22/06/2022
ARRÊT N°479/2022
N° RG 21/03962 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OMFW
CBB/IA
Décision déférée du 07 Septembre 2021 - Président du TJ de Toulouse ( 21/01065)
[C]
S.A. ALBINGIA
C/
Syndic. de copro. RESIDENCE LES ERABLES
S.C.I. DPMV
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A. ALBINGIA
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Syndic. de copro. RESIDENCE LES ERABLES pris en la personne de son Syndic la SARL JACQUES OLIVIE & ASSOCIES dont le siège est [Adresse 3], inscrite au RCS sous le numéro 400 999 710, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Benoît ALENGRIN, avocat au barreau de TOULOUSE
S.C.I. DPMV
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Benoît ALENGRIN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
La société Prédim a en qualité de maître d'ouvrage fait procéder à la construction d'un ensemble immobilier à usage de bureaux réalisé dans le cadre d'une VEFA situé [Adresse 2].
En 2016 et 2019, le Syndicat des copropriétaires de la résidence Les Erables a déclaré à la société Albingia ès-qualité d'assureur dommage ouvrage un sinistre d'infiltrations d'eau en provenance de la toiture dans les locaux de la SCI DPMV copropriétaire d'un lot donné en location à la société Sopremo.
Sur la base du rapport d'expertise du cabinet Eurisk, l'assureur a proposé des indemnisations acceptées par le syndic mais refusées par la SCI DPMV qui s'est plainte de nouvelles infiltrations le 16 juillet 2020.
PROCEDURE
Par acte en date du 8 juin 2021, le Syndicat des copropriétaires de la résidence Les Erables et la SCI DPMV ont fait assigner la SA Albingia devant le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Toulouse pour obtenir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un expert afin notamment de dire si l'immeuble présente les désordres et malfaçons à l'origine du dommage.
Par ordonnance en date du 7 septembre 2021, le juge a':
- ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder M. [I] [M] ou à défaut, M. [N] [O],
- condamné la partie requérante au paiement des entiers dépens.
Par déclaration en date du 17 septembre 2021, la SA Albingia a interjeté appel de la décision. L'ensemble des chefs du dispositif de l'ordonnance sont critiqués.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SA Albingia, dans ses dernières écritures en date du 14 décembre 2021 demande à la cour au visa des articles 9 et 145 du code de procédure civile, L114.1 et suivants, L242.1, L121.12 alinéa 2 et L113-2 du code des assurances, de l'annexe II à l'article A 243.1 du code des assurances, de':
A titre principal,
- juger recevable et bien fondée la SA Albingia en son appel ;
- lui donner acte de ce qu'elle n'entend renoncer à aucune prescription, irrecevabilité, fin de non-recevoir, non garantie ou déchéance de garantie qui seront tranchées par le juge du fond ;
- juger le Syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Erables et la SCI DPMV irrecevables pour défaut de déclaration de sinistre préalable à l'action judiciaire ;
Subsidiairement, juger que le Syndicat des copropriétaires et la SCI DPMV ne rapportent pas la preuve de la matérialité des désordres ;
- juger qu'il n'appartient pas au Juge des référés de qualifier les désordres ;
- infirmer l'ordonnance déférée rendue le 7 septembre 2021 ;
- rejeter la demande d'expertise ;
A titre subsidiaire,
- débouter le Syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Erables et la SCI DPMV de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce compris les demandes de paiement des dépens et de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner in solidum le Syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Erables et la SCI DPMV aux dépens et à régler la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient que le syndicat et la SCI DPMV n'ont pas régularisé de déclaration de sinistre en 2020 auprès de l'assureur DO. L'action engagée directement contre l'assureur est irrecevable même s'agissant d'une aggravation en application des articles L242-1 et A 243-1 du Code des assurances qui sont des dispositions d'ordre public,
La garantie décennale'est expirée depuis 5 ans au jour de l'assignation en raison de la réception des travaux du 22 décembre 2006. Les dernières indemnités ont été acceptées et versées au syndic le 9 octobre 2020 pour une somme de 9.934 € (en complément des précédents versements de 7.519,53 € et 617 € pour le traitement de la cause) soit un total de 18 071,13€. Il appartenait au syndic de commander les travaux réparatoires et les factures qu'il produit n'attestent pas de la réalité de l'exécution de ces travaux.
D'ailleurs, il ne se plaint d'aucun désordre et la SCI DPMV ne justifie d'aucun désordre de nature décennale. Et les nouvelles infiltrations dénoncées concernent des zones non évoquées lors du premier sinistre de sorte qu'il ne s'agit même pas d'une aggravation qui, de plus fort, aurait dû nécessiter une nouvelle déclaration de sinistre.
Le Syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Erables et la SCI DPMV, dans leurs dernières écritures en date du 17 novembre 2021 demandent à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de':
- débouter la SA Albingia de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions,
- condamner la SA Albingia aux entiers dépens de la procédure d'appel, outre la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que le cabinet Eurisk évaluait provisionnellement en 2017 à 200.000€ le coût de la réfection totale de l'étanchéité'; cependant, dans un but d'économie, il n'était préfinancé que des réparations ponctuelles qui se sont avérées insuffisantes pour mettre fin au sinistre.
Le 23 octobre 2018, le Syndic de la copropriété alertait ainsi la SA Albingia de la persistance des infiltrations et DPMV alertait de nouveau l'expert le 21 novembre 2018. Il a constaté la persistance des infiltrations et l'insuffisance des mesures réparatoires préconisées'; et le 16 juillet 2020 il était de nouveau dénoncé la persistance des mêmes désordres.
