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20/04/2022 | FRANCE | N°21/01033

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 20 avril 2022, 21/01033


20/04/2022





ARRÊT N° 311/2022



N° RG 21/01033 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OAOE

OS/IA



Décision déférée du 18 Décembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 19/00073

Mme [R]

















[P] [D]





C/



Mutuelle MUTUELLE PREVIFRANCE





























































INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [P] [D]

81 Chemin des Bourdettes

31270 CUGNAUX

Représenté par Me Régis DUPEY, avocat au b...

20/04/2022

ARRÊT N° 311/2022

N° RG 21/01033 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OAOE

OS/IA

Décision déférée du 18 Décembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 19/00073

Mme [R]

[P] [D]

C/

Mutuelle MUTUELLE PREVIFRANCE

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [P] [D]

81 Chemin des Bourdettes

31270 CUGNAUX

Représenté par Me Régis DUPEY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

MUTUELLE PREVIFRANCE

Représentée par ses mandataires statutaires ou légaux domiciliés en cette qualité audit siège social.

80 rue Matabiau

31000 TOULOUSE

Représentée par Me Marion LAVAL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A.MAFFRE et O.STIENNE, Conseillers, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.

FAITS

Le 9 mai 2006, M.[P] [F] [D], maçon non salarié, a adhéré à un contrat de prévoyance auprès de la Mutuelle Prévifrance comportant notamment des garanties de maintien de revenus en cas d'incapacité temporaire de travail ou d'invalidité et a, dans ce cadre, renseigné un questionnaire médical.

M.[D] s'est prévalu de divers arrêts de travail en février 2007, puis du 29 novembre 2009 au 31 décembre 2010 et du 21 mai 2014 au 31 janvier 2015 pour lombalgie puis lombosciatique suite à une intervention d'une hernie inguinale.

La Mutuelle Prévifrance lui a versé des indemnités journalières pour un montant de 25 256, 01 euros.

M.[D] a subi un contrôle médical à la demande de la Mutuelle Prévifrance le 4 mars 2015.

Par lettre recommandée du 10 avril 2015, la Mutuelle Prévifrance a procédé à la radiation du contrat pour fausses déclarations dans le questionnaire médical et a sollicité le remboursement de la somme de 25 256,01 euros.

Par courrier recommandé reçu le 15 janvier 2016, la Mutuelle Prévifrance a mis en demeure M. [D] de payer la somme sus visée (demande renouvelée par l'intermédiaire de son conseil auprès du conseil de M. [D] le 27 avril 2017).

PROCEDURE

Par acte du 31 décembre 2018, la Mutuelle Prévifrance a fait assigner M. [D] devant le Tribunal de Grande Instance de Toulouse, aux fins notamment de voir prononcer la nullité du contrat et obtenir la condamnation de M. [D] au paiement de la somme de 25 256,01 euros.

Par jugement contradictoire en date du 18 décembre 2020, le Tribunal Judiciaire de Toulouse a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action introduite par la Mutuelle Prévifrance,

- prononcé la nullité du contrat prévoyance souscrit par M. [P] [F] [D] auprès de la Mutuelle Prévifrance le 9 mai 2006,

- condamné M. [P] [F] [D] à restituer à la Mutuelle Prévifrance la somme de 25.256,01€ dont la Mutuelle Prévifrance s'est acquittée auprès de ce dernier en exécution du «contrat prévoyance'', avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2016,

- dit que conformément aux dispositions de l'article L.211-4 alinéa 2 du code de la mutualité, les cotisations acquittées par M. [P] [F] [D] demeureront acquises à la Mutuelle Prévifrance à titre de dommages et intérêts ,

- débouté M. [P]. [F] [D] de l'intégralité de ses demandes ,

- condamné M. [P] [F] [D] aux dépens de l'instance ,

- condamné M. [P] [F] [D] à payer à la Mutuelle Prévifrance la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement.

**

M.[D] a par déclaration au greffe de la cour du 4 mars 2021 interjeté appel de cette décision en sollicitant sa réformation en chacun de ses chefs de dispositif.

