15/06/2022
ARRÊT N°231
N° RG 20/02423 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NWTC
VS - AC
Décision déférée du 30 Juillet 2020 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 20/01698
Madame MOLLAT
S.A.R.L. LE PETIT TRAIN TOURISTIQUE DE TOULOUSE
C/
[P] [L]
confirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A.R.L. LE PETIT TRAIN TOURISTIQUE DE TOULOUSE Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Julien DEVIERS de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Madame [P] [L]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie-elodie ROCA de l'AARPI LAUNOIS-ROCA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, présidente chargée du rapport, P.BALISTA, conseiller chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. BALISTA, conseiller
P. DELMOTTE, conseiller
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C.OULIE, greffier de chambre.
Exposé des faits et procédure :
Selon la Sarl Le Petit Train Touristique de Toulouse (la société LPTTT), pour garer le train touristique qu'elle exploite au centre ville de Toulouse, cette société a pris à bail auprès de [P] [L] un entrepôt et local annexe, sis [Adresse 4] à [Localité 2], à compter du 1er décembre 2018 moyennant un loyer de 6.000 € par an.
La société Le Petit Train Touristique indique qu'il s'agit d'un bail verbal, que fin 2019, [P] [L] a indiqué qu'elle ne régularisait pas de bail écrit et qu'elle entendait vendre les lieux, qu'en avril 2020, elle a demandé la remise des clés du local annexe, puis a fait couper les alimentations en eau et électricité, a jeté une partie du matériel d'exploitation de la locataire, a fait souder des pièces métalliques sur les rails du portail interdisant sa fermeture, puis a rejeté le paiement du loyer du mois de juin.
Selon [P] [L],
d'une part, elle n'est pas propriétaire des locaux sis [Adresse 4] à [Localité 2], la Sci Jonathan étant seule propriétaire de cet ensemble immobilier dont le gérant est son époux ;
d'autre part, la SCI Jonathan louait l'entrepôt à la société Pf Développement au terme d'un bail conclu le 1er août 2017 pour une durée de deux années et renouvelable par tacite reconduction. Le preneur y exerçait une activité de réparation automobile. Ce garage était spécialisé dans la réparation des véhicules poids lourds. La société Pf Développement avait notamment pour client la société LPTTT pour l'entretien et la réparation des deux trains. Le petit train est ainsi resté stationné sur le parking du garage automobile durant le temps des réparations ;
de surcroît, M. [B], gérant de la société LPTTT, a demandé auprès du garage s'il pouvait rester stationné sur le parking du garagiste, le temps nécessaire pour trouver un emplacement et des locaux pour y stationner ces trains. La société Pf Développement a alors présenté [P] [L] à M. [B]. Cette dernière a autorisé M. [B] à stationner les deux petits trains devant l'entrepôt, sur le parking extérieur, pour une durée limitée, le temps que ce dernier trouve un entrepôt ;
enfin, il ne s'agissait en aucun cas d'une promesse de bail, ni d'un bail verbal, [P] [L] lui précisant d'ailleurs que le local était actuellement en vente. Il n'a jamais été question de la signature d'un bail mais bien d'une tolérance de stationnement durant quelques semaines. M. [B] a souhaité dédommager [P] [L] pour sa gentillesse et lui a offert de lui verser une compensation financière de 500€/mois. La situation a finalement perduré plus longtemps que prévu. Alors que M. [B] avait annoncé à [P] [L] stationner sur le parking un ou deux mois le temps de trouver un garage, LPTTT demeurera dans les lieux de nombreux mois. La société LPTTT parviendra à récupérer les clés du local principal, après le départ du locataire, Pf Développement. Le bail existant entre la société Pf Développement et la Sci Jonathan a été résilié le 30 juillet 2019. La société LPTTT est ensuite demeurée dans les lieux.
Par acte d'huissier en date du 18 juin 2020, après y avoir été autorisée par ordonnance en date du 17 juin 2020, la société LPTTT a assigné à jour fixe [P] [L] devant le tribunal judiciaire de Toulouse.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société LPTTT demandait au tribunal de dire et juger qu'un bail la liait à [P] [L], d'ordonner à cette dernière de transmettre un bail à régulariser et, à défaut, de dire que le jugement à intervenir vaudrait bail commercial, d'ordonner à [P] [L] de communiquer les modalités du projet de vente, de restituer les clés du local, de rétablir le grand portail et le plein usage de la façade, de lui payer une somme au titre de frais de gardiennage et une somme au titre de la résistance abusive.
[P] [L] a demandé au tribunal de déclarer irrecevable l'action engagée à son encontre par la société LPTTT.
Par jugement du 30 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
déclaré irrecevables les demandes de la société LPTTT
condamné la société LPTTT à payer à [P] [L] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (cpc) et à supporter les dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 2 septembre 2020, la société LPTTT a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation de chacun des chefs du jugement critiqué.
