. Conformément à ce qui a été convenu et repris dans les mails de [M] [B] (Gras Savoye) des 29 mai et 29 juin 2018 joints en annexe, le site de [Localité 12] n'est plus garanti à compter du renouvellement du 1er septembre 2018».
Aux termes de ces deux courriels, M. [B] courtier salarié de la SAS Gras Savoye, dont la SARL Pommes Lomagne reconnaît dans ses écritures (page 45) qu'il est son mandataire, indiquait':
- mail du 29 mai': «comme évoqué ce jour, la compagnie prend acte que les sites de Socavam et [Localité 12] ne feront plus partie du périmètre assurable à compter du 1er septembre 2018»,
- mail du 29 juin':«' ... je vous précise également qu'à compter du 1er septembre 2018 les sites de Socavam et [Localité 12] ne seront plus garantis par le contrat n° FR016889PB»
L'article L112-3 alinéa 5 du code des assurances dispose que «Toute addition ou modification au contrat d'assurance primitif doit être constatée par un avenant signé des parties». Et en son dernier alinéa le texte prévoit qu'avant même la délivrance d'une police ou d'un avenant, les parties peuvent être engagées par la remise d'une note de couverture.
Par ailleurs, la preuve du contrat ou son avenant peut être également rapportée dans les conditions prévues par les articles 1361 et 1362 du code civil. Mais, il appartient à l'assureur de rapporter la preuve de la remise des documents, leur prise de connaissance et leur acceptation.
En l'espèce, il est constant qu'il n'a été établi aucun avenant, ni note de couverture. La SA Tokio Marine soutient toutefois que la modification des termes du contrat relève de la volonté de la SARL Pommes Lomagne exprimée par la voix de son courtier dans les deux courriels sus-visés, s'exprimant en qualité de mandataire de l'assuré. Selon l'assureur, cette modification résultait du fait que les lieux ayant subi des dégradations volontaires importantes en 2017 antérieurement aux incendies, le bail n'était plus exploitable et avait été de plein droit résilié. Et la SA Tokio Marine soutient qu'elle a accepté cette modification «de manière tacite par son silence avant de faire l'objet d'une acceptation expresse».
Or, ces courriels sont destinés exclusivement à la SARL Pommes Lomagne et son dirigeant M. [O] [J] et non pas à l'assureur, ni même à la SCI [Adresse 10]'; s'ils expriment la volonté de l'assuré par la voix du courtier, ils ne sont pas validés par l'assureur qui ne justifie pas en avoir accusé réception. En effet, la mention du courriel du 29 mai suivant laquelle «la compagnie prend acte que les sites de Socavam et [Localité 12] ne feront plus partie du périmètre assurable à compter du 1er septembre 2018» n'est que l'expression du courtier et non de l'assureur lui-même dont il n'est pas justifié qu'il était son mandataire spécialement pour cette opération et qui donc ne peut parler ni s'engager en son nom.
De sorte qu'il ne peut être affirmé que la réduction du périmètre de l'assurance par l'exclusion du site de [Localité 12] a été transmise à l'assureur. Et, dès lors, l'acceptation tacite opposée par l'assureur, fondée sur l'article L 112-2 al5 du code des assurances suivant lequel «la demande de modification du contrat d'assurance par l'assuré, si l'assureur ne la refuse pas dans les 10 jours après qu'elle lui soit parvenue, est considérée comme acceptée» ne trouve pas à s'appliquer dès lors qu'il n'est pas justifié qu'une demande de modification soit parvenue à l'assureur à une date précise permettant de computer le délai de 10 jours et encore, suivant les formes légales visées par ce même texte, soit une lettre recommandée avec accusé de réception ou par envoi électronique.
Au demeurant, la modification d'un contrat d'assurance n'est parfaite qu'au jour de la rencontre de volonté de l'assureur et de l'assuré. En l'espèce, il n'est produit aucune acceptation expresse par l'assureur d'une modification des conditions initiales du contrat, le seul courrier produit du 2 octobre 2018, établi postérieurement aux sinistres, ne peut valoir acceptation de la modification valant exclusion de garantie d'un risque déjà réalisé.
Voire, suivant courrier du 23 août 2018 l'assureur a sollicité le paiement de la prime aux mêmes montant et conditions que l'année précédente soit 26 602,84€ TTC pour le site de [Localité 12] concerné, expressément visé. La mention in fine de ce courrier «Merci de nous indiquer si les sites de Socavam et [Localité 12] ont bien été vendus» n'emporte aucun effet juridique et donc aucun effet restrictif de la garantie mais démontre au contraire que la modification envisagée n'en était qu'au stade de projet voire soumise à la condition de la vente (ou d'une nouvelle location ainsi qu'il est indiqué dans les conclusions de l'assureur).
