La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2008 | FRANCE | N°1037

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0028, 18 novembre 2008, 1037


LAP/MB

DOSSIER N 08/00432

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2008

3ème CHAMBRE,

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème Chambre,

N 1037/08

Prononcé publiquement le MARDI 18 NOVEMBRE 2008 par Monsieur LAMANT, Conseiller de la 3ème Chambre des Appels Correctionnels,

Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE TOULOUSE du 26 MARS 2008

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré,

Président : Monsieur LAPEYRE,

Conseillers Monsieur LAMANT,

Monsieur ROGER,

Monsieur LAMANT, en lecture de l'arrêt qui par appli

cation des articles 485 et 486 du Code de procédure pénale, a signé la présente décision.

GREFFIER :

Madame BORJA, aux débats et au pr...

LAP/MB

DOSSIER N 08/00432

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2008

3ème CHAMBRE,

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème Chambre,

N 1037/08

Prononcé publiquement le MARDI 18 NOVEMBRE 2008 par Monsieur LAMANT, Conseiller de la 3ème Chambre des Appels Correctionnels,

Sur appel d'un jugement du T.G.I. DE TOULOUSE du 26 MARS 2008

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré,

Président : Monsieur LAPEYRE,

Conseillers Monsieur LAMANT,

Monsieur ROGER,

Monsieur LAMANT, en lecture de l'arrêt qui par application des articles 485 et 486 du Code de procédure pénale, a signé la présente décision.

GREFFIER :

Madame BORJA, aux débats et au prononcé de l'arrêt.

MINISTERE PUBLIC :

Monsieur SILVESTRE, Substitut Général, aux débats et au prononcé de l'arrêt.

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

A... Christian

né le 10 Juin 1952 à QUILLAN (11)

d'A... Robert et de B... Suzanne

De nationalité francaise, marié, journaliste

Demeurant ...

Prévenu, non appelant, libre, non comparant

Représenté par Maître DE CAUNES Laurent, avocat au barreau de TOULOUSE (muni d'un pouvoir)

C... Hélène Marie-Thérèse

née le 25 Juin 1959 à TOULOUSE (31)

de C... Jean Louis et de D... Louise

De nationalité francaise, divorcée, directeur de publication

Demeurant L'Opinion Indépendante - ... TOULOUSE

Prévenue, intimée, libre, non comparante

Représentée par Maître DE CAUNES Laurent, avocat au barreau de TOULOUSE (muni d'un pouvoir)

LE MINISTÈRE PUBLIC

non appelant,

S.C.I. VITICOLE LAGREZETTE

Domaine de la Lagrezette Caillac - 46140 LUZECH

Partie civile, appelant,

Représenté par Maître GAYON Louis, avocat au barreau de PARIS

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Le tribunal, par jugement en date du 26 Mars 2008, a :

* prononcé la nullité de la citation du 8 juin 2007 à l'égard de Hélène C...,

* constaté le non-enrôlement de la citation du 15 mai 2007 relative à Hélène C... et donc le fait que la juridiction n'est pas saisie à son égard ;

* dit que la citation relative à Christian A... est régulière ;

* relaxé A... Christian du chef de DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION PAR VOIE ELECTRONIQUE, le 09/03/2007, à , infraction prévue par les articles 32 AL.1, 23 AL.1, 29 AL.1, 42 de la Loi DU 29/07/1881 et réprimée par l'article 32 AL.1 de la Loi DU 29/07/1881

* a condamné la S.C.I. VITICOLE LAGREZETTE, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Christian A... la somme de 750 € au titre de l'article 472 du CPP

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

S.C.I. VITICOLE LAGREZETTE, le 31 Mars 2008 contre Madame C... Hélène

S.C.I. VITICOLE LAGREZETTE, le 31 Mars 2008 contre Monsieur A... Christian

Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Toulouse, Chambre des Appels Correctionnels, en date du 24 Juin 2008, ayant renvoyé l'affaire à l'audience du 09 Septembre 2008 à 14 heures, date à laquelle les parties présentes ou représentées devront comparaître sans nouvelle citation.

Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Toulouse, Chambre des Appels Correctionnels, en date du 09 Septembre 2008,ayant renvoyé l'affaire à l'audience du 07 Octobre 2008 à 14 heures, date à laquelle les parties présentes ou représentées devront comparaître sans nouvelle citation.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Octobre 2008, le Président a constaté l'absence des prévenus, régulièrement représentés ;

Maître DE CAUNES, avocat des prévenus, soulève des exceptions de nullité de procédure ; chaque partie ayant été entendue sur les exceptions soulevées, la Cour a joint l'incident au fond ;

Ont été entendus :

Monsieur LAPEYRE en son rapport ;

L'appelant a sommairement indiqué à la Cour les motifs de son appel ;

Maître GAYON, avocat de la partie civile, en ses conclusions oralement développées.

