12/05/2022
ARRÊT N° 371/2022
N° RG 21/02282 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OFSC
CBB/MB
Décision déférée du 27 Avril 2021 - Président du TJ de TOULOUSE ( 21/00573)
[M] [X]
S.A.S. MAS BTP
C/
Société FONDAUDEGE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A.S. MAS BTP
25 Avenue de l'Europe
64000 PAU
Représentée par Me Cécile GUILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Société FONDAUDEGE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
81, Boulevard Lazare Carnot
31000 Toulouse
Représentée par Me Marie Julie DINGUIRARD-PARENT, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C.BENEIX-BACHER, Président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
FAITS
Dans le cadre de l'exécution d'une importante opération de construction immobilière et de restructuration de la Halle « Marie Brizard » à Bordeaux réalisée en 2017, portant sur l'édification de plusieurs bâtiments à usage d'habitation, le lot Gros oeuvre du parking et des bâtiments C et D a été confié à la SAS Mas BTP selon marché du 6 novembre 2017.
Des difficultés d'exécution étant apparues, M. [W] a été désigné en qualité d'expert suivant ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 20 décembre 2018. Il a déposé son rapport le 20 octobre 2020 et un nouveau calendrier d'exécution des travaux a été mis en place.
La SCCV Fondaudège se plaint de nouveaux retards d'exécution.
PROCEDURE
Par acte en date du 29 mars 2021, la SCCV Fondaudège a fait assigner la SAS Mas BTP en référé d'heure à heure devant le Président du Tribunal Judiciaire de Toulouse pour obtenir avec exécution provisoire sur minute, sa condamnation à réaliser les travaux restant à exécuter conformément aux documents contractuels tels que visés au compte-rendu de chantier n° 37 sous astreinte de 5000€ par jour de retard après l'expiration d'un délai de quinze jours suivant le prononcé de l'ordonnance à intervenir.
Par ordonnance contradictoire en date du 27 avril 2021, le juge a':
- condamné la SAS Mas BTP à réaliser les travaux restant à exécuter, conformément aux documents contractuels, tels que listés dans le compte-rendu de chantier numéro 40 établi par la société IFECC, dans le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et à défaut sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour pendant un délai de trois mois,
- dit que les travaux de rebouchage des colonnes et d'intervention sur le toit du garage Malleret ne seront pas inclus dans les travaux soumis à astreinte,
- rejeté les autres demandes,
- condamné la SAS Mas BTP à payer la SCCV Fondaudège la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par déclaration en date du 20 mai 2021, la SAS Mas BTP a interjeté appel de la décision.
L'ordonnance est critiquée en ce qu'elle a':
- condamné la SAS Mas BTP à réaliser les travaux restant à exécuter, conformément aux documents contractuels, tels que listés dans le compte-rendu de chantier numéro 40 établi par la société IFECC, dans le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et à défaut sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour pendant un délai de trois mois,
- condamné la SAS Mas BTP à payer la SCCV Fondaudège la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SAS Mas BTP, dans ses dernières écritures en date du 17 février 2022 demande à la cour au visa des articles 4, 5, 16 et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de':
- révoquer l'ordonnance de clôture,
- infirmer l'ordonnance de référé du 27 avril 2021 en ce qu'elle a condamné la SAS Mas BTP à réaliser les travaux restant à exécuter, conformément aux documents contractuels, tels que listés dans le compte-rendu de chantier numéro 40 établi par la société IFECC, dans le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et à défaut sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour pendant un délai de trois mois, et en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la SCCV Fondaudège la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
et statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à référé et, en tant que de besoin, débouter la SCCV Fondaudège de toutes ses demandes,
- condamner la SCCV Fondaudège à payer à la SAS Mas BTP une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles en première instance et de 2 000 € en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Elle soutient que':
- une ordonnance de référé ne peut se substituer à un pilotage de travaux,
- statuant ultra petita, le juge des référés a fait droit à la demande de la SCCV Fondaudège mais en substituant le compte-rendu n° 40 à celui n°37 du 4 mars 2021 de la société IFECC (chargée d'une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination) lequel était déjà obsolète puisque les travaux ont continué d'avancer, qu'au jour de l'ordonnance on en était au CR 40 et que la réception est intervenue le 25 juin 2021 avec réserves'; mais ce faisant, le premier juge a statué sans respect du contradictoire,
- dès lors la SAS Mas BTP s'est libérée de son obligation,
- l'obligation d'exécuter les travaux ne trouve pas sa cause dans un abandon de chantier mais seulement dans un retard dans l'exécution au regard du planning de l'expert alors qu'il ne lui est pas imputable,
- il n'y a jamais eu de planning contractuel mais seulement un planning établi par l'expert ; ce planning recalé qui n'a pas été établi suivant l'article 16 du CCG n'est pas contractuel, et ne peut donc fonder une obligation de résultat,
- et le planning prévisionnel ne sert qu'à l'établissement du planning tous corps d'état,
- les ordres de service de démarrage ne sont pas un planning tous corps d'état,
- le retard ne lui est pas imputable mais à d'autres corps d'état et à de nouvelles commandes qui ont donné lieu à des avenants que le maître de l'ouvrage n'a pas voulou signer.
