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11/05/2022 | FRANCE | N°21/02891

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 11 mai 2022, 21/02891


11/05/2022



ARRÊT N° 353/2022



N° RG 21/02891 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OIC4

EV/MB



Décision déférée du 15 Avril 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CASTRES ( 20/00526)

Mme [N]

















S.A. PACIFICA





C/



Société GAEC RECONNU DU PONTEIL














































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



S.A. PACIFICA poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit si...

11/05/2022

ARRÊT N° 353/2022

N° RG 21/02891 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OIC4

EV/MB

Décision déférée du 15 Avril 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CASTRES ( 20/00526)

Mme [N]

S.A. PACIFICA

C/

Société GAEC RECONNU DU PONTEIL

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A. PACIFICA poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

8-10 boulevard de Vaugirard

75724 PARIS CEDEX

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Philippe ICHARD de la SCP SCPI IDAVOCAT CONSEIL, avocat plaidant au barreau d'ALBI

INTIMÉE

Société GAEC RECONNU DU PONTEIL

Le Ponteil

81530 LE MASNAU MASSUGUIES

Représentée par Me Sylvie SABATHIER, avocat au barreau d'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant O. STIENNE et E. VET Conseillers chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

E.VET, conseiller

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre

La SC Gaec Reconnu du Ponteil exerce une activité agricole de polyculture et d'élevage d'ovins et de caprins.

Elle est assurée pour cette activité auprès de la SA Pacifica au titre d'une assurance multirisque exploitation agricole.

Le 16 octobre 2018, la SC Gaec Reconnu du Ponteil a constaté que son troupeau de brebis avait été attaqué dans la nuit par un ou plusieurs animaux errants.

Le Docteur [V], vétérinaire mandaté par l'assureur se déplaçait le 17 octobre 2018 et décidait de réévaluer la situation des animaux dans un délai de deux à trois semaines et de reporter le chiffrage définitif des dommages au début du mois de novembre 2018, dans l'attente du résultat des soins donnés à des brebis mordues.

Le 16 novembre 2018, le rapport définitif du docteur [V] fixait à 47 le nombre de brebis mortes par morsures et à 105 le nombre de brebis mortes par étouffement.

Le 21 novembre 2018, l'assureur indemnisait le Gaec à hauteur de 17'443,11 €, montant contesté par l'assuré le 18 décembre 2018.

Malgré plusieurs échanges, les parties n'ont pas trouvé d'accord.

Par acte du 14 novembre 2019, la SC Gaec Reconnu du Ponteil a fait assigner la SA Pacifica devant le Tribunal de Grande Instance de Castres pour obtenir, sur le fondement des articles L113-1 du Code des assurances, 1104, 1241 et 1353 du code civil, le constat du fait que la SA Pacifica est mal fondée à lui opposer la clause contractuelle relative à l'exclusion de sa garantie pour les animaux morts par étouffement et à défaut de preuve de la perte d'animaux dans de telles circonstances, sa condamnation à lui régler la somme de 55 025 € HT représentant la valeur des brebis mortes et la perte d'exploitation sur marge des animaux morts et survivants, avec déduction de l'acompte versé par l'assureur d'un montant de 17 443.11 €, outre la somme de 425.73 € représentant les frais vétérinaires exposés, ainsi que les intérêts de droit sur ces sommes à compter de la mise en demeure restée infructueuse du 31 janvier 2019, sa condamnation au paiement de la somme complémentaire de 15 000 € à titre de dommages-et-intérêts en réparation du préjudice moral et financier des représentants de la SC Gaec Reconnu du Ponteil, la condamnation de la SA Pacifica au paiement de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement contradictoire en date du 15 avril 2021, le Tribunal judiciaire de Castres a :

- condamné la SA Pacifica à indemniser la SC Gaec Reconnu du Ponteil de I'ensemble des préjudices subis consécutivement à l'attaque des brebis par des animaux errants dans la nuit du 15 au 16 octobre 2018, et en conséquence à régler à son assurée :

* la somme de 55 025 € HT, représentant la valeur des brebis mortes et la perte d'exploitation sur marge des animaux morts et survivants, somme de laquelle sera déduit l'acompte versé par l'assureur d'un montant de 17443.11€,

* la somme de 425.73 €, représentant les frais vétérinaires exposés à l'occasion du sinistre, lesquels sont en lien direct avec la perte d'exploitation de l'assuré, et sont à ce titre indemnisables,

* les intérêts de droit sur ces sommes à compter de la signification de la décision,

