MMP / JD
DOSSIER N 07/01740
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2008
3ème CHAMBRE, COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème Chambre,
N 1051 / 08
Prononcé publiquement le MERCREDI 19 NOVEMBRE 2008, par la 3ème Chambre des Appels Correctionnels,
Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE TOULOUSE - 3EME CHAMBRE du 12 NOVEMBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats, du délibéré,
Président : Monsieur SUQUET,
Conseillers : Monsieur BASTIER
Madame PANTZ,
GREFFIER :
Mademoiselle COSTES, Greffier, lors des débats,
Madame DUBREUCQ, Greffier, lors du prononcé de l'arrêt,
MINISTÈRE PUBLIC :
Monsieur TREMOUREUX, Avocat Général, aux débats et au prononcé de l'arrêt,
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
Y... Eric Antoine, né le 01 Mai 1967 à TOULOUSE
Fils de Y... Lous et de Z... Mireille
De nationalité francaise, marié, sans profession
Demeurant ...
Prévenu, intimé, libre, comparant, assisté par
Maître A... Michel, avocat au barreau de TOULOUSE
B... Pierre François Marie, né le 16 Juillet 1955 à TOULOUSE
Fils de B... André et de C... Odette
De nationalité francaise, marié, notaire
Demeurant 1 avenue Marcel Vidal - 31410 ST SULPICE SUR LEZE
Prévenu, appelant, libre, comparant, assisté par
Maître MARTY Jean-Pierre, avocat au barreau de TOULOUSE
LE MINISTÈRE PUBLIC
appelant,
FEDERATION FRANCAISE DE RUGBY
9 rue de Liège - 75009 PARIS
Partie civile, non appelante,
représentée par Maître VALADE VINCENT, substituant Maître MARQUET, avocat au barreau de DIJON
Société LES AMIS DE LA COLOMBE
Allée de Brière - 31770 COLOMIERS
Partie civile, appelante,
représentée par Maître JOLIBERT Patrick, avocat au barreau de TOULOUSE
LIGUE NATIONALE DE RUGBY
...
Partie civile, non appelante,
représentée par Maître VALADE VINCENT, substituant Maître ALBALA Nuri, avocat au barreau de PARIS
UNION SPORTIVE COLOMIERS RUGBY
Allée de Brière - Stade Michel E... - 31770 COLOMIERS
Partie civile, appelante,
représentée par Maître GRIEUMARD Patrice, avocat au Barreau de TOULOUSE
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Le tribunal, par jugement en date du 12 Novembre 2007, a déclaré coupables :
Y... Eric Antoine
ESCROQUERIE, courant mai et courant /06/2003, à Colomiers, Paris, territoire n, infraction prévue par l'article 313-1 AL.1,AL.2 du Code pénal et réprimée par les articles 313-1 AL.2, 313-7, 313-8 du Code pénal
BANQUEROUTE : DETOURNEMENT OU DISSIMULATION DE TOUT OU PARTIE DE L'ACTIF, entre 01 octobre 2003 et le 23/07/2003, à Colomiers, territoire
national, infraction prévue par les articles L.654-2 2 , L.626-1 du Code de commerce et réprimée par les articles L.654-3 AL.1, L.654-5, L.654-6, L.653-8 AL.1 du Code de commerce
BANQUEROUTE : AUGMENTATION FRAUDULEUSE DU PASSIF DU DEBITEUR, entre 01 octobre 2003 et le 23/07/2003, à Colomiers, territoire national, infraction prévue par les articles L.654-2 3 , L.654-1 du Code de commerce et réprimée par les articles L.654-3 AL.1, L.654-5, L.654-6, L.653-8 AL.1 du Code de commerce
B... Pierre François Marie
