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11/05/2022 | FRANCE | N°20/00531

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 11 mai 2022, 20/00531


11/05/2022





ARRÊT N°191



N° RG 20/00531 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NOPY

VS - AC



Décision déférée du 18 Décembre 2019 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2015J00857

M.[S]

















[I] [U] [M] [L]





C/



S.A. BANQUE POPULAIRE OCCITANE
















































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infirmation partielle







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [I] [U] [M] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Thierry LANGE de la SELARL COTEG & AZAM AS...

11/05/2022

ARRÊT N°191

N° RG 20/00531 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NOPY

VS - AC

Décision déférée du 18 Décembre 2019 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2015J00857

M.[S]

[I] [U] [M] [L]

C/

S.A. BANQUE POPULAIRE OCCITANE

infirmation partielle

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [I] [U] [M] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Thierry LANGE de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Assisté par Me Jean-michel HATTE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A. BANQUE POPULAIRE OCCITANE Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de l'ASSOCIATION CABINET D'AVOCATS DECKER & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Conseiller I.MARTIN DE LA MOUTTE, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : C. OULIE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

La Banque Populaire était en relation d'affaires avec la société Omnium Textile, entreprise spécialisée dans le commerce de gros de textiles et dont le gérant était [X] [D].

Au cours des mois d'avriI à juillet 2013, la société Omnium Textile a remis à l'escompte à la Banque Populaire un ensemble de lettres de change tirées sur ses partenaires commerciaux habituels, à savoir les sociétés Blancmark, Luton et Harmonie France.

A échéance, ces lettres de change sont toutes revenues impayées et ces sociétés ont fait l'objet de procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire dans les semaines qui ont suivi les dernières remises.

Par actes d'huissier en date des 27 et 31 août 2015, la Banque Populaire a assigné [E] [R], [I] [U] [M] [L], [T] [Z] et [X] [D], selon elle, avalistes des lettres de change, à comparaître devant le tribunal de commerce de Toulouse en paiement de diverses sommes.

[T] [Z] et [I] [U] [M] [L] ont soulevé devant le tribunal une exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 16 novembre 2016, le tribunal de commerce de Toulouse a reconnu sa compétence territoriale.

Le 24 novembre 2016, [T] [Z] a formé un contredit.

Par arrêt du 7 mars 2018, la cour d'appel de Toulouse a in'rmé le jugement et jugé compétent le tribunal de commerce de Paris à l'égard de [T] [Z].

Par jugement du 4 juillet 2018, le tribunal de commerce de Toulouse a constaté le désistement d'instance de la Banque Populaire à l'encontre de [T] [Z] et l'a déclaré parfait.

Dans ses dernières conclusions, la Banque Populaire avait demandé au tribunal de :

dire et juger que [E] [R] a avalisé les lettres de change tirées sur la société Blancmark et le condamner au paiement de la somme de 51.359,65 € majorée des intérêts au taux légal au titre des lettres de change escomptées,

dire et juger que [I] [U] [M] [L] a avalisé les lettres de change tirées sur la société Luton et le condamner au paiement de la somme de 641.778,51 € majorée des intérêts au taux légal au titre des lettres de change escomptées.

[E] [R] n'a pas comparu ni conclu.

Par jugement du 18 décembre 2019, le tribunal de commerce de Toulouse a :

condamné [I] [U] [M] [L] au paiement de la somme de 641.778,51 € majorée des intérêts au taux légal au titre des lettres de change escomptées,

débouté [I] [U] [M] [L] de l'ensemble de ses demandes,

condamné [E] [R] au paiement de la somme de 51.359,65 € majorée des intérêts au taux légal au titre des lettres de change escomptées,

condamné in solidum [E] [R] et [I] [U] [M] [L] à verser à la Banque Populaire la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné [E] [R] et [I] [U] [M] [L] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 11 février 2020, [I] [U] [M] [L] a relevé appel du jugement. L'appel porte sur les chefs du jugement qui ont :

condamné [I] [U] [M] [L] au paiement de la somme de 641.778,51 € majorée des intérêts au taux légal au titre des lettres de change escomptées,

débouté [I] [U] [M] [L] de l'ensemble de ses demandes,

condamné in solidum [E] [R] et [I] [U] [M] [L] à verser à la Banque Populaire la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné [E] [R] et [I] [U] [M] [L] aux entiers dépens.

