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06/05/2022 | FRANCE | N°22/00193

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Etrangers, 06 mai 2022, 22/00193


COUR D'APPEL DE TOULOUSE







Minute 195/2022

N° RG 22/00193 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OYV2



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT DEUX et le SIX MAI à 17 heures



Nous P. DELMOTTE, Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 21 avril 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 05 Mai 2022 à 18H35 par le jug

e des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse statuant sur la régularité du placement en rétention et ordonnant la ...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 195/2022

N° RG 22/00193 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OYV2

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT DEUX et le SIX MAI à 17 heures

Nous P. DELMOTTE, Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 21 avril 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 05 Mai 2022 à 18H35 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse statuant sur la régularité du placement en rétention et ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de

[V] [Z] né le 24 Novembre 1992 à ORAN de nationalité Algérienne

Vu l'appel formé le 06/05/2022 à 09 h 54 par télécopie, par Me Sangoné THIAM, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l'audience publique du 6 mai 2022 à 14 heures, assisté de , A.RAVEANE, greffier, avons entendu:

[V] [Z] assisté de Me Sangoné THIAM, avocat au barreau de TOULOUSE qui a eu la parole en dernier, avec le concours de [N] [F], interprête en langue arabe, assermenté,

En l'absence du représentant du Ministère public et du représentant de la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE, tous deux régulièrement avisés ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

Vu l'arrêté du Préfet de la Haute-Garonne du 14 avril 2022 portant obligation à M. [V] [Z] de quitter le territoire français avec interdiction de retour d'une durée de trois ans;

Vu la décision de placement de M. [Z] dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire du 2 mai 2022 , notifiée à l'intéressé le 3 mai 2022 à 10h01 ;

Vu l'ordonnance du 5 mai 2022, à 18h35, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse

- prononçant la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et de la requête en prolongation de la rétention administrative

- déclarant la procédure régulière

- ordonnant la prolongation de la rétention de M. [Z] pour une durée de 28 jours

Vu le recours du 6 mai 2022 à 09h54 de M. [Z] contre cette ordonnance demandant au Premier président de la cour d'appel

- de déclarer son appel recevable

- d'infirmer l'ordonnance déférée

- A titre principal, de constater l'irrégularité de la décision de placement en rétention administrative et, en conséquence, d'annuler la décision ordonnant le placement en rétention du 2 mai 2022 ,

A titre subsidiaire

- de l'assigner à résidence au domicile de sa compagne,

- d'ordonner en tout état de cause la mainlevée de sa rétention administrative,

Entendu à l'audience du 6 mai 2022, à 14 heures, M. [Z] en présence d'un interprête en langue arabe,

Entendu le conseil de M. [Z],

Le représentant de l'administration préfectorale, absent régulièrement avisé de l'heure et de la date d'audience.

Motifs

L'appel, formé par M. [Z], dans le délai légal, est recevable.

Au fond, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers a eu pour effet de transférer au juge judiciaire le contrôle de la légalité de la décision de placement en rétention d'un étranger, ce contrôle concernant tant la légalité externe que la légalité nterne de la décision administrative de placement en rétention .

En revanche, le juge judiciaire est incompétent pour contrôler, même par voie d'exception, la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Il en résulte que, sur le moyen invoqué par l'appelant tiré de l'illégalité de la décision du du 14 avril 2022 portant obligation de quitter le territoire français, celui-ci doit être renvoyé à mieux se pourvoir.

Il résulte des dispositions des articles L.741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le placement en rétention constitue une mesure exceptionnelle en ce qu'elle porte atteinte à la liberté fondamentale d'aller et venir, qui ne peut intervenir qu'en cas de garanties de représentation insuffisantes de l'étranger, pour prévenir le risque de voir l'étranger se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ; 'il appartient donc au juge judiciaire de contrôler si les motifs de la décision de placement caractérisent la nécessité de recourir à une telle mesure de coercition sur la personne.

