COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Minute 2022/236
N° RG 22/00234 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OZYN
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 25 mai à 17h10
Nous A. DUBOIS, Président de chambre, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 21 DECEMBRE 2021 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'ordonnance rendue le 23 Mai 2022 à 16H40 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :
[T] [S]
né le 05 Mars 1995 à MOSTAGANEM - ALGERIE (48100)
de nationalité Algérienne
Vu l'appel formé le 24/05/2022 à 15 h 12 par télécopie, par Me Sylvain LASPALLES de la SELARL SYLVAIN LASPALLES, avocats au barreau de TOULOUSE;
A l'audience publique du 25/05/2022 à 14h30, assisté de K. MOKHTARI avons entendu:
[T] [S]
assisté de Me LASPALLES de la SELARL SYLVAIN LASPALLES, avocats au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier
avec le concours de [F] [C], interprète,
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de Mme [W] représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE ;
avons rendu l'ordonnance suivante :
M. [T] [S], de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Haute-Garonne portant transfert d'un demandeur d'asile aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile du 13 mai 2022.
Il a été placé en rétention administrative suivant décision préfectorale du 21 mai 2022 à sa levée d'écrou.
Par requête du 22 mai 2022, le préfet a sollicité la prolongation pour une durée de 28 jours de son placement en rétention, lequel a été contesté par M. [T] [S] par requête du 23 mai 2022.
Par ordonnance du 23 mai 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a joint les procédures, déclaré régulière la décision de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. [T] [S].
Ce dernier en a interjeté appel par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 24 mai 2022 à 15 h 12.
Il soutient par la voie de son avocat, à l'appui de ses demandes principales d'infirmation de l'ordonnance et de remise immédiate en liberté, que :
- l'arrêté de placement en rétention est irrégulier pour insufisance de motivation et défaut d'examen de sa situation personnelle, faute d'une évaluation individuelle, pour erreur de droit dès lors que la décision de transfert porte la mention 'refus de se déplacer et de signer' alors que la preuve n'en est pas rapportée et pour erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle sur le territoire français.
Le préfet de la Haute-Garonne, représenté à l'audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en soulignant que la situation personnelle de l'intéressé a bien été prise en compte et analysée, que M. [S] a clairement manifesté sa volonté de ne pas se soumettre à la mesure d'éloignement lorsqu'il a refusé de se déplacer pour assister à l'entretien avec les services de police et se voir notifier la décision de transfert.
Le ministère public, avisé de la date d'audience, est absent et n'a pas formulé d'observation.
-:-:-:-:-
MOTIVATION :
L'appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux.
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative
En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Selon le dernier alinéa de l'article L751-9 dudit code, l'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être placé en rétention en application du présent article, même s'il n'était pas retenu lorsque la décision de transfert lui a été notifiée.
L'article 751-10 précise que le risque non négligeable de fuite mentionné à l'article L. 751-9 peut, sauf circonstance particulière, être regardé comme établi dans les cas suivants :
7° L'étranger qui ne bénéficie pas des conditions matérielles d'accueil prévues au titre V du livre V ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente,
9° L'étranger ne se présente pas aux convocations de l'autorité administrative, ne répond pas aux demandes d'information et ne se rend pas aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile ou de l'exécution de la décision de transfert sans motif légitime.
En l'espèce, comme valablement relevé le premier juge, la décision de placement en rétention énonce les circonstances de fait et de droit l'ayant motivée et notamment :
- le 27 janvier 2021, l'appelant, qui n'a pas introduit de demande d'asile auprès de l'administration française, a fait l'objet d'une comparaison d'empreintes avec celles figurant au fichier Eurodac qui a révélé qu'il avait transité par l'Espagne,
- les autorités espagnoles ont ainsi été saisies d'une demande de prise en charge qu'elles ont acceptée par décision du 5 février 2021,
- M. [S] a de la sorte fait l'objet d'un arrêté préfectoral portant transfert vers l'Espagne pris le 13 mai 2022 et notifié le 17 mai 2022,
- il ne bénéficie pas de conditions matérielles d'accueil, ne peut pas justifier du lieu de sa résidence effective et permanente et ne démontre pas la réalité d'un domicile sur le territoire national,
- il présente en conséquence un risque non négligeable de fuite au sens de l'article L751-10 al 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement.
Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision.
L'arrêté préfectoral querellé repose ainsi sur l'analyse de la situation personnelle de l'appelant, comporte ainsi les motifs de droit et de fait suffisants et le grief tiré d'une insufisance de motivation, d'un défaut d'examen de la situation particulière et d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Il s'avère en outre que dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, plusieurs convocations en préfecture ont été adressées à M. [S], ce dernier s'est vu remettre une attestation de demande d'asile 'procédure [Localité 1]' ainsi que les brochures idoines dont il a accusé réception, qu'il a fait l'objet d'un entretien préalable le 27 janvier 2022, que pendant qu'il purgeait sa peine au centre pénitentiaire, il lui a été remis une demande d'observation le 11 mai 2022 qu'il a restituée sans observations le 13 mai suivant, qu'il a en revanche refusé de se déplacer le 27 mars 2022 quand les services de police sont venus à [Localité 2] pour une audition et la prise de photographies et d'empreintes dactyloscopiques, puis le 17 mai 2022 pour recevoir notification de l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles.
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que M. [S] ne pouvait ignorer que la préfecture avait engagé une procédure aux fins d'éloignement et qu'il a été, à deux reprises, mis en mesure de participer à la procédure administrative, la seconde fois en prenant connaissance de la décision préfectorale.
C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu qu'est rapportée la preuve que l'administration a tenté de la manière la plus directe et la plus efficace de lui notifier la décision par la remise d'une copie en main propre à l'intéressé pendant sa détention.
L'appelant ne peut donc sérieusement exciper d'un défaut de notification, les moyens relatifs à l'absence de preuve de ce qu'il aurait refusé de se présenter notamment en toute connaissance de cause étant inopérants, l'intéressé ne pouvant tirer argument du refus de se déplacer le 17 mai et de signer l'arrêté préfectoral portant transfert aux autorités espagnoles après avoir reçu la demande d'observation relative à son éloignement le 11 mai et restitué sans observation ce même document le 13 mai.
C'est donc valablement et sans erreur de droit que la décision de placement en rétention a été prise.
Sur la prolongation de la rétention
En application de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Il n'est pas discuté que M. [T] [S] doit être prochainement remis aux autorités espagnoles et l'administration verse au dossier un accusé de réception de demande de routing avec une première disponibilité à compter du 21 mai 2022.
La prolongation de la rétention administrative est donc justifiée.
La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
-:-:-:-:-
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,
Confirmons l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 23 mai 2022,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de la Haute-Garonne, à M. [T] [S] ainsi qu'à son conseil et communiquée au ministère public.
LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE
K. MOKHTARI A. DUBOIS Président de chambre