Monsieur SILVESTRE, Substitut Général, en ses réquisitions ;

Maître DE CAUNES, avocat de A... Christian et de C... Hélène Marie-Thérèse, en ses conclusions oralement développées et a eu la parole en dernier;

Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 18 NOVEMBRE 2008.

DÉCISION :

Dans le journal l'OPINION INDÉPENDANTE no 27662 du vendredi 9 mars 2007, le journaliste Christian A... a écrit un article en dernière page (page 24) intitulé "quelques bonnes raisons d'aller au J'GO..." qui est une critique gastronomique d'un restaurant situé Place Victor Hugo à Toulouse.

Lorsqu'il aborde la carte des vins, ce dernier a écrit :

"(...) La carte des vins, plantée elle aussi dans le sud-ouest, propose quelques flacons charmeurs comme, en Côtes du Marmandais, les très gourmandes cuvées Chante-Coucou et Clos Baquey d'Elian E... Ros ou les élégants cahors de Mathieu F... qui développe une certaine idée de cette appellation sinistrée à mille lieux des piquettes chimiques dont le domaine de Lagrézette est la caricature."

Aux motifs que la critique qui est faite du Château LAGREZETTE dans les termes ci-dessus évoqués est diffamatoire à l'égard de cette société au sens des dispositions des articles 23,39 et 32 de la loi du 23 juillet 1881, la SCEV LAGREZETTE a fait citer par acte d'huissier ci-après examinés Mme Hélène C..., directrice de la publication et M. Christian A..., journaliste, devant le Tribunal Correctionnel de Toulouse aux fins de :

Dire et juger qu'en qualifiant le vin produit par le SCEV LAGREZETTE de "piquette chimique dont cette société est la caricature", Mme Hélène C..., directrice de la publication et M. Christian A... journaliste se sont rendus coupables du délit de diffamation envers un particulier, en qualité d'auteur principal pour la première et en qualité de complice pour le second.

En conséquence,

Faire à leur rencontre application de la loi pénale.

Dire la SCEV LAGREZETTE recevable et bien fondée en sa constitution de partie civile.

Et sur les intérêts civils :

- condamner in solidum Mme Hélène C..., directrice de la publication, et M. Christian A..., journaliste, à payer à la SCEV LAGREZETTE la somme de 10 000 EUROS à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

- ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans trois journaux au choix de la SCEV LAGREZETTE et aux frais de la directrice de publication Mme Hélène C... ainsi que de M. Christian A..., journaliste, sans que le coût de chaque insertion ne dépasse la somme de 2 000 EUROS.

- les condamner in solidum à régler à la SCEV LAGREZETTE la somme de 3 000 EUROS au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

La dite Société considère en effet que :

- si le terme utilisé par le journaliste de "piquette" est évidemment très péjoratif, il ne permet pas à lui seul de porter atteinte à la considération de la SCEV LAGREZETTE;

- qu'en revanche, l'épithète "chimique" qui lui est accolé, non seulement renforce la portée dépréciative du substantif "piquette" mais surtout induit que lors du processus de fabrication du vin, il a été ajouté à celui-ci des compléments chimiques.

- qu'il en résulte que les deux mots incriminés, c'est-à-dire "piquette chimique" ne sont pas seulement une critique du produit mais aussi une imputation à l'encontre de la personne morale qui a fabriqué le produit c'est-à-dire de l'avoir fabriqué dans des conditions irrégulières et de nature à tromper le consommateur.

* * *

* *

Par jugement contradictoire en date du 26 mars 2008 le Tribunal Correctionnel a :

- prononcé la nullité de la citation du 8 juin 2007 à l'égard de Hélène C....

- constaté le non-enrôlement de la citation du 15 mai 2007 relative à Hélène C... et donc le fait que la juridiction n'est pas saisie à son égard.

- dit que la citation relative à Christian A... est régulière.

- relaxé Christian A...

- condamné la Société Civile d'Exploitation Viticole LAGREZETTE, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Christian G... la somme de 750 EUROS sur le fondement de l'article 472 du Code de Procédure Pénale.

