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15/04/2022 | FRANCE | N°22/00146

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Etrangers, 15 avril 2022, 22/00146


COUR D'APPEL DE TOULOUSE









Minute 2022/146

N° RG 22/00146 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OXPP



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 15 AVRIL A 13H00



Nous C. HERENGUEL, Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 21 DECEMBRE 2021 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 13 Avril 2022 à 17H26 p

ar le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :



[D] [C] [V]
...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 2022/146

N° RG 22/00146 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OXPP

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT DEUX et le 15 AVRIL A 13H00

Nous C. HERENGUEL, Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 21 DECEMBRE 2021 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 13 Avril 2022 à 17H26 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[D] [C] [V]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 3] (GHANA) (99)

de nationalité Ghanéenne

Vu l'appel formé le 14/04/2022 à 11 h 19 par télécopie, par Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l'audience publique du 15/04/2022 A 10H00, assisté de K. MOKHTARI avons entendu:

[D] [C] [V]

assisté de Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de Mme [Y] représentant la PREFECTURE DU TARN ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

[D] [C] [V] a été condamné le 5 mars 2019 à 3 ans d'emprisonnement dont six mois avec sursis et interdiction du territoire français pendant cinq ans pour des faits de trafic de stupéfiants. Il a bénéficié d'une mesure de détention à domicile.

Il a été placé en rétention le 14 mars 2022 et sa rétention a été prolongée pour une durée de 28 jours selon ordonnance du juge des libertés et de la détention confirmée par la cour d'appel de Toulouse le 18 mars 2022.

Par requête communiquée au greffe du juge des libertés et de la détention le 12 avril 2022 à 14h53, le préfet du Tarn a sollicité une seconde prolongation de 30 jours.

Le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance du 13 avril 2022 à 17h26, déclaré la requête recevable et fait droit à la demande de prolongation.

Le conseil de [D] [C] [V] a interjeté appel le 14 avril 2022 à 11h19 par dépôt au greffe d'un mémoire qui a été versé à la procédure;

Le représentant de M. le Préfet, présent.

[D] [C] [V] et son avocat entendus;

L'appel interjeté dans les délais légaux est recevable ;

Sur l'irrecevabilité de la requête

Il est d'abord invoqué l'irrecevabilité de la requête pour défaut de signature, d'une part en l'absence d'arrêté de nomination de Monsieur [O] [F], signataire de la requête, d'autre part en l'absence de délégation de signature de Monsieur [O] [F].

Il est ensuite invoqué l'irrecevabilité de la requête en l'absence des pièces suivantes : la copie du registre du centre de rétention actualisée et complétée ; l'arrêté de nomination de Monsieur [O] [F] ; la justification des diligences faites auprès des autorités espagnoles.

Selon l'article R743-2 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L744-2.

- Sur le défaut de compétence du signataire

La requête en prolongation de la rétention est signée par M. [O] [F], qui suivant arrêté du Préfet du Tarn en date du 14 février 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 81-2022-069 du 15 février 2022, a reçu délégation de signature ''à l'effet de signer les saisines du juge des libertés et de la détention en vue de la prolongation de la rétention en application des articles L552-1 et suivants du CESEDA''.

Le fait qu'il soit fait mention de l'article L552-1 qui n'est plus en vigueur depuis le 1er mai 2021, et a été remplacé par l'article L742-4 n'est pas de nature à rendre irrégulière la délégation de signature, s'agissant d'une erreur matérielle ou d'une négligence dans l'actualisation des textes en vigueur qui n'atteint pas la réalité de cette délégation.

Il n'y a pas lieu d'exiger la production de l'arrêté de nomination de M. [O] [F], attaché hors classe, chef du bureau des étrangers, dès lors que ce dernier est expressément nommé dans l'arrêté portant délégation de signature signé par le préfet du Tarn du 14 février 2022. Il sera rappelé que le juge judiciaire n'a pas compétence pour apprécier si l'arrêté de nomination de ce fonctionnaire ou l'arrêté de délégation de signature est légal, s'agissant d'une question relevant exclusivement de la compétence du juge administratif.

