28/06/2022
ARRÊT N° 487/2022
N° RG 21/02460 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OGJ7
OS/MB
Décision déférée du 16 Avril 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 18/03226
Mme KRYGIEL
[S] [W]
[P] [Y] épouse [W]
C/
[C] [U]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTS
Monsieur [S] [W]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Hervé RENIER de la SCP PERES RENIER ALRAN, avocat au barreau D'ALBI
Madame [P] [Y] épouse [W]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Hervé RENIER de la SCP PERES RENIER ALRAN, avocat au barreau D'ALBI
INTIMÉ
Monsieur [C] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Christine VAYSSE-LACOSTE de la SCP VAYSSE-LACOSTE-AXISA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant O.STIENNE et E.VET Conseillers chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
FAITS
Le 9 juillet 2016, M. [S] [W] et Mme [P] [Y] son épouse ont acquis un camping-car de marque Fiat, modèle Méditerranéo 736, immatriculé [Immatriculation 5] auprès de M. [C] [U] pour un montant de 25000 €, affichant 53 405 Kms au compteur lors du contrôle technique du 5 juillet 2016.
La première immatriculation du véhicule est en date du 16 juillet 2007.
M. [U] avait acquis lui-même ce véhicule le 28 février 2014.
En septembre 2017, M.et Mme [W] ont confié le camping-car aux Ets Pasquet Frères aux fins de faire vérifier son étanchéité. Suivant facture du 30 septembre 2017, il est mentionné :
'Suite à une entrée d'eau, dégradation importante et perforation du :
- plancher de cellule AVD et AVG
- des soubassements G +D et ARG
Humidité importante sur :
- panneau latéral D - avant sous baie AVD -dessus de porte cellule
- panneau latéral G partie supérieure centrale - AVG et D de la capucine.'
Le véhicule affichait alors 63 539 kms.
Par courrier recommandé du 5 octobre 2017, M. et Mme [W] ont sollicité l'annulation de la vente et le remboursement du prix de vente en raison du vice caché résultant du défaut d'étanchéité.
Par réponse du 12 octobre 2017, le conseil de M. [U] s'opposait aux demandes.
M. et Mme [W] ont fait réaliser une expertise diligentée le 18 avril 2018 par l'expert M. [B] désigné par leur assureur protection juridique, au contradictoire de M. [G], expert désigné par l'assureur Groupama de M.[U].
M. [B] a déposé son rapport le 29 mai 2018.
PROCEDURE
Par acte en date du 24 septembre 2018, M.et Mme [W] ont fait assigner M. [C] [U] devant le Tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de voir prononcer la résolution de la vente.
Par jugement contradictoire en date du 16 avril 2021, le tribunal a :
- débouté M. et Mme [W] de leur demande au titre des vices cachés,
- débouté M. et Mme [W] de leur demande subsidiaire d'expertise judiciaire,
- débouté M. [U] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné M. et Mme [W] à verser à M. [U] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers,
- rejeté toutes demandes autres des parties,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
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Par déclaration en date du 1er juin 2021, M. et Mme [W] ont interjeté appel du jugement, en ce qu'il a :
- débouté M. et Mme [W] de leur demande au titre des vices cachés et de leur demande subsidiaire d'expertise judiciaire,
- condamné M.et Mme [W] à verser la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par uniques conclusions du 8 juillet 2021, M.et Mme [W] demandent à la cour de réformer le jugement et sollicitent, au visa des dispositions de l'article 1641 du code civil, de :
A titre principal :
- juger que le véhicule était atteint d'un vice caché au jour de sa vente le 9 juillet 2016,
- condamner en conséquence M. [U] à leur rembourser la somme de 25 000 € outre intérêts à compter du 5 octobre 2017, date de la première demande,
- condamner M. [U] à venir récupérer le véhicule au domicile des époux [W] et à leur verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre paiement des entiers dépens,
A titre subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise à l'effet de déterminer si le véhicule litigieux était bien affecté d'un vice caché pré-existant à la vente.
M.et Mme [W] font valoir essentiellement que :
- le premier juge s'est fondé sur un contrôle technique du 2 mai 2016 ne concernant en rien le litige,
- ils produisent en appel des pièces complémentaires apportant la preuve d'un défaut grave et antérieur à la vente de nature à caractériser un vice au sens de l'article 1641 du code civil,
- ils ne maintiennent pas en appel leur demande fondée sur l'article 1645 du code civil, faute de pouvoir démontrer la connaissance du vice par le vendeur,
-subsidiairement, ils sollicitent une expertise judiciaire si le rapport d'expertise amiable n'était pas suffisant, un expert judiciaire étant parfaitement capable de dater les désordres affectant le véhicule, précision faite qu'ils justifient des conditions de stationnement du véhicule depuis son acquisition.