La SCCV Fondaudège, dans ses dernières écritures en date du 11 février 2022 demande à la cour au visa des articles 31 et 35 du CCG , 4, 5, 485, 489 et 835 al 2 du code de procédure civile, de':
- confirmer l'ordonnance du Juge des référés du Tribunal judiciaire de Toulouse en date du 27 avril 2021 en ce qu'elle a condamné la SAS Mas BTP à réaliser les travaux restant à exécuter conformément aux documents contractuels tels que listés dans le compte-rendu de chantier numéro 40 établi par la société IFECC, dans un délai de quinze jours suivant la signification de la présente décision et à défaut sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de pendant un délai de trois mois et condamné la SAS Mas BTP à verser à la SCCV Fondaudège, la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'au paiement des entiers dépens ;
- condamner la SAS Mas BTP au paiement de la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Elle fait valoir que':
- le 23 octobre 2017, la SAS Mas BTP a établi un planning prévisionnel visant l'achèvement des travaux début septembre 2019 soit une durée de 24 mois,
- les retards se sont accumulés et l'expert en a imputé le tort à la SAS Mas BTP,
- un planning contradictoire a été établi le 30 juillet et signé le 22 octobre 2019 sous l'égide de l'expert,
- de nouveaux retards ont alors été accumulés par rapport au planning recalé de sorte qu'elle était dans l'incapacité de donner une date de démarrage des travaux de second oeuvre, de livraisons aux acquéreurs en Vefa et aux entreprises du chantier riverain compte tenu de l'occupation des lieux par la SAS Mas BTP,
- l'objet du litige est l'exécution des travaux tels que prévus dans le marché de travaux du 6 novembre 2017 devant être exécutés dans les délais convenus contractuellement'; c'est la SAS Mas BTP qui a fourni au débat le CR 40 qu'elle considérait comme plus actuel'; ce compte-rendu est contradictoire'; elle reconnaît la réception au 25 juin 2021 ce qui démontre qu'elle se savait liée par des délais,
- son retard dans l'exécution des travaux est incontestable': 290 jours selon l'expert, puis 150 jours pour les seuls ouvrages de gros oeuvre'; toutes les dates données étaient systématiquement repoussées, de sorte que la SCCV Fondaudège n'avait aucune visibilité sur l'achèvement des travaux et la livraison des lots';
- l'obligation de la société Mas BTP d'achever les travaux dans les délais contractuels est une obligation de résultat qui n'est pas sérieusement contestable,
- ses multiples convocations au constat d'avancement des travaux sont sans effet,
- elle soutient avoir été empêchée par la désorganisation du chantier mais ce débat relève du juge de la liquidation de l'astreinte.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2022.
MOTIVATION
Aux termes de son assignation du 29 mars 2020, la SCCV Fondaudège sollicitait du juge des référés sur le fondement des articles 835, 485 et 489 du code de procédure civile et 31 et 35 du CCG la condamnation de la SAS Mas BTP à réaliser les travaux restant à exécuter conformément aux documents contractuels tels que listés dans le compte-rendu de chantier numéro 37 établi par la société IFECC sous astreinte de 5000€ par jour de retard après l'expiration d'un délai de 15 jours suivant le prononcé de l'ordonnance à intervenir outre sa condamnation à une indemnité de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'exécution provisoire sur minute et les entiers dépens.
L'article 835 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'article 561 du code de procédure civile donne au juge d'appel le pouvoir de connaître de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit, de sorte qu'il appartient à la cour de déterminer si la demande était justifiée lorsque le premier juge a statué à la lumière des éléments de preuve à l'appui de la demande et de ceux produits ultérieurement devant elle.
