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22/06/2022 | FRANCE | N°21/01432

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 22 juin 2022, 21/01432


22/06/2022



ARRÊT N° 474/2022



N° RG 21/01432 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OCEO

EV/CD



Décision déférée du 08 Janvier 2018 - Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME ( 17/02097)

Mme [O]

















[B] [J]





C/



S.A. CREDIT LYONNAIS




















































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INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX



SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

***



APPELANTE



Madame [B] [J]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la S...

22/06/2022

ARRÊT N° 474/2022

N° RG 21/01432 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OCEO

EV/CD

Décision déférée du 08 Janvier 2018 - Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME ( 17/02097)

Mme [O]

[B] [J]

C/

S.A. CREDIT LYONNAIS

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

***

APPELANTE

Madame [B] [J]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

et Me Anthony BEM, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A. CREDIT LYONNAIS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 20 Avril 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

E.VET, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre

Par acte notarié du 29 avril 2008, la SCI les Touailles a souscrit auprès de la SA Crédit Lyonnais un emprunt aux fins d'acquisition d'un bien immobilier pour un montant de 430'000 € remboursable en 306 mensualités, au taux de 4,8%.

Le 21 avril 2008, Mme [B] [J] et M. [W] [N], cogérants de la société se sont chacun portés cautions solidaires du remboursement de l'emprunt, l'engagement de Mme [J] étant réalisé à hauteur de 850'042,05 € couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard.

Par courrier du 12 juillet 2017, la SA Crédit Lyonnais a informé Mme [J] de la vente de l'immeuble de la SCI les Touailles sur adjudication et l'a sollicitée aux fins de propositions de règlements en sa qualité de caution.

Le 2 août 2017, Mme [J] a sollicité du Crédit Lyonnais la communication de l'acte de cautionnement, des questionnaires individuels et du jugement d'adjudication.

Par acte du 10 octobre 2017, la SA Crédit Lyonnais a pratiqué une saisie-conservatoire sur les comptes bancaires de Mme [J] détenus par la Caisse d'épargne pour avoir paiement de la somme de 202'000 €.

Par acte du 25 octobre 2017, Mme [J] a fait assigner devant le juge de l'exécution d'Angoulême la SA LCL Crédit Lyonnais aux fins de :

' voir ordonner la mainlevée de cette saisie,

' voir juger que les frais de saisie seront à la charge de la défenderesse,

' voir condamner la société LCL Crédit Lyonnais au versement de 5000 € de dommages-intérêts outre 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 8 janvier 2018, le juge de l'exécution d'Angoulême a :

' débouté Mme [B] [J] de l'ensemble de ses demandes,

' condamné Mme [B] [J] à verser 800 € à la société LCL Crédit Lyonnais en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' rappelé que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Mme [J] a formé appel de la décision le 9 février 2018.

Par arrêt du 14 mars 2019, la cour d'appel de Bordeaux a :

' confirmé le jugement déféré,

' condamné Mme [J] à verser à la SA LCL Crédit Lyonnais une indemnité de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné Mme [J] aux dépens d'appel.

Le 4 juillet 2019, Mme [B] [J] a formé un pourvoi contre cet arrêt au moyen unique qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée par le Crédit Lyonnais à son encontre le 3 octobre 2017 en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Angoulême du 25 septembre 2017 entre les mains de la caisse d'épargne alors « qu'une mesure conservatoire ne peut être ordonnée par le juge de l'exécution que si, notamment, la créance de l'auteur de la demande est apparemment fondée en son principe ; qu'il appartient au juge de l'exécution, qui autorise la mesure conservatoire, de se prononcer sur les contestations relatives à sa mise en 'uvre, même si elles portent sur le fond du droit, dès lors que l'appréciation de l'apparence de la créance litigieuse, fondée en son principe, en dépend ; qu'en affirmant néanmoins pour décider que la créance alléguée par le Crédit Lyonnais paraissait fondée en son principe, qu'il était acquis que Mme [J] avait souscrit au profit du Crédit Lyonnais un engagement de caution et qu'il ne relevait pas de la compétence du juge de l'exécution d'apprécier le caractère disproportionné d'un tel engagement, une telle question ne pouvait être tranchée que par le juge du fond, bien que le créancier professionnel ne puisse se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionnée à ses biens et revenus, de sorte que le juge de l'exécution devait se prononcer sur le caractère disproportionné de l'engagement souscrit par Mme [J] au profit du Crédit Lyonnais, qui était de nature à exclure l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, la cour d'appel a violé les articles L 341-4 ancien du code de la consommation, L 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. ».

