COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Minute 2022/198
N° RG 22/00196 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OYWS
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 09 Mai à 16h50
Nous A. DUBOIS, Président de chambre, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 21 DECEMBRE 2021 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'ordonnance rendue le 05 Mai 2022 à 18H35 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :
[E] [B]
né le 06 Juin 2003 à OYEM (GABON)
de nationalité Gabonaise
Vu l'appel formé le 06/05/2022 à 18 h 11 par télécopie, par Me Noémie BACHET de la AARPI DIALEKTIK AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE;
A l'audience publique du 09/05/2022 à 09h45, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu:
[E] [B]
assisté de Me Noémie BACHET de la AARPI DIALEKTIK AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de M.[R] représentant la PREFECTURE DE L'ARIEGE ;
avons rendu l'ordonnance suivante :
M. [E] [B], de nationalité gabonnaise, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de l'Ariège portant obligation de quitter le territoire français avec délai de 30 jours, le 27 juillet 2021, notifié le 29 juillet suivant et confirmé par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 mars 2022.
Il a été assigné à résidence par arrêtés préfectoraux des 22 février, 28 mars (annulé par décision du tribunal administratif du 1er avril 2022) puis 28 avril 2022 (annulé par décision du tribunal administratif du 4 mai 2022) .
Il a été placé en rétention administrative suivant décision préfectorale du 3 mai 2022.
Par requête du 4 mai 2022, le préfet a sollicité la prolongation pour une durée de 28 jours de son placement en rétention, lequel a été contesté par M.[E] [B] par requête du même jour.
Par ordonnance du 5 mai 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure, déclaré régulière la décision de placement en rétention administrative, rejeté la demande d'assignation à résidence et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. [E] [B].
Ce dernier en a interjeté appel par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 6 mai 2022 à 18 h 11 et demande :
à titre principal :
- d'infirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention,
- de constater l'irrégularité de la procédure,
- de constater l'illégalité de la décision de placement en rétention administrative,
- d'ordonner par suite, sa remise en liberté immédiate,
à titre subsidiaire :
- de l'assigner à résidence.
A l'audience, il a précisé qu'il est en France depuis l'âge de 14 ans, qu'il a toute sa famille en France, qu'il est scolarisé en 1ère, qu'il ne veut pas rentrer au Gabon où il ne connait plus personne, mais veut régulariser sa situation et continuer ses études pour obtenir son bac ou trouver un travail. Il ajoute qu'il regrette et présente ses excuses pour ses erreurs passées.
Il soutient par la voie de son avocat, à l'appui de ses demandes principales d'infirmation de l'ordonnance et de remise en liberté :
* l'existence de nullités compte tenu :
- de l'absence de cadre légal avant le placement en rétention administrative,
- de l'absence de procès-verbal de notification des droits en rétention administrative,
- de la notification à la même heure du placement en rétention, des droits en rétention et du droit d'accès aux associations,
- du caractère incomplet de la notification du droit prévu à l'article R744-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- de l'irrégularité de la décision de placement en rétention administrative du fait de l'annulation de la décision protant assignation à résidence,
* l'existence de fins de non-recevoir tirées de :
- de la requête non accompagnée des procès-verbaux de notification de placement en rétention et de notification de droits en rétention,et du dispositif du jugement du tribunal administratif sur la légalité de la mesure d'assignation à résidence notifiée le 4 mai 2022,
* le défaut de motivation du placement en rétention administrative ou à tout le moins d'un examen réel et sérieux de sa situation,
* l'erreur de droit et l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions combinées des articles L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (sic).
Subsidiairement, il sollicite le bénéfice de l'assignation à résidence.
Le préfet de l'Ariège, représenté à l'audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en soulignant que la procédure est régulière et fondée sur le refus de l'appelant de retourner dans son pays d'origine
Le ministère public, avisé de la date d'audience, est absent et n'a pas formulé d'observation.
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MOTIVATION :
L'appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux.
Sur les nullités de procédure
Selon les articles L 731-1, L741-1 et L741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut notamment placer en rétention l'étranger qui ayant été assigné à résidence en vertu d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet, lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparait suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
La décision de placement en rétention est prise par l'administration, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention.
En l'espèce, l'interpellation a pu être valablement décidée par le préfet sans intervention du parquet par application de l'article L741-6 précité.
En outre, comme valablement relevé par le premier juge, l'interpellation puis l'arrêté de placement en rétention administrative ont été décidés le 3 mai 2022, après la notification des modalités de mise en oeuvre de la mesure d'éloignement par le biais d'un vol prévu pour le Gabon le 4 mai 2022, en raison du refus de l'appelant, assigné à résidence, d'être reconduit dans son pays d'origine.
Le grief tiré de l'absence de cadre légal avant le placement en rétention est donc inopérant.
Aux termes de l'article R744-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès son arrivée au lieu de rétention, chaque étranger est mis en mesure de communiquer avec toute personne de son choix, avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité et avec son avocat s'il en a un, ou, s'il n'en a pas, avec la permanence du barreau du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention.
Quel que soit le lieu de rétention dans lequel l'étranger est placé, un procès-verbal de la procédure de notification des droits en rétention est établi. Il est signé par l'intéressé, qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l'auteur et, le cas échéant, l'interprète. Ces références sont portées sur le registre mentionné à l'article L. 744-2.
