25/05/2022
ARRÊT N°204
N° RG 20/02167 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NVMU
IMM/CO
Décision déférée du 28 Mai 2020 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE ( 2018J00448)
M.MAMY
S.A.R.L. INELTEC FRANCE
C/
Société SNEF
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A.R.L. INELTEC FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Caroline HORNY de la SELARL DESARNAUTS HORNY ROBERT DESPIERRES, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée de Me Valentin MARTINEZ, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
Société SNEF
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Coralie SOLIVERES de la SCP D'AVOCATS SALESSE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
P. BALISTA, conseiller
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C.OULIE , greffier de chambre
Exposé des faits et procédure :
Par marché public de fourniture courantes du 14 mai 2014, l'université [4] a confié à la société Snef la fourniture d'une chambre climatique de 15 m3 pour un montant TTC de 73.799, 78 €.
La société Snef a sous-traité à la société Ineltec la fourniture et les travaux de pose de cette chambre climatique par contrat en date du 3 juin 2014 pour un prix global et forfaitaire de 48.500 € HT.
La société Snef et le maître de l'ouvrage ayant constaté à l'occasion de la réalisation d'essais, certains dysfonctionnements ont mis en demeure le fournisseur d'y remedier.
Le 21 janvier 2016, la réception a été prononcée sans réserve par le maître de l'ouvrage.
Par courrier recommandé du 19 juillet 2016, la société Snef a adressé à la société Ineltec un décompte général indiquant que cette dernière restait lui devoir la somme de 34.643,60€ TTC, correspondant notamment aux coûts exposés par elle en raison de la défaillance de la société Ineltec
Fin 2016, l'université [4] a informé la société Snef de nouveaux dysfonctionnements de la chambre climatique. La société SNES a fait procéder aux travaux par la société CTS pour un montant de 8.294,40€ TTC.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 octobre 2017, la société Snef a mis en demeure la société Ineltec de lui régler la somme de 42.938€ TTC.
Par exploit en date du 22 juin 2018, la société Snef a fait assigner la société Ineltec devant le tribunal de commerce de Toulouse en paiement des sommes de 34.643,60 € au titre du décompte final et 8.294,40 € TTC au titre des frais engagés pour les réparations.
La société Ineltec a conclu au rejet des demandes de la société Snef et à titre subsidiaire à sa condamnation au paiement de la somme de 19.400 € TTC correspondant au solde demeurant impayé.
Par jugement du 28 mai 2020, le tribunal de commerce de Toulouse a :
- dit que le contrat liant la société Snef à la société Ineltec est un contrat d'entreprise ;
- dit que l'action de la société Snef à l'encontre de la société Ineltec n'est pas prescrite et est recevable ;
- condamné la société Ineltec à payer à la société Snef la somme de 15.416,95€ majoré des intérêts à compter du 22 juin 2018 date de l'assignation ;
- débouté les parties de l'ensemble de leurs autres demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société Ineltec à payer à la société Snef la somme de 1.200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société Ineltec aux dépens.
Par déclaration en date du 5 août 2020, la société Ineltec a relevé appel de ce jugement.
La clôture est intervenue le 24 janvier 2022.
Prétentions et moyens des parties':
Vu les conclusions n°3 notifiées le 25 mars 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Ineltec France demandant de :
- déclarer recevables et biens fondés les appels, demandes, fins, moyens et conclusions de la société Ineltec ;
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal de commerce de Toulouse ;
en conséquence, statuant à nouveau,
- rejeter les appels, demandes, fins moyens et conclusions de la société Snef;
- juger que le contrat en cause est un contrat de vente et que, par conséquent, l'action engagée par la société Snef en réduction du prix à raison des vices prétendus de la chose est prescrite et donc irrecevable';
subsidiairement, à supposer l'action non prescrite,
- juger que la demande de réduction de prix fondée sur l'article 9.3 des conditions générales est infondée car ces stipulations sont inapplicables dès lors (i) qu'elles figurent sur un document inopposable, et surabondamment (ii) qu'elles traitent d'une hypothèse de prix en régie, selon des situations à valider, étrangère aux présentes et (iii) au surplus encore, dès lors qu'elles sont nulles ;
- juger qu'à supposer que lesdites stipulations puissent recevoir application, la demande de réduction du prix présentée sous le même visa est infondée car elle porte sur des prestations réalisées et chiffrées par la société Snef sans autre preuve et car elle porte sur des substitutions par des tiers décidées d'office sans contrôle judiciaire, urgence ni autres devis en méconnaissance du droit applicable ;
- juger que la demande de répercussion d'une pénalité de retard de 10.000 € est infondée car dénuée de tout fondement contractuel ;
juger que la demande de prise en charge de réparations réalisées courant 2017 se trouvent hors garantie contractuelle et légale et ne sont pas justifiées en fait ;
- juger que le demande de remboursement du constat d'huissier n'est pas fondée ;
- condamner la société Snef au paiement d'un montant de 19.400 € TTC, correspondant à la facture de solde de la vente demeurant impayée à ce jour, outre intérêts moratoires au taux minimum légal depuis son échéance;
- condamner la société Snef à payer à la société Ineltec une indemnité de 7.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Snef aux entiers dépens du procès.