**

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M.[P] [F] [D], dans ses dernières écritures en date du 3 novembre 2021 demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé en son appel :

y faisant droit :

avant dire droit ordonner une vérification d'écriture sur le document Demande d'admission à Prévifrance Association du 9 mai 2006 (Pièce N°1) et sur le document Questionnaire médical (Pièce N°2) sur le fondement des articles 287 et 288 du code de procédure civile

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Toulouse le 18 décembre 2020,

statuant à nouveau,

à titre principal ;

- juger irrecevable l'action de la Mutuelle Prévifrance comme prescrite depuis le 4 mars 2017

-débouter la Mutuelle Prévifrance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement,

- juger que M. [P] [D] n'a pas commis de fausse déclaration intentionnelle sur son questionnaire médical.

- débouter la Mutuelle Prévifrance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

reconventionnellement,

- juger que la Mutuelle Prévifrance a manqué à son obligation précontractuelle d'information et que cette faute a causé un préjudice à M. [P] [D],

- la condamner à payer à M. [D] la somme de 30 000 € en réparation de son préjudice subi,

en tout état de cause,

- condamner la Mutuelle Prévifrance à la somme de 3 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [D] soutient essentiellement que :

*Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

-il n'a pas rempli, ni signé la demande d'admission réservée aux adhérents de Prévifrance Association ; il a signé le questionnaire médical mais celui ci a été rempli par M. [S] de la Mutuelle Prévifrance ; Il verse, au soutien de ses dires, des témoignages, des éléments de comparaison d'écritures et signatures et le rapport de Mme [B], experte graphologue.

-dès lors, s'il n'a pas signé la demande d'admission réservée aux adhérents de Prévifrance Association, il ne peut se voir opposer l'adhésion à un contrat de groupe ; le contrat devra être qualifié d'opération individuelle, soumis à la prescription de deux ans ; l'action de la Mutuelle est donc prescrite,

- la cour pourra se convaincre elle-même que la signature sur la demande d'admission n'est pas la même que sur le questionnaire médical, et que l'écriture n'est pas celle de M. [D] sur les deux documents ; si tel n'était pas le cas, elle ordonnera avant dire droit une vérification d'écriture sur le document Demande d'admission, M. [D] déniant sa signature (sauf sur le questionnaire médical) et son écriture.

*Subsidiairement, sur la nullité du contrat d'admission du 5 mai 2006 :

-le contrat a été signé chez lui ; le contrat d'adhésion (d'admission) ne comporte pas les mentions prévues à l'article L 121-17 1 du code de la consommation, ni de formulaire de rétractation,

-l'action est donc prescrite depuis le 4 mars 2017 (deux ans après le rapport du médecin expert en date du 4 mars 2015).

*Subsidiairement, sur les demandes principales :

Les déclarations contenues dans le questionnaire ne lui sont pas opposables :

- il n'a pas été informé préalablement à la formation du contrat puisqu'il n'a pas signé le contrat d'admission,

-si le questionnaire médical a bien été signé par M. [D], il ne l'a pas rempli puisqu'il ne sait pas lire ; il est de nationalité portugaise, ne comprend pas bien le français, comme l'attestent ses proches et des tierces personnes,

-les déclarations contenues dans le questionnaire de santé ne lui sont pas opposables ; il ne comprend pas les termes médicaux complexes ; il n'a jamais subi d'infiltrations, n'a jamais présenté de sciatique ou de lumbago ; il n'a ressenti aucune douleur pendant une grande période depuis le 7 octobre 2002 jusqu'en 2014,

-il incombe à la Mutuelle la charge de la preuve de l'existence d'antécédents, ce qui n'est pas le cas ; l'omission ou la déclaration inexacte de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de la garantie ; dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après la réalisation du risque, la prestation est réduite en proportion du taux de cotisations si les risques avaient été exactement déclarés ;

L'expertise médicale subie par M. [D] en 2015 n'est pas sérieuse : la Mutuelle se fonde sur ce rapport pour dire qu'il y a des fausses déclarations intentionnelles : le rapport indique qu'il aurait subi une lombosciatique droite en 2002 qui aurait été traitée par infiltrations : or, il n'a jamais subi d'infiltrations ni d'hospitalisation ; au contraire son médecin indique qu'il aurait présenté en septembre 2002 une lombalgie modérée.