- rejeté la demande de condamnation pour préjudice moral,

- rejeté les autres demandes des parties,

- condamné la SA Pacifica au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance, avec droit au profit de Maître Sabathier de les recouvrer directement en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par déclaration en date du 30 juin 2021, la SA Pacifia a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :

- condamné la SA Pacifica à indemniser la SC Gaec Reconnu du Ponteil de I'ensemble des préjudices subis consécutivement à l'attaque des brebis par des animaux errants dans la nuit du 15 au 16 octobre 2018, et en conséquence à régler à son assurée :

* la somme de 55 025 € HT, représentant la valeur des brebis mortes et la perte d'exploitation sur marge des animaux morts et survivants, somme de laquelle sera déduit l'acompte versé par l'assureur d'un montant de 17443.11 €,

* la somme de 425.73 €, représentant les frais vétérinaires exposés à l'occasion du sinistre, lesquels sont en lien direct avec la perte d'exploitation de l'assuré, et sont à ce titre indemnisables,

* les intérêts de droit sur ces sommes à compter de la signification de la décision,

- condamné la SA Pacifica au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance,

- débouté la SA Pacifica de l'ensemble de ses demandes.

La SA Pacifica, dans ses dernières écritures en date du 8 février 2022 demande à la cour au visa des articles L. 113-1 du Code des Assurances 1104, 1241, 1353 du Code Civil applicables en l'espèce, de :

- infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Castres du 15 avril 2021 en ce qu'il a condamné la SA Pacifica à indemniser la SC Gaec Reconnu du Ponteil de l'ensemble des préjudices subis consécutivement à l'attaque des brebis par des animaux errants dans la nuit du 15 au 16 octobre 2018 à hauteur de 55.025 € HT, représentant la valeur des brebis mortes et la perte d'exploitation sur marge des animaux morts et survivants ainsi que la somme de 425,73 € représentant les frais vétérinaires outre les intérêts de droit de ces sommes,

- en conséquence, dire et juger que la somme versée par la SA Pacifica à son assurée à hauteur de 17.443,11 € après application de la franchise contractuelle est satisfactoire, et débouter la SC Gaec Reconnu du Ponteil de toutes autres demandesd'indemnisation supplémentaires,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de condamnation pour préjudice moral de la SC Gaec Reconnu du Ponteil,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SA Pacifica au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'artic1e 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les dépens et condamner la SC Gaec Reconnu du Ponteil aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître [L] ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SC Gaec Reconnu du Ponteil dans ses dernières écritures en date du 12 novembre 2021 demande à la cour au visa des articles L 113-1 du Code des assurances, 1104 et 1241, 1353 du Code civil, 9 et 700 du Code de procédure civile, de :

- déclarer mal fondé le recours de la SA Pacifica,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Castres du 15 avril 2021,

Y ajoutant,

- condamner la SA Pacifica au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, avec droit au profit de Maître Sabathier de les recouvrer directement selon l'article 699 du Code de procédure civile.

Par courrier transmis selon le RPVA le 2 mars 2022, la SA Pacifica informait la cour de ce que son adversaire lui avait notifié le 21 février c'est-à-dire le lendemain de la clôture une pièce portant le numéro 14 dont elle sollicitait qu'elle soit déclarée irrecevable.

À l'audience et en présence des parties, il a été décidé que la décision sur la recevabilité de la pièce 14 produite par l'intimée était mise en délibéré avec le fond.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de la pièce numéro 14 produite par la SC Gaec Reconnu du Ponteil :

L'article 802 du code de procédure civile prévoit qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ni aucune pièce ne peut être produite à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

En l'espèce, la SC Gaec Reconnu du Ponteil a notifié le 22 février 2022 à son adversaire une pièce 14 sans la transmettre à la cour par le système de communication électronique et sans solliciter le rabat de l'ordonnance de clôture.

En conséquence, la pièce 14 du dossier de la SC Gaec Reconnu du Ponteil doit être déclarée irrecevable.

Sur le montant de l'indemnisation due à la SC Gaec Reconnu du Ponteil:

L'assureur explique que sa garantie ne s'étend pas à l'étouffement ou la perte des animaux suite à une frayeur soudaine ou à un coup de chaleur et qu'il appartient donc à l'assuré de prouver que les brebis sont mortes suite à des morsures et à lui-même d'établir qu'elles sont mortes d'un étouffement.