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Par uniques conclusions du 15 juillet 2021, M. [C] [U], rejetant toutes conclusions inverses, sollicite :
A titre principal, au visa des articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile, des articles 1641 et suivants du code civil, de l'article 1240 du même code,
- la confirmation du jugement en toutes ses dispositions,
- juger qu'il n'existe aucun désordre pouvant être qualifié de vice rédhibitoire ouvrant droit à la résolution de la vente, que la démontration d'une quelconque gravité, antériorité ou du caractère caché du vice n'est pas rapportée,
- juger que les consorts [W] n'administrent en rien la charge de la preuve de leurs prétentions,
en conséquence
- débouter les époux [W] de leurs demandes,
- les condamner au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont ceux d'expertise amiable.
A titre subsidiaire, si par impossible la demande d'expertise était accueillie,
infirmer le jugement et :
- dire que la mesure sollicitée ne pourra être effectuée qu'aux frais avancés des demandeurs,
- remplacer la mission énoncée par la mission habituelle de la juridiction avec mention que l'expert judiciaire devra communiquer un pré-rapport en laissant à minima trois semaines aux parties pour formuler des dires,
- juger que les frais et dépens seront réservés en fin de procédure.
Il fait valoir essentiellement que :
- l'expert des demandeurs procède par affirmation péremptoire,
- les désordres allégués ne présentent aucun caractère de gravité et ne sont pas rédhibitoires,
- le caractère caché n'est jamais évoqué par l'expert des requérants,
- le rapport BCA déduit des dires des demandeurs que le désordre est antérieur ; or, un taux de plus de 80% d'humidité aurait dû alerter l'expert, un tel taux imposant une infiltration récente et donc en contradiction avec le fait de conserver le véhicule au sec,
- l'expert du BCA n'a tenu aucun compte des éléments de l'expert de M.[U], le parti pris est évident,
- les demandeurs ne s'appuient que sur ce rapport d'expertise réalisé à leur demande et le document du garage Berry est totalement dépourvu de force probante,
- aucun expert judiciaire ne sera en mesure de se prononcer sur l'existence des désordres allégués antérieurement à la vente, étant relevé que cinq années séparent la vente de la demande d'expertise en appel, sans que la moindre mesure conservatoire n'ait été prise.
*
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2022.
*
La cour, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties se réfère au jugement entrepris et aux dernières conclusions des parties.
MOTIFS
Sur la garantie des vices cachés
L'article 1641 du code civil prévoit que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l`aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1642 du code civil précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
En vertu de l'article 1643 du même code, le vendeur est tenu des vices cachés quand même il ne les aurait pas connus à moins que dans ce cas il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
En vertu des dispositions de l'article 1644 du code de civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
En l'espèce, M.et Mme [W] ont fait diligenter une expertise amiable par l'expert automobile M.[B] désigné par leur assureur protection juridique, au contradictoire de M. [U], en présence de l'expert M. [G], intervenant pour Groupama, assureur du vendeur. Les opérations d'expertise ont eu lieu le 18 avril 2018, le rapport émis le 29 mai 2018.
M. [B] a constaté les désordres suivants :
- les planchers de cellule sont imbibés et ramollis,
- les revêtements intérieurs au dessus de la porte d'entrée de cellule sont ramollis et décollés,
- le panneau supérieur droit de la capucine ainsi que le panneau latéral arrière gauche sont décollés,
- à de nombreux endroits, des taux d'humidité compris entre 35%et 82,5 %, le taux admissible étant de 20% maximum.
M. [B] reprend les dires de M.et Mme [W] lesquels précisent entreposer leur camping-car depuis leur acquisition au sec, contrairement semble-t-il à M. [U]. Il déclare que les infiltrations et présence d'humidité dans les parties internes des parois du camping-car ne sont pas survenues en seulement 14 mois et préexistaient à la vente par M. [U] du véhicule d'occasion.
Il relève certaines traces de réparation mettant en évidence une volonté de réparer ou même de camoufler ces infiltrations.Le document du garage Moulin, parvenu tardivement,émanant d'un réparateur peu qualifié en matière de camping-car présente toute les caractéristiques d'une attestation de complaisance.
Cette affirmation de l'expert est suivie d'un point d'interrogation.
M. [B] précise que le contrôle technique obligatoire avant la vente est une obligation légale permettant au véhicule de circuler ; toutefois, aucun point de contrôle concernant l'étanchéité de la cellule n'est effectué et aucun contrôle de l'état des planchers bois n'est réalisé.
Les contrôles d'étanchéité périodiques qui devraient normalement être réalisés tous les ans n'ont,semble-t-il, pas été faits.
M. [B], compte tenu de ces éléments, conclut que le camping-car présentait lors de la vente des infiltrations et un début de décollement de panneaux ; ces dommages irréversibles n'ont fait qu'empirer lors des 14 mois d'utilisation et des 10 000 Kms parcourus. Le véhicule était donc affecté d'un vice caché ; compte tenu de l'âge du véhicule, du modèle, le prix de 25000 € n'était pas justifié.
L'expert [G] fait part des motifs du refus de M. [U] de reprendre le camping-car relevant que :
- la facture du 20 décembre 2013 concernant le remplacement d'un lanterneau aurait nécessité un contrôle d'étanchéité,
- le contrôle technique du 5 juillet 2016 ne mentionne aucune détérioration des soubassements,
- le garage Moulin, ayant effectué le contrôle technique et ayant réalisé plusieurs entretiens, certifie que le véhicule n'avait aucun problème.
