15/06/2022
ARRÊT N°239
N° RG 20/01933 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NUSS
PB/CO
Décision déférée du 20 Décembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de CASTRES - 18/01434
M.[C]
[X] [W] épouse [Z]
C/
S.A. CA CONSUMER FINANCE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [X] [W] épouse [Z]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A. CA CONSUMER FINANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 15 Février 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
V. SALMERON, présidente
P. BALISTA, conseiller
F. PENAVAYRE, Magistrat honoraire remplissant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A.CAVAN
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C.OULIE, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE :
Le 9 novembre 2016, la société Consumer a consenti à M. [K] [Z] et Mme [X] [W] épouse [Z] un contrat de prêt d'un montant de 131.417,74 €, remboursable en 120 mensualités moyennant un TEG de 6.950 % l'an.
[K] [Z] est décédé le [Date décès 2] 2017.
[X] [W] a cessé de remplir ses obligations à partir du mois de mars 2017.
Les 20 décembre 2017 et 26 janvier 2018, la société Consumer a adressé à [X] [W] deux mises en demeure restées sans effet.
Par acte en date du 7 septembre 2018, la société Consumer a fait assigner [X] [W] devant le tribunal de grande instance de Castres aux fins d'obtenir le remboursement de sa créance majorée des intérêts et des pénalités contractuelles.
[X] [W] a conclu à l'irrecevabilité des demandes de la société Consumer, à titre subsidiaire à la condamnation de la société Consumer à lui payer des dommages et intérêts équivalents aux condamnations en paiement dont elle ferait l'objet, et en tout état de cause à lui verser la somme de 10000 € au titre de son préjudice moral.
Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Castres a :
-déclaré les demandes formulées par la société Consumer recevables,
-condamné [X] [W] à payer à la société Consumer la somme de 141309,28 €, majorée des intérêts au taux contractuel depuis l'arrêté de compte du 19 avril 2018,
-rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la société Consumer,
-rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par [X] [W] titre du manquement au devoir de mise en garde allégué,
-rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par [X] [W] titre des agissements abusifs allégués,
-rejeté la demande de mise hors de cause formulée par [X] [W],
-rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné [X] [W] aux dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Me Marfaing-Didier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration en date du 20 juillet 2020, [X] [W] a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation des chefs du jugement qui ont :
-déclaré les demandes formulée par la société Consumer recevables,
-condamné [X] [W] à payer à la société Consumer la somme de 141309,28 €, majorée des intérêts au taux contractuel depuis l'arrêté de compte du 19 avril 2018,
-rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par [X] [W] titre du manquement au devoir de mise en garde allégué,
-rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par [X] [W] titre des agissements abusifs allégués,
-rejeté la demande de mise hors de cause formulée par [X] [W],
-rejeté la demande de [X] [W] formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné [X] [W] aux dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées le 20 octobre 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, [X] [W] a demandé à la cour, au visa des articles 15 du code de procédure civile, 1353, 1231-1 et 1240 du code civil, de :
-réformer dans toutes ses dispositions le jugement dont s'agit,
-à titre principal, déclarer la société Consumer irrecevable en sa demande, faute de rapporter la preuve qui lui incombe de l'existence de l'obligation dont elle réclame l'exécution, la condamner aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au versement d'une indemnité de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
-à titre subsidiaire et si par impossible la juridiction estimait que la demande en paiement de la banque est au moins partiellement fondée, dire et juger que cette dernière a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de [K] [Z] et de [X] [Z] en méconnaissant son devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur principal, grandement affaibli par une maladie gravissime et dans l'incapacité de contracter, dire et juger par ailleurs que le banquier a également manqué à son devoir de mise en garde en faisant souscrire un prêt destiné à se substituer à différents prêts bénéficiant d'une assurance décès invalidité, dire et juger dès lors que dans l'hypothèse où une quelconque condamnation serait prononcée à l'égard de [X] [Z], il y aura lieu de fixer le montant de dommages et intérêts dus à cette dernière à un montant équivalent au montant de la somme objet de la condamnation, prononcer en ce cas la compensation entre les créances réciproques,
-plus subsidiairement encore, dire et juger que la banque sera condamnée à mieux se pourvoir à l'encontre de l'assureur garantissant le prêt,
-reconventionnellement et dans tous les cas, condamner la banque à verser à la concluante la somme de 10000 € de dommages et intérêts, afin de réparer le préjudice moral découlant des agissements fautifs de la banque ou de ses préposés postérieurement au décès de [K] [Z] survenu le [Date décès 2] 2017, condamner la société Consumer aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au versement d'une indemnité de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 29 décembre 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la société Consumer a demandé à la cour, au visa des articles 1134 ancien, 1231-1 et 1353 du code civil, de :
-confirmer le jugement du 20 décembre 2019 du tribunal de grande instance de Castres en toutes ses dispositions,
-débouter [X] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-condamner [X] [W] au paiement de la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
-condamner [X] [W] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Marfaing-Didier, avocat, sur son affirmation de droit.
La clôture est intervenue le 24 janvier 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité
L'appelant soulève en premier lieu l'irrecevabilité des demandes de la société Crédit Agricole Consumer Finance motif pris de la production d'un contrat de crédit partiellement tronqué.
Comme retenu à bon droit par le premier juge, la force probante d'une pièce n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais conditionne seulement son bien fondé.
Dès lors, la demande de la société Crédit Agricole Consumer Finance est recevable.