La clôture est intervenue le 7 février 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions n°3 notifiées le 5 janvier 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de [I] [U] [M] [L] demandant :

d'infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions

statuant à nouveau, de

dire et juger nulles les lettre de changes produites aux débats par la Banque Populaire

subsidiairement, dire que la preuve n'est pas rapportée que [I] [U] [M] [L] a avalisé ces lettres de change

dire et juger que la Banque Populaire ne démontre pas en quoi il y aurait eu une quelconque man'uvre frauduleuse de la part de [I] [U] [M] [L] à titre personnel, visant à la tromper sur la situation réelle du tireur ou du tiré, ou bien une faute détachable de son mandat de dirigeant

débouter la Banque Populaire de toutes ses demandes formulées à l'encontre de [I] [U] [M] [L]

condamner la Banque Populaire à payer à [I] [U] [M] [L] la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC

condamner la Banque Populaire aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions n°4 notifiées le 18 janvier 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Banque Populaire Occitane (BPO) demandant, au visa des articles L511-21, L511-44 et L511-45 du code de commerce et 1382 du code civil, de :

In limine litis

constater que le présent appel est limité par le champ de la déclaration d'appel de [I] [U] [M] [L] et donc aux chefs du jugement critiqué le concernant,

prendre acte du fait que [I] [U] [M] [L] gérant de la société Luton n'avait nullement contesté la validité des lettres de change dans le cadre de la liquidation de la société Luton,

prendre acte du fait que les créances relatives aux lettres de change litigieuses ont été admises et sont donc définitives,

débouter [I] [U] [M] [L] de sa demande visant au prononcé de la nullité des lettres de change,

à titre principal :

constater que [I] [U] [M] [L] a avalisé les lettres de change tirées sur la société Luton

confirmer les chefs du jugement critiqué en ce qu'il a :

condamné [I] [U] [M] [L] au paiement de la somme de 641.778,51 € majorée des intérêts au taux légal au titre des lettres de change escomptées,

débouté [I] [U] [M] [L] de l'ensemble de ses demandes,

condamné in solidum [E] [R] et [I] [U] [M] [L] à verser à la BPO la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens,

à défaut, si par extraordinaire la Cour venait à considérer que la signature de [I] [U] [M] [L] avec la mention « acceptée au '» sur les deux lettres de change de 11.404,24 € et 14.272,36 € vaut acceptation, infirmer le jugement en ce qu'il a condamné [I] [U] [M] [L] à payer à la Banque Populaire la somme de 641.778,51 € majorée des intérêts au taux légal

statuant à nouveau, condamner [I] [U] [M] [L] à verser à la concluante la somme de 616.101,91 €.

à titre subsidiaire : à défaut, si par extraordinaire, la Cour considère que [I] [U] [M] [L] n'a pas la qualité de donneur d'aval,

constater que [I] [U] [M] [L] a commis une faute détachable de ses fonctions,

constater que la Banque Populaire a subi un préjudice financier,

en conséquence, statuant à nouveau : condamner [I] [U] [M] [L] au paiement de la somme de 641.778,51 € à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause :

débouter [I] [U] [M] [L] de ses demandes, fins et prétentions,

condamner [I] [U] [M] [L] à verser à la Banque Populaire la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente procédure d'appel,

condamner [I] [U] [M] [L] aux entiers dépens.

Motifs de la décision :

-sur la nullité des lettres de change :

In limine litis la BPO rappelle que la déclaration d'appel est limitée aux seuls chefs de jugements critiqués et que parmi ces derniers ne figure pas la nullité des lettres de change.

A l'examen du jugement déféré, il convient de constater que la nullité des lettres de change n'a pas été évoquée par les parties comparantes tel que [I] [U] [M] [L]. Ce dernier n'a critiqué que la mention d'avaliste pour solliciter le débouté de la BPO à son encontre.