Dans ces conditions, le tribunal sera confirmé en ce qu'il a dit que la preuve n'était pas rapportée de l'accord de volontés d'une modification du contrat destinée à exclure le site de [Localité 12] de l'assiette de la garantie incendie.
Sur la responsabilité du courtier la SAS Gras Savoye
La SA Tokio Marine soutient «la responsabilité du courtier à l'égard de l'assuré qu'il représente pour «manquement à son obligation d'information et de conseil notamment en cas d'inadaptation des garanties».
Ainsi, d'une part, la SA Tokio Marine n'invoque pas la responsabilité du courtier en raison d'une faute commise à son encontre mais la responsabilité du courtier pour une faute commise à l'encontre de l'assuré. Sa demande doit donc être rejetée.
Et, d'autre part, la SARL Pommes Lomagne et la SCI [Adresse 10] sollicitent à titre principal la garantie de l'assureur la SA Tokio Marine'; or, dès lors qu'il est fait droit à cette demande, il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire en responsabilité du courtier à l'égard de l'assuré dont il est le mandataire, ni par voie de conséquence, la responsabilité de la locataire la SARL Pommes Lomagne à l'égard de sa bailleresse la SCI [Adresse 10].
Sur l'indemnisation des préjudices
Les dommages immobiliers
Le contrat multirisque professionnelle garantit les bâtiments et risques locatifs, les matériels et mobiliers, les marchandises et la marge brute.
La SA Tokio Marine soutient qu'il doit être fait application de la clause 4.1.4.2 des conventions spéciales du contrat d'assurance relative à la limitation de l'indemnisation des dommages immobiliers à la valeur vénale en cas d'inoccupation et de non-gardiennage du bien assuré, soit en l'espèce, à la somme évaluée par le cabinet Polyexpert le 29 avril 2020 à 850.000 €, qui a été augmentée des frais de déblais et de démolition et diminuée de la valeur du terrain'; l'inoccupation et le défaut de gardiennage constituant selon elle des conditions cumulatives':
- sur l'inoccupation': elle explique que c'est à tort que le premier juge a dit que les lieux étaient utilisés à titre de stockage d'emballage. En effet, elle fait valoir que le bail avait été résilié automatiquement du fait de leur destruction lors des actes de vandalisme (article 11 du bail et 1722 du code civil), qu'ils étaient inoccupés au sens de l'article 2.1.2 des conditions particulières puisqu'il n'avait pas été procédé aux travaux de réhabilitation comprenant des travaux de désamiantage et des travaux en toiture et que les procès verbaux de police visent des lieux désaffectés. Et l'expert lui-même a mentionné l'état d'abandon des lieux à la suite des faits de vandalisme du bâtiment en 2017 qui n'étaient plus alimentés en eau et électricité ne permettant donc plus leur exploitation mais seulement un usage de dépôt, ce qui ne caractérise pas une occupation effective. Les équipements laissés sur les lieux étaient abandonnés et M. [G], gérant d'Embalbois, atteste même que la prestation de stockage avait cessé après les actes de vandalisme.
- sur l'absence de mesures de gardiennage, seconde condition cumulative, elle soutient qu'elle ressort clairement des constatations de l'expert.
La SARL Pommes Lomagne réplique que les lieux étaient occupés'; ils pouvaient être utilisés en l'état et ne nécessitaient pas de travaux importants pour remplir leurs fonctions qui était le conditionnement et l'entreposage comme prévu au bail'; il s'agissait d'une occupation non continue au regard de l'activité saisonnière du stockage des pommes'; l'activité de stockage a été constatée par huissier en juin et juillet 2020'; le retard dans l'exécution des travaux à la suite des actes de vandalisme s'explique par des problèmes d'organisation et ne signifie pas l'abandon des lieux'; l'absence d'alimentation électrique n'a duré que 15 jours'; l'absence de mise en place d'un plan de prévention des risques est indifférente'; elle occupait matériellement les lieux mais également juridiquement en sa qualité de locataire'; en effet, le bail n'a pas été résilié à la suite des actes de vandalisme en l'absence de destruction de la structure de l'immeuble (art 11 du bail) qui était toujours fonctionnelle pour stocker du matériel et des produits d'emballage conformément à sa destination contractuelle de conditionnement'; et elle rapporte la preuve du paiement d'un loyer de 2500 €, peu importe l'absence de quittance.