Sur la demande en paiement de la banque
La société Crédit Agricole Consumer Finance produit l'offre préalable de crédit acceptée par les emprunteurs de laquelle il ressort:
-que chaque emprunteur a daté et signé l'acceptation de l'offre de crédit, présentée sur trois pages, et paraphé chacune des pages sur lesquelles apparaissent les caractéristiques du crédit, son type (prêt personnel, regroupement de crédits), son montant (131417,74 €), sa durée (120 mois), son taux débiteur (5,201%), son TEG (6,95%), son coût total (170738,4 €), le montant des mensualités avec et hors assurance, et les conditions générales,
-qu'elle justifie en conséquence du principe de sa créance.
L'emprunteuse fait valoir que si la numérotation de bas de pages est complète (3/3), la numérotation de haut de pages, sur 25 pages, fait apparaître des pièces manquantes.
Néanmoins, ces pièces ne sont pas relatives à l'acceptation de l'offre de crédit, laquelle est complète de sorte qu'elle n'affecte pas le principe de la créance, étant par ailleurs produites, sur les 25 pages mentionnées :
-la fiche de dialogue signée par les emprunteurs qui mentionne leurs revenus et leurs charges (5557 € de revenus mensuels pour M. [Z], 2254 € de revenus mensuels pour Madame [Z] avec des charges de crédit de 2930 €),
-la demande de clôture également signée des prêts dont il est demandé le rachat, le prêt litigieux étant un prêt de regroupement de crédits.
Sont également versés aux débats l'avis d'imposition des revenus de 2015 des emprunteurs, un avis de taxe foncière, la consultation du FICP et les pièces d'identité des époux [Z].
Dès lors, la banque est fondée à indiquer que les pièces manquantes, constituées des pièces à conserver par les emprunteurs, n'affecte pas l'obligation de remboursement à à la charge des emprunteurs.
Sur l'obligation de conseil et de mise en garde de la banque
Madame [Z] fait valoir l'état de santé déficient de son époux au moment de la souscription du crédit, époux qui était atteint d'un cancer de la vessie au moment de la souscription du prêt, ainsi qu'il résulte de bilans médicaux produits.
Néanmoins, il ne ressort d'aucune pièce que la banque était informée, lors de la signature du contrat de crédit, de l'existence de cette affection et de son importance.
La banque n'était donc pas tenue d'une obligation particulière concernant l'état de santé de l'emprunteur et ne pouvait d'ailleurs s'en enquérir d'office, compte tenu du secret médical.
Il en est de même concernant l'état de santé de Madame [Z], rien n'établissant que la banque était informée des troubles du sommeil et de l'addiction médicamenteuse évoqués dans le certificat médical produit par l'appelante.
Madame [Z] fait encore valoir que la banque a manqué à ses obligations en faisant résilier par les emprunteurs des prêts assortis d'une assurance au profit du prêt de rachat litigieux.
Ce moyen est inopérant en ce que :
-le prêt de rachat est lui même assorti d'une « assurance décès, IPT, PTIA » ainsi qu'il ressort de l'offre préalable de crédit acceptée,
-l'emprunteuse ne produit pas les contrats de crédits rachetés et ne justifie en conséquence pas de l'existence des assurances qu'elle invoque, de leur type et du montant de leur couverture.
Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à invoquer un manquement contractuel de la banque, le premier juge ayant, à bon droit, constaté que les revenus et charges des époux [Z] ne laissaient apparaître aucun risque d'endettement excessif, le prêt de rachat ayant par ailleurs pour effet de diminuer le montant mensuel des crédits à rembourser.
Sur les demandes reconventionnelles de Madame [Z]
L'appelante demande encore à la cour de condamner la banque à mieux se pourvoir à l'encontre de l'assureur garantissant le prêt, évoquant, s'agissant de la banque, une qualité de mandataire de l'assureur.
Le prêt était assuré, ainsi qu'il ressort de la pièce n°27 de l'appelante, par la société Crédit Agricole Creditor Insurance, société distincte de la société Crédit Agricole Consumer Finance.
Nul ne plaidant par procureur, il appartenait à l'emprunteuse d'appeler en cause aux fins de garantie l'assureur, dans les conditions rappelées par le premier juge, au visa des articles 334 et 335 du Code de procédure civile, si l'appelante entendait voir prises en charge les mensualités du prêt.
Le jugement a donc, à bon droit, écarté toute mise hors de cause de l'emprunteuse de ce chef.
C'est également à bon droit que le premier juge a débouté l'emprunteuse de sa demande en dommages et intérêts pour agissements fautifs de la banque, faute de pièce probante, les simples mises en demeure de payer, légalement obligatoires pour permettre à la banque d'engager son action, ne constituant pas une faute.
Si Madame [Z] mentionne le comportement scandaleux d'un huissier de justice, chargé du recouvrement, la lettre de l'avocat de Madame [Z], qui n'a pas été témoin direct de la scène ne peut prouver, à elle seule, le comportement fautif d'un tiers, qui ne ressort d'aucun autre élément.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes annexes
La demande d'exécution provisoire de la décision est sans objet, s'agissant d'une décision en dernier ressort.
L'équité ne commande pas, en cause d'appel, application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Partie perdante, Madame [Z] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Castres du 20 décembre 2019.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Condamne Mme [X] [W] aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Marfaing-Didier, avocat, sur son affirmation de droit.
Le greffier La présidente
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