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28/01/2016 | FRANCE | N°15/01982

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 28 janvier 2016, 15/01982


28/01/2016



ARRÊT N° 107/2016



N° RG : 15/01982

AB/MB



Décision déférée du 02 Mars 2015 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE GARONNE (21200634)

























SAS JARDEL SERVICES





C/



URSSAF DE MIDI-PYRENEES















































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CONFIRMATION







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE SEIZE

***



APPELANT



SAS JARDEL SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Pascal BABY, avocat au barreau de TOULOUSE





INTIMEE



URSSAF DE MIDI-PYRENEES

[A...

28/01/2016

ARRÊT N° 107/2016

N° RG : 15/01982

AB/MB

Décision déférée du 02 Mars 2015 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE GARONNE (21200634)

SAS JARDEL SERVICES

C/

URSSAF DE MIDI-PYRENEES

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE SEIZE

***

APPELANT

SAS JARDEL SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Pascal BABY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

URSSAF DE MIDI-PYRENEES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe DUMAINE de la SCP D'AVOCATS DUMAINE-RODRIGUEZ, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2015, en audience publique, devant M. A. BEAUCLAIR, chargé d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

J. BENSUSSAN, président

A. BEAUCLAIR, conseiller

A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par J. BENSUSSAN, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS JARDEL SERVICES exploite une activité de transports, elle compte cinq établissements, 2 en Haute-Garonne, un dans le Lot, un en Dordogne et un dans la Drôme.

L'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES a avisé la SAS JARDEL SERVICES à son adresse sise à [Localité 3] 31, le 1er février 2011 d'un contrôle devant se réaliser du 28 février au 3 mars 2011. Le contrôle a été réalisé et une lettre d'observations a été notifiée le 11 juillet 2011 portant redressement à concurrence de la somme de 216.869,00 euros en principal. Le 4 novembre 2011, l'URSSAF MIDI- PYRÉNÉES a délivré à la société une mise en demeure englobant le redressement pour l'ensemble des établissements pour un montant de 218.222,00 euros en principal et majorations.

Par décision en date du 27 mars 2012, notifiée le 2 mai 2012, la Commission de Recours Amiable a rejeté le recours de la société et maintenu l'intégralité du redressement.

Par jugement en date du 2 mars 2015, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Haute-Garonne a :

- débouté la société JARDEL SERVICES de ses contestations sur les chefs de redressement et rejeté son recours.

- validé le redressement litigieux et la mise en demeure.

- condamné en conséquence la société JARDEL SERVICES à payer à l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES de la Haute-Garonne la somme de 240.355,00 euros hors majorations complémentaires de retard.

- condamné la société JARDEL SERVICES à payer à l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES de la Haute-Garonne la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- rejeté les autres demandes.

La société SAS JARDEL SERVICES a interjeté appel le 10 avril 2015 de ce jugement qui lui avait été notifié le 13 mars 2015.

La société SAS JARDEL SERVICES demande à la cour, dans ses écritures déposées le 19 octobre 2015 et reprises oralement à l'audience du 17 décembre 2015, le dispositif de ses écritures reprenant ses moyens, de :

- infirmer la décision entreprise.

- débouter l'URSSAF de ses demandes, fins et prétentions.

- à titre principal, annuler les opérations de la procédure de contrôle et de recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale de la société JARDEL SERVICES par l'URSSAF de la Haute Garonne aux droits de laquelle vient l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES.

- annuler en toute hypothèse la décision de la Commission de Recours Amiable de l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES du 27 avril 2012 et par voie de conséquence le redressement des cotisations et contributions de sécurité sociale de la société JARDEL SERVICES au titre des exercices 2009 et 2010.

- à titre subsidiaire, annuler les chefs de redressement n° 1 à 7 et 9 tels que visés dans la lettre d'observations et la décision de la Commission de Recours Amiable.

- réduire le chef de redressement n° 8 à la somme de 1.859,00 euros.

- constater que compte tenu de son effectif ETP inférieur à 50 salariés et de l'absence de délégué syndical, il ne peut être fait grief à la société JARDEL SERVICES de n'avoir pas conduit de négociation annuelle salariale.

- en tout état de cause, condamner l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES à rembourser à la société JARDEL SERVICES l'intégralité des sommes en principal et majorations de retard dont la société a dû assumer indûment le règlement en juin 2015 pour un montant total de 278.686,00 euros déduction faite de la régularisation du chef de redressement n°8 à hauteur de 1.734,00 euros soit la somme globale et définitive de 276.952,00 euros.