Par acte en date du 26 mars 2008, la SCEV LAGREZETTE a régulièrement interjeté appel du jugement et repris, sur l'action civile, par voie de conclusions postérieures ses demandes faites devant les premiers juges.

Mme C..., M. A... et la SCEV LAGREZETTE ont également repris les exceptions et moyens de nullité développés devant le Tribunal,- leur examen ayant été joint au fond-, et ont conclu au fond à la confirmation du jugement entrepris, en conséquence à l'irrecevabilité de l'action, portant leur demande faites au titre de l'article 472 du Code de Procédure Pénale à la somme de 5 000 EUROS.

- Position de Mme H... et M. A... :

Mme C... et M. A... ont conclu de la manière suivante :

I - SUR LA REGULARITE DES CITATIONS

1o) Citations délivrées à M. Christian A...

a) - La partie civile a fait délivrer une première citation le 15 mai 2007, à une adresse qui n'est pas la sienne.

Cette citation a été remise par l'huissier au siège de l'Opinion Indépendante, son employeur.

Il est constant qu'une citation qui n'est pas remise à personne, et qui est délivrée à une adresse qui n'est pas le domicile du prévenu, est atteinte de nullité.

b) - La partie civile a fait délivrer à M. A... une deuxième citation le 8 juin 2007.

En vertu de la règle "non bis in idem", comme le tribunal l'a relevé, il ne peut pas y avoir deux poursuites contre la même personne pour les mêmes faits.

Même si la précédente citation, en date du 15 mai 2007, est atteinte de nullité, cette nullité ne peut résulter que d'une décision juridictionnelle, et au moment de la délivrance de la citation du 8 juin, il faisait déjà l'objet d'une poursuite en vertu de la citation du 15 mai.

Ainsi la citation du 8 juin 2007 doit être déclarée nulle.

c) - M. A... a ensuite reçu une nouvelle citation en date du 25 juillet 2007.

La partie civile expose dans cette citation qu'ayant été assigné par acte du 8 juin 2007, M. Christian A... "n'était ni présent, ni représenté", à l'audience du Tribunal Correctionnel de Toulouse du 2 juillet 2007 à laquelle a été fixée la consignation mise à sa charge.

Mais si on reporte au jugement du Tribunal Correctionnel de Toulouse du 2 juillet 2007, on constate que M. A... y était représenté régulièrement par son conseil.

Le jugement est qualifié lui-même de "contradictoire".

Le renvoi est ordonné contradictoirement à l'audience du 1er octobre 2007 pour que soit notamment vérifié à cette date le versement de la consignation.

Ainsi la citation du 25 juillet 2007 engage une nouvelle, et troisième action pénale, contre M. Christian A....

Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, cette citation doit être déclarée nulle.

2o - Citations délivrées à Mme Hélène C...

Comme le Tribunal l'a relevé, Mme C... a fait l'objet de deux citations, l'une en date du 15 mai 2007, l'autre en date du 8 juin 2007.

A la suite de la délivrance de la citation du 15 mai 2007, elle a procédé à une offre de preuve en date du 25 mai 2007, dans les formes et délais prévus par les articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881.

Or cette citation, qui mettait en mouvement l'action publique, n'a pas été enrôlée.

Devant la Cour, la SCEV LAGREZETTE prétend justifier de l'enrôlement par la reproduction dans ses conclusions d'un cachet du Parquet de Toulouse en date du 25 mai 2007.

Mais la justification de la remise de la citation au greffe, remise qui seule saisit le Tribunal, ne peut résulter que de la présence de l'original de cette citation dans le dossier.

Ainsi, c'est par une mention qui fait foi jusqu'à inscription de faux que la juridiction de première instance a constaté ne pas être en possession de l'original de la citation du 15 mai 2007.

D'ailleurs le jugement fixant consignation du 2 juillet 2007, puis le jugement du 1er octobre 2007, et celui du 26 décembre 2007 n'ont jamais fait mention que de la citation délivrée le 8 juin 2007, sans que cela ne suscite la moindre observation, ni la moindre démarche de la partie civile.

La Cour doit tenir, par conséquent pour acquis le fait que la citation mettant en mouvement l'action publique, délivrée à Mme Hélène C... le 15 mai 2007, n'a pas été enrôlée, et n'a donc pas saisi utilement le Tribunal et constater ensuite comme le Tribunal, que pour autant cette citation avait mis en mouvement l'action publique il n'était pas possible à la partie civile de mettre en mouvement une deuxième fois cette même action publique comme elle a tenté de le faire par une citation du 8 juin 2007.

