30/06/2022
ARRÊT N° 491/2022
N° RG 21/04009 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OMMT
EV/CD
Décision déférée du 15 Septembre 2021 - Juge de l'exécution de TOULOUSE ( 21/02609)
M. GAUCI
S.A.S. EXPERT INVEST
C/
S.A.R.L. AURORE INVEST
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A.S. EXPERT INVEST
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-françois RAVINA de la SELARL RAVINA-THULLIEZ-RAVINA ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A.R.L. AURORE INVEST
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Elisabeth DE FRESNOYE, avocat au barreau D'ALBI
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
-signé par E. VET, Conseiller rapporteur pour C. BENEIX-BACHER président de chambre empêché, et par M. BUTEL, greffier de chambre
Les SCCV Ovalie et C'ur de Ville ont décidé la construction de deux programmes immobiliers à [Localité 5].
Le 20 avril 2016, la SARL Aurore Invest, associée des SCCV Ovalie et C'ur de Ville a confié deux mandats exclusifs de commercialisation à la SAS Expert Invest, société de conseil en gestion de patrimoine spécialisée en immobilier, pour une durée de 12 mois renouvelable par tacite reconduction.
La rémunération du mandataire avait été fixée à 9 % hors-taxes du prix de vente TTC dans le cas où les biens immeubles seraient vendus à des acquéreurs présentés par le mandataire.
Par ordonnance sur requête du 29 mars 2021, le juge de l'exécution de Toulouse a autorisé la SAS Expert Invest à :
' consulter le fichier Ficoba concernant la SARL Aurore Invest,
' faire saisir à titre conservatoire les sommes détenues par la société Expert Invest et ce pour avoir garantie de la somme totale de 572'895 € correspondant à l'évaluation à titre provisoire de sa créance en principal, frais et accessoires.
Par décision du 15 septembre 2021, le juge de l'exécution de Toulouse a :
' annulé l'ordonnance sur requête rendue par le juge de l'exécution le
29 mars 2021,
' ordonné la mainlevée de la saisie-conservatoire du 21 avril 2021, dénoncée le 26 avril suivant, pratiquée par la SAS Expert Invest au préjudice de la SARL Aurore Invest fructueuse auprès du Crédit Agricole, agence de [Localité 2], pour un montant de 184'980,17 €,
' condamné la SAS Expert Invest à payer à la SARL Aurore Invest 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné la SAS Expert Invest aux dépens,
' rejeté le surplus des demandes,
' rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.
Par déclaration du 22 septembre 2021, la SAS Expert Invest a formé appel de la décision en ce qu'elle : «a :- annulél'ordonnance sur requête du 29 mars 2021 ;- ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire du 21avril 2021 dénoncée le 26 avril 2021, pratiquée par la société Expert Invest au préjudice d'Aurore Invest fructueuse aupres du Crédit Agricole, agence de [Localité 2], pour un montant de 184 980,17 € ;- condamné la société Expert Invest au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;
- condamné la société Expert Invest aux entiers dépens. La société Expert Invest demande à la Cour de confirmer le jugementen ce qu'il a débouté la société Aurore Invest de sa demande de dommagcs et intéréts a hauteur de 10 000 € ».
Par dernières conclusions du 10 novembre 2021, la SAS Expert Invest demande à la cour de :
Reformer le jugement du juge de l'exécution en date du 15 septembre 2021 en ce qu'il a :
- annulé l'ordonnance sur requéte du 29 mars 2021 ;
- ordonné la mainlevée de la saisie-conservatoire du 21 avril 2021 dénoncée Ie 26 avril 2021, pratiquée par la société Expert Invest au préjudice d'Aurore Invest, fructueuse auprés du Crédit Agricole, agence de [Localité 2], pour un montant de 184 980,17 € ;
- condamné la société Expert Invest au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;
- condamné la société Expert Invest aux entiers dépens.
En conséquence,
' dire et juger n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance du 29 mars 2021 et mainlevée de la saisie-conservatoire de créance;
' confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Aurore Invest de sa demande de dommages-et-intéréts à hauteur de 10 000 €,
' condamner la société d'Aurore Invest à payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procedure civile ;
' condamner la société Aurore Invest aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 3 décembre 2021, la SARL Aurore Invest demande à la cour de :
' confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Juge de l'exécution en date du 15 septembre 2021 en ce qu'il a :
- annulé l'ordonnance sur requéte rendue parle juge de l'exécution de ceTribunal du 29 mars 2021 ;
- ordonné la mainlevée de la saisie-conservatoire du 21 avril 2021;
- condamné la SAS Expert Invest à payer à la SARL Aurore Invest la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, et ce au titre de la procédure de première instance.