COMPLICITE D'ESCROQUERIE, entre 30 avril et le 30/05/2003, à St Sulpice sur Lèze, territoir, infraction prévue par l'article 313-1 AL.1,AL.2 du Code pénal, art. 121-7 du CODE PENAL et réprimée par les articles 313-1 AL.2, 313-7, 313-8 du Code pénal, art. 121-7 du CODE PENAL
Et par application de ces articles, a condamné :
* Y... Eric Antoine
à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 60000 € d'amende
* B... Pierre François Marie
à 30000 € d'amende
SUR L'ACTION CIVILE : a alloué à :
* la FEDERATION FRANCAISE DE RUGBY, 700 € à titre de dommages intérêts, 1 € au titre du préjudice moral, 700 € au titre de l'article 475-1 du CPP
* Société LES AMIS DE LA COLOMBE, 1 € à titre de dommages intérêts, 750 € au titre de l'article 475-1 du CPP, la déboute du surplus
* LIGUE NATIONALE DE RUGBY, 700 € à titre de dommages intérêts, 1 € au titre préjudice moral, 700 € au titre de l'article 475-1 du CPP
* UNION SPORTIVE COLOMIERS RUGBY, 700 € à titre de dommages intérêts, 750 € au titre de l'article 475-1 du CPP
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Monsieur B... Pierre, le 20 Novembre 2007 contre LIGUE NATIONALE DE RUGBY, FEDERATION FRANCAISE DE RUGBY
M. le Procureur de la République, le 20 Novembre 2007 contre Monsieur B... Pierre
Société LES AMIS DE LA COLOMBE, le 20 Novembre 2007 contre Monsieur Y... Eric
UNION SPORTIVE COLOMIERS RUGBY, le 21 Novembre 2007 contre Monsieur Y... Eric
M. le Procureur de la République, le 26 Novembre 2007 contre Monsieur B... Pierre, Monsieur Y... Eric
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Octobre 2008, le Président a constaté l'identité des prévenus.
Ont été entendus :
Madame PANTZ en son rapport ;
Y... Eric Antoine et B... Pierre François Marie en leur interrogatoire et moyens de défense ;
Les appelants ont sommairement indiqué à la Cour les motifs de leur appel ;
Maître JOLIBERT, Maître ALBALA, Me GRIEUMARD et Maître MARQUET, Avocats des parties civiles, en leurs conclusions oralement développées ;
Monsieur TREMOUREUX, Avocat Général, en ses réquisitions ;
Me VALADE loco Me MARQUET, avocat de la FEDERATION FRANCAISE DE RUGBY, partie civile, en ses conclusions oralement développées ;
Me JOLIBERT, avocat de la Sté LES AMIS DE LA COLOMBE partie civile, en ses conclusions oralement développées ;
F... loco Me ALBALA, avocat de la LIGUE NATIONALE DE RUGBY, partie civile, en ses conclusions oralement développées ;
Me GRIEUMARD, avocat de L'UNION SPORTIVE COLOMIERS RUGBY, partie civile, en ses conclusions oralement développées ;
Y... Eric Antoine et B... Pierre François Marie ont eu la parole en dernier;
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 19 NOVEMBRE 2008.
DÉCISION :
Procédure
Le Tribunal Correctionnel de Toulouse rendait le 12 novembre 2007 un jugement qui,
sur l'action publique
- a déclaré Eric Y... coupable d‘escroquerie, banqueroute par détournement et dissimulation d'actif, augmentation frauduleuse du passif du débiteur,
- l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, et à une amende délictuelle de 60 000 €,
- a déclaré Pierre B... coupable de complicité d'escroquerie
- l'a condamné à une amende délictuelle de 30 000 €.
