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23/10/2019 | FRANCE | N°18/02132

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 23 octobre 2019, 18/02132


23/10/2019





ARRÊT N°413



N° RG 18/02132 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MI44

ST/CO



Décision déférée du 12 Mars 2018 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE Tribunal de Commerce - 2017J00109

M.LEBOULANGER

















SARL GILBERT ET DO





C/



[M] [U]

[H] [T]

SASU LA DANSE DES PAINS




































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF

***



APPELANTE



SARL GILBERT ET DO

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Thierry CA...

23/10/2019

ARRÊT N°413

N° RG 18/02132 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MI44

ST/CO

Décision déférée du 12 Mars 2018 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE Tribunal de Commerce - 2017J00109

M.LEBOULANGER

SARL GILBERT ET DO

C/

[M] [U]

[H] [T]

SASU LA DANSE DES PAINS

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANTE

SARL GILBERT ET DO

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Thierry CARRERE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame [M] [U]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-paul CLERC, avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de Me Camille PASTRE, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [H] [T] en qualité de mandataire ad'hoc de la SASU LA DANSE DES PAINS, radiée depuis le 17/10/2016

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Jean-paul CLERC, avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de Camille PASTRE, avocat au barreau de TOULOUSE

SASU LA DANSE DES PAINS radiée depuis le 17/10/2016

représentée par son mandataire ad'hoc Maître [H] [T]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-paul CLERC, avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de Me Camille PASTRE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. TRUCHE, Conseiller M.SONNEVILLE,conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

F. PENAVAYRE, président

S. TRUCHE, conseiller

M. SONNEVILLE, conseiller

Greffier, lors des débats : C. OULIE

ARRET :

- contradictiore

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par F. PENAVAYRE, président, et par C. OULIÉ , greffier de chambre.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant promesse de cession de fonds de commerce, en date du 10 juillet 2015, la SAS LA DANSE DES PAINS, prise en la personne de son représentant légal madame [M] [U], et madame [P] [B] ont convenu de la cession, sous conditions suspensives, d'un fonds de commerce de boulangerie située [Adresse 3], moyennant un prix de vente de

280 000 € se décomposant comme suit :

'197 059,66 euros pour les éléments incorporels,

'82 940,34 euros pour le matériel.

Au titre des conditions suspensives stipulées dans l'intérêt du bénéficiaire, figurait l'obtention d'un prêt de 250 000€ d'une durée minimale de 8 ans et d'un taux maximal de 2,40% l'an hors assurance.

En raison de difficultés d'obtention du prêt, cette promesse de cession a été renouvelée et modifiée suivant promesse de cession du 3 novembre 2015, ramenant le prix de vente à 260 000 € se décomposant comme suit :

'177 059,66 euros pour les éléments incorporels,

'82 940,34 euros pour le matériel.

A ces sommes s'ajoutaient les frais d'acquisition évalués à 14.900 €, en ce compris les honoraires établis d'un commun accord à la somme de 4 000 € HT.

Un avenant est intervenu le 23 décembre 2015 afin de proroger la durée de la promesse de vente initiale suite à l'immatriculation de la SARL GILBERT ET DO.

L'acte de cession a été signé le 29 janvier 2016, entre la SAS LA RONDE DES PAINS et la SARL GILBERT ET DO représentée par Madame [P] [B] à laquelle elle se substituait.

Après liquidation amiable de la société LA DANSE DES PAINS a été radiée du Registre du Commerce et des Sociétés le 17 octobre 2016.

Par exploit d'huissier en date du 31 janvier 2017, la SARL GILBERT ET DO a assigné la SAS LA RONDE DES PAINS ainsi que Madame [M] [U] à titre personnel ainsi qu'à titre de présidente, sur le fondement du dol, afin d'obtenir leur condamnation solidaire à une restitution partielle du prix et à des dommages et intérêts.

Par ordonnance du 30 mai 2017 rendue à la requête de la société GILBERT ET DO, maître [H] [T] de la SCP CAVIGLIOLI-[T] FOURQUIE a été nommé mandataire ad' hoc de la société LA DANSE DES PAINS, chargé de représenter la société radiée dans le cadre de la procédure et de ses suites.