En l'espèce, figurent à la procédure la copie du registre prévu par l'article L 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, émargé par le retenu, les documents intitulés 'vos droits en rétention', 'droit d'accès à des associations d'aide aux retenus' et 'notification des droits en matière de demande d'asile' mentionnant l'ensemble des droits de l'intéressé dans ces différents cadres, tous signés de M. [B] le 3 mai 2022 à 10 h 23 et 11 h 50.
Ainsi, la notification de tous les droits en rétention a été faite dans les meilleurs délais à compter de la notification de la décision de placement réalisée le 3 mai 2022 à 10 h 23 de sorte que l'appelant a été pleinement informé de ces droits et placé en mesure de les faire valoir et de les exercer effectivement.
La nullité fondée sur la méconnaissance de l'article R744-16 précité dont excipe M. [B] sans justifier par ailleurs du moindre grief, doit donc être écartée.
S'il est exact que la notification du placement en rétention administrative et des droits en rétention a été effectuée à 10 h 23, il ne peut en être tiré aucune conséquence quant à la validité des actes précités dès lors que l'étranger a pu y apposer sa signature dans le même laps de temps après avoir reçu l'information de l'ensemble des droits qui lui sont reconnus.
Par ailleurs, l'appelant ne démontre pas en quoi l'absence de mention du nom et des coordonnées de la personne morale prévue par l'article R744-20, dans la notification de ses droits, a pu lui causer grief d'autant qu'il a pu exercer toutes voies de recours contre les décisions prises à son encontre, tant devant le juge administratif que devant le juge judiciaire.
Enfin, l'annulation de la dernière décision l'assignant à résidence prononcée par le tribunal administratif le 4 mai 2022 n'a pu avoir d'incidence sur la régularité du placement en rétention administrative justifié par le non respect de l'obligation de quitter le territoire français et le refus de son éloignement opposé par M. [B].
Sur la fin de non recevoir
Compte tenu de ce qui précède, c'est à tort que l'appelant excipe de l'irrecevabilité de la requête en prolongation de la rétention dès lors que contrairement à ce qu'il affirme, elle est bien accompagnée des pièces utiles visées par l'article R743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment la notification du placement en rétention administrative et de l'ensemble des droits en rétention, rien n'établissant que la décision du tribunal administratif du 4 mai annulant la dernière assignation à résidence avait déjà été notifiée à l'admnistration lorsque cette dernière a adressé sa requête au greffe du juge des libertés et de la détention le même jour.
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative
En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.
Aux termes de l'article L612-3 le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, notamment dans les cas suivants :
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français.
En l'espèce la décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [B] et énonce les circonstances de fait qui justifient l'application des ces dispositions.
Elle précise en effet notamment que l'intéressé n'a pas exercé les diligences nécessaires à son éloignement, qu'il a refusé de prendre le vol du 4 mai pour son pays d'origine, qu'il a manifesté son souhait de rester en France, qu'il est en situation irrégulière suite au rejet de sa demande de régularisation, qu'il n'est pas en état de vulnérabilité, qu'il est célibataire sans enfant, que son père est au Gabon, et qu'il est défavorablement connu des services de police.
Contrairement à la thèse de l'appelant, il n'existe pas de contrariété de motif entre les précédentes décisions d'assignation à résidence et celle de placement en rétention, cette dernière étant justifiée par le refus de l'intéressé de prendre le vol en direction du Gabon et par conséquent son refus de se conformer à son obligation de quitter le territoire français.
L'arrêté préfectoral querellé comporte ainsi les motifs de droit et de fait suffisants et le grief tiré d'une insufisance de motivation, d'un défaut d'examen de la situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Et M. [E] [B] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dès lors qu'il a refusé de prendre le vol prévu le 4 mai pour la mise en oeuvre de sa mesure d'éloignement.
C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise.
Sur la prolongation de la rétention
En application de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
En l'espèce, arrivé à l'aéroport et au pied de l'avion pour prendre le vol du 4 mai, l'appelant a refusé d'embarquer.
L'administration justifie avoir formulé une nouvelle demande de routing dans la foulée, le 4 mai et un vol est prévu à compter du 7 mai 2022.
Elle a donc exercé toutes les diligences utiles en vue de mettre à exécution la mesutre d'éloignement de sorte que la prolongation de la rétention administrative est justifiée.
Sur l'assignation à résidence :
Aux termes de l'article L 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'appréciation de l'opportunité d'accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d'éloignement.
En l'espèce, force est de constater que l'intéressé qui était déjà assigné à résidence, a clairement manifesté son refus de retourner dans son pays d'origine le 29 avril 2022 lors de la notification des modalités de retour au Gabon et que le 4 mai, il s'est à nouveau soutrait à la mesure en refusant d'embarquer dans l'avion.
Dans ces conditions, une nouvelle assignation à résidence constituerait un risque sérieux de non exécution de la mesure d'éloignement et la demande sera rejetée.
La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
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PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,
Confirmons l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 5 mai 2022,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de l'Ariège, à M.[E] [B] ainsi qu'à son conseil et communiquée au ministère public.
LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE
K. MOKHTARI A. DUBOIS Président de chambre