sur l'action civile
-a déclaré recevable l'Union Sportive Colomiers Rugby dans sa constitution de partie civile, et a condamné Eric Y... à lui payer 700 € à titre de dommages et intérêts et 750 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
-a déclaré recevable la Ligue Nationale de Rugby dans sa constitution de partie civile, et a condamné solidairement Eric Y... et Pierre B... à lui payer 700 € à titre de dommages et intérêts, 1 € au titre du préjudice moral, et 700 € au titre de l'article 475-1 du CPP, la déboute sur la demande faite sur le délit de banqueroute, condamne Eric Y... à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts;
-a déclaré recevable la Fédération Française de Rugby dans sa constitution de partie civile, et a condamné solidairement Eric Y... et Pierre B... à lui payer 700 € à titre de dommages et intérêts, 1 € au titre du préjudice moral, et 700 € au titre de l'article 475-1 du CPP, la déboute sur la demande faite sur le délit de banqueroute, condamne Eric Y... à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts;
-a déclaré recevable maître Olivier G..., es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société SASP Colomiers Rugby dans sa constitution de partie civile, lui donne acte de ce qu'il s'en tient aux termes du protocole, et a condamné Eric Y... à lui payer1000 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
-l'a débouté de sa demande concernant Pierre B..., le préjudice n'étant pas direct,
- a déclaré recevable monsieur H... dans sa constitution de partie civile, et a condamné Eric Y... à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts et 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP, et le déboute pour le surplus,
- a déclaré recevable Bernard I... dans sa constitution de partie civile, et a condamné Eric Y... à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts et 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP, et le déboute pour le surplus,
-a déclaré recevable Gildas J... dans sa constitution de partie civile, et a condamné Eric Y... à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts et 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP, et le déboute pour le surplus,
-concernant Benjamin K..., Willy L..., Christophe M..., Fabrice N..., renvoie l'examen de l'affaire au 25 mars 2008,
-a déclaré recevable Yannick O... dans sa constitution de partie civile, et a condamné Eric Y... à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts et 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP, et le déboute pour le surplus,
-a déclaré recevable Hugues P... dans sa constitution de partie civile, et a condamné Eric Y... à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts et 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP, et le déboute pour le surplus,
-a déclaré recevable Francis Q... dans sa constitution de partie civile, et a condamné Eric Y... à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts et 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP, et le déboute pour le surplus,
-a déclaré recevable la société Les Amis de la Colombe dans sa constitution de partie civile, et a condamné Eric Y... à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts et 750 € au titre de l'article 475-1 du CPP, et la déboute pour le surplus.
Pierre B... a relevé appel des dispositions pénales et civiles de ce jugement par l'intermédiaire de son avocat le 20 novembre 2007 à 10 h 05 .
Le Procureur de la République relevait appel incident le même jour.
Eric Y... relevait appel de ce même jugement le 20 novembre 2007 à 15 h 10.
L'US COLOMIERS Rugby , partie civile, relevait appel de ce même jugement , ce même jour, par l'intermédiaire de son avocat, son appel portant sur les dispositions civiles.
Le Procureur de la République relevait appel principal le 26 novembre 2007 des dispositions pénales de ce même jugement, concernant Eric Y....
À l'audience:
L'association "Les Amis de la Colombe" demandait que sa constitution de partie civile soit déclarée recevable, et que la réalité de son préjudice soit prise en compte, à hauteur de 300 000 €, et non pas de 1 €.
La Fédération Francaise de Rugby et la Ligue Nationale de Rugby demandaient la confirmation du jugement.
L'AS Colomiers exposait avoir été victime de l'escroquerie, subir un préjudice, et demandait 1 600 000 € à titre de dommages et intérêts, et 3 000 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
Monsieur l'Avocat Général demandait :
-concernant Eric Y..., que le jugement de condamnation soit confirmé, et que soit ajouté à la peine une faillite personnelle,
- concernant Pierre B... , que le jugement de condamnation soit confirmé, et que soit ajoutée une peine d'emprisonnement de 1 mois avec sursis.
Eric Y... demandait la confirmation du jugement.
Il disait avoir effectué une mise à l'épreuve, en acceptant de signer un accord pour le comblement du passif et en dédommageant ainsi les créanciers.
Il demande le rejet des demandes des parties civiles, qui ne sont pas recevables selon lui, si ce n'est pour un préjudice moral peu élevé.
Pierre B... demandait que la relaxe soit prononcée le concernant, car selon lui, ni l'élément matériel , ni l'élément moral du délit de complicité d'escroquerie ne sont réunis le concernant.
MOTIFS DE LA DECISION
Les appels sont recevables, ayant été fait dans les formes et les délais prescrits par la loi.
Sur l'action publique
La Cour est saisie des faits commis par Eric Y... à l'occasion de son activité de dirigeant de la SASP Colomiers Rugby, entre le 1er octobre 2003 et le 23 juillet 2004, et de l'implication de Pierre B..., notaire, comme complice de certains agissements frauduleux.
Concernant Eric Y...