Vu les conclusions notifiées le 12 mars 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Snef demandant, au visa des articles 1134 ancien devenu 1103, 1147 ancien devenu 1231-1 et 1641 et s. du code civil, de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 28 mai 2020 en ce qu'il a jugé l'action de la société Snef recevable et bien fondée;
- dire et juger que la société Snef est bien fondée dans ses demandes;
- dire et juger que l'action de la société Snef est recevable et non prescrite
- constater que le contrat liant les sociétés la société Snef et la société Ineltec est un contrat de sous-traitance et réformer le jugement sur ce point';
- constater que la société Ineltec a manqué à ses obligations contractuelles
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 28 mai 2020 en ce qu'il n'a fait droit que partiellement aux demandes de la société Snef et a prononcé les condamnations de la société Ineltec en hors taxe;
- condamner la société Ineltec à régler à la société Snef;
la somme de 34.643,60 € TTC au titre du décompte final, étant précisé que cette somme portera intérêts à compter du jour de la présente assignation,
la somme de 8.294,40 € TTC correspondant au montant des frais engagés par la société Snef pour les réparations qu'aurait dû prendre en charge la société Ineltec;
- à titre subsidiaire, condamner la société Ineltec à régler à la société Snef la somme de 8.294,40 € TTC majorée des intérêts de retard à compter de l'exploit introductif d'instance;
- en tout état de cause, condamner la société Ineltec à régler à la société Snef la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
MOTIFS DE LA DECISION':
Sur la qualification du contrat liant les parties':
La société Snef estime que la convention liant les parties constitue un contrat d'entreprise. La société Ineltec soutient au contraire que les parties sont liées par un contrat de vente dès lors qu'elle s'est engagée à fournir une chambre climatique'standard dont les travaux de pose ne constituent qu'un accessoire.
Au-delà de la dénomination du contrat, il appartient au juge de rechercher en fonction des stipulations contractuelles la nature véritable de la convention litigieuse et de lui restituer le cas échéant sa juste qualification.
En droit, le sous-traitant se distingue du fabricant vendeur par la réalisation d'un travail spécifique pour un chantier précis et déterminé. En revanche, la simple adaptation du produit vendu aux besoins du client ne permet pas de retenir la qualification de contrat d'entreprise (Civ 3e, 21 octobre 2014, n°13-21.031).
A l'appui de ses prétentions, la société Snes verse aux débats des «'conditions particulières de sous-traitance'». Toutefois, l'article 7 de ces conditions particulières conditionne leur validité à l'acceptation du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, dont la Snes ne conteste pas qu'elle n'est jamais intervenue.
Ce document prévoyait à la charge de la société Ineltec la fourniture d'une chambre climatique modulaire de 15 m3'dont les caractéristiques sont précisément définies par référence aux plans de consultation, CCAP et CCTP'; Il est précisé que les prestations comprennent les relevés in situ, décharge de matériels, montage, mise en service, essais.
La société Ineltec justifie par la production du devis sur la base duquel a été établi le bon de commande et de son catalogue que la chambre climatique modulaire 15 m3 de type «'Walk in'» qu'elle a fourni figure bien à ce catalogue, avec diverses options de performances et d'équipements lui permettant de s'adapter aux exigences de ses clients'; Elle n'a donc pas conçu un équipement spécifique pour les besoins de l'université [4], mais simplement vendu une chambre climatique «'Walk in'», qu'elle propose habituellement à ses clients, ainsi qu'elle en justifie par la production de diverses factures, en retenant parmi les options disponibles celles qui lui permettaient de livrer un appareil conforme au cahier des charges de l'université maître de l'ouvrage et la simple adaptation du bien vendu aux besoins de la cliente, distincte d'une conception sur mesure, n'est pas de nature à exclure la qualification de fourniture de bien.
L'installation de cette chambre climatique dans les locaux de l'université, qui n'a pas nécessité de travaux de construction, et les essais réalisés, constituent des prestations accessoires à la vente qui ne modifient pas la nature de la convention.
