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11/08/2017 | FRANCE | N°17/00300

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Cour d'appel, 11 août 2017, 17/00300


COUR D'APPEL DE TOULOUSE

No 2017/ 316

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE DIX SEPT et le 11 AOUT 2017 à 16 HEURES

Nous, Catherine MULLER., déléguée par ordonnance du Premier Président en date du 27 JUIN 2017 pour connaître des recours prévus par les articles L 552-9 et L 222-6, R. 552. 12 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Eliane BOYER, Greffier lors de la mise la mise à disposition de ladite ordonnance.

Vu l'ordonnance rendue le 10 Août 2017 à 15H07 par le juge des libertés et de la

détention au tribunal de grande instance de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rét...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

No 2017/ 316

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE DIX SEPT et le 11 AOUT 2017 à 16 HEURES

Nous, Catherine MULLER., déléguée par ordonnance du Premier Président en date du 27 JUIN 2017 pour connaître des recours prévus par les articles L 552-9 et L 222-6, R. 552. 12 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Eliane BOYER, Greffier lors de la mise la mise à disposition de ladite ordonnance.

Vu l'ordonnance rendue le 10 Août 2017 à 15H07 par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de

-Mohamed Amine X...
né le 25 Août 1989 à OUED TARLA-ALGERIE-
de nationalité Algérienne

Vu l'appel formé le 10/ 08/ 2017 à 20 h 25 par télécopie, par Me Flor TERCERO, avocat ;

A l'audience publique du 11 AOUT 2017 à 13 HEURES 30, assistée de B. COUTTENIER, greffier avons entendu :

Mohamed Amine X...

-assisté de Me Flor TERCERO, avocat commis d'office
-avec le concours de Layth Y..., interprète en langue arabe, qui a prêté serment,
qui a eu la parole en dernier,

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé ;

En présence du représentant de la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE ;

Avons rendu l'ordonnance suivante :

Vu l'arrêté de Monsieur le Préfet de la Haute-Garonne en date du 4 août 2017 ordonnant le transfert de Monsieur Mohamed Amine X..., né le 25 août 1989 à OUED TARIA (Algérie), de nationalité algérienne, aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, pris en application du règlement UE no604/ 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, notifié à l'intéressé le 8 août 2017 à 15h10 ;

Vu la décision de Monsieur le Préfet de la Haute-Garonne en date du 8 août 2017 ordonnant le placement de l'intéressé dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant le temps strictement nécessaire à son départ, notifiée à 15h15 ;

Vu la requête de Monsieur le Préfet de la Haute-Garonne sollicitant la prolongation de la rétention administrative, reçue au greffe le 9 août 2017 à 17h18 ;

Vu le recours de Monsieur Mohamed Amine X...à l'encontre de la décision le plaçant en rétention, reçu au greffe le 10 août 2017 à 13h16 ;

Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de TOULOUSE le 10 août 2017 à 15h07 prononçant la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et de la requête en prolongation de la rétention et ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur Mohamed Amine X...pour une durée de vingt-huit jours ;

Vu le recours en appel de Monsieur Mohamed Amine X...à l'encontre de cette décision, reçu au greffe le 10 août 2017 à 20h36 ;

Monsieur Mohamed Amine X...assisté de son conseil et d'un interprète en langue arabe assermenté sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise et :
- l'annulation de la décision le plaçant en rétention et, vu l'illégalité de la décision de transfert du 4 août 2017, sa libération et le refus de prolongation de sa privation de liberté
-subsidiairement, la transmission à la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante, indispensable à la solution du litige :
« Est-ce qu'en substance, l'article 2, sous n), et l'article 28, paragraphe 2, du règlement Dublin III, lus conjointement, doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent aux Etats membres de fixer, dans la loi nationale, les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d'une protection internationale (ci-après le « demandeur ») qui fait l'objet d'une procédure de transfert, et si l'absence de ces critères dans la loi nationale entraîne l'inapplicabilité de l'article 28, paragraphe 2, de ce règlement. Et plus précisément de savoir si le critère tiré du défaut de garanties de représentation prévu par le droit français comme permettant de placer un demandeur d'asile faisant l'objet d'une mesure de réadmission en rétention administrative, peut être considéré comme un critère suffisamment « objectif » répondant aux impératifs d'accessibilité, de prévisibilité et de précision de la loi. »
et surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la cour à cette question
-en conséquence, sa mise en liberté
-en toute hypothèse, la condamnation de l'Etat à verser à Maître TERCERO la somme de 2. 000 € en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il se prévaut :
- du défaut de base légale de son placement en rétention administrative et de la méconnaissance du règlement UE no604/ 2013 dit DUBLIN III
-du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et de la motivation insuffisante de la décision de placement en rétention administrative
-de l'erreur manifeste d'appréciation de l'existence d'un risque de fuite
-de l'exception d'illégalité de la décision de réadmission au regard des articles 5. 5, d'une part, 20. 2 et 21. 1, d'autre part, du règlement DUBLIN III, entachant d'irrégularité la décision de placement en rétention administrative.

Le représentant du Préfet sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise, en rappelant que le contentieux de la décision de réadmission relève de la seule compétence du juge administratif et que Monsieur Mohamed Amine X..., sans domicile stable ni revenus ni volonté de retourner en Espagne, ne dispose pas de garanties suffisantes de représentation.