Par arrêt du 14 janvier 2021, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux,

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse,

- condamné la société Crédit Lyonnais aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Crédit Lyonnais et l'a condamnée à payer à Mme [J] la somme de 3000 €,

- dit que sur les diligences du procureur général prés la Cour de cassation, l'arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Pour se déterminer ainsi la Cour a jugé que :

' il résulte de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire que le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre du judiciaire, et que, dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en 'uvre,

' il résulte de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution que toute personne justifiant d'une créance paraissant fondée dans son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter l'autorisation du juge de l'exécution de pratiquer une saisie conservatoire,

' pour débouter Mme [J] de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire, l'arrêt retient qu'il n'est pas de la compétence du juge de l'exécution saisi d'une demande de saisie- conservatoire sur le fondement de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, d'apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de caution invoqué par la débitrice, cette question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond,

' en statuant ainsi, alors qu'il incombait au juge de l'exécution, qui en matière de saisie-conservatoire, doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe, d'examiner la contestation relative au caractère disproportionné d'un engagement de caution, qui était de nature à remettre en question l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, la cour d'appel qui, statuant avec les pouvoirs de juge de l'exécution, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs a violé les textes susvisés.

Mme [B] [J] a saisi la cour d'appel de Toulouse par déclaration du 25 mars 2021.

Par dernières conclusions du 26 novembre 2021, Mme [J] demande à la cour de :

' infirmer le jugement rendu le 8 janvier 2018 par le juge de l'exécution d'Angoulême et l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 14 mars 2019 ;

Statuant a nouveau :

' juger que le juge de l'exécution doit examiner le moyen tiré de la disproportion de l'engagement de caution litigieux ;

' juger que le Crédit Lyonnais ne disposait pas, au moment de la saisie, d'une créance paraissant fondée en son principe à l'égard de Mme [J] en raison de la disproportion manifeste du cautionnement souscrit le 21 avril 2008;

' juger l'absence de menace dans le recouvrement de la créance litigieuse ;

' déclarer nulle la saisie-conservatoire ordonnée à l'encontre de Mme [B] [J] ;

Par conséquent,

' ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée par le Crédit Lyonnais sur les comptes détenus par Mme [J] à la Caisse d'Epargne,

' condamner le Credit Lyonnais au paiement de la somme de 20.000 € à Mme [B] [J] à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis ;

' dire que tous les frais de la saisie-conservatoire y compris ceux de la mainlevée seront mis à la charge du Credit Lyonnais,

' condamner le Credit Lyonnais à verser aux demandeurs la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers depens.

Par dernières conclusions du 20 juillet 2021, la SA Crédit Lyonnais demande à la cour de :

' confirmer la décision déférée dans l'ensemble de ses dispositions,

En conséquence,

' débouter Mme [B] [J] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

' déclarer Mme [B] [J] irrecevable en sa demande visant à voir

« déclarer inopposable à Mme [B] [J] le cautionnement du 21 avril 2008 en raison de sa disproportion à ses revenus et patrimoine au moment de sa conclusion. »,

Vu les articles 696, 639 et 700 du code de procédure civile,

' condamner Mme [B] [J] à verser à la société LCL Crédit Lyonnais la somme de 5.000,00 € au titre des frais irrépétibles, outre aux entiers dépens d'appel, y compris ceux de l'arrêt cassé.

La clôture de l'instruction est intervenue le 29 novembre 2021.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS

Sur la demande de mainlevée de la saisie- conservatoire :

Mme [J] fait valoir que l'acte notarié du 29 avril 2008 ne mentionne aucune caution au titre des garanties du prêt et que le Crédit Lyonnais a pratiqué la saisie-conservatoire contestée alors qu'elle venait de solliciter la production des documents établissant son engagement.

Elle indique avoir saisi le tribunal de grande instance d'Angoulême qui le 4 avril 2019 :

' a déclaré inopposable l'engagement de caution conclu entre la SA Crédit Lyonnais et elle-même,

' a débouté la SA Crédit Lyonnais de sa demande de condamnation à hauteur de 201'315,39 € outre intérêts postérieurs,

' l'a déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts,

' a condamné la SA Crédit Lyonnais à lui verser 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la SA Crédit Lyonnais aux dépens,

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Elle fait valoir que :

- le cautionnement souscrit est disproportionné et relève l'absence de menace de recouvrement de la créance,

- qu'il appartenait au Crédit Lyonnais de demander des pièces autres que la fiche de renseignements et que les revenus du couple ne pouvaient être valablement pris en compte pour l'examen du caractère disproportionné puisqu'ils n'étaient pas mariés, seuls ses propres revenus devant être examinés et qu'en tout état de cause, même l'addition des revenus du couple était insuffisante à justifier son engagement au regard de ses ressources déclarées de son patrimoine.