- assortir cette condamnation du paiement des intérêts de retard au taux légal, et dire que les intérêts dus pour une année devront eux même produire intérêts selon les dispositions de l'article 1154 du code civil.

- condamner l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES à payer la somme de 3.000,00 euros à la société JARDEL SERVICES sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonner à l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES de supprimer l'inscription de privilège afférente à la totalité du redressement.

L'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES demande à la cour, dans ses écritures déposées le 11 décembre 2015 et reprises oralement à l'audience du 17 décembre 2015, de :

- rejeter le recours.

- valider le redressement

- condamner la société JARDEL SERVICES à lui payer la somme de 240.355,00 euros hors majorations complémentaires de retard.

- condamner la société JARDEL SERVICES à lui payer la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux frais d'exécution forcée.

L'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES fait valoir que :

- la procédure de contrôle est régulière : le contrôle peut être diligenté au siège social de l'entreprise sans qu'un avis soit adressé à chacun des établissements secondaires dont aucun n'a la personnalité morale

- par délégation, les contrôleurs de l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES sont compétents pour connaître d'un contrôle diligenté dans les établissements secondaires situés hors de son ressort en raison de la convention de réciprocité conclue entre les différentes URSSAF.

- rien n'interdit d'affecter les sommes dues au titre du redressement au compte directeur qui est celui du siège social, lorsque l'employeur a consenti à cette affectation

- la lettre d'observation est suffisamment motivée, les établissements contrôlés sont suffisamment déterminés ; la mise en demeure est claire, elle permet de connaître la cause la nature et l'étendue des obligations de l'employeur.

- il n'existe aucune obligation de convocation de l'employeur devant la Commission de Recours Amiable qui n'est pas une juridiction, il n'y a donc aucune atteinte au principe du contradictoire, étant relevé que la Commission de Recours Amiable ne statue que sur des pièces connues du cotisant.

- au fond les contestations ne sont pas fondées.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

1- sur la procédure de contrôle.

a) sur l'avis de contrôle.

Aux termes de l'article R 243-59 alinéa 5du code de la sécurité sociale, tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail...

La société JARDEL SERVICES soutient que chacun de ses cinq établissements devait être destinataire d'un avis de contrôle alors qu'il n'était pas prévu de versement en un lieu unique et que chacun des établissements fait une déclaration de cotisations sociales.

C'est à bon droit que l'URSSAF n'a avisé que l'établissement dans lequel est situé le siège social de l'entreprise, les établissements secondaires n'étant pas dotés de la personnalité morale. Seul l'employeur tenu des obligations de paiement est destinataire de l'avis mentionné à l'article ci dessus, et cet employeur est domicilié au siège social de l'entreprise, soit en l'espèce à [Localité 3] 31. La société JARDEL SERVICES reconnaît expressément que si ses établissements secondaires procèdent aux déclarations des salariés qui y sont affectés auprès des URSSAF compétentes localement, les paiements sont effectués par l'établissement de [Localité 3].

b) sur les agents de contrôle.

En application des articles L 213-1 et D 213-1-1 du code de la sécurité sociale a été conclue une convention générale de réciprocité entre les URSSAF. Le fait que ces conventions ont été signées par des directeurs intérimaires ou des directeurs qui ne sont plus en fonction au jour du contrôle, est indifférent, les conventions ont été conclues par les directeurs compétents au jour de leur conclusion et engagent les URSSAF pour l'avenir, peu importe le sort personnel des personnes physiques signataires.

En application de cette convention, chacun des inspecteurs du recouvrement est compétent pour intervenir sur le territoire objet de la convention de réciprocité. Chacun des inspecteurs ayant participé au contrôle en cause relève d'une URSSAF liée par la convention de réciprocité produite par l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES et chacun d'eux est régulièrement assermenté. Le moyen avancé par la société JARDEL SERVICES ne peut prospérer.

2- sur la procédure de recouvrement.

a) sur la compétence de l'URSSAF de la Haute-Garonne.

Il a été rappelé plus haut que la personnalité morale société JARDEL SERVICES a son siège social à [Localité 3] 31. L'URSSAF de la Haute Garonne est donc compétente pour contrôler ce site et celui de [Localité 4]. Les autres sites se situent dans le LOT, la DORDOGNE et la DRÔME, dont les URSSAF locales ont adhéré à la convention de réciprocité.

b) sur l'affectation du redressement au compte directeur dans le seul cadre d'un contrôle.