M. [D] formule reconventionnellement une demande en dommages et intérêts à hauteur de 30 000 € au titre du manquement de la Mutuelle a son obligation précontractuelle d'information. Elle n'a pas fait signer la notice d'information. Elle a donc engagé sa responsabilité délictuelle ; son préjudice est la perte de chance d'avoir pu refuser le signer le dit contrat.

La Mutuelle l'a radié le 10 avril 2015 pour fausses déclarations, à tort ; il n'est donc plus couvert alors qu'il souffre de lombalgie.

*

La Mutuelle Prévifrance, dans ses dernières écritures en date du 4 novembre 2021 demande à la cour de :

- dire et juger la demande avant dire droit de vérification d'écriture de M. [D] irrecevable comme constituant une demande nouvelle,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire et juger que l'action de la Mutuelle Prévifrance n'est pas prescrite,

-prononcer la nullité du contrat de prévoyance Prévifrance souscrit par M. [P] [F] [D] en raison de ses fausses déclarations,

- condamner M. [P] [F] [D] au paiement de la somme de 25.256,01 euros, correspondant aux indemnités journalières indûment versées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 avril 2015,

- dire et juger que les cotisations acquittées par M. [P] [F] [D] demeureront acquises à la Mutuelle Prévifrance à titre de dommages et intérêts,

- débouter M. [P] [F] [D] de sa demande de dommages intérêts,

- constater que M. [P] [F] [D] a abandonné sa demande de délai de paiement,

-condamner M. [P] [F] [D] au paiement de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La Mutuelle Prévifrance soutient essentiellement que :

*Sur la fin de non recevoir de la prescription :

- le contrat souscrit est un contrat collectif entrant dans la définition du III de l'article L 221-2 du code de la mutualité ; la prescription est portée à cinq ans en ce qui concerne l'incapacité du travail,

- M. [D] a payé des frais d'adhésion annuel à Prévifrance Association (7€ par an ) le jour de l'adhésion et par prélèvement bancaire ou postal avec son autorisation au profit de Prévifrance Association ; l'en tête de la demande d'admission précise :Demande d'admission aux contrats réservés aux adhérents de Prévifrance Association, souscrits auprès de Prévifrance Mutualité, Mutuelle soumise aux dispositions du livre II du code de la mutualité ; la première page de la notice d'information est claire, le contrat note également qu'il a pour objet de garantir les adhérents de Prévifrance Association contre les risques définis ci après ; dans la suite du contrat, ils sont dénommés 'les assurés ' ou les 'membres adhérents '; il ne peut soutenir qu'il n'adhérait pas à Prévifrance Association,ce qu'il reconnait finalement dans ses conclusions n°2 devant la cour,

- il a bien apposé sa signature sur cette demande d'adhésion il reconnaît avoir signé le questionnaire médical, questionnaire lié à la demande d'admission ; en signant ce questionnaire médical lié au contrat groupe, M. [D] est forcément soumis à la prescription quinquennale ;

-l'action de la Mutuelle n'est pas prescrite puisqu'elle avait cinq ans à compter du rapport médical du 4 mars 2015 pour agir ;

*Sur le bien fondé des demandes de la Mutuelle Prévifrance :

-M. [D] a répondu de manière inexacte aux questions claires portant sur les examens spéciaux passés tels que les scanners ou radiographies et sur les antécédents : sciatique, lumbago d'effort, hernie inguinale ; il a répondu par la négative et n'a indiqué aucun examen.

- c'est lui-même qui a décrit au Dr Saint Germes [G] une lombalgie intermittente résiduelle ; s'il ne comprenait pas le français, il se serait fait assister par un interprète pour l'examen médical ; il a recopié la mention lu et approuvé en bas de la page du questionnaire, rempli le lieu et la date de souscription du bulletin d'adhésion et signé le formulaire ;

-c'est donc bien intentionnellement qu'il a fait une fausse déclaration comme l'ont retenu les premiers juges ; les questions sont claires et il avait parfaitement connaissance des termes médicaux employés (sciatique et hernie inguinale) ; il a par ailleurs menti concernant les examens passés

-ll lui est donc valalblement reproché de ne pas avoir mentionné : la lombosciatique droite en 2002, le scanner lombaire réalisé le 23 septembre 2002, une foraminale droite, des inflitrations,

-l'objet du risque a été modifié ; les demandes formées en vertu des dispositions de l'article L 221-14 du code de la mutualité sont fondées.