Par jugement en date du 12 mars 2018, le Tribunal de Commerce de TOULOUSE a:

- donné acte à Me [T], es-qualité, de son intervention volontaire,

- débouté Mme [U] de son exception d'irrecevabilité,

- débouté la SARL GILBERT ET DO de sa demande de réduction de prix,

- débouté la SARL GILBERT ET DO de sa demande de dommages intérêts,

- condamné la SARL GILBERT ET DO à payer à Mme [U] la somme de 1 289,69 €,

- débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la SARL GILBERT ET DO à payer à Mme [U] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL GILBERT ET DO aux entiers dépens,

- dit n'y avoir pas lieu à exécution provisoire.

La SARL GILBERT ET DO a relevé appel partiel de ce jugement par déclaration en date du 09 mai 2018, s'agissant :

- du débouté de sa demande de réduction de prix,

- du débouté de sa demande de dommages intérêts,

- de sa condamnation à la somme de 1 289,69 €,

- de sa condamnation à la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses écritures du 16 juillet 2018, la SARL GILBERT ET DO demande à la cour, au visa des anciens articles 1116, 1118 et 1304 du Code civil, et des articles L 225-251, L 237-12 du code de commerce, de rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées, de réformer partiellement le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de TOULOUSE et statuant à nouveau :

- de dire et juger que madame [U] à titre personnel mais également en tant qu'ancienne présidente de la société LA DANSE DES PAINS a commis des manoeuvres dolosives à l'égard de madame [B] ès qualité de gérante de la SARL GILBERT ET DO ; que ces manoeuvres ont porté atteinte à la valeur vénale du fonds de commerce, objet de la vente, et compromis la rentabilité de l'activité attachée à ce dernier ; et que madame [B] n'aurait pas acquis le fonds en question moyennant le prix payé de 260 000 € ;

- de dire et juger que le prix de vente du fonds doit être réduit de 50 %

-de condamner solidairement madame [U] ainsi que la SAS LA DANSE DES PAINS prise en la personne de maître [T] ès qualité de mandataire ad 'hoc, au paiement de la somme de 130.000 € au profit de la SARL GILBERT ET DO ;

- de dire et juger que madame [U] es qualité d'ancienne présidente de la SAS LA DANSE DES PAINS et de liquidateur amiable, a commis des agissements ayant généré des préjudices distincts à la SARL GILBERT ET DO ;

- de la condamner solidairement à titre personnel et ès qualité de présidente de la SAS LA DANSE DES PAINS avec la SAS LA DANSE DES PAINS prise en la personne de Maître [T] ès qualité de mandataire ad 'hoc, à verser à madame [B] ès qualité de gérante de la SARL GILBERT ET DO la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

- de condamner solidairement madame [U] ès qualités de présidente de la SAS LA DANSE DES PAINS, de liquidateur amiable et à titre personnel avec la SAS LA DANSE DES PAINS prise en la personne de Maître [T] ès qualité de mandataire ad 'hoc, au paiement de la somme de 8.000 € sur le fondement dans des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et aux frais éventuels d'exécution forcée y compris les honoraires proportionnels d'huissier,

- de dire et juger que la société GILBERT ET DO n'est pas redevable de la taxe CFE au titre de l'exercice 2016, et si par extraordinaire la société GILBERT ET DO était condamnée au règlement de cette charge, de prononcer la compensation entre les créances et dettes réciproques.

La SARL GILBERT ET DO fait valoir que la réduction du prix et les dommages et intérêts à raison d'un dol peuvent se cumuler dès lors qu'il existe un lien de causalité entre la réticence dolosive et les différents préjudices réparés, et que le dirigeant d'une société engage sa responsabilité envers les tiers lorsqu'il commet de manière intentionnelle une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions.

