COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Minute 2022/255
N° RG 22/00252 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O2GA
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 03 juin à 13h00
Nous E. VET Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 21 DECEMBRE 2021 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'ordonnance rendue le 01 Juin 2022 à 16H06 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :
[S] [R]
né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 2] - REPUBLIQUE TCHEQUE
de nationalité Tchèque
Vu l'appel formé le 02/06/2022 à 13 h 00 par télécopie, par Me Sandrine NEFF, avocat au barreau de TOULOUSE;
A l'audience publique du 03/06/2022 à 09h30, assisté de K. MOKHTARI avons entendu:
[S] [R], qui a refusé de comparaître, information donnée par le CRA par courriel du 03/06/2022 à 09h21, représenté par Me Sandrine NEFF, avocat au barreau de TOULOUSE
avec le concours de [J] [D], interprète,
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de M.[N] représentant la PREFECTURE DE L'AUDE ;
avons rendu l'ordonnance suivante :
M. [S] [R], de nationalité tchèque a fait l'objet le 30 mai 2022 d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire émanant de la préfecture de l'Aude.
Par décision du 30 mai 2022, il a fait l'objet d'un placement en rétention administrative.
Par requête du 31 mai 2022, le préfet de l'Aude a sollicité la prolongation de la rétention de M. [R] pour une durée de 28 jours.
Aux termes d'une ordonnance prononcée le 1er juin 2022 à 16h06, le juge des liberté et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a rejeté les exceptions de procédure et ordonné la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours.
M. [R] a interjeté appel de cette décision, par courrier de son conseil adressé par voie électronique au greffe de la cour, le 2 juin 2022 à 13 heures.
À l'appui de sa demande de remise en liberté il soutient que :
' l'administration n'a pas caractérisé l'état de nécessité de recourir à un interprétariat téléphonique pour la notification de l'arrêté de quitter le territoire, de l'arrêté de placement en rétention administrative et de ses droits en matière de demande d'asile,
' il n'a fait l'objet d'aucune audition par les services de la police de l'air et des frontières permettant de recueillir les informations le concernant empêchant l'analyse de sa situation personnelle et que la fiche d'information relative à son état de vulnérabilité est rédigée en français sans que soit mentionnée l'assistance d'un interprète.
M. [R] a refusé de comparaître à l'audience.
le préfet de l'Aude représenté, a sollicité la confirmation de l'ordonnance déférée.
Le ministère public, avisé de la date d'audience, est absent et n'a pas formulé d'observations.
MOTIFS:
Sur la recevabilité de l'appel:
L'appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux.
Sur le recours à un interprètariat téléphonique :
Il convient de rappeler que M. [R] a été écroué le 4 février 2022 à la maison d'arrêt de [Localité 3] suite à une condamnation de cinq mois d'emprisonnement pour des faits de refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques, refus par conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter et rébellion.
Il a été placé en rétention à sa levée d'écrou le 30 mai 2022.
L'article L 141-3 du CESEDA dispose : «Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.
En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.» .
L'article L 743-12 du CESEDA prévoit : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger. » .
Il convient de rappeler que par décision du ministère de l'intérieur du 29 mars 2022, l'agrément en qualité d'organisme d'interprétariat et de traduction a été renouvelée à l'association Interservices Migrant Interprétariat (ISM) pour une durée d'un an à compter du 10 avril 2022.
Les critiques relatives à la notification de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français relèvent de la compétence des juridictions administratives. De même, l'éventuelle irrégularité résultant des modalités de notification de l'arrêté de placement en rétention ne peuvent être retenues en l'absence de contestation de l'arrêté par M. [R].
M. [R] s'est vu notifier ses droits en matière de demande d'asile par un interprétariat téléphonique réalisé par le truchement del'ISM.
Cependant, les textes visés n'imposent pas de caractériser une impossibilité de l'interprète à se déplacer alors qu'il convient de notifier à l'intéressé le plus rapidement possible ses droits et que la qualité de la traduction est établie l'agrément de l'organisme ayant procédé à la traduction téléphonique. De plus, l'intéressé ne démontre pas une quelconque carence dans les informations qui lui ont été données ni qu'il a subi un grief qui n'est pas évoqué.
Enfin, l'éventuelle irrégularité affectant le questionnaire de vulnérabilité ne pourrait affecter que l'arrêté de placement en rétention dont la motivation en fait pourrait être critiquée. Cependant, ainsi qu'il a été dit, aucun recours n'a été exercé par l'intéressé concernant l'arrêté de placement en rétention. D'ailleurs, M. [R] n'évoque aucun critère de vulnérabilité pouvant justifier sa libération.
Sur l'absence de procès-verbal d'audition :
M. [R] n'invoque aucune disposition légale justifiant la nécessité d'établissement d'un tel procès-verbal et s'il déduit de cette absence l'impossibilité de la carence de l'administration dans l'analyse de sa situation personnelle, celle-ci affecterait l'arrêté de placement en rétention contre lequel aucun recours n'a été exercé dans les délais légaux.
En conséquence, ce moyen ne peut être retenu.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer l'ordonnance déférée et ordonné la prolongation de la rétention de M. [R], l'administration justifiant par ailleurs de la saisine dès le 31 mai 2022 du consul général de la République tchèque et d'une demande de routing et alors qu'il résulte du rapport du SPIP du 23 mai 2022 que M. [R] « serait SDF et vivant dans la marginalité ». M. [R] ne justifiant à l'audience d'aucun élément contrariant ce rapport et pouvant justifier sa remise en liberté.
PAR CES MOTIFS
Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;
REÇOIT l'appel ;
CONFIRME l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de TOULOUSE le 1er juin 2022;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE de l'Aude, service des étrangers, à M. [S] [R], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.
LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE
K. MOKHTARI E. VET Conseiller