- Sur le défaut de pièces utiles

En application de l'article L744'2 du CESEDA, il doit être tenu un registre mentionnant en particulier les éléments d'État civil, les conditions du placement et du maintien en rétention.

Ce registre est produit. Le fait que le lieu de rétention ne soit pas mentionné est sans incidence alors qu'il ne peut s'agir que du centre de rétention de [Localité 4] et qu'il n'est pas prétendu que [D] [C] [V] aurait été retenu ailleurs. En outre la fiche d'entrée versée au dossier est signée par lui-même et porte le tampon de la PAF de Haute-Garonne, ce qui ne peut que correspondre au centre de rétention de [Localité 4] qui est le seul du département de la Haute-Garonne . Il n'est donc justifié d'aucun grief.

Il a déjà été dit qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de vérifier l'existence ou la régularité de l'arrêté de nomination de Monsieur [O] [F].

S'agissant des pièces constituant des diligences, il est versé à l'appui de la demande de prolongation de la rétention les pièces justificatives établissant que l'administration a vérifié les conditions de résidence de l'intéressé en Espagne (par l'envoi d'un mail le 10 janvier 2022 à 11h21 par le bureau des étrangers souhaitant savoir si [D] [C] [V] était titulaire d'un droit de séjour en Espagne, ayant déjà eu un titre de séjour valable jusqu'en 2015, mais sans savoir s'il avait été renouvelé, et la réponse adressée selon mail du 10 janvier 2022 à 12h26 du CCPD du Perthus indiquant 'en réponse à votre demande et après recherche auprès du détachement espagnol policia nacional présent au sein de ce centre il s'avère que le nommé [D] [C] [V] né le [Date naissance 2]1980 à [Localité 3] Ghana ne possède pas d'autorisation de résidence'). Les informations fournies par le détachement espagnol policia nacional émanent bien des autorités espagnoles.

Il est reproché à l'administration de n'avoir pas saisi les autorités espagnoles d'une demande de remise, alors que [D] [C] [V] a formé cette demande auprès des autorités espagnoles. Cependant, compte tenu de l'échange de mail du 10 janvier 2022, il n'y avait pas lieu pour l'administration de justifier d'autres diligences auprès des autorités espagnoles, étant rappelé que [D] [C] [V] ne dispose plus d'un titre de séjour en Espagne depuis 2015 de sorte qu'il ne remplit pas les conditions fixées par l'accord de réadmission entre la France et l'Espagne signé à Malaga le 26 novembre 2002, qu'en outre l'administration a le libre choix du pays de renvoi, qu'il est de nationalité ghanéenne, qu'en tout état de cause le choix du pays de renvoi ne relève pas de la compétence du juge judiciaire mais de celle du juge administratif.

Il est par ailleurs justifié d'une série de diligences à destination des autorités consulaires ghanéennes (cf paragraphe suivant).

Il n'y a donc pas lieu d'accueillir les moyens relatifs à l'irrecevabilité de la requête

Sur la contestation des diligences

Aux termes de l'article L741'3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

Même s'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur le choix du pays de renvoi, il doit contrôler que les diligences ont une chance raisonnable d'aboutir dans un délai ne dépassant pas la durée légale de la rétention.

Il est justifié des diligences suivantes :

- le consul du Ghana à [Localité 5] avait été saisi dès le 8 mars 2022

- [D] [C] [V] devait prendre un vol au départ de [Localité 6] le 16 mars 2022, ce qui témoigne d'une volonté de l'administration de faire durer le moins possible son temps de rétention

- les autorités consulaires ghanéennes n'avaient pas délivré de laissez-passer à cette date

- [D] [C] [V] a été présenté à son consulat le 23 mars 2022

- le consulat a, suivant courrier électronique du 30 mars 2022, fait parvenir le compte-rendu consulaire et indiqué que l'ambassade est en train de vérifier la copie du passeport figurant dans le dossier de l'intéressé, son authentification et son obtention.