Elle prétend que madame [U] s'est rendue coupable, à titre personnel et en qualité de dirigeante de la SAS LA DANSE DES PAINS, de man'uvres dolosives qui ont déprécié la valeur du fonds vendu et qui ont causé des préjudices distincts à Madame [B], gérante du fonds.

Elle soutient que la programmation d'importants travaux de voirie rendant inutilisable la terrasse et très difficile le stationnement sur les emplacements dédiés lui a été cachée, qu'il n'y avait aucune mesure entre le chiffre d'affaires présenté dans les actes et le passage effectif dans sa boutique, et qu'elle a appris que madame [U] avait entre la promesse de cession et l'acte définitif négligé sa clientèle en procédant à des fermetures arbitraires et aléatoires alors que l'acte de cession mentionnait une ouverture du lundi au dimanche de 6h30 à 20 heures sans période de congés et l'engagement de maintenir le fonds ouvert jusqu'à la prise de jouissance du bénéficiaire.

Elle ajoute qu'au moment de la prise de possession du fonds, il manquait du mobilier et que les stocks dont le règlement lui était demandé étaient périmés depuis de nombreuses semaines, ce qu'elle a fait constater par huissier, que madame [U] a encaissé sur son compte personnel des paiements en carte bancaire de produits de la boulangerie de madame [B], ce qui justifie des dommages et intérêts distincts.

S'agissant de la taxe CFE, elle fait valoir qu'elle est toujours établie pour une année entière et doit donc rester à la charge de madame [U] occupante au 1er janvier 2016.

Aux termes de leurs écritures du 16 juillet 2018, la SAS LA DANSE DES PAINS représentés par maître [T], et madame [U], demandent à la cour de confirmer la décision déférée et y ajoutant, de condamner la SARL GILBERT ET DO à payer à Madame [U] la somme de 8000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Ils affirment que les travaux effectués dans l'avenue sur laquelle se situe la boulangerie étaient de notoriété publique et que madame [B] qui en a eu connaissance avant signature de l'acte sous-seing privé aurait pu se rétracter, que ces travaux ne rendaient pas la terrasse inutilisable et que madame [B] a supprimé certaines places de parking.

Ils observent que le prétendu effondrement du chiffre d'affaires n'est pas démontré, l'appelante ne produisant pas ses comptes annuels 2016 et 2017, que le fonds avait été créé à peine plus d'un an avant la cession, et que la comptabilité a été présentée au cessionnaire qui a pu constater que le premier exercice était déficitaire.

Ils indiquent que Madame [U] ne s'est arrêtée de travailler que durant un arrêt de travail de quelques jours, les honoraires d'ouverture réduit ne concernant que la salariée.

S'agissant des meubles ils se réfèrent aux mentions de l'acte définitif, et soulignent que bien qu'ayant conservé des marchandises non périmées la cessionnaire n'a jamais réglé le stock.

Madame [U] conteste par ailleurs avoir commis une faute détachable de ses fonctions sociales.

Enfin, les intimés remarquent que les parties ont entendu déroger dans l'acte de cession à la règle selon laquelle la taxe d'habitation est à la charge de l'occupant au 1er janvier de l'année.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le dol

Sur les travaux

Le dol se définit comme des man'uvres, un mensonge ou un silence de la part d'un cocontractant ayant sciemment engendré une erreur déterminante du consentement de l'autre partie. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute pas la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

Il est reproché à madame [U] d'avoir commis des manoeuvres dolosives, tant à titre personnel, qu'en sa qualité de présidente de la SAS LA DANSE DES PAINS, cédante du fonds. C'est ainsi à tort que les premiers juges ont rejeté la demande de réduction du prix au seul motif que seules des manoeuvres commises par madame [U] à titre personnel étaient évoquées.

En premier lieu, il est reproché à la société cédante d'avoir tu les importants travaux de voirie devant être réalisés sur [Adresse 5], sur laquelle se situent les places de parking réservées à la clientèle et la terrasse extérieure.