M. [G] émet l'hypthèse que les dégradations se seraient produites après l'acquisition du camping-car par M.et Mme [W].
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Il incombe aux acquéreurs de rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil, antérieur à la vente du camping-car.
Il doit être rappelé que le camping-car acquis par M.et Mme [W] a été mis la première fois en circulation le 16 juillet 2007. Préalablement à sa vente en juillet 2016, il a fait l'objet d'un contrôle technique par la Sarl Mazères Auto Contrôle laquelle n'a signalé qu'un défaut (feu de croisement), sans obligation de contre-visite.
Si le contrôle technique n'a pas pour obligation de procéder à un contrôle d'étanchéité (ou test d'humidité), il n'en demeure pas moins que des mentions sont indiquées si le camping-car présente une corrosion importante affectant le soubassement, comme le révèle un contrôle technique réalisé en 2016 produit au débat relatif à un autre camping-car Fiat.
Si les tests d'étanchéité des camping-cars sont fortement conseillés et même parfois obligatoires dans le cadre de la garantie constructeur (d'une durée de 2 ans, voir cinq ans), tel n'est pas le cas en l'espèce s'agissant d'un camping-car d'occasion, d'une dizaine d'années. Il ne peut donc être déduit une antériorité du vice résultant de l'absence de ces tests d'étanchéité.
L'expert des acquéreurs n'a pas entrepris d'interroger, comme le suggérait l'expert du vendeur, le garagiste Moulin lequel avait réalisé plusieurs entretiens du véhicule et certifiait que ce dernier n'avait aucun problème. Celui-ci a en effet également certifié le 3 mai 2018 (soit durant les opérations d'expertise amiable) que le plancher était en bon état comme le reste du véhicule très bien entretenu.
L'expert [B] s'est contenté d'émettre des doutes sur les compétences de ce garagiste, sans justifier du moindre élément au soutien de ces derniers.
De même, l'expert procède par affirmation lorsqu'il déclare que les infiltrations et présence d'humidité ne sont pas survenues en seulement 14 mois en faisant le rapprochement avec certaine traces de réparations mettant en évidence selon lui une volonté de réparer ou même de camoufler ces infiltrations. Il ne décrit aucune de ces réparations, ni leur date de réalisation.
M. et Mme [W] versent au débat devant la cour une estimation des dommages par la Sarl Berry du 12 mai 2021 d'un montant de 20 818,80 € TTC ainsi qu'un rapport non contradictoire de l'agence BCA (réalisé dans le cadre de l'assurance protection juridique) émis le 26 mai 2021 ayant examiné le véhicule litigieux décrivant le taux d'humidité hors tolérance, la dégradation des tasseaux avec perforation du plancher, le défaut d'étanchéité au niveau de la capucine côté gauche, le défaut de joint sur les cornières du toit. Ce rapport observe en conclusion que les défauts d'étanchéité étaient bien présents lors de l'achat du camping-car, malgré trois ans sous abri, il constate toujours de l'humidité dans certaines parties de la cellule dépassant la valeur de tolérance. Il en déduit un défaut de perméabilité de la cellule bien avant l'achat par M.et Mme [W].
Ce rapport non contradictoire, comme les deux attestations produites en des termes identiques devant la cour certifiant que le camping-car est depuis son acquisition stationné à l'abri, n'ont pas davantage de force probante quant à l'antériorité du vice caché à la vente.
Il doit être relevé que le camping-car a parcouru depuis sa vente par M.[U] 10 000 Kms en un an. Le fait que ce véhicule ait pu être stationné dans un 'abri' ne peut démontrer en lui-même un défaut d'étanchéité antérieur à la vente, le camping-car ayant bien connu un usage en extérieur.
Aucun élément probant ne permet de démontrer, au vu des pièces produites ci-dessus, le caractère antérieur à la vente du vice allégué affectant le camping-car.
De même, au vu de l'ancienneté du litige et des éléments ci-dessus analysés, notamment de la distance parcourue par les acquéreurs depuis la vente, il ne peut être fait droit à la demande subsidiaire d'expertise judiciaire avant dire droit formée par M.et Mme [W] laquelle sera vouée à l'échec quant à la démonstration de l'antériorité du vice caché.
En conséquence, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a débouté M.et Mme [W] de leur demande principale en garantie des vices cachés et demande subsidiaire d'expertise judiciaire.
Sur les demandes accessoires
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné M.et Mme [W] à supporter les entiers dépens d'instance. Y ajoutant, ces derniers devront supporter les dépens d'appel.
L'équité commande d'allouer à M. [U] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comme décidé par le premier juge, une somme supplémentaire de 1 000 € étant accordée pour ces mêmes frais irrépétibles devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,
Y ajoutant,
Condamne M et Mme [W] à verser à M. [C] [U] une somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M.et Mme [W] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M. BUTELC. BENEIX-BACHER