Deux séries de faits lui sont reprochés: une banqueroute frauduleuse, et une escroquerie au préjudice de la Fédération Française de Rugby et de la Ligue Française de Rugby, et pour ces faits, il est reproché à Pierre B... d'en avoir été le complice par fourniture de moyens.
1) la situation de la société
Depuis la saison 2002/ 2003, la société anonyme sportive et professionnelle (SASP) Colomiers Rugby est dirigée par Eric Y... comme PDG et Isabelle Y... comme directrice générale.
Peu importe les raisons qui ont amené cette situation et qui sont largement exposées dans la procédure.
On peut dire simplement que dès avant l'arrivée de Y..., la situation de cette société était marquée par un déficit très important, qui n'a fait que s'aggraver.
Les dates:
Eric Y... se déclarait en cessation de paiement et le 2 juillet 2004, le Tribunal de Commerce ouvrait une procédure de redressement judiciaire.
Le 8 juillet 2004, le président de la chambre des procédures collectives informait le Procureur de la République d'éléments dans la gestion de la société susceptibles d'avoir une qualification pénale.
Le Procureur de la République ouvrait une enquête confiée au SRPJ.
Le 23 juillet 2004 le Tribunal de Commerce prononçait la liquidation judiciaire de la SASP Colomiers Rugby.
Rapidement, les enquêteurs découvraient que l'ampleur des fraudes nécessitait d'autres investigations, et le Procureur de la République ouvrait une information judiciaire le 18 octobre 2004.
L'historique du groupe Y...
Eric Y..., par le biais de la SGP, rachetait le 19 juin 2003 la SAS CIRUSE, elle même majoritaire dans la SASP Colomiers rugby
Le groupe Y... est constitué de deux holdings, une de sociétés de services, et une de sociétés du bâtiment et des travaux publics, graviers, sables et bétons.
Ces diverses sociétés ont été utilisées pour commettre le délit de banqueroute ici reproché.
2) Le délit de banqueroute
* par des avances de trésorerie au préjudice de la SASP
§ la SASP a versé à la sté CIRUSE (groupe Bénac) 476 046 € entre le 2 octobre 2003 et le 15 avril 2004, sans justification. Ces sommes ont ensuite été virées sur les comptes personnels des époux Y....
§ la SASP a versé à la SGP (groupe Bénac) 24 000 € non justifiés, entre février et mars 2004
§ la SASP a versé à Y... Communication 158 046 € sans justification.
La SASP était déjà en cessation de paiements à la date de ces paiements.
Pour essayer de justifier, ou compenser, il y a eu des "factures" de ces sociétés, ou des virements internes.
Le but était en fait de prélever des fonds dans la SASP pour suppléer aux difficultés de trésorerie des sociétés du groupe Bénac.
*par des facturations indues de main d'oeuvre
§ la SASP a payé, sans qu'il y ait eu des convention de prêt de main d'œuvre, des facturations de main d'œuvre pour : CHANTELOT, préparateur technique,
BABY directeur administratif et financier
Isabelle Y..., directrice générale.
* par le financement du club sportif "L'Avenir Murétain"
* par la diminution des sommes dues par la société STASIA à la SASP: 380 000 € devenus 50 000 € , sans autorisation du conseil d'administration pour cette remise gracieuse d'une dette.
L'ensemble de ces faits est parfaitement établi, et Eric Y... ne le conteste pas.
3) l'escroquerie
Il fallait convaincre la Fédération Française de Rugby et la Ligue Française de Rugby que la situation du club était financièrement saine, et permettait son maintien au Top 16 des meilleurs clubs professionnels.
Pour cela, Eric Y... avait produit,
§ 5 lettres d'abandon de créances, annulées par des contre lettres occultes,
§ une fausse facture de droit à l'image de 255 000 € sur la sté STASIA,
§ 6 fausses attestations notariées concernant le dépôt de 6 chèques, total 475 00 € sur un compte bloqué CARPA.
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Eric Y... reconnaît l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.
Il a voulu confirmer sa réussite sociale par l'achat d'un club sportif déjà obéré financièrement, qu'il n'a pas redressé, mais bien au contraire qu'il a utilisé pour financer ses autres entreprises, en utilisant des moyens frauduleux.