Il est établi par des courriers du maire de [Localité 6] à ses administrés de septembre 2014 et février 2015 qu'une 'concertation publique sur la requalification de [Adresse 5]' a été lancée. En réponse à un courrier de madame [B] la mairie a précisé que les travaux avaient débuté le 2 novembre 2015 pour une inauguration le 17 juin 2016, entraînant durant toute leur durée une mise à sens unique de circulation dans le sens entrée de ville, les accès aux commerces et riverains étant conservés, que les travaux de réseaux et d'aménagement des accottements ont été réalisés par secteurs, et pour la partie de l'avenue dans laquelle se situe le commerce, du 8 février au 23 mai 2016, les travaux de chaussée étant effectués du 17 mai au 17 juin 2016.

L'accès difficile au magasin pendant les travaux résulte des photographies versées aux débats par la SARL GILBERT ET DO mais également de l'attestation de madame [L] pourtant en faveur de madame [U]. D'autres photographies produites par les intimées montrent en face du commerce une absence de travaux et de tranchées le 31 mars 2016, ce qui ne signifie pas que les travaux aient alors été terminés sur toute l'avenue. En tout état de cause, monsieur [R], bailleur commercial, atteste que madame [B] a subi le plus gros des travaux à compter de février 2016.

Les intimées ne contestent pas avoir eu connaissance de la programmation de ces travaux, qui selon elles était de notoriété publique, ce qu'elles entendent démontrer par une publication du site la dépêche.fr du 12 mars 2015 intitulée 'les gros chantiers de 2015 ont débuté' et évoquant la 'première phase de requalification de [Adresse 5]', des mails évoquant une visite de madame [B] au magasin le 14 juillet 2015 alors que selon elle des affiches étaient déjà apposées, enfin par une attestation produite par l'appelante de monsieur [Y], conseil auprès des entreprises, dont elle retire que lors de la signature de l'acte sous seing privé chez le notaire, madame [B] et lui-même ont appris que d'importants travaux étaient prévus.

Si l'auteur de l'attestation a effectivement écrit cela, il a précisé que l'information avait été donnée 'à la fin de la signature en sortant', et que madame [U] s'est ravisée sur ses termes pour signaler de petits travaux d'embellissement de voierie (voie piétonne et cyclable uniquement), date de fin prévue vers la fin mars 2016.

Par ailleurs, ce qui est de notoriété publique pour les citoyens de [Localité 6], ne l'est pas pour une habitante de la ville de [Localité 7], et il n'est pas démontré que des paneaux aient été affichés en juillet 2014, lorsque madame [B] s'est rendue à la boulangerie.

S'il est exact que madame [B] a reçu une information relative aux travaux avant signature de l'acte de cession définitif, et pouvait se renseigner sur la teneur desdits travaux, d'autant plus qu'ils étaient en cours à la signature de l'acte de cession, elle ne pouvait, sauf non réalisation des conditions suspensives, renoncer à la cession qu'en abandonnant l'indemnité d'immobilisation de 13 000€ stipulée à la promesse de cession.

La SARL GILBERT ET DO a acquis le fonds le 29 janvier 2016 en connaissance des travaux , et au regard du prix de vente de 260 000€, il ne peut être considéré que l'indemnité de 13 000€ qu'elle aurait du verser en cas de renonciation sous réserve de contestation, ait été déterminante de son consentement à l'achat. Le dol n'est en conséquence pas démontré s'agissant de ce grief. Sur l'ouverture du magasin et la qualité de la marchandise

L'acte de cession mentionne que le fonds a été créé au cours de l'année 2014 avec un début d'exploitation en juin 2014, et pour satisfaire aux dispositions de l'article L141-1 du code de commerce, indique que le montant du chiffre d'affaires hors taxes de l'exercice 2015 s'est élevé à 272'730 € et que pour la période correspondante a été enregistrée une perte de 3996 €.

Il est ajouté que le montant du chiffre d'affaire pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2015 s'est élevé à 88 781€.

Il est précisé que ce chiffre d'affaires a été réalisé avec une ouverture du lundi au dimanche de 6h30 à 19h30, sans périodes de congé.

