24 / 10 / 2008
ARRÊT No
No RG : 07 / 02274
CP / HH
Décision déférée du 15 Mars 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-06 / 01047
Alain FONVIEILLE
Viviane X...
C /
Liliane Y...
CGEA
REFORMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2- Chambre sociale
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ARRÊT DU VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE HUIT
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APPELANT (S)
Madame Viviane X...
...
31500 TOULOUSE
représentée par Me Anne LEPARGNEUR, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME (S)
Maître Liliane Y... mandataire liquidateur de IMPRIMERIE X...
...
BP 28027
31080 TOULOUSE CEDEX 6
représenté par Me Jean-François LAFFONT, avocat au barreau de TOULOUSE
CGEA
72 rue Riquet
BP 846
31015 TOULOUSE CEDEX 6
représentée par Me Jean-François LAFFONT, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
P. de CHARETTE, président
C. PESSO, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
-signé par P. de CHARETTE, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
Engagée le 11 avril 1994 en qualité d'agent technique du service des achats au coefficient G3A, statut agent de maîtrise, par la société IMPRIMERIE X... dirigée par son frère, Mme Viviane X... a été licenciée pour motif économique le 22 février 2006 par Maître Y..., mandataire judiciaire, désignée comme liquidateur de la société dont la procédure collective a été ouverte le 5 avril 2005.
La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 28 avril 2006 afin d'obtenir la qualification de cadre ou assimilé, un complément d'indemnité compensatrice de préavis, son adhésion à la convention de préretraite-licenciement et des dommages-intérêts pour exécution du contrat de travail de mauvaise foi par l'employeur.
Le conseil l'a déboutée de toutes ses demandes par un jugement en date du 15 mars 2007 dont elle a relevé appel par déclaration au greffe en date du 18 avril 2007, moins d'un mois après la notification par lettre recommandée reçue le 26 mars 2007.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme X..., par conclusions remises au secrétariat le 25 février 2006 et reprises oralement à l'audience, demande à la cour de :
- ordonner sa requalification au coefficient hiérarchique cadre niveau 2 ou pour le moins ETAM groupe 3B,
- condamner la société IMPRIMERIE X... à lui payer 4 690, 16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 469, 01 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, 10 000 € en réparation de son préjudice moral résultant des conditions abusives de l'exécution du contrat de travail et du harcèlement moral en vertu des articles 1134 et 1382 du code civil, 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la remise des documents sociaux rectifiés ainsi que son adhésion à une convention de préretraite-licenciement.
Elle fait valoir qu'elle remplissait les fonctions de responsable des achats, avec une totale autonomie, outre d'autres missions, comme le contentieux, qui dépassaient celles d'agent de maîtrise pour lesquelles elle avait été engagée, de sorte que, conformément aux critères de la convention collective nationale, elle avait droit au statut de cadre ou à tout le moins à celui d'ETAM 3B assimilé cadre, ce qu'elle a réclamé à plusieurs reprises à son frère, en vain. Elle soutient qu'en conséquence, elle aurait dû bénéficier d'un préavis supplémentaire de 2 mois, si bien qu'elle aurait été âgée de 56 ans lors du licenciement et aurait donc pû bénéficier, à titre dérogatoire en raison de la liquidation judiciaire de l'entreprise, d'une convention de préretraite-licenciement par suite de l'application de l'article 4 bis de la convention collective nationale de retraite du 14 mars 1947. Elle prétend enfin que l'employeur a exécuté le contrat de travail de manière abusive, son frère refusant volontairement de lui reconnaître un statut qu'elle réclamait depuis l'origine, la dévalorisant de manière permanente, humiliante et vexatoire, ce qui a généré des épisodes dépressifs.
Maître Y..., en sa qualité de liquidateur de la société IMPRIMERIE X..., sollicite le débouté de toutes les prétentions de Mme X... par des conclusions remises au greffe le 4 septembre 2008 et reprises oralement.
Elle réplique aux moyens de l'appelante que celle-ci, qui ne prouve pas avoir réclamé une requalification avant son licenciement, fait preuve d'opportunisme, qu'elle n'avait aucun rôle d'encadrement, n'ayant ni subordonné ni service à gérer, qu'elle s'occupait des achats sous la hiérarchie de son frère, PDG de la société, ce qui n'exigeait aucune compétence particulière, enfin qu'elle est défaillante dans la preuve de la mauvaise foi de l'employeur.
Le CGEA de Toulouse, par conclusions du 4 septembre 2008 confirmées oralement, rappelle les conditions et limites de sa garantie, demande le débouté de Mme X... de ses prétentions et subsidiairement sa mise hors de cause pour les dommages-intérêts réclamés sur le fondement d'articles du code civil, ce qui exclut toute nature salariale, et pour la somme sollicitée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La qualification professionnelle se détermine par référence au contrat de travail, à la convention collective applicable et aux fonctions réellement exercées.
Le contrat de travail de Mme X... stipule qu'elle est engagée en qualité d'agent technique du service des achats sans mention plus précise du contenu de ses fonctions.
