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20/10/2020 | FRANCE | N°20/00613

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Etrangers, 20 octobre 2020, 20/00613


COUR D'APPEL DE TOULOUSE









Minute 2020/595

N° RG 20/00613 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NYMW



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT et le VINGT OCTOBRE - 11 HEURES 00



Nous, S. TRUCHE, Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 31 AOUT 2020 pour connaître des recours prévus par les articles

L 552-9 et L 222-6, R.552.12 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 16 Octobre 2020 à

15H19 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 2020/595

N° RG 20/00613 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NYMW

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT et le VINGT OCTOBRE - 11 HEURES 00

Nous, S. TRUCHE, Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 31 AOUT 2020 pour connaître des recours prévus par les articles

L 552-9 et L 222-6, R.552.12 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 16 Octobre 2020 à 15H19 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :

[S] [G]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 3] (TURQUIE)

de nationalité Turque

Vu l'appel formé le 18/10/2020 à 12h15 par télécopie, par Me Majouba SAIHI, avocat au barreau de Toulouse ;

Vu les procès-verbaux relatifs aux opérations techniques portant sur l'audience en visio-conférence, établis le 19 Octobre 2020 par le greffier du Centre de Rétention Administrative de [Localité 2] et le greffier de la Cour d'appel de Toulouse ;

A l'audience publique du 19/10/2020 à 15h00, assistée de Mme MARTY, greffier, avons entendu :

[S] [G], comparant par visio conférence, assisté de Me Tété AGBÉ, substituant Me Majouba SAIHI, toutes deux avocats au Barreau de Toulouse, qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de M. [P] [O], interprète en langue albanaise, assermenté ;

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé ;

En présence de Mme B. [C] représentant la PREFECTURE DE LA SAONE ET LOIRE ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

Monsieur [S] [G], de nationalité turque, a fait l'objet le 14 octobre 2020 d'une vérification d'identité par les services de police de [Localité 5], dans le cadre du contrôle d'un salon de coiffure opéré sur réquisitions du procureur de la république en application de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale. Il a déclaré ne pas avoir de titre de séjour en cours de validité, et être titulaire d'un passeport turc valable jusqu'au 14 octobre 2018.

Il est apparu qu'il faisait l'objet d'une fiche de recherches émanant de la préfecture de Saône et Loire suite à une obligation de quitte le territoire français qui lui avait été notifiée le 21 août 2019 avec interdiction de retour d'un an.

Sur la base de cet arrêté préfectoral en date du 12 août 2019, le préfet de Saône et Loire a pris le 14 octobre 2020 à l'encontre de Monsieur [S] [G] un arrêté de placement en rétention administrative qui lui a été notifié à l'issue de la procédure de vérification du droit au séjour menée par les services de police.

Monsieur [S] [G] a été transféré au centre de rétention de [Localité 2] où ses droits lui ont été notifiés à 3h10 via ISM.

Par requête du 15 octobre 2020, le préfet de Saône et Loire a sollicité une prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Par ordonnance du 16 octobre 2020, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de TOULOUSE a constaté la régularité de la procédure et fait droit à la demande de prolongation de la rétention.

Monsieur [G] a interjeté appel le 18 octobre 2020 à 12h15, sollicitant sa remise en liberté immédiate et à titre subsidiaire son assignation à résidence.

L'audience s'est tenue en visio conférence avec l'accord de toutes les parties et en application de l'article L552-12 du CESEDA, Monsieur [G] étant retenu dans la même aile du centre de rétention qu'une personne, à ce jour libérée, ayant été testée positive à la COVID 19.

Le représentant de M. le Préfet de Saône et Loire , Monsieur [G] et son conseil ont été entendus en leurs explications, la défense ayant eu la parole en dernier; le ministère public n'était pas représenté.