Ainsi le sinistre est toujours le même': infiltrations en toiture'; il ne peut être demandé une nouvelle déclaration à chaque infiltration'; c'est la reprise globale de l'étanchéité qu'il faut envisager.
Les multiples interventions de l'expert suffisent à rapporter la preuve des désordres. Le syndic a réalisé les reprises préconisées par l'assureur DO qui est tenu d'une obligation de résultat quant à l'efficacité des réparations qu'il pré-finance. Or, c'est bien parce qu'il a limité le montant des réparations que le désordre perdure (18 000€ alors que l'expert préconisait la réfaction de l'étanchéité pour 200 000€).
Le litige porte donc non pas sur l'article 1792 du code de procédure civile mais sur sa responsabilité contractuelle personnelle'; c'est à l'assureur qu'ont été envoyé les factures, il lui appartient de les produire et les intimés produisent celles des réparations intérieures.
L'action fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est parfaitement recevable et fondée
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 mai 2022.
MOTIVATION
L'article 145 du Code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.
Si la mise en oeuvre de ce texte ne se conçoit qu'en prévision d'un possible litige, elle n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.
Ce motif existe dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l'adversaire.
La SA Albingia soutient l'irrecevabilité de l'action judiciaire directe et l'absence de litige considérant le défaut de déclaration de sinistre, préalable obligatoire à la mise en oeuvre de la garantie de l'assurance dommages ouvrage.
Le Syndicat des copropriétaires et la SCI DPMV soutiennent que s'agissant du même sinistre récurrent (défaut d'étanchéité) il n'est pas besoin d'établir une déclaration de sinistre à chaque nouvells infiltrations, lesquelles concernent non seulement le local de la SCI DPMV mais également les parties communes. En effet, dès l'origine, l'expert a indiqué dans son rapport du 10 avril 2017 que «'l'enjeu global est réévalué à 200 000€, correspondant à une réfection totale du revêtement d'étanchéité en cas de persistance des infiltrations ...'» Et la responsabilité contractuelle de la SA Albingia est engagée pour avoir pré-financé des travaux qui se sont avérés inefficaces.
En vertu des articles L242-1 et A 243-1 et son annexe II du code des assurances, pour mettre en jeu la garantie de l'assurance de dommages obligatoire, l'assuré est tenu de faire une déclaration de sinistre à l'assureur, lequel doit alors désigner un expert. Ces dispositions d'ordre public interdisent à l'assuré de saisir directement une juridiction aux fins de désignation d'un expert ou de condamnation de l'assureur de dommages. La déclaration doit être faite par écrit contre récepissé soit par lettre recommandée avec accusé de réception soit par envoi recommandé électronique avec accusé de réception.
Or en l'espèce, un premier sinistre relatif au défaut d'étanchéité a été déclaré à l'assureur DO qui a dépêché le cabinet Eurisk en qualité d'expert lequel a rendu son rapport le 10 avril 2017 fixant la cause des infiltrations et le montant de l'indemnité provisionnelle «'pour la réparation des premières causes identifiées à hauteur de 10 433,53€ dont 7519,53€ HT au titre des travaux de réparation des parties communes et 500€ pour la reprise des désordres subis par la SCI DPMV.
Une seconde déclaration de sinistre a été établie par le Syndicat des copropriétaires le 23 octobre 2018. Le cabinet Eurisk a donc établi un second rapport déposé le 24 avril 2019.
Le 12 juin 2019 le Syndicat des copropriétaires a accepté la somme de 617,6€ en complément d'indemnisation.
Par courrier du 7 août 2020 la SA Albingia a proposé une nouvelle indemnisation complémentaire de 9934€ dont il n'est pas contesté que le Syndicat des copropriétaires l'a acceptée le 9 octobre 2020. Ce dernier a donc perçu au total la somme de 18 071,13€. En revanche la SCI DPMV n'a pas accepté les indemnisations proposées.
La SA Albingia fait état d'un troisième rapport d'expertise du 22 juin 2020 «'établi au contradictoire de la SCI DPMV et du Syndicat des copropriétaires qui fixe le chiffrage des réparations à 28 050,36€'». Il n'est pas produit ce rapport d'expertise ni l'acceptation de ce chiffrage par le Syndicat des copropriétaires ou la SCI DPMV.
Le Syndicat des copropriétaires et la SCI DPMV font état d'un troisième sinistre déclaré le 16 juillet 2020 dénoncé au cabinet Eurisk suivant courriel
du 16 juillet 2020 de la société RMP, tiers au contrat d'assurance et dont il n'est pas même indiqué la qualité.
S'il est exact qu'en vertu de l'article L 242-1 du code des assurances ce troisième sinistre ne peut être pris en charge par la l'assureur DO en ce qu'il n'a pas fait l'objet d'une déclaration de sinistre par l'assuré suivant les formes légales et d'ordre public, la saisine directe de l'expert par un tiers au contrat d'assurance et aux litiges précédents ne pouvant suppléer le défaut de déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommage ouvrage, il demeure qu'il n'est pas justifié que le sinistre déclaré le 23 octobre 2018 ait été définitivement réglé au regard du rapport d'expertise du 22 juin 2020 et de l'absence d'accord sur la nouvelle indemnisation proposée à la SCI DPMV et du Syndicat des copropriétaires à hauteur de 28 050,36€.
Dans ces conditions, en l'état du sinistre déclaré le 23 octobre 2018 qui apparaît toujours en cours, il est prématuré de déclarer la SA Albingia hors de cause, l'existence d'un litige futur n'étant pas exclu ni toute action manifestement vouée à l'échec.
La décision sera donc confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour
- Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions.
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la SCI DPMV et le Syndicat des copropriétaires de leur demande.
- Condamne la SA Albingia aux dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
I. ANGERC. BENEIX-BACHER