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19/05/2022 | FRANCE | N°21/03483

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 19 mai 2022, 21/03483


19/05/2022



ARRÊT N°387/2022



N° RG 21/03483 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OKCH

AM/IA



Décision déférée du 08 Juillet 2021 - Président du TJ de Toulouse ( 21/00703)

[K]

















S.A.R.L. C.M.P.H CENTRE MIDI-PYRENEES DE L'HABITAT





C/



[W] [X]

[U] [T]













































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



S.A.R.L. C.M.P.H CENTRE MIDI-PYRENEES DE L'HABITAT

22 rue de la Bruyère

31120 PINSAGUEL

Représentée par...

19/05/2022

ARRÊT N°387/2022

N° RG 21/03483 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OKCH

AM/IA

Décision déférée du 08 Juillet 2021 - Président du TJ de Toulouse ( 21/00703)

[K]

S.A.R.L. C.M.P.H CENTRE MIDI-PYRENEES DE L'HABITAT

C/

[W] [X]

[U] [T]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A.R.L. C.M.P.H CENTRE MIDI-PYRENEES DE L'HABITAT

22 rue de la Bruyère

31120 PINSAGUEL

Représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur [W] [X]

1 Impasse des Ménestrels

31450 AYGUESVIVES

Représenté par Me Guillaume BOYER-FORTANIER de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [U] [T]

1 Impasse des Ménestrels

31450 AYGUESVIVES

Représentée par Me Guillaume BOYER-FORTANIER de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. MAFFRE, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre

FAITS

Par acte du 14 janvier 2019, M. [W] [X] et Mme [U] [T] ont acheté une maison vendue par M. [R] [Z], lequel avait fait procéder à des travaux d'extension et de surélévation confiés à l'entreprise Fiert Philippe en 2002, suivis en 2010 de travaux d'isolation intérieure réalisés par la société CMPH.

Après la suppression de cloisons non porteuses, les acquéreurs ont constaté que la charpente menaçait de s'effondrer et leur assureur a mandaté un expert, avant de leur refuser sa garantie au motif que la charpente avait plus de 10 ans, ce qui excluait la mise en jeu de la responsabilité décennale du constructeur.

M. [Z] ayant refusé de prendre en charge les travaux préconisés par le bureau d'études consulté, M. [X] et Mme [T] l'ont fait assigner en référé aux fins d'expertise.

L'expert désigné par ordonnance du 10 septembre 2020 a déposé un pré-rapport le 15 décembre 2020 confirmant l'existence de désordres imputés à un défaut de conception et de fabrication des fermettes supportant le plafond.

Le rapport définitif est en date du 16 décembre 2021.

PROCÉDURE

Par acte en date du 13 avril 2021, Mme [T] et M. [X] ont fait assigner L'EURL Fiert Philippe et la SARL Centre Midi Pyrénée de l'Habitat (CMPH) devant le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Toulouse pour obtenir, au visa de l'article 331 du code de procédure civile, que les appels en cause soient déclarés recevables et que les opérations d'expertise en cours soient déclarées communes et opposables aux deux sociétés, motif pris de leur intervention sur la charpente et pour l'isolation des combles.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 8 juillet 2021, le juge a notamment, tous droits et moyens étant réservés sur le fond, :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,

- déclaré étendues et communes et dès lors opposables aux parties requises : L'EURL Fiert Philippe et la SARL Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (CMPH) les opérations d'expertise confiées à M. [F] [H], suivant la décision précitée et suivant les mêmes modalités, aux parties susvisées, régulièrement appelées dans la cause,

- dit que les prochaines réunions se dérouleront au contradictoire de toutes les parties requises,

- dit que l'expert notifiera les constatations et vérifications aux parties nouvelles, recueillera auprès d'elles tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission et poursuivra les opérations conformément à sa mission,

- dit que les dépens suivront ceux de l'instance principale en référé.

Par déclaration en date du 30 juillet 2021, la SARL Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (CMPH) a interjeté appel de la décision.