Cette dernière citation doit par conséquent déclarée nulle.

3o) - Nullité des citations pour imprécision

La citation introductive d'instance doit répondre aux exigences de l'article 53 de la loi sur la presse, c'est-à-dire préciser et qualifier le fait incriminé, dans des conditions qui fixent définitivement l'objet de la poursuite, et qui mettent le prévenu en situation de connaître les faits dont il aura exclusivement à répondre.

En page 3 de la citation, la partie civile cite les propos qu'elle entend poursuivre mais en page 6, elle demande au Tribunal de dire et de juger que la diffamation est constituée par la publication des propos suivants différents des premiers : "piquette chimique dont cette société est la caricature".

Il y aurait ainsi, selon eux, une double distorsion sur l'objet de la poursuite en diffamation, de telle sorte que les prévenus ne savent pas s'ils doivent répondre des mentions reproduites en page 3 de la citation, et notamment de la formule "une certaine idée de cette appellation sinistrée", incertitude qui contrevient aux exigences de l'article 53.

Ensuite la partie civile poursuit en page 6 une phrase ("piquette chimique dont cette société est la caricature") différente de la phrase citée en page 3, et notamment du morceau de phrase "des piquettes chimiques dont le domaine de Lagrézette est la caricature".

Il y a ainsi une différence entre le texte annoncé comme poursuivi en page 3, et celui annoncé comme poursuivi, en page 6, dans la partie de la citation par laquelle il est demandé au Tribunal de constater et de punir l'infraction.

Mme C... et M. A... considèrent ainsi qu'il sont mis dans l'impossibilité de savoir s'ils doivent se défendre d'avoir commis une diffamation au moyen des propos initialement reproduits, ou des propos reproduits dans le dispositif de la citation, et s'ils doivent soulever à l'égard de ceux-ci le moyen tiré de leur dénaturation par rapport au texte qu'ils ont publié.

4) - Nullité de la citation pour visa d'une sanction pénale non prévue par la loi

En fin de page 3 de la citation, la partie civile indique ceci :

"L'article 32 alinéa 1er de la même loi prévoit que la diffamation commise envers les particuliers par l'un des moyens énoncés à l'article 23 est puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 80 000 Francs ou de l'une de ces deux peines seulement".

La mention d'une peine d'amende en francs, monnaie n'ayant pas de cours légal, et la référence à une peine d'emprisonnement inexistante ne correspondent pas à la rédaction de l'article 32 alinéa 1o de la loi du 29 juillet 1881, visé dans la citation, tel que ce texte est applicable au jour de l'infraction poursuivie.

Or la poursuite est définitivement fixée par la citation, y compris en ce qui concerne la référence au texte édictant la peine.

Le juge n'a par conséquent pas la possibilité de substituer à l'énoncé du texte qualifiant et réprimant l'infraction, tel qu'il figure dans la citation, le contenu réellement applicable au jour de l'infraction de ce texte.

II - IRRECEVABILITÉ DES CITATIONS

La partie civile a fait délivrer le 15 mai 2007 à Mme Hélène C... ès-qualités et à M. Christian A... une citation à comparaître devant le Tribunal Correctionnel de Toulouse pour l'audience du 2 juillet 2007 à 14 heures.

Par acte du 25 mai 2007 Mme Hélène C... ès-qualités a notifié à domicile élu, dans le délai de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1981, et par application de l'article 35 de la même loi, une offre de preuve.

Par acte du 8 juin 2007, la même partie civile a cité les mêmes prévenus devant la même juridiction pour la même infraction.

Or, par application de la règle non bis in idem, il n'est pas possible d'engager une nouvelle action.

L'action engagée par l'acte du 15 mai 2007 rend par conséquent irrecevable l'action engagée par l'acte du 8 juin.

Par ailleurs la citation délivrée le 15 mai 2007 a ouvert au bénéfice des prévenus le délai de l'offre de preuve prévu par les articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881.

La possibilité et le délai offerts par ces articles ont été mis en oeuvre par une notification d'offre de preuve en date du 25 mai 2007.

La nouvelle citation délivrée le 8 juin 2007 ne peut pas faire échec à l'exercice par les prévenus de leur droit de rapporter la preuve des faits diffamatoires tel qu'ils en ont usé.

Les citations du 8 juin 2007 doivent être déclarées, en tout état de cause, irrecevables.