*Sur l'absence de manquement de la Mutuelle à son obligation pré contractuelle d'information :

-il est faux de prétendre qu'il ne comprenait pas le français et n'a pu lire le contrat,

-il a signé le formulaire d'adhésion dans lequel il est écrit 'je reconnais avoir reçu préalablement à la souscription une notice d'information ainsi que les statuts de la Mutuelle et un double de la présente demande d'admission' ; en dessous de cette mention apparaît la signature de M. [D],

- il est étonnant qu'il ait reçu les indemnités journalières de 25 256 € sans s'interroger sur leur provenance,

-les attestations produites sont de complaisance,

-la demande de vérification d'écritures, dans ses conclusions n°2 d'appelant sont irrecevables au visa de l'article 564 du code de procédure civile puisque constituant une demande nouvelle ; la cour en tout état de cause est en mesure d'apprécier l'absence de différence de signature; le rapport de Mme [B] se fonde sur les seuls documents et position apportés uniquement par M. [D],au vu de copies et non d'originaux,

-si l'on suit le raisonnement de M. [D], il doit restituer les versements sollicités,les parties devant être replacées dans leur situation antérieure au contrat,

-la Mutuelle n'a commis aucun manquement et M. [D] sera débouté de sa demande reconventionnelle,

-enfin, les dispositions de l'article L 121-17-1 du code de la consommation relatif au démarchage n'est pas applicable au cas d'espèce, étant précisé qu'il est entré en vigueur le 1er juillet 2016.

*

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 novembre 2021.

*

La cour, pour un plus ample exposé des faits, des demandes et moyens des parties,fait expressément référence au jugement entrepris et aux dernières conclusions des parties.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action de la Mutuelle

Il convient d'examiner au préalable, avant toute question relevant du fond, la fin de non recevoir tirée de la prescription.

Les contestations de M. [D] quant à sa signature sur le document d'admission ainsi que les réponses apportées au questionnaire médical y compris la mention' lu et approuvé' ne peuvent avoir d'incidence sur la nature de l'opération contractée et par voie de conséquence sur la prescription de l'action de la Mutuelle étant relevé que la cour n'est saisie d'aucune demande en nullité du contrat formée par M. [D] dans le dispositif de ses conclusions.

M. [D] qui reconnaît être le signataire du questionnaire médical joint à la demande d'admission à la dite assurance , a exécuté le contrat en réglant les cotisations y afférentes, ne peut valablement opposer à la Mutuelle la prescription biennale, au motif qu'il n'aurait pas signé la demande d'admission.

Il est constant que la Mutuelle Prévifrance est soumise aux dispositions du livre II du code de la mutualité.

Les dispositions des articles L 221-11 et L 221-12 du code de la mutualité lui sont donc applicables.

En vertu de l'article L 221-11 du dit code, toutes actions dérivant des opérations régies par le présent titre sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

Ce délai ne court en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, du fait du membre participant,que du jour où la mutuelle en a eu connaissance.(..)

Dans le cadre des opérations collectives mentionnées au III de l'article L 221-2, la prescription est portée à cinq ans en ce qui concerne l'incapacité de travail.

Les opérations collectives ainsi visées sont, s'agissant d'une opération facultative comme en l'espèce, l'opération par laquelle sur la base d'un bulletin d'adhésion signé ou d'un contrat collectif souscrit par un employeur ou une personne morale, des salariés d'une entreprise ou des membres d'une personne morale adhèrent à une mutuelle ou à une union en vue de se couvrir contre un ou plusieurs risques liés à la personne humaine, à la protection juridique, à l'assistance ou au chômage ; (.. ) les salariés et les membres de la personne morale qui adhèrent deviennent,à compter de cette date, membres participants de la mutuelle ou de l'union.

L'opération litigieuse, au vu des pièces versées au débat, vise une demande d'admission aux contrats réservés aux adhérents de Prévifrance Association, souscrits auprès de Prévifrance Mutualité.