Il a ruiné la SASP Colomiers Rugby et cette ruine s'est propagée à d'autres entreprises.
Sa culpabilité sera confirmée.
Compte tenu de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu, jamais condamné, la peine prononcée par le Tribunal a été justement appréciée et sera confirmée.
Eric Y... ayant signé un accord en comblement de passif, il ne paraît pas nécessaire de prononcer une faillite personnelle.
Par contre, l'incurie de ce chef d'entreprise a été telle qu'il doit lui être interdit de gérer directement ou indirectement quelqu'entreprise que ce soit.
Cette interdiction de gérer sera fixée à 5 ans.
Concernant Pierre B...
Ce sont les 6 fausses attestations notariées, concernant le dépôt de 6 chèques, pour un total de 475 000 € , émises par Pierre B..., notaire à Saint Sulpice sur Lèze (31), qui sont reprochées à celui-ci comme ayant servi en connaissance de cause à la réalisation du délit d'escroquerie commis par Eric Y... .
Pierre B... conteste de délit qui lui est reproché.
Eric Y... a expliqué devant le juge d'instruction, qu'il avait eu lui-même l'idée de s'adresser à un notaire pour attester de l'existence d'une somme suffisante, de façon à montrer à la Ligue de Rugby et à la Fédération que les finances du club de Colomiers étaient saines .
Il s'était adressé à Pierre B... parce que, dit-il, il le considère comme le notaire de sa famille.
En fait, Eric Y... admet que cette idée de présenter une attestation d'un notaire pour inspirer confiance lui a été suggérée.
Mais il maintient "qu'il ne se souvient pas exactement qui la lui a suggérée".
Il maintiendra à l'audience cette position de tout assumer.
Pierre B... expose qu'il a effectivement fait des actes concernant la famille Y..., entre autres la succession du père d'Eric Y..., ce qui lui permettait de connaître, dit-il, la capacité financière "suffisante" de celui-ci.
Par contre, il dira ne pas être au courant de ses affaires commerciales et sportives.
Eric Y... et Pierre B... s'accordent sur le point de dire que la demande concernant les attestations s'est faite par téléphone.
Selon Y..., il avait exposé à B... que la Ligue lui demandait de "bloquer" des fonds, et de justifier de ce "blocage" par une attestation.
Selon B..., Y... lui avait demandé s'il pouvait déposer des fonds chez lui, pour qu'ils soient déposés sur un compte CARPA, et il aurait dit pouvoir le faire sur un compte CDC.
Un collaborateur avait apporté le chèque, en indiquant de ne pas l'encaisser, et que Y... allait téléphoner.
B... remettait au commissionnaire un reçu et une attestation, le 30 avril 2003, certifiant le dépôt de 225 000 €, destinés au club.
Le même jour, Eric Y... avait adressé cette attestation à la DNACG, accompagnée d'un courrier certifiant "avoir versé la somme de 225 000 € sur un compte bloqué CARPA chez Maître B..., avec abandon de cette somme, sauf incorporation au capital, au profit de la SASP Colomiers rugby".
Peu après, Y... téléphonait à B... pour dire que l'opération était annulée.
Il faisait ramener le reçu et l'attestation le 20 mai 2003, et B... annulait les écritures comptables.
Mais le même jour, une autre attestation était rédigée, pour un chèque de 125 000 €, remis au notaire, qui promettait de ne pas l'encaisser.
Cette attestation était également adressée à la DNACG, Y... précisant que les apports déposés sur un compte CARPA étaient maintenant de 350 000 €.
L'opération se renouvelait pour 4 autres chèques, dans les semaines suivantes, et le total des attestations présentées aux instances fédérales du rugby était de 475 000 €.
Le 23 août 2003, le notaire avait annulé toutes les opérations et restitué les chèques, sans en avoir encaissé aucun.
Il est sûr que ces attestations reposaient sur un mensonge, puisque le notaire ne pouvait pas attester de la réalité des fonds, ne les ayant pas déposés sur son compte CDC, se contentant d'employer le futur dans son attestation : le chèque "sera déposé".