III - DÉSISTEMENT DE LA PARTIE CIVILE

Enfin la nouvelle délivrance de citations le 8 juin 2007 et le 25 juillet 2007 ne "pourrait" s'analyser que comme matérialisant le désistement de la part de la partie civile, de ses actions en justice antérieurement engagées.

IV - SUR LE FOND

1o) Dénaturation des propos poursuivis

Mme C... et M. A... considèrent que la partie civile poursuit des propos qui n'ont pas été publiés, en l'espèce : "piquette chimique dont cette société est la caricature".

Selon eux, l'article publié dans le journal L'OPINION INDÉPENDANTE le 9 mars 2007 contient une phrase différente, ainsi libellée "... à mille lieux des piquettes chimiques dont le domaine de Lagrézette est la caricature".

2o) Absence de diffamation

a) Impossibilité d'une diffamation contre un produit

La diffamation telle qu'elle est prévue par l'article 29 alinéa 1 de la loi sur la presse concerne l'atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou d'un corps, mais ne concerne en aucune façon ni les produits, ni les services.

En l'espèce les propos incriminés concernent un produit, en l'espèce un cru viticole désigné sous l'appellation "domaine de Lagrézette".

Seul le produit est visé, et aucune référence n'est faite à une personne physique ou morale qui pourrait en être soit le producteur, soit le représentant, soit le négociant, soit le détaillant.

Mme C... et M. A... invoquent enfin de manière successive :

- l'absence d'identification de la partie civile, à supposer le délit constitué ;

- l'absence d'imputation d'un fait précis susceptible d'un débat contradictoire;

- la vérité des faits, le vin étant par nature le résultat d'un processus chimique;

- la bonne foi et l'exercice de la liberté d'expression.

- Demandes de la SCEV LAGREZETTE :

L'appelante demande à la Cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 19 mars 2008 sauf en ce qu'il a dit que les citations introductives du 15 mai 2007 concernant Mme C... et celle du 8 juin 2007 concernant M. Christian A... étaient régulières en la forme, n'étaient pas imprécises et que le visa du texte répressif était dénué d'ambiguïté.

- dire que la citation du 15 mai 2007 concernant Mme Hélène C... a été régulièrement placée au Tribunal.

- subsidiairement, dire que la citation du 8 juin 2007 concernant Mme C... est régulière en la forme et a régulièrement saisi le tribunal.

- dire et juger qu'en qualifiant le vin produit par la SCEV LAGREZETTE de "piquette chimique dont cette société est la caricature", Mme Hélène C... directrice de la publication et M. Christian A... journaliste se sont rendus coupables du délit de diffamation envers un particulier, en qualité d'auteur pour la première et en qualité de complice pour le second.

- la déclarer recevable et bien fondée en sa constitution de partie civile.

- Condamner in solidum Mme Hélène C..., directrice de la publication, et M. Christian A..., journaliste, à lui payer la somme de 10 000 EUROS à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

- Ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans trois journaux au choix de la SCEV LAGREZETTE et aux frais de la directrice de publication Mme Hélène C... ainsi que de M. Christian A..., journaliste.

- Les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 EUROS au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel :

le ministère public n'a pas relevé appel de la décision ; la relaxe est donc définitive, la décision des premiers juges ayant acquis force de chose jugée au regard de l'action publique.

La Cour est cependant tenue d'apprécier les faits, de qualifier et de condamner, s'il y a lieu, les prévenus aux mesures de réparation civile prévues par la loi au profit de la victime.

Sur les exceptions et moyens de nullité invoqués :

--- sur les citations :

Deux citations ont été délivrées les 15 et le 16 mai 2007 ; l'une a été délivrée à l'homonyme de M. Christian A... et apparaît évidemment inopérante pour erreur involontaire sur la personne du destinataire.

Celle concernant Mme Hélène C... a été régulièrement délivrée à sa personne et placée au greffe comme l'atteste le cachet figurant sur la première page de l'original.

Quant à la citation du 8 juin 2007 à l'encontre de M. A..., celle-ci a été délivrée à son adresse, et ce faisant l'huissier a, de manière mécanique, délivré une seconde assignation à la même date à Mme Hélène C..., dans la mesure où dans la première page de l'exploit d'huissier figuraient les noms des deux destinataires, alors que le nom de cette dernière n'avait plus de raison d'être maintenu.

La règle "non bis in idem" ne peut s'appliquer antérieurement au prononcé d'un jugement, une deuxième citation aux mêmes fins ne pouvant que renforcer ou régulariser la première citation délivrée. En conséquence, la citation délivrée à Mme C... le 15 mai 2007 a été placée et le Tribunal a été régulièrement saisi, celle délivrée le 16 mai à l'homonyme de Gauthier est évidemment inopérante et celle qui lui a été délivrée le 8 juin 2007 apparaît régulière.