En application de l'article R 233-6 du code de la sécurité sociale, les cotisations dues sont versées par les employeurs aux URSSAF dont relève chacun des établissements.

Cette disposition n'est pas d'ordre public et il ressort d'un mail du 4 juillet 2011 que la société JARDEL SERVICES a accepté que les cotisations dues au titre du contrôle soient affectées à son compte directeur, soit le compte du siège social de la société débitrice légale des cotisations.

Cette affectation n'a eu aucune incidence pour la société JARDEL qui a avancé que les établissements secondaires procédaient aux déclarations mais n'a pas démontré que ces établissements secondaires procédaient aux paiements des cotisations. La paye des salaires est traitée par l'établissement de [Localité 3]. La société a pu faire valoir ses droits dans toutes les phases de la procédure de contrôle et les textes régissant les conditions de versement en un lieu unique ne trouvent pas à s'appliquer pour des versements non à échoir et ne concernant que la période contrôlée.

c) sur la lettre d'observation et la mise en demeure.

La lettre d'observation est suffisamment précise sur les établissements contrôlés. La société JARDEL contestant la compétence des URSSAF autres que celle de la Haute Garonne, elle reconnaît donc que l'ensemble de ses établissements est soumis au contrôle.

Aux termes de l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale, l'envoi par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 155-1 de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent...

La lettre de mise en demeure du 3 novembre 2011 énonce clairement 'contrôle chefs de redressement notifiés le 11 juillet 2011, article 243-59 du code de la sécurité sociale.' À réception de cette lettre la société JARDEL SERVICES a saisi par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er décembre 2011 la Commission de Recours Amiable d'une contestation développée sur 9 pages.

La lettre de mise en demeure n'a pas à rappeler les assiettes et les taux des cotisations faisant l'objet du redressement alors que ces assiettes et ces taux sont rappelés dans la lettre d'observation régulièrement notifiée, page 4/26 pour le versement transport.

Enfin il n'existe aucune distorsion entre la lettre d'observation et la mise en demeure : la mise en demeure comporte le montant des cotisations dues et le montant à déduire d'où résulte le montant figurant sur la lettre d'observation. La mise en demeure indique en outre les majorations de retard.

L'URSSAF a légitimement procédé par sondage, l'accord du cotisant ne lui étant imposé que pour les contrôles par échantillonnage.

d) sur la procédure devant la Commission de Recours Amiable.

La société JARDEL SERVICES soutient que la procédure devant la Commission de Recours Amiable est irrégulière : elle aurait dû être convoquée et entendue par cette commission à laquelle elle devait pouvoir fournir des observations et des pièces.

La Commission de Recours Amiable n'est pas une juridiction, les principes directeurs du procès ne s'appliquent pas devant elle. La Commission de Recours Amiable se prononce sur des pièces connues du cotisant : la lettre d'observation, la réponse du cotisant, la réplique de l'inspecteur et la lettre de saisine que lui adresse le cotisant. Enfin une irrégularité de la procédure devant la Commission de Recours Amiable est sans emport sur la validité du redressement lequel repose sur la lettre d'observations et la mise en demeure.

3- Au fond.

a) sur le versement transport

La société JARDEL SERVICES reconnaît que l'article 50 de la loi du 29 décembre 2012 a été validé par le conseil constitutionnel et qu'il est conforme aux dispositions de la convention européenne des droits de l'homme. Elle estime cependant que cette validation ne vaut que pour les situations de remboursement par les syndicats mixtes dudit versement et non pour les redressements pratiqués de ce chef par l'URSSAF.

Aux termes de l'article 50 de la loi 2012-1510 du 29 décembre sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les délibérations instituant le versement transport adoptées par les syndicats mixtes, ouverts ou fermés, avant le 1er janvier 2008, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce que les syndicats mixtes ne sont pas des établissements publics de coopération intercommunale au sens des articles L. 2333-64, L. 2333-66 et L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 novembre 2013 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1891 du 21 novembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 50 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012. Il a rendu le 14 février 2014 la décision suivante:

Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 8, l'article 50 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 est conforme à la Constitution.