Même si un chèque est un moyen de paiement et non un moyen de crédit, un chèque que l'on n'encaisse pas à la demande devient éminemment suspect, et l'attestation affirmant la réalité des fonds au vu de ce chèque devient plus que tendancieuse, elle est mensongère.
Il est sûr que ces fausses attestations ont servi à Eric Y... pour tromper les membres de la commission d'appel de la Fédération Française de Rugby, et de les persuader de rendre une décision de maintien au Top 16 du club de rugby de Colomiers, ceci au préjudice de la Fédération Française de rugby et de la Ligue nationale de rugby.
Par ces attestations, B... a participé au délit.
Le concernant, l'élément matériel de complicité du délit d'escroquerie commis par Y... est établi, contrairement à ce qu'il soutient.
Il convient de savoir si l'élément moral du délit est également établi.
Il résulte des éléments du dossier que Pierre B... n'a retiré aucun avantage matériel de ces opérations.
Il est également établi qu'il n'a pas participé aux opérations financières de Eric Y... en relation avec le club de rugby.
Il a évidemment commis une faute professionnelle grave, puisqu'en sa qualité de notaire, il ne peut conserver des fonds et doit les déposer aussitôt à la CDC.
Si l'on retenait ses explications, B... aurait fait preuve d'une légèreté ahurissante en répétant 6 fois cette opération, sans se poser plus de question, et en traitant tout cela au téléphone, sans chercher à comprendre ce qui était fait des attestations, entre le moment où il les établissait et le moment où elles lui étaient restituées, tout cela pour un total de 475 000 €.
B... reçoit un chèque d'un montant important, qu'on lui demande de ne pas encaisser, ce qui normalement aurait dû l'alerter, et cependant, il atteste avoir reçu les fonds, ce qui est déjà très ambigu.
La répétition à six reprises de l'opération montre un aveuglement qui va au delà de l'imprudence.
Y... met B... hors de cause, en disant que la responsabilité de l'affaire lui incombe seul, et qu'il ne l'a jamais tenu au courant de ses affaires avec le club de rugby.
Seulement, B... est notaire, et c'est en cette qualité, synonyme de vérité dans les écrits, qu'on lui a demandé ces montages répétés 6 fois.
On peut considérer que la première opération de remise d'un chèque, dans les conditions déjà exposées, a pu surprendre la vigilance normale de ce notaire, et qu'il a pu se laisser abuser.
Mais il n'a pas pu en être de même les autres fois.
Le seul motif de cette remise d'un chèque, c'est d'obtenir une attestation pour utiliser la crédibilité qui s'attache à sa fonction.
La demande d'une attestation de remise de fonds, en faisant en sorte que les fonds en question ne soient pas remis, est éminemment suspecte.
La répétition d'une telle opération, 6 fois, pour un total de 475 000 € , dépasse la simple négligence.
En acceptant de se prêter à cette opération, 6 fois de suite, Pierre B..., notaire, ne pouvait pas ignorer qu'il participait à une action illicite.
Peu importe qu'il n'ait retiré aucun bénéfice de cette opération, et qu'il n'ait pas été tenu informé de tous les tenants et aboutissants.
Il a donné à Y... les moyens de commettre une escroquerie au préjudice de la Ligue Nationale de Rugby et de la Fédération Française de Rugby, et a eu la conscience de ce qu'il faisait.
Le jugement sera confirmé, et il sera déclaré coupable des faits reprochés.
La nature des faits justifie la condamnation du prévenu à une amende, et une autre peine n'est pas nécessaire.
Le jugement sera entièrement confirmé en ce qui concerne Pierre B....
Sur l'action civile
- La SARL Les Amis de la Colombe maintient sa demande de constitution de partie civile à l'encontre de Eric Y... , à hauteur de 300 000 € en réparation du préjudice économique, 1 € au titre du préjudice moral, et 2 000 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
La société estime justifier d'un préjudice économique totalement distinct de celui de la masse des créanciers, et d'un préjudice personnel indépendant de celui de la société en faillite.
Elle estime que ce sont les agissements délictueux du prévenu qui sont "les seules causes de (son) engagement financier à hauteur de la somme de 300 000 €".