L'ordonnance est critiquée en ce qu'elle a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,

- déclaré étendues et communes et dès lors opposables aux parties requises : l'EURL Fiert Philippe et la SARL Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (CMPH) les opérations d'expertise confiées à M. [F] [H], suivant la décision précitée et suivant les mêmes modalités, aux parties susvisées, régulièrement appelées dans la cause,

- dit que les prochaines réunions se dérouleront au contradictoire de toutes les parties requises.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (CMPH), dans ses dernières écritures en date du 3 avril 2022 demande à la cour au visa des articles 145 et 700 du code de procédure civile, de :

- réformer les chefs suivant de la décision déférée :

* au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,

* déclarons étendues et communes et dès lors opposables aux parties requises : l'EURL Fiert Philippe et la SARL Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (CMPH) les opérations d'expertise confiées à M. [F] [H], suivant la décision précitée et suivant les mêmes modalités, aux parties susvisées, régulièrement appelées dans la cause,

* disons que les prochaines réunions se dérouleront au contradictoire de toutes les parties requises,

Statuant de nouveau,

- mettre purement et simplement hors de cause la SARL Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (CMPH),

- condamner les consorts [T]-[X] à verser à la SARL Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (CMPH) la somme de 3 000 € à titre d'indemnisation des frais irrépétibles de justice qu'elle s'est trouvée contrainte d'engager tant en première instance qu'en cause d'appel

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au bénéfice de la SCPI Raffin & associés, agissant par Maître Nadia Zanier, avocat associée.

La société CMPH se dit bien fondée à solliciter la réformation de la décision entreprise, même après le dépôt du rapport définitif d'expertise et affirme que les conditions d'application de l'article 145 du code de procédure civile ne sont pas remplies en l'absence de motif légitime.

Elle énonce que la demande fondée sur ces dispositions doit être rejetée lorsque l'action est manifestement vouée à l'échec et fait valoir que :

. toute action au fond est prescrite, le seul fondement possible de l'action en responsabilité des consorts [X]-[T] en qualité de maître de l'ouvrage étant contractuel et l'action contractuelle étant prescrite 10 ans après la réception de l'ouvrage en application de l'article 1792-4-3 du code civil, soit le 28 septembre 2020 en l'espèce,

. la responsabilité contractuelle pour manquement au devoir de conseil est une responsabilité pour faute prouvée, et l'expert ne peut dater l'apparition des désordres localisés tels qu'ils existent à ce jour et sont apparus après la dépose des cloisons de la zone jour, sachant qu'elle n'est intervenue ni sur la charpente ni sur la couverture, contrairement à la société mandatée en 2018 notamment pour hydrofuger les tuiles.

M. [X] et Mme [T], dans leurs dernières écritures en date du 1er avril 2022 demandent à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance du 8 juillet 2021 sur les chefs déférés à la cour,

Y ajoutant,

- condamner la SARL CMPH à payer à Mme [T] et M. [X] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- débouter la SARL CMPH de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

À titre subsidiaire,

- ramener cette demande à de plus justes proportions.

Les intimés soutiennent que l'application de l'article 145 du code de procédure civile n'implique aucun préjugé sur la responsabilité éventuelle des personnes appelées ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être engagé : le juge n'a pas à caractériser précisément les fondements de l'action future, il suffit à ce stade de démontrer la probabilité du fait allégué, et l'action en responsabilité délictuelle ouverte au tiers au contrat en raison d'un manquement contractuel se prescrit à compter de la date où le dommage est révélé à la victime, soit le 1er septembre 2019.

En l'espèce, l'expert a retenu la probabilité que les sociétés appelées en cause, dont le CMPH, aient pu constater les désordres lors de leurs interventions respectives et cet avis technique est de nature à caractériser l'existence d'un litige potentiel susceptible de pendre naissance entre le CMPH et eux : la participation de la société aux opérations d'expertise est essentielle pour établir dans quelle mesure elle a pu appréhender l'existence des désordres et manqué à son obligation de conseil. Il n'y a pas à démontrer une faute délictuelle distincte de ce manquement.

Et la forclusion fondée sur l'article 1792-4-3 du code civil, qui concerne l'ouvrage réalisé par la société mise en cause et sa réparation, n'est pas applicable ici puisque le défaut de conseil reproché porte sur l'ouvrage existant : seul l'article 2224 du même code s'applique et le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en responsabilité contractuelle se situe au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, en l'espèce à l'issue de la première réunion expertale, le 7 décembre 2020.