Le considérant n° 8 est ainsi rédigé : 8. Considérant, en troisième lieu, que le législateur a expressément réservé les décisions passées en force de chose jugée ; que, toutefois, si le « versement transport » n'est pas une sanction ayant le caractère d'une punition, il n'en va pas de même des sanctions applicables aux contribuables qui ne se sont pas acquittés de cette imposition en vertu des dispositions de l'article L. 2333-69 du code général des collectivités territoriales ; que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 fait obstacle à l'application rétroactive de dispositions permettant d'infliger des sanctions ayant le caractère d'une punition à des contribuables à raison d'agissements antérieurs à l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles ; que, par suite, la validation rétroactive des délibérations de syndicats mixtes antérieures au 1er janvier 2008 instituant le « versement transport » ne saurait permettre que soient prononcées des sanctions de cette nature à l'encontre des personnes assujetties au « versement transport » en vertu d'une délibération d'un syndicat mixte antérieure au 1er janvier 2008 au titre du recouvrement de cette imposition avant l'entrée en vigueur de l'article 50 de la loi du 29 décembre 2012 ; que, sous cette réserve, la validation rétroactive ne méconnaît aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle ;

Sur la loi de validation et l'article 1er du protocole additionnel à la CESDH du 20 mars 1952 d'une part et l'article 6-1 de la CESDH d'autre part.

Si la CESDH ne fait pas partie du bloc de constitutionnalité, le critère reconnu tant par le conseil constitutionnel que par la cour européenne pour autoriser une dérogation aux dispositions des articles 1er et 6-1 ci-dessus est identique, il s'agite du motif impérieux d'intérêt général.

Or, le conseil constitutionnel a caractérisé le caractère légitime de l'ingérence invoquée pour un motif impérieux d'intérêt général dans le considérant n° 6 de sa décision :

6. Considérant, en premier lieu, que par les dispositions successives des lois du 24 décembre 2007 et du 29 décembre 2012, le législateur a entendu mettre un terme à des années de contentieux relatifs aux délibérations des syndicats mixtes instituant le « versement transport » ; qu'en adoptant les dispositions contestées de la loi du 29 décembre 2012, le législateur a entendu donner un fondement législatif certain aux délibérations des syndicats mixtes composés exclusivement ou conjointement de communes, de départements ou d'établissements publics de coopération intercommunale ayant institué le « versement transport » avant le 1er janvier 2008 ; qu'il a également entendu éviter une multiplication des réclamations fondées sur la malfaçon législative révélée par les arrêts précités de la Cour de cassation, et tendant au remboursement d'impositions déjà versées, et mettre fin au désordre qui s'en est suivi dans la gestion des organismes en cause ; que les dispositions contestées tendent aussi à prévenir les conséquences financières qui auraient résulté de tels remboursements pour certains des syndicats mixtes en cause et notamment ceux qui n'avaient pas adopté une nouvelle délibération pour confirmer l'institution du « versement transport » après l'entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2007 ; que, dans ces conditions, l'atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des entreprises assujetties au « versement transport » est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général.

Il convient en outre de rappeler que si le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable, consacrés par l'article 6, s'opposent à l'ingérence du pouvoir législatif dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige, le législateur peut cependant intervenir pour réglementer, en matière civile, par de nouvelles dispositions à caractère rétroactif, des droits découlant des lois en vigueur lorsqu'il justifie d'impérieux motifs d'intérêt général ; qu'obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention législative destinée, d'une part, à assurer le respect de la volonté initiale du législateur qui, par la loi n° 73-640 du 11 juillet 1973, avait instauré le versement de transport en dehors de la région parisienne en prévoyant qu'il pouvait être institué dans le ressort "d'un syndicat de collectivités locales", ce qui incluait les syndicats mixtes composés de collectivités, d'autre part, à combler le vide juridique résultant des interventions successives du décret n° 77-90 du 27 janvier 1997 portant révision du code de l'administration communale et codification des textes législatifs applicables aux communes et du pouvoir législatif, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, de manière à préserver la pérennité du service public des transports en commun auquel participent les syndicats mixtes et que le versement de transport a pour objet de financer ; Que la loi ayant une vocation nationale, il n'y a pas lieu de prendre en considération la situation du SMTCAT pour vérifier sa conventionnalité, mais uniquement de contrôler s'il existait, sur le plan national, d'impérieux motifs d'intérêt général permettant au législateur d'intervenir ; Qu'ainsi ce n'est pas donc pas l'intérêt financier des syndicats mixtes qui a été pris en compte par le législateur pour adopter la loi de validation, mais bien sa propre erreur d'écriture de la loi, contraire à l'intérêt général des services publics des transports en commun, qu'il voulait pourtant protéger, puisqu'il est impérieux que la loi donne à ces transports en commun la possibilité de fonctionner dans des conditions leur permettant d'effectuer une desserte urbaine réduisant l'usage des véhicules individuels, tout en assurant le confort et la sécurité des personnes transportées, et qu'une telle mission de service public ne peut être remplie par un syndicat mixte qui se voit interdire de bénéficier de la contribution VT ; Que, la décision du législateur, seul compétent pour assurer la légalité fiscale, respecte un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et le respect dû aux biens des personnes physiques et morales, puisque l'employeur sait parfaitement qu'il est, en tout état de cause, soumis par la loi au versement d'une contribution transport, quel que soit son bénéficiaire ; Qu'enfin l'adoption d'une loi de validation n'était pas imprévisible pour l'employeur, puisque que la volonté du législateur de donner compétence aux syndicats mixtes pour instaurer la contribution VT s'était déjà manifestée en décembre 2007, par l'adoption d'une loi permettant de pallier les insuffisances des textes en vigueur et autorisant expressément les syndicats mixtes à instituer et recouvrer le VT.