Cependant, l'examen de la procédure montre que le préjudice financier évoqué par la SARL Les Amis de la Colombe n'est pas distinct de celui de la SASP dans laquelle elle est actionnaire.
La SARL Les Amis de la Colombe ne justifiant pas d'un préjudice distinct, elle sera déboutée de sa demande concernant le préjudice économique.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Elle sera recevable pour son préjudice moral, et il lui sera alloué à ce titre 1 € de dommages et intérêts, ainsi que 1200 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
* * *
- L'association Union Sportive Colomiers Rugby maintient sa demande de constitution de partie civile à l'encontre de Eric Y... et demande 1 600 000 € de dommages et intérêts, ainsi que 3 000 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
L'association justifie sa demande, estimant subir un préjudice moral et une atteinte à son image, distincts du montant de la créance produite par l'association au passif du club.
Or, il résulte des éléments du dossier que le Tribunal a justement apprécié la demande présentée, fixant à 700 € le préjudice moral justifié et directement subi par l'Union Sportive Colomiers Rugby .
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Il lui sera alloué 1 200 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
* * *
- La Fédération Française de Rugby se constitue partie civile à l'encontre de Pierre B... et demande 700 € pour le préjudice matériel, ainsi que 1 € pour le préjudice moral, et 1 500 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
Le Tribunal a justement apprécié le préjudice et le jugement sera confirmé ; il sera ajouté 1200 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
* * *
- La Ligue Nationale de Rugby se constitue partie civile à l'encontre de Pierre B... et demande 1 500 € à titre de dommages et intérêts, pour son préjudice matériel, ainsi que 1 € pour le préjudice moral, et 1 500 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
Le Tribunal a justement apprécié le préjudice et le jugement sera confirmé ; il sera ajouté 1200 € au titre de l'article 475-1 du CPP.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Déclare les appels recevables ;
Sur l'action publique :
- confirme le jugement en ce qu'il a déclaré les prévenus coupables des infractions qui leur sont reprochées,
- confirme le jugement sur les peines prononcées à leur encontre ;
Y ajoutant, prononce à l'encontre de Y... Eric l'interdiction de gérer ou diriger une société commerciale, directement ou indirectement, durant cinq ans.
Le Président n'a pu donner au condamné Y... Eric l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code Pénal en raison de son absence à l'audience de lecture de l'arrêt.
* * *
Le Président n'a pu informer chacun des condamnés, en raison de leur absence à l'audience de lecture de l'arrêt :
- que s'il s'acquitte du montant de l'amende pénale dans un délai d'un mois à compter de la date du prononcé de la décision, par chèque libellé à l'ordre du TRESOR PUBLIC (ou par mandat postal) auprès du CENTRE AMENDE SERVICE 31945 TOULOUSE CEDEX 9 (Tel : 08.21.08.00.31) ce montant sera alors diminué de 20 % sans que cette diminution ne puisse excéder 1 500 euros, et ce, en application de l'article 707-2 du code de procédure pénale ;
- que le paiement de l'amende pénale ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.
* * *
RAPPELLE que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 EUROS dont est redevable chaque condamné ;
* * *
Sur l'action civile :
* en ce qui concerne Les Amis de la Colombe :
- confirme le jugement en toutes ses dispositions à leur égard,
Y ajoutant,
- condamne Y... Eric à payer une indemnité supplémentaire de 1.200 € au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;
* en ce qui concerne l'Union Sportive Colomiers Rugby :
- confirme le jugement en toutes ses dispositions à son égard,
Y ajoutant,
- condamne Y... Eric à payer une indemnité supplémentaire de 1.200 € au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;
* en ce qui concerne la Fédération Française de Rugby :
- confirme le jugement en toutes ses dispositions à son égard,
Y ajoutant,
- condamne solidairement Y... Eric et B... Pierre à payer une indemnité supplémentaire de 1.200 € au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;
* en ce qui concerne la Ligue Nationale de Rugby :
- confirme le jugement en toutes ses dispositions à son égard,
Y ajoutant,
- condamne solidairement Y... Eric et B... Pierre à payer une indemnité supplémentaire de 1.200 € au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;
Le tout en vertu des textes susvisés ;
Lecture faite, le Président a signé ainsi que le Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,