En consequence :
' constater que les conditions de la saisie-conservatoire ne sont pas réunies ;
' ordonner la rétractation de l'ordonnance du Juge de l'exécution en date du 29 mars 2021 ;
' juger nulle la saisie-conservatoire en date du 20 avril 2021 ;
' ordonner la mainIevée de la saisie-conservatoire en date du 20 avril 2021;
En toutes hypothèses
' débouter la Société Expert Invest de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens;
' condamner la Société Expert Invest aux dépens et à lui verser 3000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction est intervenue le 9 mai 2022.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
Sur la saisie-conservatoire :
La SAS Expert Invest explique qu'elle a été mandatée pour vendre les logements collectifs des deux programmes immobiliers des SCCV, qu'une avance forfaitaire lui a été accordée pour un montant total de 30'000 € et qu'elle a commercialisé plus de 50 % de chacun des deux programmes soit 42 logements pour lesquels des contrats de réservation ont été signés et communiqués au mandant permettant à ce dernier d'obtenir la garantie financière d'achèvement.
Pourtant alors que les conditions suspensives avaient été levées les permis de construire obtenus, les SCCV ont choisi de renoncer à leur projet.
Elle fait valoir qu'elle a saisi le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand par acte du 2 juin 2020 aux fins d'obtention de la condamnation de la SARL Aurore Invest à lui verser la somme de 911'430 € de dommages-intérêts outre 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle souligne que les mandats exclusifs de vente signés en avril 2016 étaient soumis aux dispositions de la loi Hoguet, elle-même d'ordre public et qu'ayant régularisé 42 contrats de réservation elle a rempli ses obligations justifiant une commission de 572'895 € et que par ailleurs, 20 lots restent à commercialiser pour un montant devant lui revenir de 338'535 €.
Elle affirme que si le permis de construire du projet de la SCCV l'Ovalie a fait l'objet d'un recours, celui-ci a été rejeté et qu'en tout état de cause la SARL Aurore Invest l'a laissée commercialiser les logements malgré ce recours. Elle fait valoir qu'il n'est pas établi que les contrats de réservation auraient été annulés en raison de la procédure devant le tribunal administratif et de la procédure de désenclavement et que d'ailleurs il n'est justifié d'aucune rétractation des réservataires.
Elle relève s'agissant du programme C'ur de Ville qu'elle a commercialisé les logements et fait signer 21 contrats de réservation entre septembre 2016 et avril 2018 et que la SARL Aurore Invest ne l'a jamais alertée de l'absence de faisabilité du projet en raison de fouilles archéologiques. En tout état de cause le problème a été réglé par la réalisation d'un coffrage en béton de protection n'empêchant pas la finalisation du projet qui n'a été stoppé que par le comportement de la seule SARL Aurore Invest qui a laissé périmer le permis de construire.
La SARL Aurore Invest réplique que la loi Hoguet n'est pas applicable, que le contrat de réservation est un contrat avant-dire droit ne pouvant être assimilé à une promesse synallagmatique et en tout état de cause la seule signature d'un compromis de vente n'emportait pas droit à rémunération.
Elle relève que les contrats préliminaires produits par la SAS Expert Invest comportant plusieurs conditions suspensives qui n'ont pas été levées l'opération ne peut être considérée comme effectivement réalisée, que le contrat de réservation ne peut en aucun cas donner lieu à une vente forcée et en conséquence n'implique pas un droit à commission alors que la signature de l'acte authentique était une condition du droit à commission.
Elle affirme avoir toujours informé la SAS Expert Invest de l'avancement de la procédure relative au permis de construire du projet de la SCCV l'Ovalie et que d'ailleurs aucun contrat de réservation n'a été signé après juin 2017.
Elle explique que l'ensemble des contrats de réservation a été annulé entre mai et décembre 2017 en raison de la procédure devant le tribunal administratif et de la procédure de désenclavement.
Elle rappelle ne pas être le promoteur du projet et qu'en raison de la procédure de désenclavement qui a été engagée, procédure retardée par le covid, le permis de construire d'une durée de trois ans n'a pas été prorogé au motif que le PLU avait été modifié. Ainsi, toutes les conditions suspensives n'avaient pas été levées et le programme immobilier ne s'est pas poursuivi.
S'agissant du programme Coeur de Ville, elle explique que la société foncière du Sud a signé le 1er juin 2015 une promesse de vente avec les consorts [E] aux fins d'acquisition du terrain objet de ce programme immobilier. Le permis de construire a été accordé le 17 février 2016. Elle affirme avoir informé la SAS Expert Invest de l'existence de fouilles et de la procédure qui s'en est suivie et que le permis de construire n'est plus valable puisqu'il a pris fin le 17 février 2021 alors que la société foncière du Sud n'est plus en droit de demander une nouvelle prorogation
L'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose : «Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire. ».
Il convient donc de rechercher d'une part si la créance de la SAS Expert Invest paraît fondée en son principe et d'autre part s'il existe des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
En l'espèce, il résulte des pièces versées que la SCCV l'Ovalie et la SCCV le C'ur de Ville, ont pour associées la SAS Terrenciel, la SARL Aurore Invest et la SAS foncière du Sud.