Elle conteste tout retour à meilleure fortune au moment où la saisie a été pratiquée, précise que le bien qui lui a été attribué à la liquidation du régime matrimonial a été vendu à perte en raison d'un emprunt toujours en cours et explique que la SARL Zelia Trade Wine dont elle détient 3000 parts sociales n'a pas d'actif, n'a pas réalisé de bénéfices et ne dispose d'aucune trésorerie.

La SA Crédit Lyonnais oppose qu'il suffit pour justifier la mesure conservatoire de la démonstration d'une créance fondée en son principe sans pouvoir statuer sur une demande sur le fond du droit comme demande de le faire Mme [J] qui demande de voir « déclarer inopposable à Mme [J] le cautionnement du 21 avril 2008 ».

Elle rappelle que la preuve de la disproportion lors de la conclusion de l'engagement de caution pèse sur la caution qui demande à être déchargée et relève qu'en l'espèce Mme [J] ne justifie ni de ses revenus ni de son patrimoine au moment où elle a souscrit l'engagement litigieux, la fiche de renseignements ne pouvant suffire à rapporter la preuve de cette disproportion et qu'ainsi Mme [J] ne justifie pas de la valeur des parts de la SCI lors de la conclusion de son engagement comme caution. Elle relève que si le couple qu'elle formait avec M. [N], qui s'était aussi porté caution solidaire n'était pas marié, ils vivaient ensemble et se sont mariés ultérieurement, M. [N] étant propriétaire d'un immeuble occupé par le couple non grevé d'un emprunt et percevant alors 46'000 € par an. Ainsi les revenus du couple s'élevaient à 82'000 € par an et leur patrimoine financier s'élevait à 80'000 € sans compter le bien propre non grevé d'un emprunt de M. [N] ainsi, la seule charge de l'emprunt contracté le 29 avril 2008 par la société correspondait à un taux d'endettement de 38 % pour le couple ce qui établit l'absence de disproportion.

Elle considère que lorsqu'elle a actionné la caution, celle-ci pouvait assumer son engagement puisqu'elle dispose d'un patrimoine qu'elle évalue à 235'479 € puisqu'il lui a été attribué lors de la liquidation de la communauté du couple [J]/[N] selon acte notarié du 20 mars 2015 la totalité des parts sociales de la SCI Grazielo d'une valeur de 15'496 € et que cette société a revendu un bien immobilier en juin 2017 au prix de 450'000 € soit 71'562,58 € déduction faite des emprunts. De plus, elle évalue à au moins 35'643 € la valeur des parts de Mme [J] dans la SARL Zelia Trade Wine, société de vins et spiritueux dont le capital initial de 10'000 € a été porté à 300'000 € en juillet 2014. Elle relève que Mme [J] devait aussi percevoir 80'804 € figurant au compte associé de cette société outre 42'500 € correspondant à une soulte due par M. [N] et rappelle que

Mme [J] était titulaire d'un compte auprès de la Caisse d'épargne pour un total de 46'469,42 €.

Elle souligne au surplus qu'il résulte de l'acte notarié de liquidation partage que Mme [J] est associée de deux autres sociétés la première créée le 1er novembre 2006 dénommée Pharma France Consulting et la seconde créée le 1er janvier 2011 dénommée Pharma France Développement.

Enfin, elle constate que Mme [J] ne démontre pas disposer d'un patrimoine de nature à garantir la totalité de sa dette ou des revenus conséquents alors que l'immeuble appartenant à la SCI a fait l'objet d'une vente sur adjudication après saisie-immobilière sans que les associés réagissent, cette vente n'ayant pas permis de solder l'intégralité de la créance et que Mme [J] n'a pas répondu aux mises en demeures qui lui ont été adressées et a changé d'adresse à plusieurs reprises sans l'en informer, ce qui caractérise des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance.

Il résulte des articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution qu'en matière de saisie-conservatoire, le juge de l'exécution, dont l'office est de rechercher si la créance dont le recouvrement est poursuivi paraît fondée en son principe, doit examiner la contestation relative au caractère disproportionné d'un engagement de caution de nature à remettre en question l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe.

Il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur la réalité de la créance ou d'en fixer le montant, mais de se prononcer sur le caractère vraisemblable d'un principe de créance.

Aux termes des dispositions de l'article L.341-4 devenu L.332-1 du code de la consommation, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

La sanction de la disproportion est non pas la nullité du contrat, mais l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement.