La SCI [Adresse 10] soutient quant à elle, la même position que sa locataire: s'il est exact que les lieux n'étaient pas exploités de façon continue au jour du sinistre, ils n'étaient pas inoccupés'; la partie stockage était en état d'être utilisée et ne nécessitait que de menus travaux, l'ensemble du matériel de la SARL Pommes Lomagne et ses stocks d'emballage ainsi que ceux de la société Embalbois et de la coopérative Quercy sont restés sur site'; les travaux de désamiantage ont été retardés en raison de la perception très tardive en mai 2018 de l'indemnité d'assurance et de l' accord de l'assureur'; il importe peu que la facturation des loyers ait été suspendue à l'égard de la Coopérative du Quercy et d'Embalbois, dès lors que le bail n'était pas résolu'; la condition de la présence de gardiennage n'a pas été exigée lors de la conclusion du contrat d'assurance trois mois après les faits de vandalisme le 20 septembre 2017 et l'assureur a accepté les lieux tels qu'ils se présentaient. Enfin, l'expert n'est intervenu que 7 mois après les faits en avril 2019.
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L'article A10 des conditions particulières qui prévoit que l'indemnisation s'effectue en valeur à neuf renvoie à l'article 4.1.4.2 qui dispose que lorsque le bien est inoccupé et non gardienné, l'indemnité est limitée au montant de la valeur économique.
Les locaux d'une superficie de 1500m² environ ont été loués par la SCI [Adresse 10] à la SARL Pommes Lomagne suivant bail du 14 septembre 2011 aux fins «d'exploitation d'un fonds de commerce de gros de fruits et légumes et conditionnement avec possibilité de s'adjoindre des activités connexes ou complémentaires» ainsi qu'il ressort du paragraphe «Destination des lieux» visée au bail.
Ces locaux ont été vandalisés à deux reprises en mai 2017'; dans son rapport du 5 juillet 2017, le cabinet d'expertise Polyexpert a constaté que les locaux étaient loués à la SCI [Adresse 10] pour stocker 2500 tonnes de pommes en atmosphère contrôlée'; les dégradations ont été réalisées avec un chariot élévateur et concernaient les parois des chambres froides, le matériel de dépôt (2 lignes d'emballage), les emballages de type cagettes bois et cartons dont certains appartenaient à Embalbois, ponctuellement des plaques de fibrociment en toiture. Et la SARL Pommes Lomagne a perçu des MMA en avril 2018 la somme de 715 204€ au titre des deux sinistres de vandalisme comprenant l'indemnisation des dégradations aux bâtiments dont il est justifié des quittances à hauteur de 694 062€ ;
L'expert avait préconisé la fermeture des accès au site pour éviter toutes nouvelles intrusions.
Le courtier SAS Gras Savoye avait également par courriel du 29 juin 2018, à la suite de plusieurs visites du site avec des représentants de l'assureur, préconisé un plan de prévention.
Dans son pré-rapport du 23 décembre 2020, M. [D] a précisé en page 25 que «les locaux n'étant plus que ruine, il ne nous a pas été possible de déterminer quel était leur état antérieurement à la survenance des incendies». Il a conclu sans être utilement contredit, à l'origine criminelle des incendies.
Il n'est pas contesté que les lieux n'avaient pas encore été réhabilités, ni interdits d'accès, malgré une indemnisation par les MMA à la suite des actes de vandalisme ainsi que l'a reconnu la SCI [Adresse 10] dans ses conclusions, quelle que soit la cause du retard pour ce faire. L'expert écrit que dès lors que les bâtiments et surtout les installations frigorifiques étaient dépourvues d'électricité leur exploitation n'était plus envisageable'; et il a noté que s'agissant de la fonction stockage il n'était plus payé de loyer.
Les procès-verbaux de constatation établis le 29 septembre et le 2 octobre 2018 par la gendarmerie font état d'un «lot de bâtiments désaffectés» objets de l'incendie.