Il considère que le rapport d'expertise fait la différence entre les causes de mort des animaux et relève que le vétérinaire qui est intervenu le jour du sinistre indique que plus ou moins 150 brebis sont mortes étouffées. Il rappelle qu'il est admis qu'un animal errant est entré dans la bergerie par un portail qui avait été laissé ouvert et que cette attaque, intervenue dans un endroit clos, a causé aux animaux une frayeur les conduisant à s'entasser les uns sur les autres pour tenter de fuir ce qui n'a pu qu'entraîner un étouffement rapide de certaines brebis. Il précise que cette réaction grégaire étant connue, le risque d'étouffement est généralement exclu des contrats d'assurance.

Au surplus, il affirme avoir autorisé la gérante du Gaec à déplacer les animaux après un recensement par scan des boucles électroniques des cadavres et prises des photos des brebis atteintes de morsure et que c'est de sa propre initiative que la gérante a fait entasser les cadavres dans une benne favorisant la putréfaction des cadavres et empêchant toute manipulation pour des raisons sanitaires. Dès lors, aucune identification précise des morsures n'était plus possible.

La SC Gaec Reconnu du Ponteil rappelle que l'assureur l'a autorisée à déplacer les cadavres afin d'effectuer la traite du soir des brebis vivantes et que le lendemain, malgré la proposition qui lui en a été faite, l'expert a refusé d'examiner chacun des animaux se contentant d'une expertise très superficielle des bêtes mortes, ses investigations portant essentiellement sur l'examen des brebis vivantes. Il n'a alors jamais évoqué la mort de brebis par étouffement, ce qui explique qu'après son autorisation tous les cadavres ont été enlevés par la société d'équarrissage.

Elle considère que l'assureur invoque une exclusion de garantie et non une non-garantie qu'il n'a jamais invoquée puisqu'il n'a pas lié sa garantie à la preuve que les animaux étaient morts par morsure. En conséquence, il ne peut exiger d'elle la réalisation d'une condition ne figurant pas au contrat.

Elle estime que le contrat prévoit simplement pour la mise en 'uvre de la garantie la démonstration que les brebis ont subi des dommages matériels directs causés par des morsures de chien, ce qui est le cas en l'espèce. Elle relève que l'expert ne démontre pas que des animaux n'auraient pas été mordus et que d'ailleurs, le compte-rendu du médecin qui est intervenu le jour des faits confirme que les animaux présentaient des traces de morsures, ce qui est suffisant à actionner la garantie de l'assureur. D'ailleurs, dans sa note du 22 octobre 2018, l'expert relevait que compte tenu de l'ampleur de l'entassement, la gérante n'avait pu constater immédiatement l'ensemble des morsures subies et que compte tenu de la saleté des animaux suite à l'entassement, il est probable que des morsures n'ont pas pu être constatées.

En conséquence, elle fait valoir qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas justifié des morsures sur chaque bête alors que cette requête n'avait jamais été formulée par l'assureur qui a seulement demandé de recenser les animaux morts, que l'expert a failli à sa mission en n'examinant pas chaque animal et que la théorie de l'assureur sur le comportement grégaire des brebis n'est qu'une simple supposition.

L'article L 113-1 du code des assurances dispose : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.».

La garantie de l'assureur est prévue dans un chapitre du contrat liant les parties intitulé « Fulguration et morsures des animaux errants », ainsi rédigé:

« Ce que nous garantissons :

les dommages matériels directs causés aux animaux par l'électrocution, la fulguration et les morsures d'animaux errants ou sauvages déduction faite des indemnités versées par l'État.

Ce que nous ne garantissons pas :

l'étouffement la perte des animaux suite à une frayeur soudaine ou un coup de chaleur. ».

La cour rappelle que dans la nuit du 15 au 16 octobre 2018 un ou plusieurs animaux se sont introduits dans la bergerie du Gaec dans laquelle se trouvaient 550 brebis dont 152 sont mortes immédiatement ou des suites de leurs blessures.

Le Gaec ayant immédiatement alerté son assureur, il a été convenu de ne pas déplacer les animaux dans l'attente de l'arrivée de l'expert. Cependant, dans l'après-midi, l'assureur a autorisé le déplacement des animaux afin de permettre d'effectuer la traite des brebis vivantes. L'expert est intervenu le 17 octobre 2018.

Selon rapport du 16 novembre 2018, l'expert de l'assureur a retenu que 47 brebis étaient directement mortes des blessures, 105 étant mortes par étouffement.

Au regard de la présentation du contrat, il convient de conclure que dans le cadre du présent sinistre, la mort des animaux résultant de leur étouffement suite à un entassement dû à la panique n'est pas garantie.

Dès lors, il appartient à l'assuré qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par le contrat pour mettre en jeu la garantie c'est-à-dire en l'espèce que toutes les brebis sont mortes des suites de morsures.