C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu la qualification de contrat d'entreprise.
Sur la prescription de l'action':
La société Ineletec soutient que formée plus de deux ans après l'apparition des vices de la chose, l'action de la Snef est prescrite en application des dispositions de l'article 1648 du code civil.
La société Snef soutient pour sa part que même en retenant la qualification de vente, son action, fondée sur un manquement de la venderesse à son obligation de délivrer une chose conforme, se prescrit par 5 ans et n'est donc pas tardive.
L'action de la Snef tend à obtenir une réduction du prix compte tenu des désordres qui n'ont pas été repris par la société Ineltec'; A cette fin, la société Snef verse un courrier du 20 novembre 2014 adressé à Ineltec par lequel elle fait état d'un problème d'étanchéité et d'émanation d'eau sous forme de vapeur, un courrier du 16 janvier 2015 invoquant des fuites et ponts thermiques, un courrier du 26 mars 2015 rappelant les défauts déjà constatés, ainsi qu'un constat d'huissier en date du 21 avril 2015 décrivant des suintements et stagnation d'eau.
Il est ainsi reproché à la société Ineltec des vices de la chose de nature à la rendre impropre à sa destination et non un défaut de conformité de la chambre climatique à sa définition contractuelle, si bien que l'action de la Snef s'analyse comme une action fondée sur les dispositions de l'article 1641 du code civil.
En application des dispositions de l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires de la chose doit être introduite dans les deux ans de la découverte du vice.
La demande subsidiaire formée au visa de ce texte par la société Snef en raison de la reprise des désordres dont elle a supporté le coût pour la somme de 8.294, 40 € n'est pas prescrite dès lors que la société Snes justifie n'avoir été mise en demeure par l'université [4] de remédier à de nouveaux désordres constatés en décembre 2017 que par courrier du 31 janvier 2017, soit moins de deux ans avant l'introduction de l'instance par acte du 22 juin 2018.
En revanche, les plus amples demandes formées en raison des désordres signalés dès le 20 novembre 2014, ou constatées le 21 avril 2015 sont tardives et l'action de la société Snef à ce titre est donc irrecevable.
Sur la demande de remboursement de la somme de 8.294, 40 €.
Si la société Snes justifie avoir fait intervenir la société CTS pour remédier aux dysfonctionnements constatés par l'université, la nature de ces dysfonctionnements apparus un an après la réception sans réserve de l'équipement n'est pas connue, ne peut être déduite de la facture CTS qui renvoie à un devis non versé aux débats et rien ne permet d'imputer les réparations effectuées à un vice de la chose de nature à engager la société Ineltec'; c'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté cette demande.
Sur le paiement du solde du prix de vente':
Le tribunal a retenu également à juste titre que la société Snes restait débitrice du solde du prix de la chambre climatique demeuré impayé.
C'est en revanche à tort qu'il a écarté la demande de la société Ineltec au titre de la TVA sur ce solde dès lors que le principe d'autoliquidation de la TVA, issu des dispositions de l'article 283 dans sa version applicable au présent litige, tel qu'il est invoqué par l'intimée qui fait référence à la réalisation de travaux, n'a pas vocation à s'appliquer à la fourniture d'un bien.
Il est inopérant pour la société Snes d'invoquer les conditions particulières qui prévoient un tel mécanisme d'autoliquidation puisque l'agrément de l'université qui conditionnait la validité de ces conditions particulières n'a jamais été sollicité et qu'elles ne sont donc pas opposables à Ineltec.
Au demeurant, la société Snes qui soutient avoir acquitté à tort la TVA sur les premiers acomptes versés à la société Ineltec, ne démontre pas avoir elle-même versé cette TVA au trésor public dans le cadre du principe d'autoliquidation dont elle revendique l'application.
La société Snes sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 19.400 € TTC au profit de la société Ineltec.
Partie perdante, la société Snes supportera les dépens de première instance et d'appel et devra indemniser la société Ineltec des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement par mise à disposition au greffe';
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau';
Dit que les parties sont liées par un contrat de vente';
Déclare recevable l'action de la société Snes au titre du remboursement de la somme de 8.294, 40 €';
Déboute la société Snes de cette demande';
Déclare irrecevable pour le surplus l'action de la société Snes';
Condamne la société Snes à payer à la société Ineltec France la somme de 19.400 € TTC';
Condamne la société Snes aux dépens de première instance et d'appel';
Condamne la société Snes à payer à la société Ineltec la somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du cpc.
Le greffier La présidente.