Selon marché du 6 novembre 2017, il a été confié au groupement d'entreprise SAS Mas BTP/Sopreco le lot Fondations spéciales ' gros oeuvre ' terrassement, la SAS Mas BTP devant réaliser le gros oeuvre du parking (tranche 1) et des bâtiments C et D (tranches 4 à 6).
Il était contractuellement prévu au marché du 6 novembre 2017 un délai d'exécution de 24 mois pour la tranche 1 (construction du parking en sous-sol, voirie et réseaux) et 26 mois avec la tranche conditionnelle'; les délais d'exécution ont été adaptés selon le planning de la SAS Mas BTP du 23 octobre 2017 et selon un dernier planning recalé le 22 octobre 2019, il était prévu l'achèvement des travaux de gros oeuvre du parking le 8 novembre (au lieu du 31 janvier) 2019, la réception du parking tous corps d'état le 8 septembre (au lieu du 30 juin) 2019, l'achèvement des travaux de gros oeuvre du bâtiment C le 24 avril 2020 (au lieu du 5 avril 2019) avec une réception au 11 décembre 2020 (au lieu du 30 septembre 2019), l'achèvement des travaux de gros oeuvre du bâtiment D le 7 mai 2020 (au lieu du 6 septembre 2019) avec une réception au 16 décembre 2020 (au lieu du 30 mars 2020).
Ainsi, le planning du 23 octobre 2017 établi par la SAS Mas BTP a été modifié pour prévoir l'allongement des délais suivant planning recalé du 22 octobre 2019 en cours d'expertise.
A cette date, l'expert notait un retard d'exécution des travaux de gros oeuvre du parking à l'élévation sous-sol -1 (exécutée à 95%), et du plancher haut du sous sol -1 (exécuté à 25'%), et le défaut de démarrage des travaux des bâtiments C et D'; soit par rapport aux délais visés au 23 octobre 2017, un retard d'achèvement des travaux de 9 mois et 1 semaine pour le parking et de 14 mois pour la réception, de 12 mois et 3 semaines pour l'achèvement des travaux du bâtiment C et 14 mois et 1 semaine pour la réception outre 8 mois pour l'achèvement des travaux du bâtiment D et 8 mois et 2 semaines pour la réception.
Selon l'expert, les causes de ce retard dans l'exécution des lots confiés à la SAS Mas BTP sont «'la résultante de plusieurs facteurs ou causes mais pour une grande partie, des déficiences de l'entreprise'» à qui il reproche le défaut d'appréhension correcte de l'ensemble des spécificités et difficultés techniques d'une telle opération au regard de la configuration du site, des études de conception menées et des ouvrages à réaliser. Il lui reproche également son manque de célérité dans plusieurs de ses actions notamment dans la transmission de documents et la concrétisation du marché de sous-traitance pour la réalisation de la paroi moulée dans le parking. Ce retard imputable a été noté à hauteur de 290 jours.
L'expert a précisé que le retard n'était pas rattrapable et en effet la réception des parkings et des deux bâtiments est intervenue le 25 juin 2021 avec réserves soit par rapport aux nouveaux délais issus du planning recalé du 22 octobre 2019, avec un retard de 9 mois pour le parking et 6 mois pour les bâtiments C et D.
Au regard des constatations de l'expert et de la date de réception, la réalité et l'imputabilité des retards non rattrapables ne souffrent d'aucune contestation sérieuse.
A la date où le premier juge a statué soit le 27 avril 2021, les travaux n'étaient toujours pas totalement achevés ainsi qu'il est constaté suivant procès-verbal d'huissier du 1er avril 2021. En revanche, il est incontestable ainsi que la SAS Mas BTP le souligne, que le chantier s'est poursuivi, de sorte que le compte rendu n°37 du 4 mars 2021 n'était plus d'actualité et que considérant l'avancement des travaux par la SAS Mas BTP, le juge ne pouvait ordonner l'exécution de ce qui était déjà achevé. Ce qui justifie qu'il ait statué sur les pièces les plus proches de la date des débats à l'audience du 30 mars 2021, soit le compte-rendu n°40 du 25 mars 2021, sans qu'il puisse lui être reproché d'avoir statué au-delà de la demande dont l'objet demeurait l'exécution des travaux non encore achevés.
En conséquence, l'injonction donnée à la SAS Mas BTP d'exécuter les travaux contractuellement prévus sous astreinte doit être confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour
- Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 27 avril 2021 en toutes ses dispositions.
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SAS Mas BTP à verser à la SCCV Fondaudège la somme de 2500€.
- Condamne la SAS Mas BTP aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M. BUTELC. BENEIX-BACHER