Par mandats exclusifs de commercialisation signés le 20 avril 2016, entre la SARL Aurore Invest en qualité de mandant et la SAS BGP Investissement ( dénommée Expert Invest) mandataire, la première a confié à la seconde la commercialisation des produits immobiliers dans le cadre de mandats non exclusifs.
Il est précisé dans chacun des mandats que le mandant est associé de la SCCV concernée qui lui a confié la commercialisation exclusive du programme immobilier visé.
Les deux mandats sont rédigés en termes identiques notamment concernant la rémunération du mandataire prévue en ces termes à l'article 9 :
« Dans le cas où les biens immeubles, objets du présent mandat, sont vendus à un acquéreur présenté par le mandataire, ce dernier a droit à une rémunération, exclusive de tout autre, fixé à :
9 % hors-taxes du prix de vente TTC, à la charge du mandant.
Le fait générateur de la rémunération est la signature de l'acte authentique de vente entre la SCCV et l'acquéreur'
Le mandataire perdra son droit à commission si l'acte authentique de vente n'est pas signé dans le délai de 18 mois suivant la signature du contrat de réservation, sauf impossibilité de signer l'acte authentique imputable au mandant.».
Les contrats de réservation,prévoient eux-mêmes au titre des conditions suspensives :
' obtention du prêt pour les réservataires,
' signature de l'acte authentique d'acquisition par le réservant de l'assiette foncière du projet susvisé,
' obtention du permis de construire autorisant la construction de l'ensemble immobilier susvisé,
' absence de recours des tiers contrôles des permis de construire et absence de retrait dans les délais légaux.
La SAS Expert Invest reproche à la SARL Aurore Invest des fautes dans l'organisation du programme l'Ovalie et de l'avoir laissée commercialiser les logements alors qu'un recours était engagé contre le permis de construire.
Il résulte des pièces versées que ce recours a été engagé le 22 juin 2016 et du message du 19 septembre 2016 établi par M. [O] [Y] de la SAS Expert Invest, que cette société était parfaitement informée du recours puisqu'il indiquait « contrairement à l'Ovalie, le permis sur C'ur de Ville est bien purgé ».
De plus, s'agissant de la qualification privée ou publique d'une rue sur laquelle débouchait le terrain objet du programme immobilier, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a décidé le 23 octobre 2018 que les parcelles bénéficiaient d'une servitude de passage et les travaux ont repris. Pourtant le permis de construire n'a pas été renouvelé en raison d'une modification du PLU.
La SARL Aurore Invest, qui fait valoir qu'elle n'est pas le promoteur du projet, produit un message rédigé le 3 avril 2015 par Maître [T] [R] auquel était annexé un document attestant de ce que la rue litigieuse était bien incorporée au domaine public. Selon la SARL Aurore Invest les formalités de publicité foncière n'auraient pas été accomplies privant l'acte de toute opposabilité et des riverains ont argué de ce qu'il s'agissait d'une voie privée ce qui avait pour effet de rendre la parcelle enclavée. Cette procédure a entraîné la péremption du permis de construire et sa prorogation a été rejetée en raison d'une modification du PLU en novembre 2016 c'est-à-dire à une date proche de l'obtention du permis de construire.
Le programme C'ur de Ville a été retardé en raison de la découverte de sépultures médiévales et la SAS Expert Invest reproche à la SARL Aurore Invest de s'être lancée dans le projet avant de s'assurer de la faisabilité de l'opération, de ne pas l'avoir informée de l'existence de ces sépultures. Elle fait valoir qu'en tout état de cause, l'installation d'un coffrage en béton n'empêchait pas de finaliser le projet.
La SARL Aurore Invest justifie que la condition suspensive de l'obtention du permis de construire n'a pas été réalisée puisque celui-ci, prorogé jusqu'au 17 février 2021 est à ce jour caduc. Par ailleurs, elle justifie avoir informé la SAS Expert Invest de l'intervention de l'INRAP par message du 10 août 2016 ainsi que des suites de la procédure devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand par message des 22 mai et 7 juin 2017.
Au regard de l'enchaînement des procédures affectant les deux projets immobiliers et dont la responsabilité ne paraît pas au stade de l'exécution incomber à la SARL Aurore Invest qui par ailleurs justifie de l'information donnée à la SAS Expert Invest qui, en qualité de professionnel devait solliciter des informations précises, et sans qu'il soit besoin dans le cadre d'intervention du juge de l'exécution d'entrer plus avant dans les détails du conflit qui oppose les deux sociétés devant le tribunal de commerce, il n'apparaît pas que la créance invoquée par la la SAS Expert Invest soit suffisamment établie dans son principe pour justifier la saisie-conservatoire objet du litige.
Sur les demandes annexes :
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS Expert Invest qui succombe gardera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine:
Confirme le jugement déféré,
Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Expert Invest aux dépens.
Le greffierPour le Président empêché
Le Conseiller rapporteur
M. BUTEL E. VET