Par contre, le décès d'un animal résultant de l'étouffement suite à une frayeur soudaine, résultant par exemple de l'entrée dans la bergerie d'animaux agressifs n'étant pas assurée, la preuve de mort par étouffement appartient à l'assureur.

L'assurée fait valoir que l'expert a refusé de sortir les animaux de la benne pour déterminer exactement la cause de la mort de chacun et l'expert reconnaît : « j'ai considéré que l'examen individuel de cadavres en état de putréfaction avancée et entassés dans une benne depuis quasiment 24 heures, ne présentait pas un intérêt technique suffisant pour justifier les risques sanitaires et la pénibilité de l'opération pour le Gaec », étant relevé que les risques sanitaires auraient été partagés avec l'expert qui aurait examiné les brebis.

Suite à l'attaque du troupeau, le Gaec a immédiatement alerté son cabinet de vétérinaire et le Docteur [T] a établi, ce qui est indiqué comme étant un document de travail daté par erreur du 15 octobre alors que les faits sont intervenus dans la nuit du 15 au 16, cette erreur devant être considérée comme sans incidence sur la portée de ce document qui indique « écoulé sero-hemo spumeux étouffé 150 », ce nombre étant précédé du signe mathématique utilisé pour signifier « équivalent» peu importe qu'ainsi que le soutient le Gaec, ce nombre ait été ou non suivi de points d'interrogations, ce seul signe induisant une incertitude quant au nombre d'animaux étouffés mais établissant la possibilité de morts par étouffement.

Selon certificat du 14 février 2022, le Docteur [D] du même cabinet vétérinaire, indiquait que les écoulements séro-hémorragique spumeux pouvaient avoir plusieurs causes dont l'attaque par un autre animal ayant entraîné des plaies multiples mortelles.

L'expert n'étant pas intervenu immédiatement, la gérante du Gaec a demandé à l'assureur de déplacer les animaux ce qui a été autorisé, les parties étant opposées sur leur échange, l'assureur affirmant avoir autorisé le déplacement des animaux à la condition qu'ils soient recensés et que des clichés photographiques soient réalisés sur chaque brebis afin d'identifier les morsures, ce qui est contesté par le Gaec. Aucune des parties n'établit la réalité de cet entretien.

Cependant, au moment du déplacement des animaux, la gérante a scanné les boucles électroniques des cadavres enlevés et pris une quarantaine de photographies. Les animaux morts ont alors été placés dans une benne et lorsque l'expert vétérinaire est arrivé sur les lieux le lendemain, il a décidé de ne pas sortir les animaux de la benne pour des raisons sanitaires.

La note de suivi d'expertise établie le 22 octobre 2018 indique que la gérante du Gaec a réalisé un cliché photographique de chaque brebis sur laquelle des morsures ont été constatées et précise : « notons que, compte tenu de la saleté des animaux à la suite de l'entassement, il est probable que des morsures n'aient pas pu être constatées, cachées par les souillures ».

L'expert affirme cependant que pour être à l'origine directe de la mort de brebis, les morsures doivent être profondes, générer des plaies béantes et/ou de sévères hémorragies et ne peuvent donc passer inaperçues. Ce qui induit qu'elles auraient été prises en photo par la gérante du Gaec. Cette affirmation n'est pas contestée par un document émanant d'un professionnel.

L'expert a examiné chaque photographie et en a tiré des conclusions sur la gravité des morsures subies par les brebis réparties en :

' légères: n'entraînant pas l'engagement du pronostic vital de l'animal en l'absence d'étouffement, catégorie pour laquelle l'expert n'a retenu aucun animal,

' modérées: catégorie répertoriant 8 brebis dont les morsures n'auraient pu à elles seules expliquer la mort pour lesquelles le pronostic de survie de l'animal aurait été réservé s'il n'y avait pas eu étouffement et pour lesquelles l'expert retient que 50 % des animaux seraient morts des complications des morsures, précisant que sur les 8, 3 présentaient des lésions incompatibles avec la poursuite de la lactation,

' marquées : catégorie répertoriant 11 animaux pour lesquels il considère que 75 % sont morts ou seraient morts des complications des morsures subies et qu'en tout état de cause, la lactation aurait été impossible pour les survivants,

' sévères : catégorie répertoriant 19 brebis, ayant subi des blessures dont la gravité aurait conduit à la mort de l'animal.

Le rapport final du 16 novembre 2018 porte exclusivement sur une mise à jour permettant l'indemnisation des brebis mortes de leurs blessures, malgré une prise en charge vétérinaire.