La promesse du 10 juillet 2015, et celledu 3 novembre 2015, faisaient état d'une ouverture du lundi au dimanche de 6h30 à 20 heures, sans périodes de congés.

Les promesses des 10 juillet et 3 novembre 2015 contiennent un 'engagement de continuer l'exploitation', aux termes duquel le promettant s'oblige à conserver le fonds ouvert à la clientèle jusqu'à la prise de jouissance du bénéficiaire, sauf à tenir compte des congés et fermetures d'usage.

Cet engagement s'entend d'une continuité d'exploitation dans les conditions exposées dans l'acte, soit de 6h30 à 20 heures.

Selon la SARL GILBERT ET DO, la SARL LA RONDE DES PAINS en la personne de sa gérante a, à compter de la signature de la promesse, réduit l'amplitude d'ouverture de son commerce et négligé la qualité des marchandises vendues.

Ces griefs sont démontrés par les attestations versées aux débats.

Ainsi, Monsieur [K], franchisé 'secrets de pain', a reçu madame [U] en formation dans son magasin en avril et mai 2014, et qualifie son attitude durant cette période de 'très nonchalante, hautaine et désinvolte', estimant que la formation ne servait à rien puisqu'elle aurait un boulanger pour faire son travail.

Monsieur [N] [A], qui a fait des remplacements dans la boutique de mai 2015 à janvier 2016, écrit que madame [U] ne faisait pas, ou peu de production, et que ce qu'elle faisait ne respectait en aucun cas la charte 'secrets de pain', que cependant elle a licencié son boulanger en novembre 2015, s'entêtant alors à vendre des produits secs, mals cuits (crus ou brûlés), ou avec des dates de péremption dépassées, recongelant des produits déjà décongelés, achetant des produits de piètre qualité chez les hard discounters.

Il ajoute qu'après avoir signé l'acte sous seing privé, madame [U] a clairement dit 'maintenant, je m'en moque, c'est vendu'.

Monsieur [D], en charge du suivi des boutiques 'Secrets de pains', explique que le concept est que toutes les boutiques du groupe sont ouvertes tous les jours sans interruption, observe que malgré une formation interne, madame [U] était incapable de faire de la production, que durant la première année il y avait le personnel compétent, qu'en fin d'année 2015 il a du aider à la boutique qui n'avait plus de personnel, et s'est retrouvé plusieurs fois devant une boutique fermée aux heures d'ouverture, que faisant observer à madame [U] que c'était risqué commercialement, elle a répondu 'qu'elle s'en fichait, que la boutique était vendue, que ce n'était plus son problème', qu'il l'a toujours perçue comme une personne manipulatrice, et qu'il a pu constater que ces mauvaises actions commerciales avaient porté de graves préjudices à la boulangerie, madame [B] se retrouvant avec un commerce fortement dévalorisé.

D'autres attestations de diverses origines confirment que la boulangerie était parfois fermée, et ce en dehors même du créneau 13h-16h que les intimées reconnaissent avoir pratiqué comme étant selon elles usuel, citant 3 exemples à l'appui. Il est ainsi fait état de fermeture aux alentours de 18 heures (attestations de Madame [J], agent immobilier situé en face de la boulangerie les 5 et 12 novembre 2015, 7 janvier 2016, de Madame [F], cliente), ou encore d'horaires non affichés, de fermetures aléatoires et intempestives (madame [C], cliente, madame [I], vendeuse remplaçante fin 2015 ayant reçu des doléances de clients relativement à la fermeture les jours précédents à 17h30, madame [S], gérante d'un bar à Tapas de [Localité 6], témoignant de jours de fermeture occasionnels ou réguliers en cours de journée ou même une journée entière à partir de fin 2015, Monsieur [X] [G], remplaçant vendeur, attestant que fin 2015 à sa prise de service il a trouvé la boutique fermée à 2 ou 3 reprises, et a reçu de multiples plaintes de clients trouvant souvent la boutique fermée, et ne comprenant plus les heures d'ouverture et de fermeture....).