M. [G], dirigeant de la société Embalbois, a précisé suivant procès-verbal du 2 octobre 2018 que la prestation de stockage qui lui était servie dans le bâtiment avait cessé depuis les actes de vandalisme de 2017 mais qu'il restait quelques emballages dont il était en capacité d'évaluer la perte financière. Dans sa déposition du même jour, M. [J] gérant de la SCI [Adresse 10] précisait que l'entrepôt ne servait plus qu'au stockage d'emballages pour la SARL Pommes Lomagne et Embalbois et que le bâtiment n'était plus alimenté en électricité depuis un an. M. [P], président de l'association coopérative Fruitière Quercy, également utilisatrice des lieux, atteste le 4 décembre 2020 que l'entrepôt lui servait également de stockage d'emballages sans contrepartie financière depuis les actes de vandalisme, l'évacuation devant se faire au fur et à mesure de ses besoins.
Il ne peut être contesté que de nombreux matériels étaient restés sur place à la suite des actes de vandalisme ce que l'huissier a constaté les 18 juin 2020 et 1er juillet 2020. Mais les photographies et descriptions des locaux faites par le cabinet Polyexpert à l'issue de ces dégradations volontaires très importantes en 2017 confirment qu'ils ne pouvaient plus être exploités ni même utilisés en l'état sans travaux de réfection, notamment de couverture (même ponctuels) et de fermeture et sécurisation. L'effectivité d'une activité de stockage d'emballages n'est pas confirmée par les utilisateurs qui décrivent en réalité plutôt un déblayage des lieux après les actes de vandalisme'; et la SARL Pommes Lomagne ne produit aucun justificatif d'une telle activité pour son propre compte par la production de factures de transports, chargement ou déchargement de cartonnages et de cagettes bois, voire de témoignages en ce sens d'une telle activité régulièrement exécutée. Enfin, il ne peut être déduit de deux photographies non datées produites par la SCI [Adresse 10], d'un amas d'emballages, pour certains intacts, l'existence d'une activité de stockage dans les lieux entre juin 2017 et l'incendie de septembre 2018.
L'article 2.1.1 définit les biens assurés comme étant notamment ceux qui «appartenant à autrui lorsque l'assuré en est, à titre onéreux ou à titre gratuit, utilisateur, occupant, gardien ou détenteur à quelque titre que ce soit». Mais l'article 2.1.2 définit les bâtiments désaffectés ou inoccupés comme étant ceux qui «en raison de la durée de leur inoccupation et de leur non entretien ne peuvent être utilisés en l'état et nécessitent pour remplir leurs fonctions des travaux importants... tels que des locaux destinés à la démolition ou à être réhabilités».
En l'espèce, selon les conclusions du cabinet d'expertise Polyexpert, le montant de la réparation des seuls bâtiments à la suite des deux sinistres de vandalisme a été estimée à 24 343,79€ pour le premier sinistre et 393 212,91€ pour le second, ce qui démontre l'importance des dégradations et des travaux de restauration, hormis les lignes de conditionnement qui peuvent être considérées comme des immeubles par destination, et ont été dégradées et leur indemnisation évaluée à 104 003,46€. En outre, il n'est pas contesté que les lieux n'étaient plus exploités commercialement depuis les actes de vandalisme soit depuis un an environ quand les incendies ont été déclenchés, l'absence de constat de la résiliation du bail étant à cet égard sans incidence. Enfin, il est constant qu'il n'avait pas été pris de mesure de gardiennage postérieurement aux actes de vandalisme, ni même d'ailleurs de mesure de prévention pour éviter les intrusions ainsi que le préconisait Polyexpert. Et contrairement à ce que la SCI [Adresse 10] soutient, la mesure de gardiennage n'est pas une condition de validité du contrat d'assurance mais une modalité de l'indemnisation en cas de réalisation du risque, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'assureur de ne pas avoir exigé la mise en place de mesures de gardiennage lors de la souscription du contrat, lesquelles ne conditionnent que le montant de l'indemnisation applicable.
Dans ces conditions, il ne peut être affirmé, ainsi que la SARL Pommes Lomagne le soutient, que les locaux étaient occupés au sens du contrat en son article 2.1.2
En conséquence, en application de l'article 4.1.4.2, l'indemnisation des dommages immobiliers sera calculée en valeur économique du bâtiment et non pas en valeur à neuf soit la somme non contestée de 850 000€, ainsi qu'il ressort de l'expertise du cabinet Polyexpert du 29 avril 2020.
Dès lors la décision sera infirmée de ce chef.
Sur l'appel des dispositions objets d'un sursis à statuer
La SA Tokio Marine a relevé appel de la décision du Tribunal, en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande d'indemnisation de la SCI [Adresse 10] au titre des pertes locatives, sur le surplus des demandes d'indemnisation de la SELARL Benoit & Associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne concernant son préjudice matériel et l'application d'une deuxième franchise de 500.000 euros jusqu'au dépôt du rapport d'expertise de M. [D].