Mais la nullité des lettres de change doit être examinée comme un moyen nouveau pour fonder le rejet des demandes de paiement de la banque en matière de droit cambiaire ; or dans la déclaration d'appel, il est demandé de réformer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de paiement de la banque fondée sur les lettres de change litigieuses.

La demande est donc recevable car la cour d'appel est bien saisie par la déclaration d'appel de la prétention correspondante de [I] [U] [M] [L].

L'appelant soulève, en application de l'article L511-1 I du code de commerce, la nullité des lettres de change pour ne pas mentionner le nom du bénéficiaire avec son adresse ou son numéro de RCS  ; sur les copies, elle fait observer que le nom d'Omnium textile a été rajouté de façon manuscrite pour 28 d'entre elles et pour 7 autres, aucune mention n'y figure à l'exception d'un tampon illisible.

La BPO fait observer que l'appelant, [I] [U] [M] [L], en sa qualité de gérant de la Sarl Luton, n'a pas contesté, dans le cadre de la procédure de la liquidation judiciaire de la société Luton, les créances de la Banque populaire pour 641.779,81 euros créances fondées en partie sur les dites lettres de change litigieuses alors que cette société était le tiré des 35 lettres de change remises à l'escompte par la société Omnium textile à la Banque populaire.

De même, la créance n°77 de la BPO, relative aux effets escomptés demeurés impayés pour 1.343.610,55 euros a été admise au passif de la société Omnium Textile par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 1er septembre 2016, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 4 janvier 2017.

La créance de la BPO fondée sur les lettres de change litigieuses dans la présente instance ont été admises dans le cadre de la vérification des créances au passif de l'émetteur des effets de commerce, la société Omnium textiles, mais également au passif du tiré la société Luton dont [I] [U] [M] [L] est le gérant.

Ce dernier, poursuivi en qualité d'avaliste, n'est donc plus recevable à solliciter la nullité des dites lettres de change pour défaut de mention du nom et de l'adresse du bénéficiaire, la société Omnium textiles, alors que les dites créances ont été définitivement admises au passif du dit bénéficiaire, sans que ne soit soulevé le défaut de mention du bénéficiaire.

De plus, en pièce 11, la BPO produit les copies des 35 lettres de change concernant la société Luton et la cour constate que le tampon de la société Omnium textile y est lisible sur chacune d'elles.

Le moyen de la nullité des lettres de change sera écarté.

-Subsidiairement sur la preuve de l'aval de [I] [U] [M] [L] :

L'appelant conteste sa qualité d'avaliste sur les lettres de change alors que n'y figure pas la mention « bon pour aval » comme l'exige l'article L511-21 du code de commerce et alors qu'en l'absence de cette mention, la seule signature ne vaut aval que si elle n'émane pas du tireur ou du tiré. Il rappelle que la signature du tiré vaut acceptation de la lettre de change conformément à l'article L511-17 du dit code

Il affirme ainsi avoir apposé sa signature au recto des lettres de change dans la case « acceptation ou aval » pour confirmer l'acceptation du tiré, la société Luton qu'il dirige, et non pour avaliser l'effet cambiaire à titre personnel. Il fait valoir que son interprétation a été retenue par le tribunal de commerce de Paris par jugement du 22 octobre 2020 concernant les lettres de changes émises par Omnium textile tirées sur la société Harmonie France dont le gérant est [T] [Z] qui, poursuivi à titre personnel, avait contesté son engagement d'avaliste alors qu'il avait signé les effets de commerce en qualité de représentant du tiré.

La BPO s'oppose à cette interprétation dès lors que [I] [U] [M] [L] n'a pas signé en mentionnant sa qualité de dirigeant de la société tiré et se fonde sur la jurisprudence et le formalisme cambiaire pour affirmer que sa seule signature, sans autre mention, l'engage personnellement comme avaliste.

L'article L511-17 du code de commerce dispose que : « L'acceptation est écrite sur la lettre de change. Elle est exprimée par le mot " accepté " ou tout autre mot équivalent et est signée du tiré. La simple signature du tiré apposée au recto de la lettre vaut acceptation.