Monsieur [G] soutient à l'appui de son appel :

- que les dispositions de l'article L111-8 du CESEDA ont été violées car les raisons pour lesquelles les policiers ont fait appel à un interprétariat par téléphone ne sont pas justifiées,

- que les dispositions de l'article L552-1 du CESEDA ont été violées car il ne ressort pas du procès verbal de transfert qu'un téléphone ait été mis à sa disposition,

- que la décision de placement en rétention est dépourvue de base légale, car il s'est écoulé plus d'un an depuis la prise de décision portant obligation de quitter le territoire,

- que cette décision souffre d'une erreur manifeste d'appréciation puisqu'il présente des garanties de représentation suffisantes, qu'il vit avec une compagne à un domicile connu des autorités préfectorales, et dispose d'un passeport en cours de validité.

Le représentant du préfet sollicite confirmation de la décision et souligne que :

- seuls 4 interprètes en langue turque sont inscrits sur la liste de la cour d'appel et la seule qui réside à distance raisonnable de Mâcon a indiqué ne pas pouvoir se déplacer,

- depuis septembre 2018 il n'est plus fait obligation à l'administration de mettre un téléphone à disposition des retenus durant le transfert,

- Monsieur [G] n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire national suite à l'OQTF du 12 août 2019 ; dès lors que cet arrêté comportait une interdiction de retour il permet la rétention sans limitation dans le temps si la personne n'a jamais quitté le territoire national,

- Monsieur [G] a déjà fait l'objet d'une OQTF en 2017 à laquelle il n'a pas déféré, il ne présente pas de garanties de représentation.

MOTIFS DE LA DECISION

L'appel interjeté dans les délais est recevable.

Sur la procédure

L'article L111-8 du CESEDA dispose qu'en cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de communication. La nécessité du recours à ces moyens doit être caractérisée et les diligences accomplies pour obtenir la présence physique de l'interprète doivent être mentionnées.

En l'espèce, un procès verbal a été établi le 14 octobre 2020 à 10 heures 55, par lequel il était demandé à Madame [N] [U], interprète en langue turque demeurant à [Adresse 6], de se présenter pour y faire office d'interprète en langue albanaise, celle-ci répondant ne pas pouvoir se présenter, se trouvant à [Localité 4], mais pouvoir assurer la traduction par téléphone.

Au regard de la nécessité d'informer la personne concernée dès le début de la retenue, et dans une langue qu'il comprend, des motifs et de la durée maximale de cette mesure, et de ses droits, ce qui ne permet pas de donner à un interprète un délai de route important, les diligences effectuées auprès de l'interprète dont le domicile était le plus proche seront considérées comme satisfaisantes au regard des exigences de l'article L111-8 du CESEDA.

Aux termes de l'article L552-2 du CESEDA, le juge rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 553-1 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention.

Ainsi c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la question de l'accès du retenu à un téléphone pendant son transfert, n'était pas une cause d'irrégularité de la procédure, ce droit devant pouvoir être exercé à l'arrivée au centre de rétention.

Sur la contestation de la mesure de placement en rétention administrative :

Aux termes des articles L551-1 et L. 561-2 du CESEDA, l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire, peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quarante-huit heures, en prenant en compte son état de vulnérabilité et tout handicap.

Trois conditions cumulatives sont donc posées par ce texte :

- l'obligation de quitter le territoire français doit avoir été prise moins d'un an auparavant,

- le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé,

- le retenu ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire.

Il est constant que l'arrêté de placement en rétention a été « pris » plus d'un an avant l'arrêté de placement en rétention, soit 14 mois auparavant. Dès lors, la première condition n'est pas remplie, et peu importe dès lors que la deuxième condition, soit l'absence d'exécution de son obligation de départ par le retenu, le soit.

En conséquence, l'arrêté de placement en rétention n'est pas légalement fondé, et il sera fait droit à la demande de remise en liberté de Monsieur [G].

PAR CES MOTIFS

Statuant aux termes de débats tenus publiquement, par ordonnance de mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable,

Au fond, infirmons l'ordonnance rendue le 16 octobre 2020 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Ordonnons la remise en liberté de Monsieur [S] [G],

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de Saône et Loire, service des étrangers, à Monsieur [G] ainsi qu'à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE

M. MARTY S. TRUCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 20/00613
Date de la décision : 20/10/2020

Références :

Cour d'appel de Toulouse 94, arrêt n°20/00613 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-20;20.00613 ?
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