La demande vise à bénéficier des garanties ci dessous réservées aux adhérents de Prévifrance Association, suivants contrats passés par la dite Association auprès de Prévifrance Mutualité.

M.[D] a joint lors de la demande d'admission du 9 mars 2006 un relevé d'identité bancaire ou postal avec l'autorisation de prélèvement Prévifrance Association.Il a réglé à titre d'acompte une somme de 298€ comprenant 7 € de droit d'adhésion annuel à Prévifrance Association.

Le litige vise la garantie incapacité temporaire qui a été souscrite et dont l'application a été demandée par M. [D] à plusieurs reprises.

Dès lors, la présente action de la Mutuelle Prévifrance, laquelle a pour objet le remboursement d'indemnités versées au titre de la garantie incapacité de travail dans le cadre d'un contrat d'assurance groupe souscrit par l'Association Prévifrance au profit de son adhérent, M. [D], relève donc de la prescription quinquennale.

Le délai de prescription a commencé à courir à compter de la connaissance par la Mutuelle des fausses déclarations invoquées lors du rapport d'expertise médicale du 4 mars 2015. L'introduction de la présente instance, aux fins d'obtenir le remboursement d'indemnités indûment versées,étant du 31 décembre 2018, l'action de la Mutuelle Prévifrance n'est pas prescrite.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de la Mutuelle Prévifrance.

Sur la recevabilité de la demande en vérification d'écriture

La Mutuelle Prévifrance soulève l'irrecevabilité de la demande d'expertise graphologique formée pour la première fois devant la cour par M. [D] lors de ses secondes conclusions, et ce en vertu des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

Cependant, il convient de relever que M. [D] s'opposait dès la première instance aux demandes formées au fond par la mutuelle au motif notamment qu'il n'avait pas signé la demande d 'admission.

Cette demande de vérification d'écriture doit être considérée comme recevable car accessoire en vertu des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile.

Cette demande et notamment la nécessité de la mesure par voie d'expertise sera examinée ci dessous.

Sur les demandes principales de la Mutuelle Prévifrance en nullité du contrat pour fausse déclaration et remboursement des indemnités indûment versées

En vertu des dispositions de l'article L 221-14 du code de la mutualité, la garantie accordée par la mutuelle est nulle en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de celui-ci quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l 'objet du risque ou en diminue l'opinion pour la mutuelle alors même que le risque omis ou dénaturé par le membre a été sans influence sur la réalisation du risque.

Les cotisations acquittées demeurent alors acquises à la mutuelle qui a droit au paiement de toutes les cotisations échues à titre de dommages et intérêts.

La déclaration du risque qui permet à la mutuelle de prendre la mesure de l'aléa à garantir doit être effectuée avec loyauté et sincérité par l'assuré en vertu de l'obligation de bonne foi qui s'impose en matière contractuelle.

Il appartient à la Mutuelle de rapporter la preuve de la réunion de ces conditions cumulatives de nullité du contrat ; la mauvaise foi de l'assuré s'apprécie au jour du contrat.

Le questionnaire médical signé le 5 mai 2006 par M. [D] lequel ne conteste pas sa signature sur ce document comportait la question suivante :

Avez vous ou êtes vous atteint d'une affection ayant nécessité ou non des soins notamment :

suivait une liste détaillée d'affection médicale et face à chacune de ces affections deux cases à cocher OUI- NON

La case NON a été cochée s'agissant de l'affection : Sciatique, douleur colonne vertébrale, lumbago d'effort  ; il en a été de même pour l'hernie inguinale.

Etait également posée pour chaque affection,la question Et si Oui à quelle époque et pendant combien de temps. Aucune réponse n'était apportée ce qui était logique compte tenu des réponses négatives précédemment émises.

Enfin, il était demandé de répondre en cochant la case OUI ou NON de la réalisation des examens spéciaux : Scanner, Doppler, Echographie,Electrocardiogramme Electroencéphalogramme ; il était demandé la date et les résultats des dits examens Electroencéphalogramme.

Toutes les réponses étaient négatives.

Il ressort du rapport médical du 4 mars 2015 du Dr [G], rhumatologue missionné par la Mutuelle, que M. [D], maçon à son compte depuis 2006, a subi une cure chirurgicale de hernie inguinale gauche le 21 mai 2014.