Quand la lettre est payable à un certain délai de vue ou lorsqu'elle doit être présentée à l'acceptation dans un délai déterminé en vertu d'une stipulation spéciale, l'acceptation doit être datée du jour où elle a été donnée, à moins que le porteur n'exige qu'elle soit datée du jour de la présentation. A défaut de date, le porteur, pour conserver ses droits de recours contre les endosseurs et contre le tireur, fait constater cette omission par un protêt dressé en temps utile.

L'acceptation est pure et simple, mais le tiré peut la restreindre à une partie de la somme.

Toute autre modification apportée par l'acceptation aux énonciations de la lettre de change équivaut à un refus d'acceptation. Toutefois, l'accepteur est tenu dans les termes de son acceptation ».

Par ailleurs, en application de l'article L511-21 alinéa 5 du code de commerce, « le paiement d'une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval.

Cette garantie est fournie par un tiers ou même par un signataire de la lettre.

L'aval est donné soit sur la lettre de change ou sur une allonge, soit par un acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu.

Il est exprimé par les mots " bon pour aval " ou par toute autre formule équivalente ; il est signé par le donneur d'aval.

Il est considéré comme résultant de la seule signature du donneur d'aval apposée au recto de la lettre de change, sauf quand il s'agit de la signature du tiré ou de celle du tireur.

L'aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur.

Le donneur d'aval est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant.

Son engagement est valable, alors même que l'obligation qu'il a garantie serait nulle pour toute cause autre qu'un vice de forme.

Quand il paie la lettre de change, le donneur d'aval acquiert les droits résultant de la lettre de change contre le garanti et contre ceux qui sont tenus envers ce dernier en vertu de la lettre de change ».

En droit cambiaire, les lettres de change sont des titres formels dont la régularité et le sens résultent des mentions qui y sont portées, peu important la réalité des rapports contractuels sous-jacents.

Les juges soumis à la contestation de la portée d'une signature figurant sur le titre doivent donc examiner celui-ci et donner aux engagements le sens qui apparaît à la lecture du titre. Par exemple, une même personne, en la même qualité, ne peut être à la fois souscripteur d'un billet et donneur d'aval.

Face à une seule signature apposée au recto du titre et si le doute porte sur l'acceptation du tiré ou sur la qualité d'avaliste, à défaut de toute mention précise sur la qualité du signataire, il est présumé s'être engagé personnellement.

Il a été jugé qu'en l'absence de tout élément accompagnant la signature d'un avaliste sur une lettre de change, celui-ci est seul engagé comme avaliste sans qu'il y ait lieu de recherche s'il a agi en qualité de mandataire (Com 13 septembre 2011 n°10-20504 ou Com 17 mai 2017 n° 15.26495).

En l'espèce, la lettre de change comporte une mention unique concernant deux engagements différents ; cette mention pré-imprimée indique « acceptation ou aval » et est suivie d'une seule signature celle du dirigeant du tiré sans qu'il soit précisé s'il agit à titre personnel avec la mention manuscrite « bon pour aval » requise par l'article L511-21 ou en qualité de représentant du tiré sous la mention « acceptation ».

Sur 4 des 35 lettres de change litigieuses, il a rajouté au-dessus de sa signature de façon manuscrite « acceptée au (date de l'échéance de la lettre de change) ».

Aucune des parties ne produit de pièce distincte des lettres de change dans laquelle le dirigeant du tiré serait reconnu ou présenté comme avaliste.

En revanche, d'une part la BPO produit des décisions judiciaires dans lesquelles pour des lettres de change datées de 2010, F [D], gérant de la société Omnium Textile, société bénéficiaire des effets de commerce, s'est porté avaliste et n'a pas contesté sa qualité d'avaliste par sa seule signature au recto des lettres de change sans autre mention.

