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22/10/2008 | FRANCE | N°654

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0313, 22 octobre 2008, 654


22/10/2008

ARRÊT No

No RG : 07/03889

CP/MB

Décision déférée du 21 Juin 2007 - Conseil de Prud'hommes de CASTRES - 06/00076

L. LALANDE

S.A.S. GOMA CAMPS FRANCE

C/

Sébastien X...

CONFIRMATION PARTIELLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE HUIT

***

APPELANTE

S.A.S. GOMA CAMPS FRANCE

58 chemin Saint Hippolyte

8110

0 CASTRES

représentée par Me Dominique CARAYON, avocat au barreau de CASTRES

INTIMÉ

Monsieur Sébastien X...

...

81100 CASTRES

représenté par Me Dominique BESSE, avocat au barreau...

22/10/2008

ARRÊT No

No RG : 07/03889

CP/MB

Décision déférée du 21 Juin 2007 - Conseil de Prud'hommes de CASTRES - 06/00076

L. LALANDE

S.A.S. GOMA CAMPS FRANCE

C/

Sébastien X...

CONFIRMATION PARTIELLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MILLE HUIT

***

APPELANTE

S.A.S. GOMA CAMPS FRANCE

58 chemin Saint Hippolyte

81100 CASTRES

représentée par Me Dominique CARAYON, avocat au barreau de CASTRES

INTIMÉ

Monsieur Sébastien X...

...

81100 CASTRES

représenté par Me Dominique BESSE, avocat au barreau de CASTRES

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de:

B. BRUNET, président

C. PESSO, conseiller

C. CHASSAGNE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : P. MARENGO

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE

Engagé par la société GOMA CAMPS FRANCE le 21 novembre 2000 en qualité de magasinier, M. X... occupait le poste de chef d'équipe lorsque, dans le cadre d'un licenciement économique collectif, le 17 octobre 2005, son contrat de travail a été rompu après son adhésion à la convention de reclassement personnalisé.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de CASTRES, lequel, par jugement en date du 21 juin 2007, a :

- dit que, malgré son adhésion à la convention de reclassement personnalisé, le salarié conservait son droit de contester la légitimité de la cause économique et l'exécution des obligations de l'employeur préalables à la rupture du contrat,

- dit que la rupture du contrat de travail de M. X... est dénuée de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société GOMA CAMPS FRANCE à lui payer :

* 11 400€ à titre de dommages-intérêts,

* 3 521,72€ et 352,17€ à titre de rappel de salaire et de congés payés pour discrimination ainsi que 2 500€ à titre de dommages-intérêts de ce chef,

* 100€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée envoyée au greffe le 23 juillet 2007, la société GOMA CAMPS FRANCE a relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 26 juin 2007, son recours étant limité au licenciement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Reprenant à l'audience ses conclusions en réplique parvenues au greffe le 29 août 2008, auxquelles il convient de se référer, la société GOMA CAMPS FRANCE demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de M. X... dénué de cause réelle et sérieuse, débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts, le condamner au paiement de 1€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient à l'appui de ces conclusions que :

- la rupture du contrat de travail de M. X... est intervenue d'un commun accord,

- les difficultés économiques de l'entreprise sont réelles tant au niveau de la société française, dont la production a dû être arrêtée, que du groupe, qui exerce une seule activité et n'est donc pas sectorisé,

- des offres de reclassement, qui avaient été au préalable présentées aux délégués du personnel, ont été proposées au salarié dans le cadre d'un entretien individuel au cours duquel lui ont été remises les offres écrites de postes disponibles dans la société mère, en Espagne, seule entreprise ayant des postes à pourvoir, mais il n'y a pas donné suite.