Monsieur [R], propriétaire des murs, confirme ces appréciations, écrivant pour sa part que si le début d'activité de Madame [U] jusqu'à mi-novembre 2015 s'était moyennement bien passé, après cette période la qualité et les prestations de service qu'elle pouvait offrir étaient plus que moyen, que la boutique était fermée des après midis voir des journées entières sans écriteau sur la porte, qu'il avait reçu de nombreuses doléances de particuliers qui disaient que le pain n'était plus bon, les pâtisseries immangeables et les sandwiches inconsommables.

Les extraits du journal de caisse mentionnant les ventes par tranches horaires confirment des fermetures tout ou partie de l'après midi les 13, 20 et 26 et 27 décembre 2015, 3, 7, 10, 13, 17, 21 et 24 janvier 2016, et une fermeture totale le 14 janvier 2016.

Les plannings font également apparaître, dans ces mêmes périodes, que la boulangerie était fermée, à des moments où elle aurait du être ouverte.

Il n'y a donc pas lieu dans un tel contexte, de mettre en doute l'attestation de Madame [V], vendeuse depuis mai 2015, au motif qu'elle serait salariée de la SARL GILBERT ET DO, qui relate elle aussi à partir de novembre 2015 des fermetures intempestives, des plaintes de clients sur la qualité à partir du moment où madame [U] s'est mise à faire la production, la congélation de produits repassés au four le lendemain, et fait état de la fuite des clients ainsi que d'une baisse importante de qualité de la boutique à la fin de l'année.

Les attestations produites par les intimées quant à l'ouverture du magasin et à l'amabilité de Madame [U] ne peuvent valablement démontrer que la boulangerie n'était jamais fermée entre 13h-16h ou après 18 heures, ou encore selon les horaires affichés, les attestants pouvant, selon le moment de leur passage, ne pas avoir été confrontés à la difficulté. En outre, il est exact que 6 d'entre eux sont liés entre eux et à madame [U] comme en témoigne leur page facebook, par ailleurs certains attestent en 2017 au présent sans préciser la période concernée.

L'attestation de madame [W], vendeuse, ne concerne que la période du 27 juillet au 6 septembre 2015, or la période litigieuse se limite aux 3 derniers mois d'exploitation par la SAS LA DANSE DES PAINS gérée par madame [U], soit de novembre 2015 à janvier 2016 inclus.

En conséquence la cour considère comme établi que la SAS LA DANSE DES PAINS et sa présidente, [M] [U], n'ont pas respecté l'engagement de poursuivre l'exploitation du fonds dans les conditions permettant le maintien de sa valeur.

Cette attitude délibérée et déloyale, telle qu'elle ressort notamment des attestations de monsieur [A] et monsieur [D], suite à la promesse de vente consentie à madame [B] qui l'a signée et s'est engagée au paiement d'une indemnité d'immobilisation en cas de dédit, constitue de la part de madame [U] une faute détachable de ses fonctions de présidente.

L'acte de cession mentionne que le fonds a été créé au cours de l'année 2014 avec un début d'exploitation en juin 2014, et pour satisfaire aux dispositions de l'article L141-1 du code de commerce, indique que le montant du chiffre d'affaires hors taxes de l'exercice 2015 s'est élevé à 272'730 € et que pour la période correspondante a été enregistrée une perte de 3996 €.

Il est ajouté que le montant du chiffre d'affaire pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2015 s'est élevé à 88 781€, et que le cessionnaire reconnaît avoir visé et paraphé les livres de comptabilité se référant au dernier exercice, ainsi que le document présentant les chiffres d'affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice et le mois précédant celui de la vente.

La SARL GILBERT ET DO verse aux débats une attestation de Madame [Z], expert-comptable, en date du 26 septembre 2016, qui observe que sur les 8 premiers mois d'exploitation de la SAS LA RONDE DES PAINS, soit jusqu'au 31 janvier 2015 date de la situation comptable sur laquelle le prévisionnel a été basé, la moyenne du chiffre d'affaires était de 22'255 € par mois, que la moyenne mensuelle du chiffre d'affaires au 30 juin 2015, date de clôture du premier exercice comptable, est de 20'979€ HT, alors que du 1er juillet au 31 décembre 2015, le chiffre d'affaires moyen mensuel est de 14'797€ HT par mois.