D'autre part, [I] [U] [M] [L] produit la décision du tribunal de commerce de Paris du 22octobre 2020 qui concernait l'aval de [T] [Z], gérant d'une autre société tirée, la société Harmonie France, au profit de la société Omnium textile et qui a signé les lettres de change de la même façon que l'a fait [I] [U] [M] [L] dans le présent litige.

Selon l'article L 511-21 du code de commerce, le bon pour aval est considéré comme résultant de la seule signature du donneur d'aval apposée au recto de la lettre de change, sauf quand il s'agit de la signature du tiré ou de celle du tireur. En l'espèce, la signature est celle du représentant du tiré qui n'a « biffé » aucune mention pré-imprimée « acceptation ou aval » et qui, pour 4 des lettres de change, a ajouté à l'échéance de l'effet « acceptée au date de l'échéance ». Cette mention manuscrite sans rajout d'une nouvelle signature ne peut valoir en double qualité d'avaliste et d'accepteur. Par cette mention, il n'a fait que préciser une nouvelle date d'acceptation mais il n'a pas signé à coté du tampon du tiré pour le distinguer de la précédente signature dans une autre qualité.

La situation personnelle de [T] [Z] et celle de [I] [U] [M] [L] ne peuvent être comparées à celle de F. [D] puisque ce dernier était le dirigeant du bénéficiaire des effets de commerce et ne pouvait confondre sa signature d'avaliste avec celle du tireur ; il s'était donc nécessairement engagé comme avaliste en signant dans la case aval ou acceptation.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments concernant les lettres de change émises par la société Omnium textile, il convient dès lors d'analyser de façon stricte et conformément à l'article L511-21 du code de commerce, les titres cambiaires litigieux, porteurs au recto d'une seule signature dans la case « acceptation ou aval » sans autre précision comme étant l'acceptation du tiré et non celle d'un avaliste alors qu'aucun autre élément ne vient corroborer un engagement d'avaliste de [I] [U] [M] [L].

Il convient d'infirmer le jugement de ce chef et de débouter la BPO des ses demandes fondées sur un engagement d'avaliste de [I] [U] [M] [L].

A titre subsidiaire, sur la faute délictuelle de [I] [U] [M] [L] détachable de ses fonctions de gérant, au détriment de la BPO :

La BPO rappelle que l'acceptation par le tiré consolide le titre cambiaire et donne l'apparence de sécurité et elle dénonce le fait que, de façon déloyale, les gérants des sociétés bénéficiaire et tirée des lettres de change ont effectué ces opérations cambiaires alors qu'ils savaient que leur société respective était dans l'impossibilité de régler les dits effets. Pour en justifier, elle évoque la situation financière de chacune d'elles et en déduit qu'elle était obérée et qu'en outre, étant en relations d'affaires depuis de nombreuses années, les dirigeants de ces sociétés ne pouvaient l'ignorer et ont ainsi trompé la banque qui a escompté les lettres de change.

Elle analyse notamment les extraits Kbis des sociétés et les documents Fiben des diverses sociétés en cause et insiste sur les échanges croisés massifs de lettres de change qui aurait permis de révéler une cavalerie bancaire dont elle-même aurait été victime.

Elle dénonce, sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, une faute de [I] [U] [M] [L], détachable de ses fonctions de gérant de la société tirée, dès lors qu'elle est intentionnelle, qu'elle porte préjudice à un tiers et qu'elle est d'une particulière gravité. Elle dénonce le fait qu'il savait que sa société ne disposait pas de la provision nécessaire pour payer à l'échéance les lettres de change qu'il acceptait. Elle sollicite la condamnation de [I] [U] [M] [L] à lui verser 641.778,51 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi.

[I] [U] [M] [L] conteste toute faute détachable de ses fonctions de gérant et toute volonté de tromper les créanciers. Il critique la notion de provision utilisée par la banque en matière cambiaire alors que selon lui, la définition de l'article L511-7 du code de commerce signifie uniquement que le créancier a une créance sur le tiré qui a accepté la traite à l'échéance et peut en qualité de porteur agir directement contre le tiré et non pas que la provision doit exister au jour de l'acceptation de la lettre de change.