La SCI [Adresse 10] s'y oppose en application du principe du double degré de juridiction sur les questions relatives à ses pertes locatives, à l'indemnisation du préjudice matériel complémentaire de sa locataire et à l'application de la seconde franchise.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise sur':
- l'existence de pertes locatives et sur l'indemnisation et le sort des installations frigorifiques et les chambres froides qui sont fonction du sort du bail dès lors qu'il s'agit d'équipements qui en cas de résiliation restent au bailleur, la SCI [Adresse 10],
- le nombre de franchises en l'absence de certitude quant à l'origine du second incendie survenu deux jours après le premier.
En l'espèce et bien qu'à la date où la cour statue le rapport d'expertise soit déjà déposé, en vertu de l'article 568 du code de procédure civile, il n'apparaît pas d'une bonne Justice de donner à l'affaire une solution définitive, qui compte tenu des enjeux financiers, priverait la SARL Pommes Lomagne et son représentant légal ainsi que la SCI [Adresse 10] d'un double degré de juridiction.
Sur L'indemnisation des dommages mobiliers subis par la SARL Pommes Lomagne représentée par son liquidateur
La SA Tokio Marine demande à la cour d'infirmer la décision en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la Selarl Benoit & Associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Pommes Lomagne la somme de 385.473 euros HT à titre d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers. Et elle demande à la cour de débouter la Sarl Pommes Lomagne représentée par la Selarl Benoît & associés en sa qualité de liquidateur judiciaire et la SCI [Adresse 10] de toute demande d'indemnisation de la ligne de conditionnement, des chambres froides et du système frigorifique et de toute autre demande relative à des dommages matériels.
La SA Tokio Marine explique que les lieux avaient été dévastés à deux reprises en 2017 et les MMA avaient procédé au versement d'une indemnité forfaitaire transactionnelle, au titre de l'indemnité immédiate, la SARL Pommes Lomagne ayant renoncé à l'indemnité différée afin d'éviter de fournir les factures de reconstruction'; il n'a été effectué aucun commencement de travaux de réhabilitation ce qui interdisait toute reprise d'exploitation'; le matériel était également hors d'usage'; il en est ainsi de la ligne de conditionnement qui avait fait l'objet d'une indemnisation par les MMA mais qui n'avait pas été réparée'; le tribunal s'est fondé sur de simples devis pour accorder une nouvelle indemnisation'; au demeurant, elle est en droit d'opposer la clause 1.17.17 qui prévoit que sont exclus les dommages résultant d'un défaut caractérisé de réparation ou d'entretien.
La SARL Pommes Lomagne soutient que les MMA n'ont versé l'indemnité immédiate qu'en avril 2018 pour la réparation des locaux, laquelle devait être préalable à la ré-installation et la réparation du matériel. Mais surtout, certains matériels n'ont pas été détruits par les actes de vandalisme ou n'ont été que seulement endommagés, ce qui ne nécessitait que des réparations alors que le feu les a depuis, totalement détruits'; il s'agit donc d'une aggravation du préjudice. Ainsi en application des articles 1.17, 2.1.4 et 4.1.3.2 des conditions particulières elle doit recevoir indemnisation de ses préjudices matériels sans qu'il soit fait application de l'article 1.17.17 qui exclut les dommages résultant d'un défaut d'entretien puisque réparés ou non ils ont été détruits par l'incendie. Dès lors, le matériel endommagé par l'incendie s'élève au total à 553.804 euros HT selon devis de l'entreprise Maf Rhoda du 5 décembre 2018, dont seulement 168.331 € a été réglé par les MMA de sorte qu'il reste une somme de 385 473€ HT ainsi que l'a arbitré le jugement dont il est demandé la confirmation ( 553.804 euros HT = 497 497€ pour le remplacement de la ligne complète de pommes et 56 307€ pour la calibreuse de prune).
Le tribunal a admis la somme de 385 473€ à titre d'indemnisation des matériels restés sur place après les actes de vandalisme en prenant en considération le principe de l'indemnisation en valeur à neuf, les constats d'huissier mentionnant ces matériels restés sur place et détruits par le feu ainsi que le devis de l'entreprise Maf Rhoda du 5 décembre 2018, déduction faite de la seule somme de 168.331 € qui aurait été perçue de la part des MMA.