Elle constate entre la date de la promesse et celle de la signature de l'acte de cession une baisse du chiffre d'affaire moyen mensuel de 29,5 % à 33,5%.

La diminution du chiffre d'affaire de la SAS LA DANSE DES PAINS entre la promesse de vente initiale et le 31 décembre 2015 était lors de la signature de l'acte de cession connue de l'acquéreur, qui pouvait y renoncer moyennant paiement de l'indemnité d'immobilisation. En revanche, tel n'est pas le cas de celui de janvier 2016, or le chiffre d'affaire de l'exercice pour la période du premier juillet 2015 au 30 juin 2016 s'élève, au vu du compte de résultat, à 100 036€, ce qui donne pour janvier 2016, 100 036€-88 781€=11 255€, ce qui même proratisé sur 28 jours, donne un résultat inférieur de 15% à la moyenne des 6 derniers mois, alors même qu'il inclut le premier janvier et l'épiphanie.

Madame [Z] mentionne dans son attestation du 26 septembre 2016, le chiffre d'affaires HT de la SARL GILBERT ET DO pour chaque mois de février à août 2016, qui bien qu'en augmentation quasi constante, soit 7297,29 euros en février 2016, pour atteindre 15'184,28 euros en août 2016, (soit un total de 77'579,64€ et une moyenne mensuelle de 11 082,80€) est selon elle très inférieur au chiffre d'affaires prévisionnel.

Il sera observé qu'à compter de juillet 2016, la SARL GILBERT ET DO est remontée au niveau du chiffre d'affaire moyen des 6 mois précédant la date de la cession, et qu'aucune information n'est fournie à la cour sur le chiffre d'affaire réalisé postérieurement, les comptes de la SARL GILBERT ET DO clôturés le 30 septembre 2016 et le 30 septembre 2017 ayant été déposés au greffe du tribunal de commerce de Toulouse avec déclaration de confidentialité.

Il est ainsi démontré que la SAS LA DANSE DES PAINS, en la personne de sa présidente, a tu lors de l'acte de cession, la baisse de fréquence d'ouverture du magasin et la diminution du chiffre d'affaire qui en découle, ainsi que la fuite de la clientèle générée par l'attitude désinvolte de la présidente.

La SARL GILBERT ET DO prétend qu'elle n'aurait pas acquis le fonds au prix de 260 000€ si elle avait eu connaissance de la situation réelle du fonds, et force est de constater qu'à la date de l'acte de cession, la situation est très différente de celle qui était présentée lorsque les parties sont entrées en pourparlers, en effet entre temps le chiffre d'affaire mensuel a quasiment réduit de moitié ce qui ne peut être totalement imputé aux travaux qui ont maintenu l'accès aux commerces. Cette réduction s'est encore aggravée de manière significative durant le dernier mois, en outre du fait de la variation des horaires une partie de la clientèle n'est plus fidélisée. Ces deux derniers éléments, ajoutés à ceux dont elle a eu connaissance, étaient de nature à faire renoncer la SARL GILBERT ET DO à l'achat, nonobstant l'indemnité d'immobilisation.

Au regard des éléments chiffrés dont la cour dispose, la cour considère que le dol est établi et qu'est justifiée une réduction de prix à concurrence de 20 000€ que la SAS LA RONDE DES PAINS sera condamnée à rembourser.

En application de l'article L223-22 du code de commerce, à l'égard des tiers, la responsabilité du gérant d'une SARL ne peut être engagée que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions qui lui est imputable personnellement .

En application de ce texte, Madame [M] [U] sera condamnée in solidum avec la SAS LA RONDE DES PAINS en raison des fautes dolosives détachables de ses fonctions de présidente qu'elle a commises, ayant par son comportement volontairement et en toute connaissance de cause été à l'origine d'une baisse de valeur du fonds acquis par la SARL GILBERT ET DO.