Celle délivrée à Mme C... le 8 juin 2007 est évidemment superfétatoire, mais cependant correcte.

Les exceptions et moyens de nullité invoqués par les intimés sur les citations délivrées doivent en conséquence être rejetés et le jugement déféré réformé sur ce point.

Par ailleurs, l'articulation des citations n'apparaît pas imprécise et le visa du texte répressif est dénué d'ambiguïté ; les personnes citées avaient parfaitement saisi les faits à l'origine des poursuites, l'offre de preuve notifiée par Mme Hélène C... le 25 mai 2007 ne faisant que le confirmer et le visa d'un texte répressif modifié, mais non totalement erroné, important peu en l'espèce en présence d'articles visant l'infraction.

Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des moyens de nullité de procédure allégué doit être rejeté, ainsi que l'irrecevabilité prétendue des citations et, le prétendu désistement d'action.

--- sur le fond :

Selon la partie civile, il apparaît qu'à la lecture de l'article de M. A..., il serait évident que le texte incriminé ne constituerait pas seulement la critique d'un produit, mais caractériserait une atteinte à la considération de la personne morale, parfaitement identifiable en l'espèce, et laquelle fabrique ce produit ; que si le journaliste voulait parler du vin de la SCEV LAGREZETTE, il pouvait les qualifier de "piquette", voire de "picrate", ce qui constituerait un dénigrement du produit, mais qu'il les a qualifiés de "piquette chimique", ce qui ne peut se comprendre, pour le consommateur moyen, que comme un vin trafiqué dans lequel on rajoute des additifs non conformes à la réglementation et/ou à la déontologie professionnelle.

Elle considère en d'autres termes que dire d'un vin qu'il est une piquette est une critique du produit, mais que dire qu'il est une piquette chimique met en cause la personnalité du fabricant ; que qualifier un vin de picrate est un dénigrement fautif, mais que y ajouter le qualificatif chimique est ipso facto diffamatoire à l'égard du producteur.

Cependant, la diffamation telle que prévue par l'article 29 alinéa un de la loi sur la presse concerne l'atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou d'un corps, mais ne concerne en aucune façon les produits ou les services.

En l'espèce, les propos incriminés concernent un produit, à savoir un cru viticole désigné sous l'appellation "domaine de Lagrézette" ; seul le produit apparaît visé, aucune référence n'est faite à une personne physique ou morale qui pourrait être soit le producteur, soit le représentant, soit le négociant, soit le détaillant.

Par ailleurs, l'appellation "Domaine de Lagrézette" est d'ordre générique, et ne paraît pas s'appliquer de manière spécifique à un vin produit de manière exclusive par un éleveur identifié ou identifiable et il n'existe dans les propos publiés aucune mise en cause d'une personne morale ou physique, de manière directe ou non, de telle sorte que le délit de diffamation n'apparaît pas constitué, comme l'a justement admis le Tribunal dont la décision doit être confirmée en ce qu'il a considéré qu'évoquer une piquette chimique et une caricature procédait d'une critique gastronomique libre qui ne saurait tomber sous le coup de la loi.

Il y a eu en conséquence, sans examen des autres moyens développés au fond, de débouter la partie civile de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Il convient de condamner la société civile d'exploitation viticole Lagrézette à payer à Mme Hélène C... et à M. Christian A..., à chacun d'entre eux, la somme de 750 EUROS en application des dispositions de l'article 472 du Code de Procédure Pénale.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- déclare l'appel de la SCEV LAGREZETTE, limité à l'action civile, recevable ;

- rejette les exceptions et moyens de nullité invoqués par Mme Hélène C... et M. Christian A... et déclare, en conséquence, régulières les citations délivrées à leur encontre ;

- constate que les propos incriminés ne constituaient pas le délit de diffamation et déboute en conséquence la partie civile de son appel ;

- la condamne à payer à Mme Hélène C... et M. Christian A..., à chacun d'entre eux, la somme de 750 EUROS en application des dispositions de l'article 472 du Code de Procédure Pénale.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par Monsieur LAMANT, Conseiller qui en a donné lecture pour le Président empêché et le Greffier.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPECHE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0028
Numéro d'arrêt : 1037
Date de la décision : 18/11/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Toulouse, 26 mars 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-11-18;1037 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award