Confirmant oralement les conclusions envoyées au greffe le 13 mai 2008, M. X..., formant appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a requalifié la rupture de son contrat de travail en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, d'augmenter le montant des dommages-intérêts à 18 000€, de condamner la société GOMA CAMPS FRANCE au paiement de cette somme, de 150€ à titre de dommages-intérêts pour appel dilatoire et de 4 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :

- son action est recevable, le salarié ne pouvant être privé du droit de vérifier la cause économique et l'exécution des obligations, notamment celle de reclassement, mises à la charge de l'employeur, dans le cadre de la rupture du contrat de travail consécutive à une convention de reclassement personnalisé,

- les difficultés économiques et la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe auquel la société GOMA CAMPS FRANCE appartient et du secteur dont elle relève, qui n'est d'ailleurs pas déterminé, ne sont ni explicitées dans la lettre de licenciement ni justifiées,

- l'employeur n'apporte pas la preuve qu'il lui a remis une offre de reclassement individuelle, écrite et précise,

- compte tenu du rappel de salaire accordé par le conseil de prud'hommes, sa rémunération moyenne mensuelle s'élevait à 2 179€, de sorte que le minimum de dommages-intérêts auxquels il a droit est supérieur à la somme allouée par les premiers juges.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé par application de l'article L321-4-2 du code du travail (devenu l'articleL1233-65) entraîne la rupture du contrat de travail, qui est réputée intervenir d'un commun accord, mais ne le prive pas de la possibilité de contester les raisons économiques et l'impossibilité de reclassement invoquées par l'employeur pour engager la procédure de rupture.

En l'espèce, la société GOMA CAMPS FRANCE a, par courrier du 17 octobre 2005, pris acte de l'acceptation par M. X... de la convention de reclassement personnalisé proposée dans le cadre de la procédure de licenciement engagée pour les raisons suivantes :

« Notre société s'est fortement développée au cours de ces dernières années. Comme pour beaucoup de PME, ce fort développement s'est traduit par des difficultés, qui nous ont amené à afficher des pertes significatives sur les trois derniers exercices.

Au cours de ces années, nous avons réalisé de nombreuses actions qui ne nous ont pas permis de retrouver une rentabilité suffisante en 2004 et malgré tous ces efforts, notre situation s'est encore dégradée, le chiffre d'affaires a poursuivi sa baisse et la rentabilité de notre activité ne s'est pas améliorée.

Nonobstant un soutien économique et financier de notre actionnaire unique, cette situation économique catastrophique ne peut perdurer. Les résultats de Goma-Camps France impactant de manière significative les résultats consolidés du groupe.

La concurrence féroce que nous trouvons actuellement sur le marché FRANÇAIS, qui nous amènent à pratiquer des prix de vente particulièrement agressifs, et les difficultés de productivité rencontrées en France, nous amènent à repenser le développement de notre entreprise et à prendre des décisions indispensables à la sauvegarde de notre compétitivité et à la survie de l'entreprise et du groupe.

Nous avons donc décidé d'arrêter totalement la production sur le site de Castres et de réadapter notre effectif administratif, logistique et commercial à cette situation. Cette réorganisation nous impose une réduction durable de nos effectifs. Nous avons donc décidé de procéder à un licenciement économique de 14 personnes sur le site de Castres, 12 personnes dans la catégorie professionnelle production, de 1 personne dans la catégorie professionnelle ouvrier et employé logistique et de 1 personne dans la catégorie professionnelle agent de maîtrise, ouvrier et employé administratif et commercial.

Ces motifs nous ont conduit à supprimer votre poste.

Nous vous avons proposé des mutations sur les différents sites du groupe en Espagne, auxquelles vous n'avez pas donné suite. Comme nous vous l'indiquions lors des réunions successives des délégués du personnel, aucune autre solution de reclassement n'a pu être trouvée.»

La société GOMA CAMPS FRANCE fait partie d'un groupe dont la société mère, la société GOD MARE XXI située en Espagne et les filiales situées dans ce pays et au Portugal relèvent d'un secteur d'activité unique, la transformation de la ouate de cellulose pour la fabrication de papier-tissu (papier hygiénique, papier ménage, serviettes en papier...).