Il conteste également l'apparence de sincérité dénoncée en rappelant que la société Luton a été placée en redressement judiciaire le 2 octobre 2013 et que la date de cessation des paiements a été fixée au 5 septembre 2013, soit bien après les dates d'acceptation des lettres de change.

Enfin, s'agissant de la dénonciation d'une escroquerie au préjudice de la banque, il relève qu'aucune plainte pénale n'a été portée car lui-même n'a pas fait usage d'un faux nom ni d'une quelconque man'uvre frauduleuse. La BPO a accepté d'escompter des lettres de change dans le cadre d'un courant d'affaires entre la société Omnium textile et la société Luton pour des prestations réelles. La BPO, banque de la société Omnium textile, pouvait s' y opposer et elle ne l'a pas fait.

Pour faire droit à sa demande, la BPO doit prouver la faute détachable d'une particulière gravité du gérant de la société Luton, et notamment son intention de tromper la banque par des man'uvres frauduleuses avec son fournisseur la société Omnium textiles.

Dans le cadre du présent litige, [I] [U] [M] [L] a accepté 35 lettres de change de la société Omnium textiles entre le 6 mai 2013 et le 25 juillet 2013 avec pour première date d'échéance le 10 août 2013.

Selon les extraits Kbis produits, la société Omnium textile a été placée en sauvegarde de justice le 12 septembre 2013 et n'a été placée en redressement judiciaire que par jugement du 19 juin 2014 ; elle n'a par conséquent été en état de cessation de paiement qu'à cette dernière date. La société Luton n'a été placée en redressement judiciaire que le 2 octobre 2013 avec une date de cessation des paiements fixée au 5 septembre 2013.

Selon, la pièce 5 de la BPO, la fiche Fiben de la société Omnium textile mentionne des incidents de paiement sur effets à compter d'août 2013, 5 effets pour 1.387.000 euros. Pour la société Luton, les effets impayés sont recensés à compter de juillet 2013 pour 2 effets d'un montant total de 54.000 euros.

Enfin, la BPO affirme que dès juillet 2013, la société Luton ne pouvait honorer les factures de la société Omnium textile, son fournisseur pour certaines gammes d'articles de son activité de vente de linge de table, et qu'elle.a tenté d'escompter des effets auprès de la Caixa banque qui a refusé et a rejeté des chèques mais elle n'en justifie pas.

Ces seuls éléments ne peuvent établir l'intention de [I] [U] [M] [L] de causer un préjudice à la BPO en acceptant les lettres de change de la société Omnium textile de mai à juillet 2013 alors qu'aucune des sociétés n'était en état de cessation des paiements à la date de souscription des lettres de change ni même à la date d'échéance des premières lettres de change souscrites.

Il convient de débouter la BPO de ses demandes indemnitaires à l'encontre du dirigeant de la société tirée.

-sur les demandes annexes :

[I] [U] [M] [L] qui obtient gain de cause en appel ne sera pas condamné aux dépens de première instance et d'appel ni à verser des frais irrépétibles.

La BPO sera condamnée avec [E] [R], qui a été condamné en première instance mais n'est pas partie en cause d'appel, aux dépens de première instance

La BPO qui succombe prendra en charge le dépens d'appel et versera 2.500 euros à [I] [U] [M] [L] au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a :

- condamné [I] [U] [M] [L] au paiement de la somme de 641.778,51 € majorée des intérêts au taux légal au titre des lettres de change escomptées,

- débouté [I] [U] [M] [L] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné [I] [U] [M] [L] en application de l'article 700 du cpc et aux dépens.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés.

- rejette le moyen de la nullité des lettres de change, objet du litige

-dit que [I] [U] [M] [L] ne s'est pas engagé comme avaliste

-dit que n'a pas commis de faute dtéachable de ses fonctions en acceptant les lettres de change objet du litige

-déboute la BPO de l'ensemble de ses demandes

-condamne la BPO aux dépens de première instance avec [E] [R]

-condamne la BPO aux dépens d'appel

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la BPO à verser à [I] [U] [M] [L] 2500 euros ;

Le greffier, La présidente,

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00531
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;20.00531 ?
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