Le compte rendu opératoire du 21 mai 2014 du Dr [Y] mentionne que M. [D] présente une hernie inguinale gauche depuis maintenant plus de dix ans, qui est devenue gênante dans sa vie quotidienne, notamment au niveau professionnel.

M. [D] conteste en avoir souffert depuis une dizaine d'année alors qu'il ne ressentait aucune gêne jusqu'en 2014.

Il verse au débat le certificat du chirurgien [Y] du 13 octobre 2021 attestant simplement avoir rencontré pour une première consultation spécialisée M. [D] le 7 mars 2014.

Ce certificat ne peut démontrer l'inexistence de la dite hernie lors du questionnaire de 2006.

Il en est strictement de même du certificat du médecin traitant du Dr [T] lequel n'évoque pas la question de l'hernie inguinale et atteste seulement de l 'absence de douleurs durant les deux années suivantes (soit jusqu'à la fin de l'année 2004).

M. [D] a présenté par ailleurs en septembre 2014 une lombalgie.

Au titre des antécédents, le Dr [G] mentionne une lombo sciatique droite en 2002 ayant motivé un scanner lombaire le 23 septembre 2002. Ce scanner montrait ' une hernie discale L3 -L4 postro latérale mais surtout foraminale droite qui pourrait expliquer un conflit plutôt droit, en dessous on retrouve une isthmolyse bilatérale mais sans antélisthésis visible ' tel que relevé par le Dr [H].

Il décrit une lombalgie intermittente résiduelle. Il aurait été traité par infiltration.

M.[D] conteste ce point. Il verse au débat un certificat du Dr [T] du 13 mai 2019 certifiant  avoir été le médecin traitant de M. [D] depuis le 11 janvier 1996 et mentionnant qu'en septembre 2002, ce dernier a présenté une lombalgie + sciatalgie droite modérée traitée médicalement. Au 7 octobre 2002, le médecin indique qu'il avait noté une ' disparition totale des douleurs '  permettant une reprise du travail dès le lendemain. M. [D] n'a pas présenté d'autre épisode au cours des deux années qui ont suivi.

La Mutuelle relève que l'expert a repris les propos tenus par M. [D] lui-même.

Le médecin expert a recueilli les observations et doléances de M. [D] et un interprète aurait été présent si celui-ci ne comprenait pas le Français.

Le premier juge a d'ailleurs relevé que les termes médicaux de sciatique et hernie inguinale sont quasiment identiques en langue portugaise (ciatica et hernia inguinal).

La cour relève qu'en tout état de cause, il n'appartient pas à l'assuré de se faire juge de l'importance des affections visées au questionnaire.

Il a manifestement répondu de manière inexacte à la question relative à l'affection du lombago relevée par le Dr [G] en 2002 et ayant conduit à un scanner lombaire par le Dr [H].

M. [D] a donc également répondu par la négative à la question portant sur les examens spéciaux dont le scanner (avec date et résultats).

Il en est de même s'agissant de l'existence d'une hernie inguinale qui existait depuis 2004.

L'inexactitude des réponses de M. [D] a porté sur des éléments qui ont faussé l'opinion de la Mutuelle sur le risque assuré.

S'agissant de la mauvaise foi, de la fausse déclaration intentionnelle de M. [D], il convient de relever :

- les questions posées lors du questionnaire sont claires, portant sur des affections limitées et les réponses sollicitées sont simples :OUI ou NON

-les réponses consignées l'ont été nécessairement au vu des déclarations de l'assuré étant relevé que M. [D] a signé le dit questionnaire.

-en revanche, M. [D] conteste avoir porté la mention 'lu et approuvé' figurant juste au dessus de sa signature.

Or, M. [D], de nationalité portugaise, verse au débat plusieurs attestations régulières en la forme révélant qu'il ne sait pas écrire,ni lire et comprend mal le français.Ces attestations émanent de proches mais aussi de tierces personnes et aucune plainte pour fausse attestation n'a été effectuée.