La clôture est intervenue le 7 février 2022.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions n°3 notifiées le 18 mars 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société LPTTT demandant, au visa des articles 1709 et 1719 du code civil, L145-1 et L145-46-1 du code de commerce, de :
réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
dire et juger que le bail de la chose d'autrui n'est point nul et produit effet entre la bailleresse et le preneur ;
déclarer recevables les demandes de la société LPTTT ;
dire et juger que [P] [L] et la société LPTTT sont liés par un bail aux caractéristiques suivant :
portant sur le grand entrepôt et le local annexe sis [Adresse 4] à [Localité 2]
moyennant un loyer de 6000 € annuel payables en douze termes égaux ;
à usage de stationnement et d'entreposage des trains touristiques
bénéficiant du statut des baux commerciaux comme étant un local accessoire au sens de l'article L145-1 du Code de commerce ;
Et par conséquent d'une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er décembre 2018 pour se terminer le 30 novembre 2027
ordonner à [P] [L] de transmettre un bail à régulariser conformément aux stipulations précitées sous délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ;
à défaut d'y déférer, dire et juger que le jugement à intervenir vaut bail commercial aux conditions exposées ;
ordonner à [P] [L] de communiquer les modalités du projet de vente dans les conditions fixées par l'article L145-46-1 du code de commerce, c'est-à-dire par voie de notification en précisant le prix et les conditions de la vente envisagée et à défaut d'y déférer sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;
ordonner à [P] [L] de restituer les clés du local annexe au grand entrepôt, sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
ordonner à [P] [L] de rétablir l'accès à l'entrepôt à la société LPTTT, sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
condamner [P] [L] à payer la somme de 28.032,51 € en remboursement des frais de gardiennage exposées ;
condamner [P] [L] à payer à la société LPTTT d'une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
débouter [P] [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et son appel incident ;
condamner [P] [L] à payer à la société LPTTT une somme de 7.000 € au titre des frais irrépétibles comprenant les honoraires d'avocat, les frais des procès-verbaux de constat, outre les frais bancaires liés à l'obtention des chèques de paiement des loyers
condamner la même aux entiers dépens.
Vu les conclusions notifiées le 18 janvier 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de [P] [L] demandant de :
confirmer le jugement rendu en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par la société LPTTT contre [P] [L],
infirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté [P] [L] de sa demande de dommages et intérêts,
condamner la société LPTTT à payer à [P] [L] la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
à titre subsidiaire,
débouter LPTTT de l'ensemble de ses demandes.
rejeter des débats les constats d'huissiers établis en violation des droits de la Sci Jonathan,
dire et juger que la société LPTTT est occupant sans droit ni titre,
en tout état de cause, condamner la société LPTTT à payer à [P] [L] la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Motifs de la décision :
-sur la recevabilité des demandes de la société LPTTT :
Le tribunal a déclaré irrecevable les demandes de la société LPTTT en reconnaissance d'un bail commercial à son profit pour ne pas avoir assigné le propriétaire des immeubles occupés en application des articles 32 et 122 du cpc.
En cause d'appel, le propriétaire de l'immeuble la SCI Jonathan n'est pas intimée et la société LPTTT entend se prévaloir de la « théorie de l'apparence » en assignant et intimant uniquement une associée de la SCI Jonathan, en l'espèce l'épouse du gérant de la société, [P] [L], pour voir déclarer recevables ses demandes.
La société LPTTT souligne le fait que [P] [L] s'est présentée seule comme la bailleresse des lieux occupés pour l'autoriser à garer ses deux trains dans l'emplacement litigieux en 2018 et la SCI Jonathan, propriétaire, n'a formalisé aucune opposition au bail en litige.
[P] [L], seule intimée, précise et justifie qu'elle n'est pas propriétaire des lieux que la société LPTTT occupe à titre temporaire et que l'assignation en délivrance d'un bail commercial de la société LPTTT devait être délivrée obligatoirement à la SCI Jonathan.
A défaut d'apporter des justificatifs précis de nature à établir la théorie du propriétaire apparent entre la SCI Jonathan et une de ses associés, [P] [L], force est de constater que le propriétaire des lieux litigieux est la SCI Jonathan qui doit être assignée en tant que seule propriétaire des lieux et bailleresse recherchée en qualification d'un constat de bail commercial, comme le demande la société LPTTT.
Une action en reconnaissance d'un droit au bail sur des immeubles ne peut être engagée qu'à l'encontre du propriétaire desdits immeubles.
Même si Mme [L] avait seule autorisé la société LPTTT à se garer provisoirement sur place en 2018 et si en juin 2020, celle-ci rappelait à la société LPTTT les termes du précédent accord de 2018 avec obligation de libérer les lieux pour vente de l'emplacement au plus tard au 31 mai 2020, ces circonstances ne dispensaient pas la société LPTTT , d'accomplir des diligences minimales et de vérifier, en obtenant notamment la délivrance des fiches d'acquisitions immobilières sur la zone cadastrale auprès de la conservation des hypothèques, l'identité du propriétaire des lieux et donc la qualité juridique de la partie qu'elle entendait assigner avant d'engager une action tendant à la reconnaissance de l'existence d'un bail commercial.
A défaut d'avoir assigné la SCI Jonathan, propriétaire des lieux litigieux, l'action de la société LPTTT est irrecevable, quand bien même elle serait engagée contre l'un des associés de la société.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré.
-sur la demande de dommages-intérêts de [P] [L] pour procédure abusive :
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce ; il semble plutôt que la société LPTTT se soit méprise sur l'étendue de ses droits.
La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par [P] [L] doit être rejetée.
La société LPTTT qui succombe sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
-confirme le jugement
-déboute [P] [L] de sa demande de dommages intérêts
-déboute la sarl LPTTT de ses demandes
-condamne la sarl LPTTT aux dépens d'appel
-condamne la sarl LPTTT à payer à [P] [L] la somme de 1.500.euros en application de l'article 700 du cpc.
Le greffier, La présidente,
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