La salariée établit, par plusieurs attestations précises et concordantes émanant d'employés et de fournisseurs de la société IMPRIMERIE X... ainsi que par des documents comptables, qu'elle était en réalité responsable de tous les achats de l'entreprise, ce que l'employeur admet, qu'elle était l'unique interlocutrice des fournisseurs, qu'elle négociait les prix et engageait la société, laquelle employait plus de 11 salariés et effectuait des achats annuels pour un montant de l'ordre d'un million d'euros, ce qui révèle un niveau de responsabilité et d'autonomie élevés. Elle justifie également qu'étant titulaire d'une licence en droit, elle assurait le suivi des dossiers contentieux, notamment ceux confiés à l'avocat de l'entreprise qui en témoigne.
La convention collective nationale des imprimeries de labeur et industries graphiques détermine la classification des emplois, dans le cadre d'un accord du 19 janvier 1993, selon plusieurs critères-connaissance générale, intiative, technicité, responsabilité et par analogie à des emplois repères.
Il ressort de l'examen des tableaux de classification que Mme X..., qui ne justifie pas avoir encadré du personnel ou géré un service, n'occupait pas un poste de cadre, mais exerçait des fonctions correspondant à l'emploi de « responsable des achats », classé par analogie au niveau 3B.
Sa demande de classification à ce niveau sera donc accueillie.
Il résulte des dispositions de la convention collective nationale de retraite du 14 mars 1947 et de l'annexe I bis de la convention collective nationale de l'imprimerie, que sont assimilés cadres les salariés relevant de l'article 4bis de la convention de 1947, notamment certains agents de maîtrise, tels les responsables des achats.
L'article 508 de la convention collective nationale des imprimeries de labeur et des industries graphiques fixe le délai de préavis, pour les cadres et assimilés, à deux mois jusqu'à deux ans de présence, plus un quart de mois par année supplémentaire de fonctions de cadre ou de maîtrise, avec un maximum de quatre mois au total.
Mme X... aurait donc dû bénéficier d'un délai-congé de 4 mois au lieu de 2 mois, de sorte qu'elle a droit à un complément d'indemnité de 4 690, 16 € bruts augmenté de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents, soit 469, 01 €.
En revanche, elle ne justifie pas qu'elle remplissait toutes les conditions pour adhérer à une convention d'allocations spéciales du FNE conclue par la société IMPRIMERIE X..., notamment la condition d'âge minimum (qui est de 57 ans, l'âge de 56 ans, qu'elle aurait atteint avant la fin du préavis de 4 mois, n'étant pris en considération qu'à titre dérogatoire dans des circonstances exceptionnelles).
Il y a lieu en conséquence de débouter Mme X... de sa demande ayant pour objet de faire ordonner son adhésion à une convention de préretraite-licenciement par la société IMPRIMERIE X....
Maître Y..., en sa qualité de mandataire liquidateur, devra remettre à la salariée un bulletin de salaire conforme à la présente décision relatif au complément de préavis ainsi que les documents de fin de contrat rectifiés.
Mme X... justifie avoir réclamé sa reclassification comme cadre ou assimilé cadre, notamment par l'intermédiaire d'un avocat puis par la saisine de la commission paritaire instituée par la convention collective nationale, à partir de juin 2004.
Si elle n'établit pas que le refus opposé par la société IMPRIMERIE X... en la personne de son frère, a été volontairement vexatoire et humiliant de manière à constituer un harcèlement moral, il est certain que la carence de l'employeur de reconnaître à la salariée un statut auquel elle avait droit depuis de nombreuses années, ce qui l'a privée de certains avantages, (notamment pour la prévoyance ou la préretraite) lui a nécessairement causé un préjudice qui sera réparé à hauteur de 5 000 €.
En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes sera réformé, sauf en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande relative à la convention de préretraite.
La société IMPRIMERIE X... sera condamnée aux entiers dépens et au paiement de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La garantie de l'AGS s'exerce à l'égard des créances de dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice né avant l'ouverture de la procédure collective de l'employeur et causé par l'inexécution de la part de ce dernier d'obligations découlant du contrat de travail.
Le CGEA de Toulouse doit donc garantir le paiement des sommes attribuées à Mme X..., à l'exception de celle relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réforme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande relative à la convention de préretraite,
Statuant à nouveau sur les chefs réformés,
Dit que Mme X... devait être classée au sein de la société IMPRIMERIE X... au niveau ETAM groupe 3B assimilé cadre,
Fixe les créances de Mme X... à l'encontre de la procédure collective de la société IMPRIMERIE X... de la manière suivante :
-4 690, 16 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis complémentaire,
-469, 01 € bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
-5 000 € à titre de dommages-intérêts.
Ordonne à Maître Y..., en qualité de liquidateur de la société IMPRIMERIE X..., de remettre à Mme X... un bulletin de salaire pour le préavis préavis, l'attestation destinée à l'ASSEDIC et le certificat de travail rectifiés conformément à la présente décision,
Condamne Maître Y..., es qualité, à payer à Mme X... 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que l'AGS doit garantir le paiement des créances de Mme X..., dans les conditions et limites prévues par les articles L 143-11-1 (devenus les articles L3253-6 et suivants) du code du travail, à l'exception de celle accordée par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Maître Y..., es qualité, à supporter les entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par M. P. de CHARETTE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.
Le greffierLe président
Dominique FOLTYN-NIDECKERPatrice de CHARETTE