- la préfecture a adressé un rappel par courrier recommandé du 8 avril 2022 puis par courrier électronique du 11 avril, insistant auprès des services consulaires sur l'importance de délivrer le laissez-passer dans les meilleurs délais.

C'est donc bien le défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé qui n'a pas permis l'éloignement pendant la première période de prolongation. Le seul obstacle à l'éloignement est à l'heure actuelle l'attente de la délivrance du laissez-passer, étant précisé que les frontières du Ghana sont rouvertes depuis le 28 mars 2022. Les conditions d'une seconde prolongation sont donc réunies conformément aux exigences de l'article L742'4 3° du CESEDA et à ce stade il ne peut être affirmé que l'éloignement de [D] [C] [V] ne pourrait pas avoir lieu avant que soit épuisée la durée légale maximale de la rétention, bien au contraire la réponse faite par le consulat le 30 mars 2022 ne permet pas de considérer qu'il va s'opposer à la délivrance du laissez-passer.

Sur l'incompatibilité d'une deuxième prolongation avec les dispositions de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 3 de la Convention sur les droits de l'enfant

[D] [C] [V] a été condamné à cinq ans d'interdiction du territoire français, ce qui place l'administration en situation de compétence liée et l'oblige à mettre tout en 'uvre pour le reconduire.

Il justifie être père de quatre enfants mineurs. Il expose que [H], cinq ans, est porteuse d'un handicap, qu'elle a besoin de plusieurs séances de kinésithérapie par semaine, que c'est lui qui s'en charge, sa compagne travaillant et ne pouvant l'y mener, que les autres enfants souffrent de la séparation d'avec leur père, en particulier [X] a des troubles du sommeil. S'il ne fait aucun doute que l'absence du père complique la vie de famille, il n'apparaît cependant pas que la rétention porte une atteinte disproportionnée aux droits reconnus par les textes rappelés par son avocat, alors que cette mesure est limitée dans le temps et que les enfants bénéficient de la présence continue de leur mère. En outre les enfants ont la nationalité ghanéenne de sorte qu'ils peuvent éventuellement aller retrouver leur père au Ghana.

Sur l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement

Le seul obstacle à l'éloignement est à l'heure actuelle l'attente de la délivrance du laissez-passer, étant précisé que les frontières du Ghana sont rouvertes depuis le 28 mars 2022. Les conditions d'une seconde prolongation sont donc réunies conformément aux exigences de l'article L742'4 3° du CESEDA, étant précisé qu'à ce stade, il ne peut être affirmé que l'éloignement de [D] [C] [V] ne pourrait pas avoir lieu avant que soit épuisé la durée légale maximale de la rétention, étant encore ajouté que le consulat du Ghana n'a pas fait savoir qu'il refusait de délivrer le laissez-passer. Il sera enfin noté que les chiffres avancés dans le mémoire d'appel sur le taux de renvoi au Ghana ne sont pas justifiés puisque les documents statistiques produits concernent les principales nationalités faisant l'objet de rétention mais qu'aucun ne s'applique au Ghana.

Sur la demande d'assignation à résidence

[D] [C] [V] n'a jamais produit l'original de son passeport qu'il déclare perdu, de sorte que cette mesure n'est pas envisageable par application de l'article L743'13 du CESEDA. En tout état de cause, il sait être interdit du territoire français pendant cinq ans et s'oppose à la mesure d'éloignement mise en 'uvre par la préfecture, ce qui laisse craindre un risque de fuite.

L'ordonnance du juge des libertés et de la détention sera par conséquent confirmée.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l'appel recevable ;

Au fond,

CONFIRME l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 13 avril 2022 prolongeant le placement de [D] [C] [V] dans les locaux du centre de rétention administrative d'une durée de 30 jours

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DU TARN, service des étrangers, à [D] [C] [V], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI Mme HERENGUEL, Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 22/00146
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;22.00146 ?
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