Sur l'octroi de dommages et intérêts distincts

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code civil la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, soit en l'espèce, une demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000€.

La SARL GILBERT ET DO prétend que madame [B] aurait emporté la plastifieuse, l'imprimante, la boîte à outil et 8 chaises de la terrasse extérieure. Toutefois, la SAS LA RONDE DES PAINS observe à juste titre que l'acte de cession mentionne qu'après visite des lieux l'inventaire a été modifié par rapport à celui figurant à la promesse de vente, et que les parties ont convenu de ne pas en modifier le prix.

La SARL GILBERT ET DO, qui fait état dans ses écritures d'un prix de facture de 15 000€ dont elle demande le remboursement, sans le mentionner dans son dispositif, n'établit pas de faute commise par la SAS LA RONDE DES PAINS ou par madame [U] sur ce point.

La SARL GILBERT ET DO a fait dresser constat le 8 février 2016, de la présence dans le congélateur de la boulangerie, d'une importante quantité de marchandises périmées courant 2015 ( et non 2014, l'huissier ayant au vu de la photographie de la marchandise concernée commis une erreur).

La SAS LA RONDE DES PAINS fait valoir qu'elle a consenti en compensation une réduction de plus de 3000€ sur la valeur du stock, et que le reliquat, soit 5 300€, ne lui a pas été payé, ce qui n'est pas contesté par la SARL GILBERT ET DO.

La SAS LA RONDE DES PAINS justifie par ailleurs de factures de fournisseurs de novembre et décembre 2015, ainsi que janvier 2016 à hauteur de 166,67€ (3 janvier), 967,76€ et 47,86€ (6 janvier) et 756,18€ (13 janvier), ce qui démontre que tous les produits n'étaient pas périmés. Il ne résulte d'ailleurs pas du constat que toutes les marchandises étaient périmées.

Le préjudice allégué n'est en conséquence pas démontré.

Il n'est pas contesté que la SAS LA RONDE DES PAINS (et non madame [B] à titre personnel) a encaissé les transactions carte bancaire du 3 au 9 février 2016 pour un total de 501, 22€. Les raisons n'en sont pas expliquées et ne résultent pas nécessairement d'une faute commise par la SAS LA RONDE DES PAINS ou présidente, de sorte qu'il n'y a pas lieu à dommages et intérêts sur ce point.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté la SARL GILBERT ET DO de sa demande de dommages intérêts.

Sur les impôts

La SAS LA RONDE DES PAINS observe que contrairement à ce qu'indiquent les premiers juges, ce n'est pas la quote part de la contribution foncière des entreprises (CFE) qui est réclamée, mais la taxe d'habitation.

Il est constant que la taxe d'habitation de l'année est due par l'occupant des lieux au premier janvier, soit en l'espèce, par la SAS LA RONDE DES PAINS.

Si l'acte de cession stipule que le cessionnaire paiera à compter de son entrée en jouissance les contributions et taxes, il est aussi précisé que certains impôts, tels la contribution économique territoriale (incluant la CFE), seront remboursés au cédant au prorata de son temps de jouissance. Or une telle précision n'est pas apportée en ce qui concerne la taxe d'habitation, dès lors il n'y a pas lieu à proratisation.

La décision déférée sera en conséquence infirmée sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Chacune des parties succombant pour partie en ses prétentions il n'y a pas lieu de faire application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a débouté la SARL GILBERT ET DO de sa demande de dommages intérêts,

L'infirmant pour le surplus,

Condamne in solidum la SAS LA RONDE DES PAINS et Madame [M] [U] à payer à la SARL GILBERT ET DO la somme de 20 000€,

Déboute la SAS LA RONDE DES PAINS de sa demande de remboursement d'une somme de 1 289,69 €,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera ses propres dépens.

Le greffier Le président

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/02132
Date de la décision : 23/10/2019

Références :

Cour d'appel de Toulouse 20, arrêt n°18/02132 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-23;18.02132 ?
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