La loi de validation du 29 décembre 2012 n'est donc contraire, ni aux dispositions de l'article premier du protocole additionnel de la CESDH, ni à celle de l'article 6-1 de cette même convention, elle ne distingue pas les cas relatifs aux demandes de remboursement ou les cas de paiement suite à redressement. Il convient donc de l'appliquer au litige, et de rejeter la contestation de la société JARDEL SERVICES.

b) sur les primes diverses.

Il s'agit de remboursement de loyers de deux salariés, Messieurs [O] et [C], directeurs d'exploitation pour lesquels l'entreprise supporte la charge de loyers de pieds à terre à [Localité 4].

En application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, les avantages en espèces ou en nature sont soumis à cotisations sociales.

La prise en charge de loyers est un avantage en espèces.

Monsieur [O] est chef d'exploitation à [Localité 3], son lieu de travail. Il est donc normal qu'il soit logé à [Localité 4]. Cependant ses fonctions ne requièrent pas qu'il bénéficie d'un logement de fonction.

Monsieur [C] était rattaché au siège de [Localité 4] en 2009 et n'a été muté dans la DROME que pour 2010. Cependant ses fonctions dans la Drôme ne justifiaient pas qu'il dispose d'un pied à terre à [Localité 4].

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la prise en charge des loyers de ces pieds à terre constituaient des avantages en espèces soumis à cotisations.

c) sur la dissimulation d'activité.

Monsieur [I] occupe un poste de sous-directeur d'exploitation, statut cadre. Son contrat de travail a été conclu à temps partiel moyennant 76 heures de travail par mois, soit 15,20 heures par semaine pour un salaire brut mensuel de 1.500,00 euros (1.200,00 euros net par mois). L'employeur lui verse en outre des frais de déplacement pour un montant de 5.000,00 euros par mois en moyenne correspondant à 10.000 à 11.000 km par mois.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, le temps de conduite pour un directeur d'exploitation est un temps de travail. L'URSSAF relève à juste titre que 10.000 km par mois à une vitesse moyenne de 100 km/h donnent 100 heures de conduite. Ce qui met en évidence une incohérence au regard des stipulations du contrat de travail mentionnant 76 heures par mois, et démontrent le caractère frauduleux du montage, ce qui justifie le redressement auquel il a été procédé de ce chef.

d) sur les indemnités kilométriques.

Aux termes de l'article 2 alinéa 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002, lorsque l'indemnisation des frais professionnels s'effectue sous forme d'allocations forfaitaires, leur déduction de l'assiette est subordonnée à la double preuve de la réalité du caractère professionnel du déplacement et de l'utilisation de l'indemnité forfaitaire conformément à son objet.

En cas d'utilisation par le salarié de son véhicule personnel, il revient à l'employeur de justifier de la réalité du déplacement et de son caractère professionnel par la production de fiches de frais de déplacement mentionnant la destination, le nom du client le mode de transport, les tickets d'autoroute de stationnement, les billets de train ou d'avion, les factures de repas sur le site du déplacement, les ordres de service.

L'inspecteur a relevé que l'employeur lui a soumis des fiches mensuelles identiques portant les mêmes mentions d'un mois sur l'autre, même au cours des mois de congés payés, sans aucun justificatif objectif du caractère professionnel des déplacements et de la réalité dudit déplacement.