Elle établit que les difficultés économiques graves et durables qu'elle connaissait en 2005, qui se traduisaient par des résultats nets en déficit croissant depuis 2002, s'élevant à 1 031 118€ fin 2003, à 1 463 093€ fin 2004 et à 641 040€ fin juin 2005, qui ont nécessité des apports importants de trésorerie de la part de la société GOD MARE XXI pendant plusieurs années, ont eu un impact sur la situation du groupe GOMA CAMPS tout entier puisque les bilans consolidés de ce dernier présentent des résultats nets négatifs à hauteur 910 298€ fin 2004 et 1 054 137€ fin 2005.

Cette situation justifiait que le groupe GOMA CAMPS prenne des mesures de restructuration de la société déficitaire, telle l'arrêt de la production de l'établissement situé à Castres, afin de sauvegarder la compétitivité de l'ensemble du groupe et d'assurer sa pérennité.

Les raisons économiques du licenciement collectif mis en oeuvre par la société GOMA CAMPS FRANCE, concernant M. X... dont le poste de chef d'équipe était supprimé, sont donc caractérisées.

Cependant, l'employeur n'apporte pas la preuve qu'il a réalisé tous les efforts nécessaires pour reclasser M. X... dans le groupe auquel il appartient.

Certes, la société GOMA CAMPS FRANCE établit qu'elle a demandé aux autres sociétés du groupe si elles disposaient de possibilités de reclassement et a obtenu une réponse positive de la société GOMA CAMPS ESPAGNE, disposant de trois postes de «conducteur machine serviettes» à VALLS. Il est constant que lors de la réunion des délégués du personnel du 9 septembre 2005, le directeur général de l'entreprise a informé ces derniers de cette offre de reclassement et de son souhait de rencontrer individuellement, de manière informelle et non obligatoire, les salariés concernés par le projet de licenciement, notamment pour détailler les solutions de reclassement.

Or, l'employeur ne démontre pas que M. X... a effectivement participé à une rencontre avec le directeur de la société GOMA CAMPS FRANCE et a été destinataire, de manière individuelle, des offres écrites et précises de reclassement faites par la société espagnole. Ces faits ne sauraient résulter de la présence, parmi les pièces communiquées par le conseil de M. X..., du courrier de la société espagnole à la société française, dès lors que cette pièce a été adressée par l'employeur au conseil de prud'hommes qui l'a transmise au salarié avant toute communication de pièces par ce dernier.

En outre, l'information des délégués du personnel, dont M. X... ne faisait pas partie, ne peut pallier le défaut de proposition individualisée.

Ainsi, en l'absence de preuve d'une offre précise, concrète et personnalisée faite au salarié par l'employeur, celui-ci n'a pas respecté l'obligation individualisée de reclassement qui pèse sur lui, de sorte que la rupture du contrat de travail de M. X... s'analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, environ 5 ans, de son salaire mensuel qui a été fixé par le conseil de prud'hommes à hauteur de celui de M. A..., soit 2 179€ brut, et de l'absence d'éléments sur sa situation ultérieure, il y a lieu d'évaluer les dommages-intérêts consécutifs à la rupture du contrat de travail à la somme de 15 000€.

La société GOMA CAMPS FRANCE devra supporter, outre cette somme, les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre celle déjà allouée au salarié par les premiers juges.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts supplémentaire présentée par le salarié qui ne prouve pas en quoi l'employeur a commis un abus en formant recours contre le jugement du conseil de prud'hommes.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a fixé à 11 400€ les dommages-intérêts dus à M. X... au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société GOMA CAMPS FRANCE à payer à M. X... :

- 15 000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de la rupture du contrat de travail constituant un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne la société GOMA CAMPS FRANCE aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.

Le greffier, Le président,

P. MARENGO B. BRUNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0313
Numéro d'arrêt : 654
Date de la décision : 22/10/2008

Références :

ARRET du 10 mars 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 mars 2010, 08-45.510, Inédit

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Castres, 21 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-10-22;654 ?
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