L'expert explique que lors d'affolement provoqué par des prédateurs, les ovins s'entassent en formant de véritables pyramides provoquant l'asphyxie des animaux situés au-dessous des autres. Ainsi, les animaux situés au niveau du sol meurent, très proches les uns des autres voire collés dans des positions de recherche d'air.

De plus, par un complément au rapport d'expertise établi le 9 mars 2019, l'expert en réponse à l'assureur précise que l'examen des clichés photographiques a permis de constater que la plupart des morsures photographiées n'étaient pas suffisamment sévères pour avoir directement provoqué la mort de chacune des brebis et qu'afin de tenir compte des pertes directes liées aux morsures, il avait indiqué à l'assuré qu'il inclurait à l'estimation les pertes en lien avec la mort de chaque brebis mordue quand bien même les morsures n'auraient pu, à elles seules provoquer la mort des animaux.

Il précise que les clichés pris par la gérante des bêtes blessées établissent avec certitude qu'elles ne sont pas mortes directement par morsures car les cadavres des animaux ont été retrouvés entassés. Il écrit : « sur les clichés pris par Mme [H] au jour du sinistre, la majorité des brebis ne présente pas de lésions de morsure suffisamment sévères pour avoir provoqué la mort des animaux visibles, et la position des cadavres (tête enfouie sous les congénères, ou entassés dans les angles) est caractéristique d'une position de recherche d'air par des animaux submergés par leurs congénères. ». Il relève que certains cadavres ne présentaient que des morsures légères insuffisantes pour avoir provoqué la mort et avoir constaté l'absence de traces de morsures sur les cadavres situés au-dessus de la benne mais des lésions visibles de cyanose, d'hématomes sous-cutanés sans plaies cutanées et de congestion de l'abdomen et des orifices ano-génitaux caractéristiques de lésions d'entassement des ovins conduisant à une mort par étouffement.

Cette description et son analyse ne sont pas précisément contredites par les vétérinaires du Gaec, le certificat du Docteur [D] évoquant exclusivement les écoulements séro-hémorragiques spumeux et la congestion des muqueuses.

Si l'expert a indiqué dans sa note de suivi du 22 octobre 2018 que l'état de saleté des brebis ne permettait pas de détecter toutes les traces de morsures, il a précisé que seules des blessures importantes donc visibles pouvaient avoir directement entraîné la mort des animaux, ce qui est confirmé par le fait que certains ont pu être soignés. Il appartenait donc à la gérante du Gaec de photographier les blessures de chaque animal au fur et à mesure de leur placement dans la benne ou lorsqu'ils ont été déposés dans le camion de transport pour l'équarrissage.

En conséquence, l'indemnisation du Gaec doit être limitée au nombre de brebis dont il est établi qu'elles sont mortes des suites de blessures soit 47, ce qui correspond d'ailleurs à l'évaluation faite par le vétérinaire intervenu immédiatement après le sinistre qui, s'il n'a pas pu examiner chaque animal, a cependant pu constater leur regroupement et ainsi apprécier la possibilité d'un étouffement.

Le jugement déféré doit donc être infirmé et la somme versée par l'assureur à son assuré de 17'443,11 € déclarée satisfactoire au titre de l'indemnisation pour la perte des brebis.

Enfin, l'assureur qui a fait appel du jugement qui a octroyé au Gaec 425,73€ au titre des frais vétérinaires exposés à l'occasion du sinistre n'évoque aucun argumentaire pour ce poste. Or, le rapport final de l'expert porte en pièce annexe les factures vétérinaires en lien avec les morsures pour un total de 425,73 €, il s'agit donc de frais directement engagés en raison des morsures. En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a octroyé cette somme à l'assurée.

Sur les demandes annexes :

L'équité commande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a octroyé à la SC Gaec Reconnu du Ponteil la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les demandes des parties à ce titre tant en première instance qu'en appel.

La SC Gaec Reconnu du Ponteil qui succombe gardera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

Déclare irrecevable la pièce 14 produite par la SC Gaec Reconnu du Ponteil,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SA Pacifica à verser à la SC Gaec Reconnu du Ponteil 425,73 € au titre des frais vétérinaires exposés à l'occasion du sinistre avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

Statuant à nouveau :

Déclare satisfactoire la somme de 17'443,11 € versée après application de la franchise contractuelle par la SA Pacifica à la SC Gaec Reconnu du Ponteil,

Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,

Condamne la SC Gaec Reconnu du Ponteil aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître Emmanuelle Dessart en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M. BUTELC. BENEIX-BACHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/02891
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;21.02891 ?
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