Par ailleurs M. [D] justifie de plusieurs exemplaires de comparaison de son écriture et signature (notamment contrat de travail du 1er septembre 1993, reçu de solde de tout compte du 20 mars 1997,contrat de travail du 1er mars 1998, solde de tout compte du 28 mars 2003, contrat de bail du 4 novembre 2005 ). Sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise, la cour constate que la signature de M. [D] est mal habile.

M. [D] verse au débat un contrat souscrit auprès d'un bailleur, signé par M. [D] et son épouse le 4 novembre 2005 soit à une date antérieure mais relativement proche du questionnaire médical. La mention Lu et approuvé portée lors de la souscription du bail, signée par M. [D] est bien différente de celle apposée lors du questionnaire. Elle est si maladroite qu'elle est presque illisible, ce qui n'est pas le cas de celle du questionnaire, comme relevé par Mme [B], expert graphologue près la Cour d'appel de Toulouse ; il est relevé la fluidité de la dite mention comme celle relative au médecin traitant, étant précisé que M. [D] a toujours indiqué que la demande d'admission et le questionnaire médical avaient été remplis par le commercial de Prévifrance, au domicile de M.et Mme [D], ce que cette dernière atteste également.

La cour observe par ailleurs, et ce alors que les éléments du dossier révèlent qu'il a des difficultés pour lire le français, que la mention 'je certifie exacts les renseignements ci dessus et reconnais que toute réticence, toute fausse déclaration entraînerait les sanctions prévues le livre II du code de la mutualité ', outre le fait qu'elle n'est pas explicite pour un non juriste, de surcroît pour une personne analphabète,est inscrite en petits caractères et figure sur le côté opposé de la signature.

Eu égard aux compétences de M. [D], des circonstances de la souscription de la demande d'adhésion, également renseignée par le commercial de Prévifrance quant aux conditions tarifaires, il convient de retenir que la Mutuelle Prévifrance ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré.

Dès lors,la demande de nullité formée par Mutuelle Prévifrance au motif de la fausse déclaration intentionnelle sera rejetée. Il en sera de même de sa demande formée sur le même fondement aux fins d'obtenir la restitution des indemnités journalières versées à hauteur de 25 256,01 € avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure.

La décision entreprise sera en conséquence infirmée de ces chefs.

La demande de la Mutuelle tendant à conserver les cotisations acquittées à titre de dommages et intérêts au titre de l'article L 211-4 al 2 du code de la mutualité devient sans objet eu égard au sort donné au litige, la décision entreprise étant également infirmée en ce sens.

Sur les manquements de la Mutuelle Prévifrance

M. [D] sollicite une somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts, qui ne saurait être inférieure à la somme réclamée par la Mutuelle aux motifs que :

-celle-ci a manqué à son obligation précontractuelle d'information, le préjudice subi étant la perte de chance d'avoir pu refuser de signer le dit contrat,

-elle a procédé à sa radiation pour fausse déclaration et il n'est plus couvert par une mutuelle alors qu'il souffre d'une lombalgie lombosciatique.

M. [D] ne peut justifier d'un préjudice résultant d'un manquement d'information dès lors que le sinistre a été pris en charge par le versement d'indemnités journalières à plusieurs reprises et qu'il ne démontre pas qu'il aurait pu contracter une assurance pour une pathologie déjà existante.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ce chef de demande.

Sur les dépens et article 700 du code de procédure civile

La Mutuelle Prévifrance devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de condamner la Mutuelle à verser à M. [D] une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La décision entreprise étant infirmée en ce qu'elle a condamné M. [D] à verser à la Mutuelle la somme de 1500 € de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de la Mutuelle Prévifrance et la demande en dommages et intérêts de M. [D].

Statuant à nouveau,

Déclare recevable mais dit n'y avoir avoir lieu à ordonner avant dire droit la demande formée par M. [D] de vérification d'écritures.

Déboute la Mutuelle Prévifrance de sa demande de nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle et de sa demande en restitution par M. [D] de la somme de 25 256,01 €, avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure.

Déclare sans objet la demande de la Mutuelle Prévifrance de conservation des cotisations acquittées à titre de dommages et intérêts.

Condamne la Mutuelle Prévifrance à verser à M. [P] [D] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Mutuelle Prévifance aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maitrre Dupey.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

M. BUTELC. BENEIX-BACHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/01033
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;21.01033 ?
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