Monsieur Mohamed Amine X..., qui a eu la parole en dernier, souligne qu'il est en possession d'un récépissé de demandeur d'asile expirant le 1er septembre 2017, donc en situation régulière.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En droit, l'article L512-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel modifié par la loi 2016-274 du 7 mars 2016, dispose que, en cas de placement en rétention en application de l'article L551-1 du même code, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention, et que la décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu'il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l'article L552-1.

L'article L552-1 du même code, tel que modifié par la loi susvisée, dispose que quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention et que le juge statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement en rétention de l'étranger, sauf exception prévue par voie réglementaire, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l'intéressé ou de son conseil, s'il en a un.

En l'espèce, lorsque Monsieur Mohamed Amine X...s'est présenté le 15 novembre 2016 à la préfecture de la Haute-Garonne pour formaliser sa demande d'asile, le relevé de ses empreintes a révélé qu'il était titulaire d'un visa délivré par les autorités espagnoles pour entrer sur le territoire de l'Union européenne, valable du 23 juillet 2016 au 22 octobre 2016.

Lors de l'entretien du 30 novembre 2016 à la préfecture, il était porteur de son passeport original algérien en cours de validité et a confirmé être entré en France depuis l'Espagne grâce à ce visa le 30 juillet 2016 ; invité à présenter des observations sur un éventuel transfert vers l'Espagne en application du règlement UE no604/ 2013 dit DUBLIN III, il a manifesté la volonté de rester en France en raison de l'obstacle de la langue espagnole, de ses affinités avec la nation française et de ses attaches sur TOULOUSE.

Les autorités espagnoles, interrogées, ont donné leur accord de réadmission le 22 février 2017.

Les conditions dans lesquelles les demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure de réadmission peuvent être placées en rétention administrative résultent de l'article 28 du règlement DUBLIN III qui prévoit, en son paragraphe 1, que les Etats membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement et, en son paragraphe 2, que les Etats membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées.

L'article 2 du règlement DUBLIN III précise qu'aux fins du présent règlement, on entend par " risque de fuite ", dans un cas individuel l'existence de raisons, fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite d'un demandeur, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui fait l'objet d'une procédure de transfert.

Tel qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union Européenne dans son arrêt du 15 mars 2017, ces textes imposent aux Etats membres de fixer, dans une disposition contraignante de portée générale, les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d'une protection internationale qui fait l'objet d'une procédure de transfert, l'absence d'une telle disposition entraînant l'inapplicabilité de l'article 28, paragraphe 2.

Or l'article L551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant que, dans les cas prévus aux 1o à 7o du I de l'article L561-2, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3o du II de l'article L511-1 peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, et l'article L511-1 II 3o prévoyant que le risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans différents cas énumérés aux paragraphes a) à f), au nombre desquels figure le cas dans lequel l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L513-4, L552-4, L561-1 et L561-2, constituent des dispositions générales de droit interne fixant les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite d'un demandeur d'asile, sans qu'il y ait lieu à transmission d'une question préjudicielle.

Reste que la décision de placement en rétention de Monsieur Mohamed Amine X..., motivée par le fait qu'il n'offre pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la décision de transfert aux autorités espagnoles responsables de sa demande d'asile dans la mesure où, même s'il est muni d'un document de voyage en cours de validité, il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente sur le territoire national et il a exprimé le souhait de ne pas vouloir être transféré en Espagne mais vouloir se maintenir en France pour y déposer sa demande d'asile en sollicitant pour ce faire l'application des clauses discrétionnaires, repose sur une motivation insuffisante en ce que Monsieur Mohamed Amine X..., dont la situation de célibataire sans enfant ne lui permet pas d'espérer un hébergement prioritaire dans le cadre de sa demande d'asile, est contraint d'assumer par lui-même son hébergement chez des amis, qu'il s'est présenté à toutes les convocations préfectorales qui lui ont été adressées, à raison d'une tous les quinze jours, depuis le 30 novembre 2016 dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, bien qu'informé qu'il pourrait se voir notifier à ces occasions un arrêté de réadmission ainsi qu'un arrêté de placement en rétention, et que le fait d'exprimer sa préférence pour un maintien en France et d'invoquer des arguments en ce sens ne saurait être assimilé à un refus de transfert en Espagne.

Cette décision ne peut donc qu'être annulée, rendant sans objet la demande de prolongation de la rétention administrative de Monsieur Mohamed Amine X...

En conséquence, l'ordonnance déférée sera infirmée et Monsieur Mohamed Amine X...sera remis en liberté, sans qu'il apparaisse opportun de faire application à ce stade de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par ordonnance mise à disposition au greffe, après avis aux parties,

En la forme,

Déclarons l'appel recevable,

Au fond,

Infirmons l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Annulons la décision en date du 8 août 2017 ordonnant le placement de Monsieur Mohamed Amine X...en rétention administrative,

Déclarons en conséquence sans objet la demande de prolongation de cette rétention,

Ordonnons la remise en liberté de Monsieur Mohamed Amine X...,

Rejetons la demande fondée sur l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la Préfecture de la Haute-Garonne, service des étrangers, à Monsieur Mohamed Amine X...ainsi qu'à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIERP/ LE PREMIER PRESIDENT

E. BOYER C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Cour d'appel
Numéro d'arrêt : 17/00300
Date de la décision : 11/08/2017
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2017-08-11;17.00300 ?
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