Le redressement est donc justifié de ce chef.

e) sur la loi TEPA.

La déduction des cotisations salariales s'applique aux rémunérations des heures supplémentaires et complémentaires dans les conditions de l'article 81 quater du CGI.

Lorsque l'employeur applique une réduction forfaitaire spécifique, en l'espèce la déduction spéciale attachée à l'activité de chauffeur routier courte distance, la réduction salariale se calcule en tenant compte de la rémunération réduite du montant de la déduction spécifique. L'employeur ne conteste pas le principe du redressement de ce chef.

Il fait valoir que les inspecteurs de l'URSSAF de la Haute- Garonne n'étaient pas territorialement compétents, argument écarté plus haut, et n'établit pas en quoi le pourcentage de déduction relevé par l'inspecteur ne serait pas applicable à tous les chauffeurs et que certains auraient bénéficié d'une déduction inférieure au droit commun.

Le redressement est justifié de ce chef

f) rupture du contrat de travail hors plan social.

Sur ce point l'employeur limite sa contestation à l'incompétence territoriale, il y a été répondu plus haut. Le redressement est donc justifié.

g) indemnité transactionnelle versée à Monsieur [G].

En application des dispositions de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, sont assujetties toutes les sommes versées à un salarié en contrepartie et à l'occasion du travail dont les sommes représentatives de rémunérations telles les indemnités de préavis, ou constituant un substitut à la rémunération telle l'indemnité de congés payés.

Aux termes d'un jugement définitif du conseil des prud'hommes de MONTAUBAN en date du 1er février 2010, la société JARDEL SERVICES a été condamnée à verser à Monsieur [G], après avoir constaté que ce dernier bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée et que le licenciement auquel la société avait procédé était sans cause réelle et sérieuse, diverses sommes pour un montant total de 26.925,00 euros correspondant à une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour non-respect des dispositions relatives au conseiller du salarié, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice de congés payés, et un article 700.

La société présente le payement qu'elle a fait de ces sommes sous forme d'une transaction. Or en présence d'une décision définitive, il ne peut y avoir de concessions réciproques, le salarié ne renonçant à aucun de ses droits et la qualification de transaction a été justement écartée par le premier juge.

Le redressement porte sur les sommes assimilables à la rémunération, à considérer en brut. L'indemnité de préavis et les congés payés y afférents effectivement perçue par le salarié s'élève à la somme nette de 12.000,00 + 1.200,00 euros. Il convient de retenir pour assiette de cotisations la somme brute 16.490,00 euros effectivement prise en compte par l'inspecteur.

Le redressement est donc justifié de ce chef.

h) sur la négociation annuelle obligatoire.

C'est à bon droit que l'inspecteur, suivi par le premier juge, a rappelé à l'employeur les dispositions de l'article L 2242-1 du code du travail sur l'obligation d'engager des négociations annuelles et de créer les conditions favorables à cette négociation dès lors que l'entreprise compte plus de 50 salariés et que le défaut de négociation est susceptible d'entraîner la réduction des allégements de cotisations.

4- sur les demandes accessoires.

Compte tenu du montant du redressement l'inscription par l'URSSAF d'un privilège est bien fondée.

Il est donné acte à l'employeur du versement sous réserve d'encaissement des chèques le 11 juin 2015 de la somme de 240.355,00 euros et le 30 juin 2015 de la somme de 38.331,00 euros de sorte qu'il n'est pas nécessaire de prononcer sa condamnation aux frais d'exécution de la présente décision.

Sur justification de l'encaissement des chèques il est ordonné la main levée de l'inscription du privilège.

L'employeur succombe, il sera condamné à verser à l'URSSAF la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Donne acte à la société JARDEL SERVICES sous réserve de l'encaissement des chèques, du versement le 11 juin 2015 de la somme de 240.355,00 euros et le 30 juin 2015 de la somme de 38.331,00 euros ;

Dit que sur justification de l'encaissement des chèques, il est ordonné la main levée de l'inscription du privilège inscrit par l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES ;

Condamne la société JARDEL SERVICES à payer à l'URSSAF MIDI-PYRÉNÉES la somme de 2.000,00 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M. BUTELJ. BENSUSSAN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15/01982
Date de la décision : 28/01/2016

Références :

Cour d'appel de Toulouse 30, arrêt n°15/01982 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-28;15.01982 ?
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