Or, le CMPH est intervenu dans les combles, d'où l'expert a constaté le sous-dimensionnement de la charpente et l'entreprise est assurée notamment pour des travaux portant sur la charpente et l'ossature bois et leur entretien : il ne s'agit pas à ce stade de démontrer qu'en 2010, la charpente présentait des désordres apparents susceptibles de mettre l'ouvrage en péril, ce qui intéresse le fond du litige, mais la seule probabilité d'un fait, et selon l'expert, le décrochement des poinçons des arbalétriers était visible après les années 2000 depuis les combles dans lesquels on pénètre pour assurer une bonne répartition de l'isolant.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'application de l'article 145 du code de procédure civile

En application de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

La demande doit avoir un lien avec un litige susceptible d'opposer son auteur au défendeur et le motif légitime existe dès lors que l'action éventuelle au fond n'est pas, d'avance, manifestement vouée à l'échec, par exemple parce qu'elle est d'évidence prescrite, irrecevable ou se heurte à l'autorité de la chose jugée, sans que le demandeur ait à déterminer précisément les fondements de l'action future.

Cette action doit simplement être plausible, ce qui suppose un contenu et un fondement cernés approximativement au moins, et susceptible d'être influencée par le résultat de la mesure : le demandeur doit prouver que l'objet de la mesure est de nature à améliorer sa situation probatoire à cet égard, mais la preuve du bien-fondé de l'action ne peut être exigée et le juge n'a pas à apprécier la valeur du litige éventuel ou à lever une contestation sur la recevabilité ou le fond du litige.

En l'espèce, le CMPH met en avant en premier lieu l'absence de litige plausible au motif que l'action en responsabilité contractuelle du maître de l'ouvrage est prescrite 10 ans après la réception de l'ouvrage.

Pour autant, M. [X] et Mme [T] entendent se situer non comme maîtres de l'ouvrage réalisé par la société appelante mais comme tiers au contrat l'ayant liée à M. [Z] et sur le terrain de la responsabilité délictuelle, de sorte que la prescription de leur action ne court que depuis la découverte du dommage.

S'il discute cette qualité de tiers, le CMPH ne soulève pas pour autant d'objection tenant à la prescription d'une action en responsabilité quasi délictuelle.

Ainsi, les éléments présentés par les parties, tels que débattus, ne permettent pas de préjuger de l'issue du litige, de sorte que l'action envisagée ne peut être considérée comme manifestement vouée à l'échec.

Sur l'influence de l'expertise sur ce litige, la SARL CMPH objecte en second lieu, en substance, que la mesure ne pourra pas déterminer si elle a pu se rendre compte de désordres déjà apparents en 2010 lors de son intervention depuis la toiture.

Les intimés opposent à juste titre qu'il ne s'agit pas à ce stade de démontrer l'existence de tels désordres, mais la seule probabilité d'un fait.

Or, comme relevé par l'expert et retenu à juste titre par le premier juge, l'appelante est bien intervenue pour isoler les combles après les années 2000, et elle a donc pu visualiser, sinon, l'affaissement de la charpente, du moins le décrochage des connecteurs, visible dès cette époque. Et si elle conteste avoir pénétré dans les combles, l'expertise est l'occasion de préciser les modalités de son intervention.

Dès lors, les intimés démontrent l'existence du motif légitime à leur demande exigé par l'article 145 du code de procédure civile et la décision déférée doit en conséquence être confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens

La SARL CMPH qui succombe sera condamnée aux dépens et ne peut prétendre à une indemntié sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande au contraire d'allouer à M. [X] et Mme [T] la somme de 1500 euros sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Condamne la SARL Centre Midi Pyrénée de l'Habitat (CMPH) à verser à M. [W] [X] et Mme [U] [T] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande, plus ample ou contraire,

Condamne la SARL Centre Midi Pyrénée de l'Habitat (CMPH) aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

I. ANGERC. BENEIX-BACHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/03483
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.03483 ?
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