En application de l'article 4.1.3.2 des conditions particulières «'en cas de sinistre total, les biens sont estimés sur la base d'une valeur à neuf (égale à leur valeur de remplacement) au prix du neuf au jour du sinistre, y compris les frais annexes sans toutefois pouvoir excéder la valeur vétusté déduite, majorée de 33% de remplacement à neuf'». La clause 1.17.17 exclut de toute indemnisation les dommages résultant d'un défaut caractérisé de réparation ou d'entretien.
Dans sa déposition devant les enquêteurs du 4 octobre 2018 suite au second incendie, M. [J] dirigeant de la SARL Pommes Lomagne a déclaré notamment que «du matériel de conditionnement (lignes d'emballages, paletiseurs...) avait également été dégradé en 2017 et une partie m'a été indemnisée par les assurances-Mma».
Le matériel qui était resté sur place, puis détruit par les incendies a été inventorié par huissier suivant constats des 18 juin et 1er juillet 2020 soit presque 2 ans après les faits.
Il est constant que la SARL Pommes Lomagne n'a pas réalisé les travaux de remise en état alors qu'elle avait perçu des provisions dès octobre 2017 (100 000€ et en février 2018 à hauteur de 80000€), ni n'a pris de mesures pour la préservation des matériels dont elle soutient que certains n'avaient pas été endommagés avant les incendies.
Elle reconnaît qu'une transaction est intervenue avec les MMA à hauteur de 715 204€ soit 21 142€ pour le 1er sinistre de vandalisme (dont 6537,5€ au titre des dommages matériels) et 694 062€ pour le second (dont 166 124,14€ au titre des dommages matériels).
Mais les quittances produites au débat ne portent que sur la somme de 694 062€ et donc sur le second sinistre.
Ainsi, d'une part, la SARL Pommes Lomagne ne peut réclamer auprès de la SA Tokio Marine les sommes qu'elle a perçues de son précédent assureur au titre des dommages matériels (166 124,14€) ou qu'elle aurait dû percevoir de lui (6537,5€) soit un total de 172661,64€'; et d'autre part, elle ne peut solliciter un complément d'indemnisation auprès du second assureur pour du matériel endommagé par des précédents sinistres indemnisés, qui n'avait pas été réparé et dont il n'est pas même justifié précisément si même il était réparable. Et il n'est pas indiqué précisément quel est le matériel qui n'aurait pas été endommagé ni indemnisé. Leur présence constatée par huissier les 18 juin et 1er juillet 2020 ne suffit pas à justifier, ni déterminer quel était leur état avant les incendies et ce alors que l'expert précise que les machines avaient été laissées en l'état et qu'elles pouvaient donc 'être qualifiées d'obsolètes (leur fiabilité étant devenue insuffisantes pour qu'elles assurent correctement leur fonction)'.
La décision sera donc infirmée, la demande d'indemnisation étant rejetée.
Dans ces conditions, il convient également de dire que la franchise de 500 000€ devra venir en déduction de la condamnation prononcée en faveur de la SCI [Adresse 10].
PAR CES MOTIFS
La cour
- Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Montauban en date du 29 septembre 2020 sauf en ce qu'il a':
* condamné la SA Tokio Marine Europe à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 1.520.451,65 euros HT vétusté déduite au titre de son préjudice immobilier, outre au fur et à mesure de la reconstruction la différence entre la valeur à neuf fixée à 2.147.255,17 euros HT, et la valeur vétusté déduite,
* condamné la SA Tokio Marine Europe à payer à la Selarl Benoît & associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne, la somme de 385.473 euros HT à titre d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers,
* dit qu'au moins une franchise de 500.000 euros s'applique, et qu'elle devra venir en déduction des condamnations prononcées ci-dessus.
Statuant à nouveau des chefs infirmés':
- Condamne la SA Tokio Marine à verser à la SCI [Adresse 10] la somme de 850 000 € au titre de son préjudice immobilier.
- Déboute la Selarl Benoît & associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne de sa demande d'indemnisation partielle de ses dommages mobiliers.
- Dit qu'au moins une franchise de 500.000 euros s'applique, et qu'elle devra venir en déduction de la condamnation prononcée ci-dessus.
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la SA Tokio Marine et la SAS Gras Savoye de leur demande.
- Condamne la Selarl Benoît & associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Pommes Lomagne et la SCI [Adresse 10] aux dépens d'appel.
- Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M. BUTELC. BENEIX-BACHER