Il appartient à la caution de prouver qu'au moment de la conclusion du contrat, l'engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. L'appréciation de la disproportion se fait objectivement, en comparant, au jour de l'engagement, le montant de la dette garantie avec les biens et revenus de la caution tels que déclarés par elle, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

En l'espèce, la banque produit l'engagement de caution personnelle et solidaire de Mme [J] du 21 avril 2008 en garantie de l'emprunt souscrit par la SCI les Touailles à hauteur de 850'042,05 €.

La fiche de renseignements établie à l'occasion de l'engagement comme caution de Mme [J] mentionnait qu'elle était en CDI , bénéficiait de revenus annuels à hauteur de 36'000 €, que ses impôts s'élevaient à 4977 € et que la valeur de son patrimoine était de 20'000 € placés sur une assurance-vie.

Pour rejeter la demande de Mme [J] en mainlevée de la saisie, le premier juge a relevé qu'elle n'avait produit aucune pièce sur l'état de son patrimoine et de ses ressources à la date de souscription de son engagement et qu'il existait donc une apparence de créance.

Force est de constater qu'en cause d'appel, Mme [J] ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de sa situation financière lorsqu'elle s'est engagée en qualité de caution, même pas un simple avis d'imposition.

Cependant, par décision du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance d'Angoulême a déclaré inopposable l'engagement de caution conclu entre la SA Crédit Lyonnais et Mme [J] et débouté le Crédit Lyonnais de sa demande de condamnation de Mme [J] à lui verser la somme de 201'315,39 €.

En conséquence, au stade de l'exécution, et bien qu'un appel ait été diligenté contre cette décision, la créance de la banque ne peut être considérée comme présentant un caractère d'apparence et il convient d'ordonner la mainlevée de la saisie- conservatoire engagée à l'encontre de Mme [B] [J] par infirmation du jugement déféré.

Sur les demandes annexes :

Mme [J] sollicite l'octroi de dommages-intérêts en raison de la mauvaise foi du Crédit Lyonnais qui a diligenté la procédure litigieuse et alors qu'elle a dû solliciter les pièces fondant sa demande et alors que cette procédure a eu de lourdes conséquences sur les plans professionnel et personnel puisqu'elle a perdu son emploi et qu'elle est aujourd'hui au chômage, qu'elle a dû déménager afin de trouver un appartement plus petit ce qui ne lui a pas permis de garder ses enfants et justifié qu'elle se voit prescrire un traitement médical pour dépression.

La banque oppose que Mme [J] ne démontre pas un d'agissements blâmables de sa part.

L'article L121-2 du code des procédures civiles d'exécution prévoit : «Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie. ».

Il convient de rappeler que le premier juge a rejeté la demande de mainlevée présentée par Mme [J] à défaut pour elle de produire des justificatifs la justifiant et en cause d'appel elle n'a pas produit les pièces établissant sa situation financière lorsqu'elle a souscrit le cautionnement.

De plus, si Mme [J] a effectivement demandé à la banque de justifier de son engagement comme caution selon courrier du 2 août 2017, force est de constater que la réalité de cet engagement ne peut plus sérieusement être contestée puisque seul son caractère disproportionné a été reconnu par le tribunal judiciaire d'Angoulêmele 4 avril 2019.

Au regard de ces éléments, l'abus de la banque dans l'engagement de la procédure n'est pas démontré.

Au surplus, Mme [J] ne démontre pas le lien entre la saisie-conservatoire pratiquée sur ses comptes et sa perte d'emploi dont elle ne démontre d'ailleurs pas le caractère volontaire ou pas puisqu'elle fournit seulement un certificat de travail selon lequel elle a été employée du 24 janvier 2017 au 20 juillet 2018 comme déléguée pharmaceutique auprès de la société Repsco Promotion.

Mme [J] produit des ordonnances non-datées portant délivrance d'un antidépresseur l'une d'elles portant le tampon d'une pharmacie daté du 16 février 2018. Ces pièces sont insuffisantes à établir un lien entre la saisie et la médication évoquée.

Enfin, Mme [J] ne démontre pas en quoi la saisie pratiquée l'aurait obligée à déménager, ce dont d'ailleurs elle ne justifie pas.

Elle ne démontre donc pas la réalité du préjudice allégué.

L'équité commande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Mme [J] à verser à la banque 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de faire droit à la demande à ce titre Mme [J] à hauteur de 1500 €.

La SA Crédit Lyonnais qui succombe gardera la charge de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

Infirme le jugement déféré,

Ordonne la mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée par la SA Crédit Lyonnais sur les comptes détenus par Mme [B] [J] à la Caisse d'épargne,

Rejette la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [B] [J] ,

Condamne la SA Crédit Lyonnais à verser à Mme [B] [J] 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Crédit Lyonnais aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. BUTELC. BENEIX-BACHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/01432
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;21.01432 ?
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