En l'espèce, pour motiver la décision de placement en rétention, l'autorité préfectorale retient pour l'essentiel le fait que M. [Z], qui ne justifie d'aucunes ressources , qui a été condamné à plusieurs reprises à raison de vols en récidive, qui est démuni de tout titre de séjour régulier et n'a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation, s'est soustrait à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes faute de justifier d'une adresse effective et permanente et n'est accompagné d'aucun enfant mineur.

Cependant, si M. [Z], qui affirme, sans en justifier, être entré en France, de manière irrégulière depuis 2017, a déjà fait l'objet d'arrêtés portant obligation de quitter le territoire français les 29 août 2018 et 22 août 2019 et d'une interdiction du territoire français prononcée le 11 avril 2019 par le tribunal correctionnel de Toulouse, on ignore les conditions de mise à exécution de ces mesures comme les conditions dans lequelles M. [Z] s'est soustrait à ces mesures.

Dès le 30 mars 2022, M. [Z] a été entendu par les services de police alors qu'il était incarcéré à la maison d'arrêt de Seysses et a déclaré être domicilié 24 chemin de la Flambert appartement 31 à Toulouse ce qui correspond à l'adresse mentionnée dans l'attestation établie le 4 mai 2022 par Mme [U] [J], sa compagne, qui a déclaré héberger gratuitement M. [Z] et être toujours prête à l'accueillir à sa libération.

Dans cette même audition, M. [Z] a déclaré être le père d'un enfant, [M], né de son union avec Mme [J] le 12 janvier 2022 à Toulouse qu'il avait reconnu ce qui est justifié par l'acte de naissance de l'enfant, joint à la requête en contestation du placement, qui mentionne en outre que les deux parents ont reconnu ensemble l'enfant, avant sa naissence, le 14 septembre 2021, manifestant ainsi un intérêt certain pour l'établissement de ce lien de filiation.

Dans cette même audition, M. [Z] déclarait être marié religieusement avec Mme [J] et avoir entrepris une démarche auprès de la mairie de Toulouse en vue d'un mariage civil ce que l'intéressé a confirmé lors de l'audience de ce jour en précisant qu'il s'était marié religieusement en mai 2020, en présence d'un imam et de deux amis faisant fonction de témoins.

Il était loisible à l'autorité adminsitrative de faire vérifier ces éléments pendant l'incarcération de M. [Z], spécialement de faire entendre Mme [J] pour s'assurer de la stabilité du couple et de leur résidence commune.

Au contraire, l'arrêté de placement en rétention ne tient aucun compte de la situation personnelle et familiale de M. [Z] alors que celui-ci apparaît vivre depuis deux ans avec Mme [J], justifie être le père d'un enfant mineur né en France de cette union et qu'il a reconnu et résider, hors périodes d'incarcération, sous le même toît que celui de sa compagne ; aucun élément du dossier n'établit que cette situation familiale serait de pure façade ou que la résidence de M. [Z], sise 24 chemin de la Flambert appartement 31 serait fictive.

La motivation insuffisante de la décision de placement en rétention équivaut à une absence de motivation, le risque de fuite de M. [Z] n'étant de surcroît pas caractérisé au regard des éléments précités ; cette décision porte ainsi une atteinte disproportionnée non seulement à la liberté d'aller et venir mais aussi au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, droit fondamental protégé par l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

La décision déférée doit donc être infirmée, la demande en contestation de la régularité de l'arrêté préfectoral accueillie, la demande en prolongation de la rétention administrative devenant sans objet.

PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;

Déclarons recevable l'appel formé par M. [Z] ;

Infirmons la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Nous déclarons incompétent au profit du juge administratif pour connaître de la légalité de l'arrêté du 14 avril 2022 portant obligation à M. [Z] de quitter le territoire français ;

Renvoyons sur ce point M. [Z] à mieux se pourvoir ;

Déclarons irrégulière et de nul effet la décision de placement de M. [Z] dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire du 2 mai 2022

Rejetons en conséquence la demande en prolongation de la rétention administrative de M. [Z] ;

Ordonnons la remise en liberté de M. [Z] ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE, service des étrangers, à [V] [Z], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE

.A.RAVEANE. P. DELMOTTE, Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 22/00193
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;22.00193 ?
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